Dernièrement, j'hésitais à publier.
Marre de graver dans les octets mes angoisses et prises de tête.
Soyons joyeux et irrévérencieux dans ce monde qui nous plombe, un éclat de rire vous enterrera !
Ce n'est pas le zen ultime, la sérénité et l'optimisme, mais, au petit déj, j'ai trouvé l'occasion d'écrire un post qui s'éloigne du mal-être sourd [*]...
Hier matin, je plonge ma main dans la poche de mon sweat, en cherchant d'attraper vite un mouchoir pour couper la fuite de mon nez. Les doigts remplis de morve liquide et gluante, je ne trouve pas la cellulose chiffonnée dans les miettes de
tabac qui surfent dans mon pull. Un truc un peu plus dur, également froissé, surprend mes mains. Je le sort dubitative.
Qu'est-ce que c'est ?
Madeleine de Proust en papier, petite paille blanche ! Découpée à la va vite dans je ne sais plus trop quel morceaux de document. J'oublie les gouttes qui tombent des narines, en les essuyant avec le revers de la manche, je déroule les restes de feuille dans l'espoir d'y voir quelques miettes marronâtres. Mais, il n'y a plus de petites
poussières, juste les pliures d'un origami cylindrique. Je ne suis même pas déçue, des images du week-end me bercent et me caressent.
Je ne me la joue pas psychonaute, ma première fois à l'
héro date d'il y a plusieurs années, je n'ai pas gardé un carnet précis en horaires et quantités, je n'ai pas suivi la
RdR jusqu'au bout, mais c'était tellement bon que ça me fait du bien me rappeler que ça existe. Les revers de la médaille, aussi, existent, mais les modos me pardonnerons, j'espère, si pour une fois, on insiste pas sur les merdes que ça entraîne la consommation d’héroïne.
Quand je fumais des
joints, en fin de carrière, je me démerdais toujours pour avoir du bon
shit. Des olives bien parfumées à la texture agréable, du pollen au senteurs florales, etc. Bref, j'étais étonnée quand, en galère, je me retrouvais à choper à la va vite un teuch paraffiné, dur et désagréable en gorge. Pour la
came, au contraire, je ne suis plus étonnée de trouver un produit moyen, aux effets incertains. Ni presque de pécho un truc nul, aux effets inexistants (oui, ça m'est arrivé au moins deux fois récemment). Donc, de tomber sur de la bonne
came, d'en ressentir les vrais effets que j'avais presque oubliés en leur courant après à chaque prise, ça me laisse abasourdie.
Je commençais presque à me dire que c'était ma tolérance qui était augmentée et m’empêchait de savourer les effets, non pas les meu qui étaient merdiques. Et bien, je crois qu'il n'y a pas besoin d'analyse pour comprendre que la faute va bien aux poudres à la composition douteuse.
Car cette fois, je n'ai pas eu de doute.
Le premier jour, il m'a fallu un moment pour comprendre. J'avais déjà pris une trace d'une
came moyenne, gobé une boulette d'op, fumé dans une clope les restes de meu, bref, je n'étais pas totalement lucide non plus.
Quand je l'ai sentie monter, j'étais en voiture, à quelques minutes du
sniff (ce n'était pas moi que je conduisais, heureusement). Je commence à m'enlever l'écharpe, la veste, le sweat, un douce chaleur me happe. Je descend de la voiture, j'ai l'impression de rester sur un bateau cotonneux, la lumière prend un filtre foncée et éclatant à la fois, les pupilles se rétrécissent, et les rayons lumineux percent les yeux tout en peignant une certaine vivacité d'ombre dans les couleurs.
J'ai envie de me laisser aller, de me faire bercer par un hamac qui flotte doucement au dessous de tout. Je me pose sur un canapé. J'observe les autres, je sais que je suis un peu grillée. Mais je ne m'inquiète pas plus que ça. Je m'affale en discutant, je suis la discussion en cédant à la pesanteur des paupières de temps en temps. J'ai un peu soif, la langue frôle les joues sèches, j'avale des petites gorgés en oubliant le verre sur la table basse.
On m'appelle, je sorts, j'ai une clope éteinte à la main, je la rallume, je parle tout en aidant à ranger, je sens la salive monter à l'improviste, une vague plus froide m'envahir. Je sais que l'éruption du geyser n'est pas loin, je m’éloigne rapidement dans un coin que mon insouciance me fait juger tranquille et, d'un jet, je dépose mon grignotage de l'aprèm sur l'herbe. Je ne sens presque plus l'acide en bouche, j'ai un coup d'euphorie, je rigole avec une pote de mon gerbi et je me motive à aller chercher de quoi nettoyer. Mes gestes manquent de précision, je suis brouillon.
Boostée une minute, je me sens terriblement bien, légère, je parle comme enveloppée dans une couette un matin neigeux.
Je me repose à nouveau dans le canapé comme dans une balancelle un soir d'été. Les grillons c'est les potes qui discutent et crient, les criquets c'est la musique qui rythme les enceintes.
Je n'ai pas faim, pas de petit creux, je me sens comblée.
Je me laisse porter par la douceur, j'ai des petits picotements de fourmillement dans les bras et les jambes.
