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De la fascination à l'effondrement 



Bonjour tout le monde,

Le format de ce blog est plus contemplatif qu’autre chose, un genre d’ode à la curiosité qui anime ma vie depuis tout petit et que je vais essayer d’exprimer sans trop de jugement de valeur vis à vis de mes décisions et de mes expériences.

Quoiqu’il en soit je ne pourrais pas être impartial et quand bien même j’essaye de faire mon possible pour ne heurter personne, je risque malheureusement d’en bousculer certains par maladresse.

Dès mon plus jeune âge j’ai eu une fascination pour l'évasion et l’exploration. J’ai pas eu une enfance extrêmement facile (subit pas mal de harcèlement scolaire et une famille un peu déchirée) mais je ne peux pas non plus dire qu’elle ait été très difficile non plus. Cependant, j’ai toujours eu cette appétence pour la solitude et la méditation profonde. Sans m’en rendre compte, je m'isoler pour me mettre dans un recoins que je pouvais trouver confortable, derrière un banc dans la cours, dans un coin sombre près d’un radiateur, dans un grenier éclairé par un simple velux; Et dans ces situations je me retrouvais en transe à plonger au plus profond de mes pensées et de mon imagination. Je me construisais des rêves, des situations, des vies surnaturelles auxquelles j’avais véritablement envie de croire et qui m'apaisent profondément.

Et quand est venue l’adolescence et le côté “braver l’interdit” qui va avec, ma curiosité pour moi même a commencé à s’exprimer via une perte de contrôle, de conscience, par un désir de force extérieure qui pourrait me faire voyager encore davantage. C’est là que j’ai trouvé cette fascination pour les substances, d’abord psychédéliques (que je n’ai encore à ce jour pas expérimenté), puis par des produits plus “discrets”. La musique a également joué un grand rôle dans mon état d’esprit, et je repense encore à l’album “A raver’s diary” de Dusty Kid qui m’a transporté et qui m’a vraiment donné envie d’en savoir plus sur l’inconnu et sur le monde.

En ville, à Lyon, on a tendance à se droguer assez jeune. En tout cas quand on en a l’envie c’est plutôt facile de se constituer un cercle d’intrépides. Alors comme il était coutume de fumer à l’époque, on a commencé nos essais avec le cannabis. J’ai longtemps fumé avec des potes, dès le collège, mais c’est quelque chose qui ne m’a jamais vraiment plu. Ma persévérance me l’a même affirmé. Je pensais avoir besoin de temps pour vraiment comprendre le produit, pour l'apprécier, pour l’accepter. Mais non. Je n’ai jamais réussi à rentrer dedans malgré les nombreux essais.

Mon dévolu s’est donc jeté vers un autre produit facile à obtenir pour un petit de 14 ans : les solvants. Tout particulièrement l’eau écarlate.
J’y ai trouvé un gros potentiel, j’ai senti cette première vague de chaleur envahir mon corps et particulièrement mon visage, suivie d’une grande relaxation puis d’un étourdissement, de vertiges, et enfin une dissipation des effets rapide. Rien à voir avec la fumée qui me provoquait uniquement des nausées et un souffle coupé. Bien évidemment, ce genre de défonce n'était pas très bien vu et j’ai fini par complètement lâcher l’affaire après m’être cassé une dent en tombant suite à une succession de bouffées un peu trop rapprochées.

Mais malgré tout, ce produit a ouvert pour moi la boite de pandore. Jamais plus je n’ai pu oublier ce qu’une simple inspiration pouvait engendrer chez moi et mon attention s’est portée sur la recherche d’effets de chaque drogue que je pouvais connaître. J’ai passé des nuits blanches sur mon ipod touch à surfer sur le web pour trouver des reportages, des témoignages, des écrits, des formules, des infos pour en savoir davantage sur ce monde proscrit.

Je suis à la fois si curieux d’essayer de nouvelles choses, et j’ai en même temps si peur de me planter et de faire une OD, ou une réaction allergique. La RDR n’était pas quelque chose que je connaissais et personne ne parlait de drogue autour de moi. J’étais seul face a cette excitation interne presque irrésistible de faire le grand saut. J’étais seul, et ça me faisait peur.
Mon coeur a balancé entre 2 produits bien différents. La cocaïne et l’héroïne.

Il est impossible pour moi d’exprimer à quel point ma curiosité me faisait battre le cœur d’un rythme enivrant. La sensation d’anticipation, d’excitation, de peur, de dépassement, toutes ces choses me procurent un plaisir intense. J’étais comme face à un crush, j’étais comme hypnotisé par ces poudres interdites. Et si elles pouvaient avoir un impact positif, et si elles me montraient une facette différente de cette réalité qui me permettrait peut-être d’en savoir plus sur les gens qui m’entourent auxquels je ne me reconnais pas? Qui me permettrait même peut-être d’en savoir plus sur moi?...

