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Confier à une amie d'enfance que je suis PUD 



PUD = Personne(s) Utilisatrice(s) de Drogues
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J'ai envie de parler à une amie d'enfance de ma consommation de substances

Demain midi, je vais déjeuner avec une ancienne amie. Je me dis qu’on a pris des routes si différentes l’une de l’autre depuis qu’on s’est perdues de vue…

Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que je compte très sérieusement lui parler de mes expériences psychoactives, malgré les différences majeures qu’il y a entre nous deux actuellement, je tiens à lui en parler. C’est en quelque sorte thérapeutique pour moi, salvateur et j’espère que ça la fera cogiter là dessus, au moins un peu.

Pour le contexte, nous étions très proches en classe de 6e, il faut dire qu’on était un peu les intello en marge des autres à l’époque, on restait dans notre coin à réviser ou s’échanger des cartouches de jeux-vidéos. Un fossé a commencé à se creuser entre nous deux quand j’ai fait un burn out à la fin du collège. Je me donnais « trop » à fond sur les études comme si je jouais ma vie et on était dans un collège qui mettait particulièrement la pression et n’hésitait pas à mettre en compétition entre eux les élèves. Je me suis donc retrouvée avec 16/20 de moyenne générale, à la limite du décrochage scolaire, développant une phobie sociale et mise en compétition avec ma propre amie qui réussissait mieux que moi.

La solution que j’ai trouvé pour me retirer un peu de pression dans ma scolarité, alors que je n’avais encore aucun diagnostic à l’époque (malgré tous les psy que j'ai épuisé depuis ma tendre enfance), a été d’aller en bac pro l’année qui a suivi la fin du collège. Je me suis battue bec et ongles avec les professeurs de mon collège, à l'époque, ainsi que mes camarades qui avaient une vision très négative et biaisée du bac pro, mais en fin de compte, j’ai eu le dernier mot.

Suite à cela, mon amie et moi-même avons eu des parcours très différents, on s’est un peu perdues de vue. Le bac pro a été une révélation pour moi, j’adorais le domaine dans lequel je travaillais, j’ai réussi haut la main malgré des problèmes de santé à avoir mon bac avec une bonne mention, j’ai pris confiance en moi et j’avais déjà un peu changé.

Mon amie du collège avait déjà repris contact avec moi lors de notre première année post-bac à chacune. Elle avait vu via les réseaux sociaux que j’avais des problèmes de santé (je souffrais d’anorexie mentale assez sévère), elle est venue me rendre visite à l’hôpital et en discutant je voyais déjà le fossé qui s’était creusé entre nous. Elle était plutôt « salon de thé » et « musées » (ce que je ne critique pas, j’adore aussi les musées, c’est simplement pour imager nos différences) tandis que j’étais plutôt « urbex » et « se poser avec des potes avec du bon son », avant la maladie. J’ai vite compris qu’elle voyait comme des déviants les fumeurs de weed, tandis qu’à ses yeux, faire la tournée des bars et être à la limite de vomir c’était ok, comme c'était légal. Suite à sa visite, elle a finit par m’avouer que ses parents m’ont traitée de folle et de mauvaise fréquentation, ils auraient même dit que je devais être un peu bête et manquer de volonté pour être tombée dans les troubles du comportement alimentaire et la dépression, avoir eu de mauvaises fréquentations et influences de mon lycée professionnel. Je sais aujourd’hui que ces pathologies n’ont rien à voir avec un choix ou un manque de volonté, je m’en suis bel et bien sortie aujourd’hui, environ trois ans après ces événements.

Récemment, nous avons repris contact. Elle a déménagé à l’autre bout de la France pour poursuivre ses études en Master, pendant que j’ai de mon côté repris les études à zéro. Elle m’annonce qu’elle revient une semaine ou deux dans notre ville natale et me propose que nous nous voyions. J’ai accepté sans réfléchir, un peu par curiosité.

