Chemin faisant
Myz marchait souvent contre le vent. Des larmes coulaient pour protéger ses yeux, ce qui troublait sa vue déjà bien pauvre. Ses oreilles lui faisaient mal. Le froid et le sifflement strident des rafales en étaient la cause. Mais pas aujourd'hui. Non, aujourd'hui il était le vent. Cela faisait assez longtemps qu'il marchait, et aujourd'hui la fatigue se fit sentir.
Myz marchait souvent contre le vent, et le reste du temps il se contentait de marcher. Ses pieds étaient devenus aussi durs que le sol qu'il foulait. D'ordinaire il marchait vite quand il était éveillé, et lentement quand il ne l'était pas. Mais pas aujourd'hui. Non, aujourd'hui il était le vent. Cela faisait assez longtemps qu'il marchait, et ce jour-ci lui revint un souvenir.
Myz était parti d'un gros rocher en forme de courage. Depuis son départ, le vent ne lui avait laissé que peu de répit. Oubliant d'où il venait, il se contentait d'avancer. Mais pas aujourd'hui. Non, aujourd'hui il rencontra un rocher en forme de peur. Cela faisait assez longtemps qu'il avançait, et le temps était venu de s'arrêter.
Myz contempla le rocher en forme de peur. Il ne put avancer davantage, le rocher était trop lourd pour être poussé. Ce rocher lui rappela son départ, qu'il avait oublié depuis son premier pas. Marcher sans avancer le remplit de désespoir. Alors il s'arrêta, et ne fit qu'un avec le rocher en forme de peur.
Myz devint le vent.
Le vent remarqua que le rocher en forme de peur était le rocher en forme de courage. Triste de ne pas l'avoir reconnu plus tôt, il souffla sur le sol, encore et encore jusqu'à l'épuisement. Puis le vent s'endormit.
Le vent se réveilla. Ou plutôt, le rocher en forme de courage réveilla le vent. Ce dernier ne comprit pas tout de suite pourquoi et resta silencieux.
Le vent vit Myz sortir du rocher en forme de courage.
Myz regarda le rocher en forme de courage, avant de faire son premier pas dans la direction opposée.
Le vent savait que Myz oublierait avant de faire son deuxième pas, et que seul le désespoir l'attendait au bout du voyage.
Le vent dit à Myz de faire demi-tour et de rester auprès du rocher en forme de courage. Mais Myz continua d'avancer.
Le vent insista et fit pleurer les yeux de Myz, siffler ses oreilles et geler son corps. Mais le sol portait chaque pas de Myz.
Le sol en voulait au vent de lui avoir crié dessus sans raison.
Le vent ne céda pas, le sol non plus, et Myz continua de marcher sans remarquer le conflit dont il était malgré lui le cœur.
Myz rencontra, après un très long voyage, un rocher en forme de peur.
Et la peur tua le vent.
Merci de m'avoir lu.
Judas des oranges
Catégorie : Poèmes - 28 mars 2020 à 10:48