Le temps passe, ma vie s'endurcit, je me trouve de plus en plus seul et j’ai de plus en plus de mal à rester positif. Y a plein de choses qui ressurgissent du passé qui ne m’étaient pas familières mais que mon être avait probablement enregistré quelque part en moi. Je rumine, je pense à ces drogues mais je sais que c’est une mauvaise idée si je vais mal. Je me renferme mais pas comme par le passé. pas dans le but de m’évader mais plutôt dans une démarche d’auto -évaluation. Et ça tourbillonne dans ma tête… Je propose alors à des amis de lycée de l’époque, un midi, de se prendre des petites bières pour décompresser. Et ils acceptent.

Pour le contexte, mon père est alcoolique et je n'ai jamais eu envie de devenir comme lui. L'alcool c’était pas du tout quelque chose glamorisée a mes yeux. C’était même carrément un truc de raté pour être honnête. Mais bon, on se boit cette bière entre midi et 2 et je retrouve le sentiment dont je vous parlais plus tôt. Ce cœur qui bat, cette excitation, curiosité, ce pic de bonne humeur, cette envie d’explorer, de comprendre, de me laisser porter par la musique, le vent, la nature. Un grand sentiment de légèreté et de liberté!
Alors on a recommencé, chaque jour. On rencontre d’autres buveurs du midi avec qui on traîne, puis avec qui je deviens ami. Je sors avec eux le soir, on se fait des soirées à la maison. Je passe de bière à vodka, puis au whisky, et finalement comme l’alcool était de plus en plus fort j’étais de plus en plus débridé pour parler de ce que je suis vraiment et de ma fascination pour vivre des expériences à travers les lunettes de “l’intoxication récréative”.

De fil en aiguille, cette consommation d’alcool m’a amené vers un groupe qui prenait aussi d’autres choses. J’étais un peu devenu le stéréotype du punk en marge, à la fois hyper jovial et festif avec les gens (aussi bien les inconnus que les poto), a vouloir faire le tour d’europe en van, à vouloir pousser cette attitude libertaire qui me faisait me sentir pour la première fois vraiment moi même.. Et je ne sais pas, il s’est passé des rencontres qui m’ont donné accès à un produit qui m’était resté un tête depuis le collège.
L’héro.

Franchement, j’ai hésité. J’avais super peur. Je savais que c’était un produit dangereux.
J’ai hésité longtemps. Plusieurs semaines. On m’en avait proposé et j’avais refusé parce que je n'avais pas envie de crever sur un coup de tête.

____


Première trace.
La peur s’installe immédiatement après l’inhalation. Je tremble, j’me demande si j’ai pas fait une bêtise. Pourtant j’en ai rêvé, je veux savoir. C’est bien de savoir si on en meurt? Et si je meurs heureux? Si c’était l’expérience ultime qui me transcende?

Je me prend une giga tarte. Toute ma peur, tous mes questionnements s’envolent. Je ne suis plus stressé, je ne suis plus vraiment rien en toute franchise. Je sens quelque chose de plus fort que moi m’envelopper, me prendre, me remodeler avec douceur et me poser tel un homme nouveau. Je contemple ce que je suis et ce qui est, je ne pense ni aux autres ni aux inquiétudes. J’ai l’impression d’avoir enfin déverrouillé cette porte qui était fermée devant moi depuis si longtemps et j’en ressent une immense gratitude.
Ce nuage cotonneux et chaud m’accompagnera un temps indéfini. Impossible pour moi de mettre une notion de durée sur cette expérience. Elle était courte mais longue. Profonde mais légère. Véritablement contemplative.

Pour passer les détails puisque ce post est déjà bien long, j’ai fini par en reprendre de temps à autre. Au début pas de problème, pas de manque, pas de lézard.  Petit à petit, j'ai délaissé l’alcool pour la brune. Puis je me suis délaissé moi. J’ai commencé à être un peu obsédé par la substance. Je vends quelques trucs à moi pour en acheter, des choses dont j’avais pas besoin. Puis je gratte de l’argent dehors à des inconnus. Et sans même avoir le temps de m’en rendre compte, je me retrouve complètement accroc.
J’ai épuré mon cercle social pour ne traîner qu’avec des consommateurs. Il y avait un esprit de camaraderie mais en même temps beaucoup d’animosité entre nous. Je pars de chez ma mère parce que je vois bien qu’elle ne veut plus que je squatte et puis je voulais vraiment me retrouver en phase avec moi même à cette période.