Mes yeux se ferment en saccadé, je suis les vagues, je suis une vague.
J'interviens de temps en temps dans la conversation. On me demande, d'un air entendu, si je suis défoncée. Eh, bah, grillée quoi. Pas de culpabilité, je réponds en affirmant et je continue à profiter de mon état insouciant.
Puis, je ne sais pas comment, à un moment, le voile de langueur s'évanouit. La pesanteur légère qui me tenait ancrée aux coussins du canap' s'en va. En plus on a une mission, tatouages maison. Il faut préparer, stériliser, piquer.
L'aiguille ne fait pas mal en traversant la peau.
Mais, je sens que la défonce s'éloigne un peu, je reprends une bonne trace. Et puis encore une petite, plus tard.
Je ne me perds pas dans la description des heures qui s'écoulent sans creuser des sillons, je me retrouve à quatre heures du mat passées en train de dessiner de la musique, dans un autre canap', des mains qui s'effleurent autour d'un stylo et les yeux qui se ferment de plus en plus. Je parts me coucher, un seau à la main au cas où. Cette fois, je m'immerge vraiment dans la couette, les images se superposent, les rêves me réveillent en continuation. La lumière du lampadaire teinte d'un orange éclatant mes cils dans la nuit, des bribes de songes s'enchaînent.
Le lendemain, je dors tard mais pas trop. Je me sens encore un peu voilée par les sensations de la soirée. J'ai des trucs à faire dans l'aprèm, à un moment je sens que tout peut basculer, larmes et rages sur les starting blocks. Mais elles y restent, moteur éteint.
Je repars sous le soleil faible d'octobre, chauffée par les derniers UV et une liqueur chaude qui coule dans l’œsophage. Je bois, je discute, je me laisse importer, mais j’apprécie les nuances des rouges et jaunes des feuilles sur le goudron.
Je me dis « c'est bien que je n'ai pas retapé, aujourd'hui », sauf que quand j'en vois la possibilité, j'y saute à pieds
joints.
Et je n'ai pas regretté.
Je parts dans le
speed, je ressens une énergie fois mille, mais douce et diffuse.La tchatche et le répondant face à un inconnu qui conduit la voiture où je me trouve. Aucune inquiétude pour ses ratés sur la route. J’exécute les services qu'on me demande, faute de précision, avec beaucoup d'amour. Je sautille, je me sens détendue, mais au taquet et enthousiaste. Les difficultés de la vie ont cessé de me faire peur. On dirait, qu'il y en a plus.
J'avais rdv à dîner avec une pote très proche, qui a arrêté le sub depuis plus d'un an et la
came depuis plusieurs.
Je ne m'inquiète pas, normalement je suis stress qu'elle me grille. J'arrive comme une tornade dans son entrée, je parle et je m'excuse du retard. On fume des clopes, je bois un petit verre sans entrain. On se met à table.
Je n'ai absolument pas faim. L'odeur du plat titille les neurones sans que les papilles en soient touchées. Ça a l'air vachement bon, mais comme si c'était en photo, je n'ai aucune envie de m'y jeter dessous.
Elle rigole et finit par me demander si je suis bourrée, défoncée ou les deux. Je remplis mon qcm en cochant virtuellement la dernière case, elle comprend à mes yeux (et pas que) que j'ai pris de la
came. J'acquiesces sans m'effondrer dans la culpabilité et les inquiétudes pour elle. D'habitude, je me prends bien la tête au sujet, je me suis tapée des crises d'angoisse pour ça. Je vois même une petit grimace (de jalousie, d'envie ?) sur son visage, ça ne me plombe pas. J'arrive tranquillement à lui demander si ça lui pose problème, si ça va pour elle. Oui, ça va et bien plutôt. On discute sereinement. Je la regarde manger, je me sens soulagée et tranquille.
On finit encore sur le canap'. Je pique doucement du nez dans des élans de défonce, les membres fourmillent par pics de bonheur, je m'immerge dans les coussins, je laisse ponctuellement éteindre ma clope, apaisée, je ferme les paupières pour les protéger du jaune des lumières, je recherche des caresses, le contact doux avec une peau lisse. C'est tendre, je n'ai plus d'énergie, je me laisse bercer et envelopper.
Je rentre, je m'endors vite et le réveil sonne à sept heures du mat.
Je baille sonorement. Je prépare mon petit déj. Il fait froid, j'ai le nez qui coule.
Je je plonge ma main dans la poche de mon sweat à la recherche d'un mouchoir...
[*] Les avis divergent, il y en a qui pourraient trouver (très ?) glauque de prendre de la
came. Ce n'est pas mon état d'esprit et j'ai eu envie de partager ce moment de chaleur. J'en fais pas l'apologie, je raconte mes ressentis.
Vu de l’extérieur, on aurait juste pu décrire ça comme une meuf raide et fatiguée qui n'arrive pas à faire grand chose. Pas de quoi se réjouir, en effet, mais pour moi ça en a valu le coup.
Sauf que, dès la prochaine fois, ça va encore être la roulette russe, bientôt ça va me manquer, on achète pas si facilement son billet pour le bonheur...!