Du danger des psychotropes consommés en mauvaise compagnie... 



On m'a volé mon ego ! Tome I
Témoignage d'une abomination vécue et vaincue

Témoignage - 200 pages - 145x210

ISBN : 9782342026825

Jacques-André Widmer
Entre 1986 et 1990, un journaliste suisse se porte volontaire pour servir de cobaye aux expériences de psychonautisme et autres envolées mystiques menées dans divers centres et cabinets médicaux. Vies antérieures, prise de drogues psychotropes, illusions, télépathie... Rien ne lui sera épargné. Jusqu'au jour où la limite sera franchie et où son univers basculera dangereusement...
Pour ses propres besoins thérapeutiques, puis poussé par sa seule curiosité de reporter incurable, l'auteur a appris et pratiqué de multiples ascèses orientales en compagnie de médecins de Faculté. Il n'a découvert que trop tard qu'ils étaient tous dévoyés dans l'occulte. Son épreuve extrême, dont il est rescapé de justesse, lui a révélé tous les "secrets" inavouables des ésotéristes, gnostiques, magiciens, occultistes, sorciers et... satanistes à  l'oeuvre dans le monde depuis la plus haute Antiquité: voyage astral, double vue, métamorphisme, sensation d'"éternel présent", précognitions, bilocation, "synchronicités" en cascades et autres prodiges monstrueux. Une confession fascinante pour un voyage hors norme et dérangeant.




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On m'a volé mon ego ! Tome II

Témoignage - 272 pages - 145x210

ISBN : 9782342026849

Présentation de l'éditeur

Jacques-André Widmer
Voilà  quatre ans que le journaliste suisse Jacques-André Widmer s'est plongé dans l'exploration de certaines médecines parallèles. Il ne se doute pas encore que cette incorrigible curiosité va le faire basculer dans l'horreur. Suite à  un acte psycho-criminel revendiqué par une adepte de la WICCA, il commence à  vivre un enfer pavé de prodiges surnaturels...
Incroyable et terrifiant. Cet ouvrage, l'auteur l'a écrit à  titre de mise en garde du public contre les séductions des "loups vêtus de peau d'agneau", très actifs dans les médecines parallèles, les médias, la politique et tous les lieux de pouvoir. Dénonciation des sectes, des réseaux d'influence et des manipulations de toutes sortes, le témoignage de sa dérive auprès de médecins genevois dévoyés est l'aboutissement de plus de vingt ans de réflexion pour oser exprimer ses découvertes. Un récit rare qui balaiera toutes vos certitudes.

Catégorie : Témoignages - 17 juillet 2016 à  05:18

#kétamine



Commentaires
#1 Posté par : Extaszzeekor 17 juillet 2016 à  05:24

Du danger de consommer des psychotropes en mauvaise compagnie (II)

VIDEO d'une lectrice enthousiaste


 
#2 Posté par : Extaszzeekor 17 juillet 2016 à  05:39
« Si l'oeil pouvait voir les démons qui peuplent l'univers, l'existence serait impossible.  » (Le Talmud)
On m'a volé mon ego !
Ouvrage complet en vente en e-book (2 volumes) ici :
http://tinyurl.com/lsmauor
Témoignage d'une  abomination vécue et vaincue
(Extrait : 3 chapitres entiers!)
Jacques-André WIDMER
Table des matières ( Tome I)

Chapitre I
Un tailleur sur chair vive.........page 1

CHAPITRE II
Les apprentis sourciers….. page 9

CHAPITRE III
Pas d'avenir pour les vies antérieures  page 24

CHAPITRE IV
Geyser de souvenirs page 29

CHAPITRE  V
L'endoctrinement suave page 33

CHAPITRE VI
Les morts ont toujours tort... page 37

CHAPITRE VII
A l'école des saint-bernard page 39

Chapitre VIII
Premier envol page 42

Chapitre IX
Catastrophes évitées page 49

CHAPITRE X
Le plaisir, instrument de subversion page 53

CHAPITRE XI
Puissance opératoire des symboles page 59

CHAPITRE XII
Interrogatoires hégéliens page 62

CHAPITRE XIII
L'imprévu, sel de la vie page 70

CHAPITRE XIV
Lapone, vilain petit canard et Black sublime page 71

CHAPITRE XV
Regrets du colonialisme au Bénin page 74

CHAPITRE XVI
La Conscience n'est pas (que) dans le cerveau page 78

CHAPITRE XVII
Dieu au fond de l’orgasme page 81

CHAPITRE XVIII
« J'apprends à  voler... » page 89

Chapitre I
Un tailleur sur chair vive

 
#3 Posté par : DVA5-2Tls 17 juillet 2016 à  09:36
OUI bien sûûûr, mais à  quoi sert la vie ?
David