Ma vie dans la rue a été vraiment hyper douloureuse. Loin du glamour qu’on peut s’en faire quand on est jeune et qu’on a soif de liberté. Et pour le moment je ne vais pas l’aborder dans ce blog puisque je n’en ai pas envie, et aussi puisque je dédie ce pavé à ma rencontre et ma relation avec la drogue.

Passe 1 an, je rencontre quelqu’un de complètement extérieur à mon milieu. Je draguait cette personne pour en soutirer de l’argent, mais il s’est passé une décharge électrique qui a fait que notre relation a perduré. De la rue je me retrouve à squatter chez lui, je trouve le moyen d’arrêter mes conso d'héroïne grâce à un médecin qui me place sous bupré, et puis au bout de quasiment 1 an de squat j’me dit que ça serait quand même cool pour la personne que j’aime de me trouver un taff et de ramener un peu d’argent.
Ce que je fais.

4 ans s’écoulent, j’arrive à décrocher de la bupré, on va bien, j’ai une vie posée j’me sens à l’aise et je sais que le pire est derrière moi.
Sauf que : le covid.

Le covid a brisé notre couple. Pendant cette période j’ai recommencé à boire. Je buvais du matin au soir (enfin… après 1 mois de confinement je buvais de 16h à 8h du matin puisque je m’étais complètement décalé). J’achetai les bouteilles de scotch par 2 pour que ça me tienne la journée, et évidemment en étant alcoolisé 24/24 j’ai fini par faire d'énormes conneries et être une véritable nuisance dans le foyer.
Il décide de rompre, il part de l'appartement, moi j’ai pas assez de thune pour y rester donc je trouve un studio dans un sous sol fissa et chacun trace sa route.

Je n’arrête pas de boire, je bois au boulot, je vole des bouteilles, je fais n’importe quoi et comme mon seul soutien émotionnel qui était mon couple venait de se briser, je suis parti à la chasse au réconfort. Je ne devais pas rester seul, j'allais me détruire…. Alors je fais des rencontres. Je vois des gens différents tous les soirs, et évidemment c’est toujours un prétexte pour picoler.
Mon humeur est catastrophique, je suis au bord du craquage mais je tiens grâce à cette illusion d’être entouré. J’peux vous assurer que j’ai jamais autant swiper sur tinder qu'à cette époque là.

Vient l’arrivée d’un autre mec qui, je vais passer les détails, mais m’a complètement détruit. Un pervers narcissique qui m’a fait énormément souffrir et qui a démoli le peu d’estime de moi qu’il me restait.

Un soir, lors d’une soirée avec des potes, mon monde s’écroule. Une vodka de trop? juste le corps qui lâche? La psyché qui grille total? Je sais pas. Mais je fais une TS.

Me retrouve à l'hôpital, batterie d’examens, calmants, transfert en hôpital psy, internement.
Me voilà présent dans ces couloirs blancs, entouré de personnes qui me sont étrangères et qui me semblent délirantes.
On m’interpelle.
“EH LE NOUVEAU!” j’entend au loin. Une fille hyper souriante s’approche et me demande ce que je fais là. On se parle, on échange, et elle me dit “t’inquiète pas je vais pas te laisser seul. Je suis déjà venu 5 fois ici je connais t’es en sécurité”. Un gars vient me parler, il m’explique qu’il est fiché S et qu’il a besoin de quelqu’un pour venir avec lui récupérer un peu de coke. Il m’assure qu’il m’en donnera une trace si je viens avec lui.
Alors, lors de notre permission de sortie je le suis. On va au fin fond de lyon 8, dans une voiture inconnue, et on récupère effectivement cette fameuse cocaïne, on rentre à l'hôpital, et ce fameux type me verse une partie de la poudre dans une feuille balance qu’il plis en me remerciant de ma coopération.

20h, fermeture des portes des chambres. J’suis là, 2e jour d’hospitalisation, j’ai envie de boire mais je ne peux pas, je pense a cette cocaïne et de nouveau cette excitation en moi réapparaît. Je tourne en rond dans ma chambre pendant des dizaines de minutes. Je dois en prendre? Tu veux en prendre. Tu voulais essayer non? C’est une des drogues qui te fascine le plus! Mais est ce que c’est raisonnable? En même temps c’est l’endroit idéal puisque s’il t’arrive un truc tu es déjà à l'hôpital!
Je rumine, je rumine, je déplie la feuille, je fais une ligne bien propre, et je fonce. Je n’ai de toute façon plus rien à perdre.
J’inhale toute la poudre d’un coup, mon cœur se met à battre la chamade de stress et…… Rien.
Rien du tout. J’attend, j’essaye de me concentrer pour discerner un changement en moi mais aucun effet…

J’en reste là.

