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Carnet de bord - Traitement psycho-stimulant 



Hello !
Pour poser un peu de contexte, je suis une femme de 22 ans, depuis petite on disait que je parlais trop vite, que j'étais une pile électrique, que je courais partout, que j'avais du mal à m'organiser, que je partais dans tous les sens, que je coupais la parole aux gens sans faire exprès parfois...etc. Des détails qui paraissaient anodins à vue d'oeil mais qui tous entassés les uns avec les autres devenaient handicapants. Je me suis toujours demandé "mais qu'est-ce qui cloche chez moi" en remarquant que mes camarades de classe pour la plupart n'avaient pas ce genre de difficultés, ou du moins une ou deux, mais pas TOUT d'un coup. Depuis un an ou deux, avec ma famille, en nous renseignant, nous avions des doutes sur un potentiel TDAH (Trouble Déficitaire de l'Attention avec Hyperactivité) chez moi. Bilan des courses je suis venue sans grandes convictions et ressortie avec un papier disant que j'étais autiste, dyspraxique et TDAH. Pour le TDAH la neuro et le psychiatre étaient sur le cul que personne n'ait rien relevé plus tôt dans ma vie tellement il semblait flagrant. Je me suis sentie soulagée d'avoir été diagnostiquée, mais ensuite...Ce n'était que le début de longues galères pour accéder à un potentiel traitement psycho-stimulant. (Je ne dis pas que c'est INDISPENSABLE avec un TDAH, mais ça peut aider, c'est propre à chacun et depuis que j'ai commencé mon parcours de diagnostic, je souhaitais réellement essayer sur moi mais en passant par le parcours médical malgré ses embuches)

Erreurs administratives, psychiatres refusant de prescrire la molécule ou aussi un psychiatre archaïque et misogyne, erreurs médicales, trouver un bon psychiatre, qu'il m'accepte, qu'il libère des places, que je le voie, obtenir un rdv avec un cardiologue, faire pipi dans un gobelet pour attester que je ne prends pas de drogues et une p'tite prise de sang à jeun, au bout de 10 mois depuis le diagnostic : ça y est, j'ai réussi à obtenir le graal. Je me suis fait prescrire du méthylphénidate.
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J-1
Ca y est. Je l'ai entre mes mains. L'ordonnance de mon traitement psycho-stimulant. J'en ai presque pleuré : c'est la conclusion de plus de vingt ans à galérer dans la vie, c'est la conclusion de huit longues années d'errance médicale à savoir qu'un truc cloche chez moi mais ne pas savoir quoi, ni ce que je peux faire pour y pallier. Je ne dis pas que ce médicament est une solution miracle, j'ai suffisamment lu et entendu de témoignages pour qui soit le méthylphénidate a sauvé la vie, soit a été un cauchemar. J'appréhende un peu, mais je sais à quoi m'attendre. Les gens autour de moi pensent que je prends ça à la légère mais je connais tous les effets secondaires, je connais les aspects positifs et les négatifs, il ne manque plus qu'à voir ce que cela donne sur moi. J'appréhende un peu car j'ai peur que cela me change trop, me dénature, la femme pleine d'énergie que je suis et qui fait rire mes amis, je ne veux pas cesser de l'être, j'avoue c'est ma principale crainte. De plus j'ai un passif avec l'anorexie mentale, bien qu'aujourd'hui tout aille mieux, je me sors d'une "rechute", mais c'est surtout mes parents qui angoissaient pour ça et qui m'ont transmis leur angoisse à ce sujet. Après tout si on constate trop d'effets négatifs, on peut toujours tester la version d'un autre labo, un autre type de libération ou même tout arrêter, alors ça ne coûte rien d'essayer.
Mon psychiatre m'a exposé les pour et contre de chaque "sorte" de méthylphénidate (selon les différents labo, ce qui peut être prescrit, ce qui est le plus souvent en rupture de stock, etc.) Il m'a proposé le Medikinet qu'il trouve adapté pour moi, je commence demain avec 5mg par jour, libération modifiée. On teste ça pendant deux semaines et ensuite on ajuste. Je l'ai trouvé très professionnel, il m'a tout expliqué en détail, bref il a fait son travail en soi, mais il l'a bien fait.
A la pharmacie, sortant mon ordonnance sécurisée, le préparateur de commandes a cligné des yeux et s'est retrouvé comme bloqué devant le papier que je lui présentais. Il a chuchoté comme si les services secrets nous observaient et m'a demandé : "Première fois ?" J'ai acquiescé. Il m'a redit un à un les possibles effets secondaires, puis il a grimacé en m'expliquant qu'ils étaient sûrement en rupture de stock et que c'est courant avec ces médicaments. Sa collègue passant à côté nous dit qu'il y a peut-être une toute dernière plaquette en réserve et bingo, elle est donc à moi. Ils ont devant moi compté le nombre de gélules dont j'avais précisément besoin, ils ont insisté sur le fait que la distribution de ce médicament était hautement surveillée, puis m'ont discrètement glissé la plaquette dans une poche en papier, pour encore plus de discrétion.
Curieux que les pharmaciens hurlent quand on va acheter de la crème pour une mycose ou des laxatifs mais quand il s'agit de psycho-stimulant, d'un coup ça chuchote comme pour garder un secret d'état. Sur le trajet du retour, je jubile, demain je commence mon traitement et je vais en faire un journal de bord.