 
#4 Posté par : Extaszzeekor 17 juillet 2016 à  16:12

Chapitre I
Un tailleur sur chair vive
- Est-ce que moi, je suis toi ? Ou est-ce que toi, tu es moi ?
Qui peut être assez fou pour poser une question aussi absurde : un échappé d'un asile d'aliénés ? Un minus habens grave ? Un inquisiteur espagnol accoutumé à  écrire les points d'interrogation à  l'envers ¿
Non. Cette question, c'est un homme bardé de diplômes universitaires, très instruit, grand esthète et chirurgien de son état, qui me la pose à  brûle-pourpoint alors que je suis alangui sur un de ses fauteuils Le Corbusier ... Un spécialiste grand teint qui fait partie de la Foederatio medicorum helvetorum (FMH), organisation altière et faîtière des médecins suisses diplômés. Du solide et fiable, quoi ! Avec pour devise : Primum non nocere et un serment d'Hippocrate brandi comme brevet de vertu. Un illustre chirurgien auquel la République et Canton de Genève a octroyé un droit de pratique officiel. Une alcôve réservée à  sa collection de diplômes glanés dans le monde entier, à  commencer par les plus grands hôpitaux et cliniques privées des États-Unis, témoigne de la réputation du Maître qui s'étend donc bien au delà  de la Ville de Calvin. Le Réformateur eût d'ailleurs à  coup sûr ajouté à  ses interdits celui de la chirurgie esthétique...si cette discipline pour bourgeoises nanties avait existé au temps de la Réforme. J'ai donc affaire au Ph œnix de la sculpture sur chair humaine vive mais si je le rencontre, ce n'est certainement pas pour corriger ma physionomie dont je me suis accommodé au fil des ans. Il m'est même arrivé – je crois - de plaire aux dames, ce dont je ne leur fais pas grief.
L'homme est « soft spoken », d'un commerce agréable, d'une douceur surprenante pour un carnassier dont la morsure des instruments vise à  redonner beauté et jeunesse à  des femmes qui s'imaginent avoir perdu l'une et l'autre.
Les grandes bourgeoises du quartier huppé de Champel viennent en rangs serrés le consulter car non seulement il pratique la chirurgie esthétique, mais il a manifestement des capacités relationnelles et un tour de main exquis avec sa clientèle féminine. Il leur redessine le nez, les fesses, les seins au crayon dermographique puis leur présente un miroir : Spieglein, Spieglein an der Wand, wer ist die Schönste im ganzen Land ? (Beau miroir, joli miroir, Quelle est la plus belle de tout le pays ? - Conte de Grimm) Mais ce chirurgien de renom de se borne pas   à  embellir et à  corriger la plastique de ses clientes:  il pratique aussi la peinture sur toile et la sculpture sur pierre avec tout autant de talent et la même assurance, caressant sa palette de ses pinceaux, pelotant sa terre glaise comme il pénètre dans la chair des belles avec ses bistouris.
Last but not least, cet artiste aux mains délicates est  capable d'entailler délicatement les paupières ou les seins de ses patientes, de conférer une forme de c œur à  leurs aréoles ou de les liposucer jusqu'à  l'os. Il est aussi, de surcroît – à  la ville comme sur la route -  motard à  ses heures et c'est bien ce sujet qui fut à  l'origine de notre première conversation.
Les deux-roues me sont très familiers depuis ma jeunesse: à  mon premier vélo militaire noir de l'armée suisse avec frein à  rétropédalage de style « torpédo » a succédé un Vélosolex, puis une «mobylette» de marque Peugeot, puis une Vespa d'occasion de 125 cm3, suivie d'une Honda 250 cc, délaissée pour une Honda 550 cc. et enfin, à  l'âge de 45 ans, une impériale grande routière Honda Paneuropean de 1200 cc qui ne commençait vraiment à  exprimer ses sentiments par des vagues de ronronnements sourds qu'à  partir de 150 km/h. Six heures et demie de St Moritz à  Genève, par le col de l'Albula (2312 m), qui dit mieux ? C'était avant que le geste auguste du policier ne sème à  tous vents des radars sur les routes les moins fréquentées de nos Alpes ... et qu'une vague de répression ne s'abatte sur la gent routière, avec pour cibles favorites...des parias, des hérétiques: les motards !  Le réseau des cols routiers alpestres suisses fut jadis un véritable carrousel mondial pour tous les motards dignes de cette appellation. Je les ai tous franchis, d'abord quelques-uns à  vélo puis à  moto : de l'Umbrail (en terre battue) jusqu'aux plus impressionnants: le Stelvio (2758 m.) et le Splügen, taillé dans une paroi verticale... Sans le moindre accroc.
