Blogs » Morefreedom » 

Après la fête, une addition salée 



Hola à tous,
Rongé par l’inquiétude, le moral à zéro je me décide à écrire ce billet de blog. Je ne vais sûrement pas raconter des histoires exceptionnelles. J’ai besoin d’écrire. Ça ne va pas. La vie est grise. Je suis endetté jusqu’au cou. Et niveau santé je n’entends plus rien, mes accidents passés et mes chutes sur la tête à plusieurs reprises ont fait baisser mon audition. Je suis déjà totalement sourd d’une oreille à la base depuis enfant mais là c’est mon oreille qui fonctionnait qui a pris cher. Très cher. Je suis musicien. Je ne peux plus pratiquer la musique comme je le faisais. Cette perte d’audition est un enfer.
J’ai donc eu des accidents, pris des crédits consommation à la banque, j’ai fait la fête pendant des années vivant au dessus de mes moyens.
Cette chère cocaïne m’a donné des illusions. J’ai dépensé des milliers d’euros pour en avoir, des milliers d’euros avec des « amis », contents d’avoir un pote si généreux. Des milliers d’euros pour me réconforter pendant mes descentes en restos, bonne bouffe, bon vin…
Avant mes consommations problématiques j’avais déjà des soucis pour gérer mon argent mais avec la coke, les sorties, l’alcool, les joints… c’est devenu la ruine.
Et donc on accumule les dettes, on est seul. Les problèmes de santé empêchent de bosser, le salaire baisse. On continue un peu à faire l’autruche et boum… les huissiers pointent le bout de leur nez, doucement mais sûrement. On doit 4000 euros de loyers. Faut rembourser ses crédits, payer ses factures. Et ça coince de plus en plus… très mauvaise période.
La question de continuer ou non ses consommations ne se pose pas. C’est pas possible, Y’a plus d’argent pour manger. Mais alors comment j’en suis arrivé là?
Je pense à ma responsabilité. J’ai eu des choix, je n’ai pas fait les bons. Je prends l’ascenseur social dans le mauvais sens, je le sentais et pourtant j’ai continué la descente. Mon psychiatre m’avait fait comprendre que « je vivais mes rêves grâce à la cocaïne ». Ou plus précisément que la substance me donnait l’illusion de vivre mes rêves.
J’avais lu un témoignage d’une personne qui disait voir le monde comme s’il était sur du papier glace quand il prenait de la cocaïne. J’ai vraiment cette sensation. Voir le monde comme une vitrine, et me promener à l’intérieur, pouvant me servir dedans et me faire plaisir. Un sentiment de contrôle, de confiance qui est éphémère. Il faut accepter le côté éphémère de la cocaïne, les effets durent pas longtemps. J’ai pas accepté j’ai tout le temps voulu prolonger.
J’ai pas compris le principe… je ne suis pas au dessus des lois, abuser d’une substance pour « s’évader » sans prendre en compte son gros potentiel peut avoir des conséquences négatives. Les accidents que j’ai eu étaient sous coke et alcool pour l’un, sous alcool pour l’autre et j’ai pas été prudent. On prend confiance sous alcool, sous coke… on pense pas qu’on peut se faire mal, très mal. Alors après plus de 25 ans de consommations variés, 6-7 ans de coke à bloc et l’alcool qui est devenu problématique au fil du temps c’est le moment de changer de cap. Ça va être long. Je vais en baver et devoir payer mes dettes.
La honte d’être ruiné. La peur que ma famille l’apprenne. Les addictions qui sont là et qui ne m’apportent plus de côté positif. C’est difficile. J’ai envie de vivre mais tellement peur. Tellement plus confiance. Bordel se retrouver à 46ans seul face à une situation merdique. Je viens de commencer un suivi social, j’ai repris un suivi addictilogique et je résiste à mes cravings depuis quelques jours. Pas le choix. Mais le sentiment de solitude est immense, les cicatrices du passé ont du mal à rester fermées et je souffre. Patience. Dignité. Courage. Pour des années.
Amicalement,
Morefreedom

Catégorie : Tranche de vie - 08 avril 2024 à  01:13

#cocaïne #deprime



Commentaires
#1 Posté par : DopeIsBeautiful 08 avril 2024 à  08:08
Super bien ecrit. Difficile situation. Merci pour le partage et plein de courage pour la reconstruction. Pas vraiment de conseils a donner, mais la meditation est reconnue comme ayant un impact modulateur positif sur le systeme de recompense. Et c'est gratuit. Un moment ou tu apprends a ne plus rien etre pendant un certain temps: plus d'etiquettes, plus de dettes, plus rien, juste observer ce qui se deplie (emotions, souvenirs, pensees, rien que des mirages qui vont et viennent) au rythme de ton souffle. C'est tres liberateur. Force et honneur.