Après ma sortie de l'hôpital, je reste en contact avec la fille qui m’avait accueillie. On décide de se faire une soirée. Elle me dit qu’elle ramènera de la MDMA et que ça serait cool qu’on en prenne ensemble. J’lui dit ok pas de problème.
Psychoactif devient alors un forum que je consulte. Je suis intrigué par la MD dont j’avais pas spécialement entendu parlé avant, et en même temps j’ai pas envie de faire n’importe quoi alors je me renseigne sur les effets, les choses à faire et ne pas faire, démarche 100 RDR pour le coup. Et ça paye puisque la soirée se passe bien, je pose mes limites et j’en sors content.

Évidemment on s’est revu, on en a repris, et comme les langues sous MD se délient on se confie un peu. Elle est accro à la morphine me dit-elle, moi je lui parle de mon passé avec l'héro, et on est empathique l’un envers l’autre, on s’écoute mais ça va pas plus loin. On se fait des soirées coke ou ça ne me fait toujours aucun effet, des soirées alcoolisées, elle me fait tester la 3m qui ne me fait non plus aucun effet. Bref, on s’amuse mais je vois bien que l’idéal que je me faisait de la drogue n’est pas là. Aucune substance ne me fait vraiment d’effet hormis les opiacés, la MD (et encore c’est léger) et l’alcool.

Sauf qu’un jour, elle me demande si elle pourrait tester la rabla avec moi puisque que c’est la seule chose qu’elle n’a jamais testé. Ma réponse immédiate est un grand non.
Et, les semaines se succédant, le non devient un “pas pour l’instant”, puis un “on devrait pas”, puis un “un jour ouais” et….. ni une ni 2, retour à la case départ.

Cette fois-ci je ne perds pas mon logement. Après quelques semaines de défonce, je prends une décision radicale et hyper hyper risquée. Je vais voir ma manager au boulot et je lui dit tout. Je lui explique que je suis en train de rechuter, que je vais certainement être en arrêt mais lui confie en attendant mon nixoid au cas où un drame arriverait au boulot.
Mon médecin m’arrête, me suis. Retour à la buprénorphine qui est moins gérable cette fois ci. Je prend RDV au CSAPA ou le médecin de là bas me dit qu’il ne veut pas me mettre sous méthadone parce qu’il juge que je n’en ai pas besoin….. 1 an et demi de galère plus tard, on se retrouve à l’instant présent ou je suis toujours sous bupré théoriquement mais où dans la pratique je vole du skenan à ma belle mère qui a un cancer pour me stabiliser, je lui ai volé du tramadol pour les jour où l’humeur ne va pas du tout et je me suis remis à boire de façon excessive.

Ce blog sera mis à jour de façon trimestrielle je pense? Faire un check-up, un suivi, un état des lieux de ma situation.

Aussi heureux que je puisse être, je suis autant esclave de mes addictions qui me poussent à être une mauvaise version de moi-même.
Les mauvaises rencontres ne sont à mon avis que des catalyseurs de ce qu’il se serait de toute façon passé du à ma curiosité et mon mal être profond. Parce que même si je ne comprends pas pourquoi je vais mal, même si aucun des 7 psy différents que j’ai vu n’a pu m’aider, il y a véritablement une chose en moi qui essaye de disparaître grâce aux produits.

Mon histoire, bien que tronquée par soucis de synthèse et de place, est une histoire qui doit pouvoir toucher quelqu’un. Je ne prétend pas pouvoir changer le destin d’une personne, mais si je peux être une lumière sur un chemin alors mon rôle sur cet espace d’échange sera honoré.

Mon combat est réel mais je suis 100% lucide sur les actions a mener et je ne me victimise d’aucune façon. J’ai envie de changer, j’ai envie de comprendre. Et j’y arriverai!

Merci pour votre lecture!

Catégorie : Carnet de bord - Aujourd'hui à  17:40

#alcool #cocaïne #héroïne



Commentaires
#1 Posté par : EPBZH Aujourd'hui à  19:16
Salut
Ton poste montre que tu es particulièrement lucide sur toi même. Même si tu dis ne pas savoir pourquoi tu te sens mal.
Tout les humains ont peur , sont tristes et ont des émotions négatives,  il faut apprendre à y répondre par d autres actions que consommer.

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