Mais entendons-nous bien: si je pratique la moto, c'est essentiellement pour me déplacer le plus rapidement possible dans la zone urbaine, hyper-motorisée, de Genève, cela à  des fins professionnelles, et non pour me la jouer voyou ou hell's angel . Je ne suis en effet qu'un modeste artisan journaliste pluri-média et il s'agit d'aller vite dans sa tête et sur la route pour rapporter et diffuser des informations qui ne sont, comme le poisson, le ciel pommelé et les femmes fardées, que de courte durée.
Toujours est-il que des anges gardiens ont dû multiplier les heures supplémentaires pour protéger le pilote de ces divers engins, à  en juger par les deux seules chutes, à  très petite allure, dont il me souvienne. La première à  la suite d'un dérapage de ma Vespa sur une couche de neige fraîche de 30 centimètres (en 1960) et la seconde en raison d'une mésentente entre les deux roues de ma 1200 cc. L'une enjambant hardiment la bordure d'un trottoir en granit poli à  St Julien-en-Genevois (1985), pour devancer une longue file de voitures à  l'arrêt et l'autre s'y refusant obstinément. De cette discorde il s'ensuivit une brusque rotation rétrograde du guidon dans mon plexus, choc amorti par une épaisse veste en duvet d'où se dégagea un élégant nuage de véritables plumes d'un blanc neigeux. Le spectacle en était si captivant que j'en oubliai la douleur. Des piétons secourables m'aidèrent à  redresser ma monture de 290 kilos et je pus poursuivre ma route et dépasser enfin ces maudites voitures  qui entravaient mon passage.
Je dois à  la vérité d'avouer un autre incident, à  bord de ma VW Coccinelle (modèle 1951) ornée de deux petits hublots  à  l'arrière,  à  Tanger. L'aventure remonte à  1961. Après avoir franchi le Haut-Atlas au terme d'un voyage-épopée de trois semaines, je choisis dans les hauts de Tanger un raccourci qui semble mener au front de mer où je compte bien trouver un hôtel trois-étoiles pour notre dernière nuit au Maroc. La déclivité de la rue va crescendo jusqu'au moment où j'entends comme un sinistre roulement de tambour, les roues frappées d'une danse de Saint Guye: la rue s'est muée en rampe d'escaliers sans crier gare ! Des volets s'ouvrent et claquent. Mille têtes surgissent aux fenêtres. De solides gaillards chaussés de mules s'offrent pour hisser ma guimbarde, marche après marche –  il y en a 18 ! - et la ramener sur le bon chemin. Je dirige les opérations de sauvetage: Ho ..Hisse ! Résultat : un choc sur le carter, un trou supplémentaire dans la pot d'échappement et une pédale d'embrayage hors-circuit à  partir de Madrid, ce qui m'oblige à  passer les vitesses « à  l'oreille » durant le long voyage de retour. En Europe, seule l'Allemagne est déjà  dotée d'autoroutes...en béton, les Hitlerautobahnen... Vous n'auriez guère pu aller plus loin : la rampe d'escaliers devient si étroite que vous auriez été coincés comme dans un étau ! me confie l'un des fort-à -bras qui m'ont sorti d'embarras.
De retour en Suisse, le garagiste auquel je tentais de refiler mon épave roulante m'a demandé, incrédule et narquois :
-Vous revenez du désert avec cette guimbarde ? Tiens, ça doit être du sable du Sahara. Je n'en ai jamais vu de si jaune et de si fin sur nos plages... fait-il remarquer en plongeant sa main dans la couche qui recouvre le tapis de sol.