Jour 1 :
J'ai pris ma gélule de 5mg vers 8 heures du matin. Rien à signaler de particulier au début, hormis un mal de ventre monstre vers 11h30 et un peu de tachycardie, mais je m'y attendais, c'était les clauses du contrat. La tachycardie s'est progressivement atténuée sur la journée, de même pour les maux de ventre et nausées. Vers 12h30, je me suis sentie plus posée, et mieux concentrée sur ce que je faisais d'un coup, je me sentais "moins speed" et je prenais mieux le temps de faire chaque étape au lieu de tout faire dans un ordre aléatoire. C'était discret mais je sentais les effets, ça n'a pas l'air de me dénaturer non plus, ce qui était ma grande crainte, mais juste de m'aider un peu dans les tâches du quotidien à tout faire jusqu'au bout sans tout laisser en plan pour commencer autre chose vite à tout prix. En m'allongeant dans la journée, j'ai senti comme lors d'anciens trips sous speed de légères "fourmis" dans le cerveau du côté gauche, mais c'est plus subtil, c'est plus léger, ça me chatouille légèrement en quelque sorte sans non plus être une "giga défonce". J'ai réussi à faire du ménage, et cerise sur le gâteau, je me suis calmement installée sur mon bureau pour travailler. C'était inoui. D'habitude je travaille à même mon lit ou au sol, je ne fais que bouger, gigoter, changer de place et je me fais mal au dos, je n'arrive pas à me mettre à travailler sur mon bureau, mais là j'étais assise à peu près normalement sur ma chaise et j'arrivais à écrire sans partir dans tous les sens. Je relève aussi une perte de la sensation de faim, mais je maîtrise en repérant d'autres symptômes qui me signalent que j'ai faim : fatigue, difficulté de concentration malgré le medikinet, irritabilité. Et bizarrement, hop une fois une petit truc mangé, tout allait mieux et je repartais comme sur des roulettes. Le premier jour de traitement je n'ai pas fait de "vrai" repas, mais plusieurs collations ici et là quand j'en ressentais le besoin, c'était compliqué autrement avec les nausées qui revenaient par moments, mais j'ai réussi à m'alimenter malgré tout. Je note que j'ai sur cette journée moins eu le besoin de gigoter, marcher à tout prix, faire du sport, etc. J'ai réussi à lâcher prise et mieux prioriser mes tâches aussi. Je me suis sentie lucide et mieux concentrée. Ma libido qui revenait tout juste à la normale récemment est en train de monter en flèche aussi et je le sens. Maintenant plus qu'à voir ce que cela donne les prochains jours ou ce qu'en disent mes proches de leur point de vue...


Jour 2 :
Je repère le "pic de productivité" de milieu/fin de de matinée que me procure la molécule et j'aime bien.
Je repère mieux quand j'ai faim et j'arrive à refaire mes repas. La libido est toujours très forte, je ressens physiquement des bouffées de chaleur par moments aussi. Je me sens reposée et moins envahie par les quelques pensées parasites qu'il me restait de ma dernière rechute d'anorexie (je vais mieux depuis un mois seulement donc forcément c'était encore fragile, mais depuis le début du traitement, je suis plus apaisée quand je mange et je vis moins mal  l'imprévu sur un repas ou de manger avec d'autres personnes.). Je n'ai plus le besoin de marcher faire des milliers de pas par anxiété ou "besoin" de compenser une prise alimentaire, globalement, cette molécule déconseillée aux personnes souffrant d'anorexie (je le comprends dans le cas où le poids physique est trop faible, mais j'ai repris ce qu'il fallait et surtout ma dernière rechute n'a pas été assez longue heureusement) m'aide à régler les dernières fragilités qu'il me restait de l'anorexie, ça fait du bien. Comme quoi je n'ai plus à chercher la dopamine par la satisfaction de me priver ou des compulsions alimentaires, je me sens en paix avec mon corps.