Je sais qu’elle doit voir mes post sur les réseaux sociaux, je vois les siens aussi depuis tout ce temps. Le fossé entre nous deux semble s’être creusé encore plus profondément. Elle boit du rosé avec un sac de marque de luxe sur un pelouse en métropole et je bois de la 8.6 en cannette en free party à la montagne. Je ne souhaite pas faire de jugement de valeur, j'insiste là-dessus. Je ne discute pas sur les goûts, les couleurs, mais il est indéniable qu'il y a un univers entier entre nous, aujourd'hui.

Je ne lui ai jamais ouvertement parlé de ma consommation, parfois j’y fais des allusions ou des sous-entendus, des petites blagues et jeux de mots là dessus sur les réseaux avec mes amis. Elle ne semble pas les voir, ou du moins ne pas les comprendre. Pour tout vous dire, je consomme occasionnellement des psychédéliques (LSD, champi, space cake/edibles) et de la MDMA. Je fume un pur tous les deux/trois mois, et j’ai déjà pris ponctuellement deux fois de la (idem pour le speed) et une fois du 2C-B, le tout à des moments suffisamment éloignés dans le temps. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise PUD, je précise, selon moi. Consommer occasionnellement ne fait pas de moi quelqu’un de mieux qu’une autre personne, comme d’autres se sont pas de meilleures personnes que moi parce qu’ils ne prennent pas certaines substances que je consomme (alcool compris !). Je souhaitais simplement expliquer ce que je prenais et à quelle fréquence, pour poser le contexte.

Je me suis alors dit pour le déjeuner que nous avons prévu demain : quoi qu’il arrive, je vais lui en parler. Soit elle est ouverte à la discussion et elle m’écoute, elle comprend la notion de Réduction des Risques et ne me juge pas, soit elle est fermée, ne veut rien savoir et au pire me prendra pour une détraquée, on se perdra juste de vue et bon débarras.

Je ne veux pas chercher à la faire changer d’avis sur ce qu’elle pense des substances illicites, je ne veux pas changer le monde, juste lui en parler, juste que ça la fasse peut-être cogiter en rentrant chez elle, qu’elle soit amenée à en parler avec les personnes, ou que ça lui donne l’envie de lire des articles scientifiques ou regarder des vidéos sur le sujet.



Je pense commenter moi-même ce post demain ou après demain, pour vous tenir au courant de cette rencontre entre le feu et la glace, une fois que le fameux déjeuner avec la demoiselle sera passé, stay tuned

Catégorie : Tranche de vie - 06 août 2023 à  21:23

#PUD #rdr #relations

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merci d'envisager ce comingout et de le nous partager



Commentaires
#1 Posté par : aidee 09 août 2023 à  03:42
Un jour plus tard…

Le déjeuner s’est bien déroulé, mieux que prévu et j’en suis ravie. Il y a en effet un fossé entre mon amie d’enfance et moi, mais moins grand que ce que je pensais. Malgré des années sans se fréquenter, des choses sont restées. Une complicité acquise par le passé qui n’a pas disparu, au point où elle paraîtrait innée pour des inconnus qui nous croiseraient. En discutant un peu, elle me dit qu’elle a vu que je sortais beaucoup ces derniers mois et ça l’avait agréablement surprise, même intriguée. Elle a vu que j’allais pas mal en « soirée techno » (je le dis avec ses termes). Elle m’a raconté qu’elle s’ennuyait dans la ville où elle est pour les études et elle serait curieuse de m’accompagner en soirée en club ou en free à l’occasion ou quand elle repassera dans le coin. Elle avait l’air un peu mélancolique, elle s’est confiée et m’a dit que depuis un an elle faisait la tournée des bars ou traînait dans des soirées qui ne lui plaisaient pas trop.