    Et je vois que vous ne pouvez plus débrayer, c'est bien ça ?ajoute-t-il, perplexe, comme un chirurgien qui vient de découvrir une tumeur maligne dans un ventre à  ciel ouvert.
Dr Factice, (puisque c'est le surnom de mon fameux spécialiste!) possède, lui, un destrier rouge tout neuf, bien plus impétueux que ma Honda 4 cylindres ou  ma défunte VW, modèle 1951: une moto de luxe comme il ne doit s'en vendre que trois ou quatre exemplaires par année en Suisse : un bijou d'esthétique et de mécanique sans pareil, la seule moto six-cylindres alors sur le marché. Elle vaut son pesant de chromes étincelants ...et de poitrines gonflées ou remodelées. Une moto de chirurgien esthétique à  la mode, somme toute.
- Mon pneu arrière a éclaté la semaine dernière alors que je roulais à  180 km/h sur l'autoroute Genève-Lausanne, m'explique-t-il sur le mode un peu traînant et plaintifs de mes compatriotes alémaniques.
-Vous avez été blessé ?
-Non, pas une égratignure. J'ai pu maintenir le cap de la moto jusqu'à  l'arrêt complet.
Une moto de ce prix - plus élevé que celui d'une limousine - frappée d'une telle avarie, voilà   qui a de quoi étonner :
- Elle était neuve et venait d'être révisée après ses 300 premiers kilomètres !
- Mauvais signe. A votre place, je convoquerais un expert pour éclaircir le mystère: la semaine dernière, notre jeune régisseur-images de la télé m'a confié que le moteur de sa 750 cc GTX, très sollicité, avait« serré », à  savoir que les pistons dilatés par une chaleur extrême s'étaient bloqués d'un coup dans les cylindres, projetant le pilote dans le fossé.
Cette histoire paraît le laisser de marbre.
    Et alors ?
    -Alors, je lui ai dit que c'était mauvais signe et qu'il devrait cesser de couvrir chaque jour le trajet Genève- La Chaux-de-Fonds aux vitesses phénoménales qu'il m'avait avouées...
    -Et alors ?
    - Alors, il vient de se tuer, à  35 ans, lors d'une collision frontale avec un camion qui a surgi en sens inverse au col de La Vue-des-Alpes !
Dr Factice médite...
    Et vous croyez que moi aussi.. ?
- Le motard doit savoir lire les signes avertisseurs qui jonchent sa route. Vous faites métier de corriger la créature de Dieu. Si c'est pour la réparer, l'acte est légitime, mais si c'est pour embellir artificiellement la Femme en taillant dans sa chair et donner ainsi plus d'élan à  ses pouvoirs de séduction, on peut se poser la question...
Mes propos le laissent songeur...
C'est donc par du parler-moto que je fais la connaissance de Dr Factice, dont j'ai déjà  découvert les oeuvres ornant à  profusion les parois et guéridons de la salle d'attente qu'il partage avec mon propre médecin.  Ah, vous admirez les oeuvres de mon colocataire ? m'interpelle mon chirurgien qui me trouve comme extasié devant tant d'étranges beautés...
Ce jour là , j'ai la tête penchée, non pour ressembler aux visiteurs avertis contemplant les oeuvres accrochées aux cimaises pour mieux les détailler mais parce que je souffre d'une péridurale-rachidienne loupée.
-Vous ne resterez pas paralysé, m'avait rassuré l'anesthésiste, un peu penaude. Il y a eu une  fuite, une perte de liquide céphalo-rachidien si bien que votre cerveau ne baigne plus entièrement dans ce liquide amortisseur. Ca provoque des maux de tête. Il faut attendre que brèche se colmate et que la bouteille se remplisse ! Tout rentrera dans l'ordre dans quelques jours.
Pour chasser la douleur, l'espace d'une minute, j'ai découvert qu'il me suffisait de pencher la tête quelques secondes pour obtenir du répit.
Et c'est précisément dans cette posture que mon gastro-entérologue me découvre absorbé que je suis dans la contemplation de cette singulière galerie
    On se croirait presque au MOMA, n'est-ce pas ?
Et d'ajouter, narquois : C'est un sculpteur sur femmes accompli !