Jour 5 :
Je n'ai pas pris de notes ces deux derniers jours, car rien de bien nouveau. Je n'avais pas eu à nouveau d'effets secondaires du style maux de ventre, mais aujourd'hui c'est un peu revenu accompagné de diarrhée (à l'heure de mon pic de productivité, tiens, c'était pratique), on m'avait prévenu que cela pouvait survenir et c'était un effet secondaire auquel je pouvais potentiellement m'attendre à avoir, mais bon ça s'est vite arrêté et globalement pour l'instant en cinq jours, je tire + de négatif que de positif de ce traitement. Ce n'est pas un miracle non plus, je continue d'être un peu désorganisée, mais je me suis rendue compte que je n'oubliais plus de trucs depuis le début du traitement au méthylphénidate. Je suis du style à perdre mes clés, ma carte d'identité ou oublier un gilet dans le bus, mais là, ce n'est pas arrivé depuis cinq jours et c'est plutôt exceptionnel. Aussi, en étant moins "dans la lune", je trébuche moins dans la rue, alors que me casser la gueule au moins une fois par jour c'était le running gag préféré de mes amis. Mes parents que j'ai vus hier m'ont dit que je parlais moins vite que d'habitude, que j'expliquais les choses plus posément que d'habitude. Je continue de prendre des notes dans les jours à venir.

Update :

Jour 6 :
Rien de bien neuf, mais j’ai essayé de prendre ma gélule un peu plus tard, vers 9h30-10h. Le pic de productivité a été lui aussi décalé sans pour autant que je ne regarde l’horloge donc ce n’était pas « placebo » ce pic que je remarquais les jours précédents. Vers 12h30-13h, je l’ai senti. Avant ce pic où je sens les effets de la molécule et à partir duquel j’arrive un peu plus à me poser (que ce soit pour écrire, ranger, etc.). J’ai repéré qu’au début de l’arrivée des effets du méthylphénidate, mes yeux sont un peu plus clos comme si j’étais un peu plus détendue, comme les effets que j’avais en tirant quelques taffes sur les pétards de mes amis auparavant, mais en plus léger, encore une fois, donc rien d’handicapant, justement je me sens plus posée, mais je remarque cet effet que je n’avais pas noté mais que j’observe sur moi depuis le premier jour.

Ce que j’appelle le « pic de productivité » c’est une sorte d’hyperfocus, mais ça me permet de rendre ces moments d’hyperfocus du TDAH (moments où je peux être plongée des heures sur une activité à en oublier d’aller aux toilettes en gros) plus contrôlés, de mieux les maîtriser ou d’optimiser mes activités du jour de sorte à faire le plus important sur mon moment d’hyperfocus. De plus ça me permet d’en avoir de façon quotidienne. Bon, j’oublie toujours d’aller aux toilettes pendant l’hyperfocus, le méthylphénidate ne fait pas des miracles, mais j’arrive à avoir des hyperfocus + longs, plus réguliers et terminer les tâches que j’entame.

Hier j’avais noté que j’ai un comportement alimentaire moins impulsif et plus « normal » (plus besoin de restrictions ou de compulsions pour ma dopamine), mais il en va de même pour les achats compulsifs liés au TDAH. J’avais travaillé sur ce point ces dernières années, mais cela me demandait beaucoup d’énergie et d’organisation, de tout lister ce qui me faisait envie, de trier, de refaire les comptes, de revérifier, de me remuer les méninges pour m’assurer que ce ne soit pas un coup de tête, là, cela vient directement et j’ai moins besoin de faire usage de parades fatigantes pour palier aux achats compulsifs dûs au TDAH. De moi même je me dis « Non, ce n’est peut-être pas le moment d’acheter tout le matériel pour me mettre à faire les ongles, je peux patienter jusqu’au mois prochain » ou bien « Je dois d’abord utiliser les aliments de mon frigo/placard, je n’ai pas le besoin d’acheter de quoi faire un plat compliqué maintenant juste parce que j’ai vu la recette sur les réseaux la veille. »

Je ne culpabilise plus de ne « pas assez bouger » et je ne marche plus pour marcher. Le matin même, avant 10h, j’avais en tête de sortir marcher une heure, de faire une séance de fitness et bien d’autres trucs farfelus, mais j’ai fini par réussir à me poser et me concentrer sur de l’écriture. De plus, rationnellement, je savais que j’avais déjà entraînement de danse le soir même alors autant s’économiser que trop m’en demander.