 
#2 Posté par : Nils1984 08 avril 2024 à  10:29
Ciao :)

Yes, texte prenant qui ne peut qu’interagir avec mon propre vécu... il parait qu'on récolte ce que l'on sème (dixit Lou Reed), mais moi je dis qu'on peut semer ce qu'on a récolté, c'est à dire tout l’apprentissage occasionné par des galères monstres, des chutes et rechutes, du noir, de la lumière puis encore du noir, ou de l'endurcissement réalisé. Les premiers mois que j'ai passé à la rue (j'ai été SDF durant 4 ans) je pensais que jamais je ne pourrais me sortir de cette fosse de désespoir. Et il n'y a rien à espérer ni du désespoir ni de la mélancolie (que je méprise). La vie ce n'est pas l'enfer de Dante, on est et on restera libre de faire et de refaire des choix. Mais j'sais qu'il y a des erreurs qui ne pardonnent pas. C'est tout le sort de notre condition humaine : quand on est dans la merde jusqu'au cou, le futur, l'avenir n'existe plus. On reste bras ballants face à la réalité abjecte, face à l'eau qui coule sous les ponts, et on tente de nous ressourcer par des foutues catharsis.

Catharsis...


Ce qui m'amène à penser ceci - en lien avec le commentaire de DopeIsBeautiful -:
Le pouvoir de la méditation n'agit que sur certaines personnes bien disposées, pareille pour la sophrologie, ou cette connerie new-New-Age de naturopathie, ou encore tout ce bullshitisme de développement personnel... se bâtir soi-même comme on bâtit un temple, devenir l'auto-entrepreneur de "son moi", se "reconstruire" malgré les irréversibles dégâts etc... je n'y crois pas/plus une seule seconde, et c'est pas faute d'avoir essayé des dizaines et des dizaines de fois... je ne cherche pas à noircir encore un peu + le tableau (Punk un jour, Punk toujours) mais j'suis désolé de le dire aussi sèchement : pour certains la roue ne tourne pas. La prise de drogues est en soi une automédication si on sait la jouer fine, avec rigueur et prudence, en réduisant les risques au maximum... savoir faire des pauses, sortir de sa bulle protectrice, sa zone de confort, pour se prendre en pleine gueule le mur du réel, mais c'est à ces moments là qu'arrive, que découle, un max de sensations perdues, et un amour pour "tout ce qui est", cet amour qu'on croyait dispersé/détruit à jamais... je ne citerais pas Gramsci comme le font la plupart de ses récupérateurs, mais c'est par l'épreuve du feu qu'on sort vainqueur des forêts de la douleur. Cette douleur qu'il faut pister comme un chasseur. Lutter, lutter sans relâche, encore et toujours. "l'espoir est toujours synonyme de souffrance" dixit Siddhartha. 
MoreFreedom (excellent pseudo par ailleurs) C'est assez étrange, mais la seule conviction que j'ai est que tu vas t'en sortir. Pesteux avait raison quand il m'a dit que même si je n'ai plus la force de continuer, je vais continuer quand même, que je le veuille ou non. Ouais je vais continuer à flirter avec les dunes poussiéreuses de cet énième désert traversé : j'ai passé le mois de mars enfermé en moi-même, dans un nauséabond corps-geôlier, une vraie prison cérébrale, une oubliette à la rate (sevrage hardcore de valium) mais ça a fini par passer. Tu vas t'en sortir camarade... et ne crains pas de finir à la rue, la peur d'avoir mal est parfois pire que le mal lui-même. Si tu as la chance d'avoir des proches sur qui compter, sur qui tu peux apaiser ton torrent intérieur, alors garde les auprès de toi le plus longtemps possible. Tu vas te sortir de ce bagne, j'en suis certain.

Non la fête n'est pas finie. En réalité, elle n'a même peut-être pas encore vraiment commencée :)

" Nous avons eu d'avantage de soirées de défaites que de matins triomphants. Mais nous en avons fini avec le Jugement dernier de sinistre mémoire. Et à force de patience, nous avons gagné le droit précieux de recommencer "

FORCE @ toi

Amicalement drinks

(sorry pour ce pavé ^^)
Reputation de ce commentaire
 
Wow!!! Quel superbe message. Époustouflant. Nineta

 
#3 Posté par : Morefreedom 10 avril 2024 à  00:26

DopeIsBeautiful a écrit

Super bien ecrit. Difficile situation. Merci pour le partage et plein de courage pour la reconstruction. Pas vraiment de conseils a donner, mais la meditation est reconnue comme ayant un impact modulateur positif sur le systeme de recompense. Et c'est gratuit. Un moment ou tu apprends a ne plus rien etre pendant un certain temps: plus d'etiquettes, plus de dettes, plus rien, juste observer ce qui se deplie (emotions, souvenirs, pensees, rien que des mirages qui vont et viennent) au rythme de ton souffle. C'est tres liberateur. Force et honneur.