Dans cette salle d'attente commune, voisinent donc le frivole et le gravissime, sorte de cohabitation aigre-douce qui rend parfois les conversations chaotiques entre patientes aux prises avec des problèmes vitaux et dames soucieuses de leurs capacités de séduction. Du reste, peu après, Dr Factice, l'esthéticien, installera son luxueux cabinet dans une demeure historique du XIXe siècle. On aura enfin séparé les genres.
Les immenses toiles abstraites où le rouge-sang le dispute au noir-ébène sont toutes signées du Dr Factice, l'artiste dont les modèles se couchent sur sa table d'opération qui tient lieu de Fontaine de Jouvence. Des formes anatomiques agitées dessinent des entrelacs si complexes sur la toile que même des spécialistes en géométrie descriptive auraient du mal à  les décrypter: morceaux de foie ceignant des portions d'intestins grêles, fragments de reins jouant avec des tranches de pancréas, estomac rose vif dansant la sarabande avec un c œur béant posé sur un lit de poumon frais. Le tout ponctué par d'admirables virgules qui ressemblent à  des rognons de veau. Un art chirurgical torturé comme une pièce anatomique sur une table de dissection. Le tout en une symphonie de couleurs vives qui éblouissent même le daltonien que je suis. Oui, il s'agit là  d'une nouvelle école, qui préfigure l'art anatomique contemporain.  Ma contemplation fait surgir un exquis souvenir gastronomique, celui des tranches de foie gras « au torchon » dégusté au restaurant La Balance à  Toulouse. Précédés de gésiers exquis...
Côté sculptures, pas besoin d'herméneute ou d'exégète: un superbe phallus en bronze à  reflets bleutés s'exhibe sur une table dont la marqueterie en bois exotiques rappelle que la chirurgie esthétique est un métier de rapport. L'opus, en grandeur nature et apparemment non-circoncis, est flaccide. Il repose dans un écrin de velours bleu sur un guéridon de style Empire. Observant le  rendu très détaillé du méat et de la collerette du prépuce, je me hasarde :
- A en juger par l'hyperréalisme fidèle de la grosse veine bleue, il s'agit là  bien d'un moulage, n'est-ce pas ?
Seul un petit rire nerveux me répond. C'est celui du Dr Factice, ravi qu'un nouvel arrivant s'intéresse de si près à  ses  œuvres et – qui sait – à  la réplique figée dans l'airain de ses propres attributs...
Au centre de la pièce, une oeuvre plus inquiétante: une femme en tôles pliées et soudées, scindée en deux, transversalement, à  la hauteur du nombril. Rien n'y manque : en se penchant un peu, on distingue des organes comme si elle venait de passer par les mains d'un équarrisseur...ou d'un de ces apprentis magiciens  inexpérimentés qui scient mal les femmes captives de leurs caisson dans les foires populaires.
J'affecte un air d'impassibilité alors que je trouve cette création d'un morbide achevé...
- Les reflets bleutés sont le fruit d'un procédé secret que mon fondeur toscan refuse de m'expliquer. Ça remonte à  Léonard de Vinci, prétend-il...
Je hoche la tête d'un air entendu comme si j'étais soudain devenu expert en airains de Toscane... Écouter et faire l'éponge, voilà  la première règle d'un journaliste, avant qu'il ne se risque à  émettre, voire à  imprimer ses opinions sur papier. Combler son ignorance en captant les propos de ceux qui savent mais qui ne savent ni le dire ni l'écrire, voilà  l'une des clefs du métier. Je me souviens de mon reportage sur une nouvelle technique de sidérurgie, la « coulée en continu » à  Duisbourg : deux autoroutes d'acier en fusion s'écoulant jour et nuit des hauts-fourneaux.. A ma grande surprise, il avait fait la Une de la Technische Rundschau, alors que j'étais un parfait profane en la matière. Faudrait-il, pour bien vulgariser, ne pas trop en savoir ? Les sidérurgistes suisses qui m'avaient conduit jusqu'à  ce portail de la Ruhr pour voir cette merveille,  m'en avaient même félicité. Depuis lors, j'en suis certain, les meilleurs vulgarisateurs sont donc des ignares très attentifs et fidèles aux discours de leurs interlocuteurs !