Aujourd’hui, c’était un peu spécial, c’était la première fois que j’allais à un cours de danse depuis le début du traitement. Dans dix jours, mon groupe donne une représentation assez importante et je suis très anxieuse à ce sujet depuis quelques temps. Je ne me sens pas du tout à la hauteur, j’ai l’impression de tirer le groupe vers le bas, l’ami qui vient me chercher en voiture chaque semaine me retrouve les yeux gonflés au bord des larmes à la sortie du studio de danse. Enfin bref, j’espérais peut-être que le début du traitement me permettrait de mieux compter les temps, moins être envahie de pensées intrusives et que mon esprit ne parte pas ailleurs, au milieu de 3 minutes non-stop de chorégraphie, car avec le TDAH, je perds mes comptes, je m’emmêle les pinceaux, je pense d’un coup au repas du soir ou bien à ce que je vais faire le weekend qui arrive, bref mon esprit divague alors que je dois être concentrée et faire attention au moindre détail de la chorégraphie. Notre coach m’avait envoyé un message dans la semaine me demander pourquoi j’avais l’air perdue par moments ou me demander si j’avais bien appris mes temps et mes mouvements, car elle sait que je suis studieuse, mais ne comprenait pas des moments où je semblais perdue. Je lui ai expliqué pour mon TDAH, mais pour l’instant je ne lui ai PAS dit pour mon traitement, je me dis j’attends qu’on me dise s’il y a du changement ou non. BREF, c’était pour poser le contexte de mes attentes du méthylphénidate quant à la danse. C’est déjà miraculeux que j’ai tenu toute l’année depuis septembre sans traitement, mais pour ce gros projet de 3 minutes avec des formations millimétrées à la seconde près en partageant la scène avec 30 personnes, j’avoue que ce n’était pas de refus, j’en espérais beaucoup et ça me pesait lourd de me dire que je pouvais « tout gâcher » à la moindre erreur d’inattention à cause de mon trouble.

Résultat après l'entraînement :
Il me semble avoir été moins perdue dans mes pensées et moins perturbée globalement. La coach m’a dit que je n’avais plus aucun retard dans mes comptes, c’était miraculeux pour moi. Je connais bien mes comptes, mais très sûrement que mon cerveau était juste perdu à la moindre distraction ou pensée intrusive qui me gagnait. Aussi je « supporte » mieux que d'habitude l’horaire tardif de l’entraînement, il m’a semblé, niveau énergie et faim. Et je me suis rendue compte que globalement depuis le début du traitement je suis moins rigide sur mes horaires de repas ou moins K.O./irritable/anxieuse si pour X raison sociale je dois manger un peu plus tard. Moins d'angoisse et de stress aussi.

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Je continue la suite plus tard en modifications ou commentaires...

Catégorie : Carnet de bord - 23 mai 2024 à  00:32

#ritaline #psychostimulant #TDAH

Reputation de ce commentaire
 
Merci du TR (Prescripteur)
 
Retour très intéressant, très bien expliqué
 
Merci pour ton récit! J’attends la suite



Commentaires
#1 Posté par : Jail25 23 mai 2024 à  09:48
Ça donne vraiment de l'espoir ce genre de de récit d'expérience ;
Je suis personnellement stable depuis plusieurs années mais je suis sûr que si je l'avais lu avant ça m'aurait pousser en avant.
Comme tu l'a dit rien de miraculeux mais de bons points positifs à noter
        et je suis confiant pour la suite,
tu t'investis dans ton suivi et ce n'est que le début.

Merci pour ce billet ^^

 
#2 Posté par : aidee 24 mai 2024 à  15:41
Tout d'abord, merci pour ton retour et les champi de tout le monde ! smile

Et j'update avec le jour 6 sur lequel j'ai beaucoup à dire wink

 
#3 Posté par : C.S. 25 mai 2024 à  14:10
Coucou ! big_smilesmak

 
#4 Posté par : DVA5-2Tls 28 mai 2024 à  12:57
Lis de la poésie contemporaine.
Ça te fera entre autres, oublier les médecins trop doctorants.
  Bises,
    David

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