Tout le repas, j’ai tenté de sonder si elle était ouverte à entendre ce que je comptais lui annoncer, j’ai lancé des perches, j’ai parlé « d’expériences qui ont changé ma vie »,  de « j’étais pas très sobre à ce moment là » suivi de « et le problème n’est pas tant l’alcool pour moi », mais elle semblait ne pas comprendre à 100% ce que j’essayais de dire.

J’ai donc saisi l’occasion vers la fin du repas, autour d’un verre de cidre pour le lui dire : « Eh, tu sais, tout à l’heure quand je parlais d’expériences qui m’ont changée ces dernières années…Je parlais de substances psychoactives, de drogues. » Elle s’est figée un instant, puis m’a répondu : «  Ah ouais ? Je m’y attendais pas du tout, mais libre à toi, ça me touche que tu m’en parles. Tu sais, j’ai des connaissances qui prennent de la cocaïne ou fument du cannabis, c’est ok, juste que moi je ne me verrais pas y toucher. »

J’étais ravie qu’elle accueille aussi bien mon « coming out » de PUD, j’ai simplement précisé pour éviter tout malentendu : « C’est drôle que tu cites la C et la weed en premier, parce que c’est justement ce que je prends pas trop, haha. Je prends globalement de l’ecstasy, du speed, du LSD, des champi, de la kétamine… et il m’arrive de tirer sur des joints en soirée ou de faire des space cake, mais vraiment très rarement. »

Elle a eu l’air surprise quand j’ai dit « LSD », alors je lui ai expliqué sans pour autant en faire l’apologie, les recherches et études qui sont faites à l’étranger sur cette substance, je lui ai aussi expliqué les quelques risques de tomber sur une autre molécule, mais que je fais tester mes substances maintenant.
Elle avait l’air rassurée que j’ai l’air aussi sereine d’en parler et avec tous ces renseignements. Elle m’a expliqué que dans sa tête le LSD fait plus peur que la C, parce que c’est trop inconnu pour elle et le côté « hallucinations » ou « mental » elle trouve ça effrayant, mais elle semblait captivée par mes paroles, je lui ai résumé quelques éléments de mon premier trip, elle m'a expliqué que c'était très différent de comme elle se l'imaginait, ou du moins comme la plupart des personnes qui ne connaissent pas en parlent.

De fil en aiguille je lui ai aussi expliqué mon point de vue sur l’alcool que je considérais comme une drogue, simplement légale, contrairement aux autres.  Ça l’a fait cogiter un peu, mais elle a acquiescé en me disant qu’elle n’avait jamais vu les choses sous cet angle, mais ça lui semblait logique. Elle m’a dit avant de partir qu’elle pense ne jamais trop toucher à autre chose que l’alcool, j’ai hoché la tête, comme pour la saluer, il y a ce côté où je n’aurai pas à ressentir cette culpabilité qu’elle en prenne « à cause de moi » donc ce n’est pas plus mal. (Je sais c’est un peu ridicule, mais je culpabilise vite si quelqu’un de mon entourage commence à se prod à mes côtés, c’est déjà arrivé deux fois, j’en parlerais à l’occasion)

On a conclu en se disant que lorsqu’elle reviendrait je l’emmènerai en soirée à l’occasion, elle était curieuse de découvrir et si c’est une soirée où je prod, ça l’intriguait de me voir sous les effets d’une drogue quelconque. Je trouvais ça amusant et je l’ai trouvé sincèrement adorable.

Elle a été très ouverte sur le sujet et lui en parler m’a retiré un poids. Je sais que tout le monde ne sera pas aussi tolérant qu’elle et j’en ai conscience. Ça me soulage terriblement et me redonne espoir quant au regard des autres sur les personnes utilisatrices de drogues.

 
#2 Posté par : C.S. 11 août 2023 à  18:17
Coucou !

Très sympa ces petites retrouvailles ! J'espère en tout cas qu'elle viendra à une ou plusieurs free avec toi big_smile

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