Merci :)
En effet la méditation est un de mes outils. Je pourrais la pratiquer avec plus de régularité mais je l’utilise assez souvent. Respiration, concentration sur l’instant présent… C’est insuffisant… cela m’aide mais les soucis bien ancrés dans mon quotidien prennent le dessus. C’est justement l’objet de mon inquiétude. Jusqu’à il y a peu, les moments de méditation, de contemplation de la nature, ma pratique musicale m’aidaient considérablement et j’arrivais à faire face. Je me trouve face à une énorme pente à gravir, le corps affaibli par des excès qui se sont accumulés. Je pense marcher sur un fil, à la manière d’un funambule. Je garde l’équilibre mais la corde s’affine au fur et à mesure de ma progression. Faire de cette corde un solide pont sur lequel traverser les épreuves de la vie… Voilà ce qu’il me reste à faire je pense. Le plus dur. C’est comme ça.
Psychoactif m’accompagne et les témoignages que je lis me font relativiser. Très bel espace de libre expression, qui aide considérablement quand on on est en recherche d’équilibre…
Merci encore pour ta réaction,
Morefreedom


 
#4 Posté par : Morefreedom 10 avril 2024 à  00:42

Nils1984 a écrit

Ciao :)

Yes, texte prenant qui ne peut qu’interagir avec mon propre vécu... il parait qu'on récolte ce que l'on sème (dixit Lou Reed), mais moi je dis qu'on peut semer ce qu'on a récolté, c'est à dire tout l’apprentissage occasionné par des galères monstres, des chutes et rechutes, du noir, de la lumière puis encore du noir, ou de l'endurcissement réalisé. Les premiers mois que j'ai passé à la rue (j'ai été SDF durant 4 ans) je pensais que jamais je ne pourrais me sortir de cette fosse de désespoir. Et il n'y a rien à espérer ni du désespoir ni de la mélancolie (que je méprise). La vie ce n'est pas l'enfer de Dante, on est et on restera libre de faire et de refaire des choix. Mais j'sais qu'il y a des erreurs qui ne pardonnent pas. C'est tout le sort de notre condition humaine : quand on est dans la merde jusqu'au cou, le futur, l'avenir n'existe plus. On reste bras ballants face à la réalité abjecte, face à l'eau qui coule sous les ponts, et on tente de nous ressourcer par des foutues catharsis.

Catharsis...


Ce qui m'amène à penser ceci - en lien avec le commentaire de DopeIsBeautiful -:
Le pouvoir de la méditation n'agit que sur certaines personnes bien disposées, pareille pour la sophrologie, ou cette connerie new-New-Age de naturopathie, ou encore tout ce bullshitisme de développement personnel... se bâtir soi-même comme on bâtit un temple, devenir l'auto-entrepreneur de "son moi", se "reconstruire" malgré les irréversibles dégâts etc... je n'y crois pas/plus une seule seconde, et c'est pas faute d'avoir essayé des dizaines et des dizaines de fois... je ne cherche pas à noircir encore un peu + le tableau (Punk un jour, Punk toujours) mais j'suis désolé de le dire aussi sèchement : pour certains la roue ne tourne pas. La prise de drogues est en soi une automédication si on sait la jouer fine, avec rigueur et prudence, en réduisant les risques au maximum... savoir faire des pauses, sortir de sa bulle protectrice, sa zone de confort, pour se prendre en pleine gueule le mur du réel, mais c'est à ces moments là qu'arrive, que découle, un max de sensations perdues, et un amour pour "tout ce qui est", cet amour qu'on croyait dispersé/détruit à jamais... je ne citerais pas Gramsci comme le font la plupart de ses récupérateurs, mais c'est par l'épreuve du feu qu'on sort vainqueur des forêts de la douleur. Cette douleur qu'il faut pister comme un chasseur. Lutter, lutter sans relâche, encore et toujours. "l'espoir est toujours synonyme de souffrance" dixit Siddhartha. 
MoreFreedom (excellent pseudo par ailleurs) C'est assez étrange, mais la seule conviction que j'ai est que tu vas t'en sortir. Pesteux avait raison quand il m'a dit que même si je n'ai plus la force de continuer, je vais continuer quand même, que je le veuille ou non. Ouais je vais continuer à flirter avec les dunes poussiéreuses de cet énième désert traversé : j'ai passé le mois de mars enfermé en moi-même, dans un nauséabond corps-geôlier, une vraie prison cérébrale, une oubliette à la rate (sevrage hardcore de valium) mais ça a fini par passer. Tu vas t'en sortir camarade... et ne crains pas de finir à la rue, la peur d'avoir mal est parfois pire que le mal lui-même. Si tu as la chance d'avoir des proches sur qui compter, sur qui tu peux apaiser ton torrent intérieur, alors garde les auprès de toi le plus longtemps possible. Tu vas te sortir de ce bagne, j'en suis certain.

Non la fête n'est pas finie. En réalité, elle n'a même peut-être pas encore vraiment commencée :)

" Nous avons eu d'avantage de soirées de défaites que de matins triomphants. Mais nous en avons fini avec le Jugement dernier de sinistre mémoire. Et à force de patience, nous avons gagné le droit précieux de recommencer "

FORCE @ toi

Amicalement drinks

(sorry pour ce pavé ^^)

Hola smile
Wow merci pour ta réaction pleine de sincérité et ton point de vue tranché qui, je trouve, est carrément vrai. Oui la méditation et le travail sur soi ont des limites je suis carrément d’accord. Quand on galère ça prend aux tripes, c’est plutôt un truc d’affamé je trouve. On comprend la fragilité de sa situation, on se retrouve à devoir manger avec 5 euros par jour grand maximum et oui bordel méditer reste très insuffisant.
On peut s’en sortir, j’en suis persuadé et comme ça a été si joliment dit la « fête n’est pas finie, elle n’est peut être même pas encore commencée ». Merci pour ce message plein de bon sens !
Morefreedom


 
#5 Posté par : DopeIsBeautiful 10 avril 2024 à  07:31
Meditation ca veut tout et rien dire, peut etre il faut que je definisse ce que j'entendais par la. Pour moi c'est des multiples retraites de 10 jours a 10h par jours, et en rentrant dans la vie normale, 1 a 2h quotidien. Et la pratique te supporte alors, mais il faut lui sacrifier du temps, de l'energie et de l'effort avant d'avoir les fruits concrets qui peuvent lutter contre une addiction par exemple. Mais effectivement ce n'est pas la solution a tous les maux et ca a ses limites. Et dans une addiction active, avec des consos toujours presentes, la pratique prend pas vraiment de l'ampleur.

 
#6 Posté par : Nils1984 10 avril 2024 à  08:43
Ciao !! merci-1

Oui après réflexion j'pense que j'ai un biais cognitif vis-à-vis de la méditation, qui dans mes représentations mentales, se présente comme une personne pratiquant du yoga, en position précise, ou dans le pire des cas priant Shiva (avec l'encens et tout le tralala  big_smile ^^) etc... mais vous avez raison, la méditation est loin d'être uniquement cela. Étrange comme cette époque a usurpée les mots et les a rendus galvaudés - voir obsolètes - et j'en suis précisément le premier dupé. Enfin je dis "époque" mais je suis à peu près certain qu'il en a toujours été ainsi. C'est la dialectique immortelle (voir éternelle ?) ^^
Assis confortablement adossé à un arbre dans une forêt, essayant simplement de faire le vide et de tenter d'être en osmose avec les secondes qui passent, se focaliser par la partie frontale de son cerveau sur un petit détail risible, pour tenter d'apaiser cérébralement tout ce qui nous malmène, c'est peut-être aussi cela la méditation. J'ai récemment lu Alan W. Watts (le bouddhisme zen), et j'ai en particulier retenu cette bribe de texte :

L’Éveil c’est connaitre ce que la réalité n’est pas.
C’est cesser de s’identifier soi-même avec un objet de connaissance quelconque. De même que toute hypothèse concernant la substance ou l’énergie fondamentale de la réalité est sans signification, toute assertion sur ce que je suis au fin fond de mon être est également le summum de la déraison.


Et question déraison j'ai beaucoup donné (^^)

La seule chose là tout d'suite - à l'instant même où mes doigts s'agitent sur mon clavier - qui me vient en tête est que donner de la force aux autres donne en soi-même une force identique, c'est comme cela que je fonctionne, je ne saurais jamais faire autrement. J'ai parlé de "catharsis" et je sais que cette notion est une constante bien réelle, elle parvient comme tu le dis MoreFreedom à relativiser sa propre situation. Mais jamais, au grand dieu jamais, je me réjouis de la douleur éprouvée par autrui : je ne saurais être libre et "bien" que si tous mes congénères le sont et/ou le seront. C'est comme cela qu'on construit une cathédrale d'empathie (qui n'est pas à confondre avec la sympathie, je pense...). Le meilleur dans cette vie c'est de gouter le bonheur d'autrui. Nan nan l'enfer c'est pas les autres, jamais je n'abdiquerais face à cette assertion. Ce que j'aime chez les autres, au contraire, c'est leur espérance.

En attendant de vous lire et vous relire, je vous souhaite chers camarades une bonne et fraiche journée (qu'un sang jeune et nouveau circule librement dans nos veines) big_smile

Fraternellement vape


Remonter

Pied de page des forums