Le tour de la galerie terminé, deux coupes de champagne s'entrechoquent, heureuse ponctuation après ces troublantes découvertes artistiques. Oui, cela vaut bien un article dans le mensuel Trente Jours de mon ami François-Louis de Senger qui réside dans l'une des plus belles propriétés de la région genevoise, au bord du Léman, dans le chalet historique érigé par Masséna lors du bref passage de Napoléon par Genève.
-Ça fait des années que je te supplie d'écrire dans mon journal ! me reprochait sans cesse le génial patriarche, éditeur de huit journaux et magazines et, lui aussi, grand amateur de sirènes comme il désignait les très jeunes créatures dont il aimait à  s'entourer et partager la couche.
Le Dr Factice veut-il bien que nous publiions un texte illustré sur ses  œuvres dans ce mensuel  ?
J'ai déjà  mon titre en tête : Sculpteur sur femmes.
Mais Dr Factice n'encourt-il pas des reproches de publicité non éthique ?
- Je m'exprime comme artiste par mes toiles et mes sculptures : Kein Problem !
Pour immortaliser ses toiles et ses sculptures, l'artiste cherche un photographe compétent. Je lui en recommande un. Voudrais-je bien aussi corriger et réviser son projet de brochure expliquant à  ses patientes que la blépharoplastie n'est pas une maladie vénérienne mais une correction des paupières et que la liposuccion est une extraction de la graisse excédentaire au moyen d'une canule sous la peau et non une nouvelle pratique érotique ?
J'accepte le deal et n'aurai pas à  m'en plaindre. Dr Factice est très généreux, trop généreux, à  tel point que je le lui signifierai lors de la livraison de mon travail. Dénégations et protestations du mandant. Désormais, le tu sera de mise entre nous.
C'est alors que Crucia, sa compagne, entre en scène. Assez belle femme de style germanique, aux yeux bleus comme ceux des chats persans en porcelaine de Meissen. Contre toute attente, elle n'est pas du tout fleur bleue mais plutôt du genre volontariste, décidée et corsetée dans ses convictions étranges. Je ne tarde pas à  la voir à  l' œuvre, passant sa main armée d'une sorte d'antenne de Lecher sur divers objets, et s'exclamant sur un ton incantatoire : «  Positif ! Très positif ! » Ou, sur un mode déçu où perce le reproche et la contrition:  « Négatif ! Très négatif ! »
Crucia se gave de livres d' anthroposophie ou de l'École Arcane... Elle cite aussi le Lucis Trust dont l' ancienne appellation fut... Lucifer Trust ! Économiste de formation, c'est une zélée au pas très rapide. A l'aube, elle se jette parfois nue avec son compagnon,  dans une fontaine publique aux eaux glaciales, proche de sa résidence. De quoi étonner les voisins qui, agacés par d'étranges totems plantés dans le jardin commun, ornés de bandes de textiles colorées flottant au vent, ont déjà  déposé plainte devant les tribunaux pour trouble de voisinage.
Tout en écoutant Crucia d'une oreille distraite scandant ses interjections binaires Positif ! Negatif .., je raconte au Dr Factice le plaisir étrange que peut éprouver un motard en dînant un soir d'été en plein air, à  l'ombre de palmiers à  Tirano (Italie, 441 m.) puis, la nuit venue, l'ivresse et le plaisir de négocier les mille virages du Col de la Bernina (2328 m.) et sentir le petit grésil frappant la visière de son casque...
- Oui, je sais, c'est comme un changement d'état de conscience ...me fait-il remarquer.
Il a tout compris. La proximité de l'air qui fouette le casque, le sensation enivrante d'accélération quand on ouvre la poignée des gaz sur une rectiligne ascendante, l'harmonie et le rythme des virages dont chacun exige une inclinaison adaptée, la musique du moteur qui passe d'un lento ma non troppo à  un furioso en jouant sur la boîte de vitesses. Ce cheval mécanique, indomptable dans les rectilignes, paraît alors vivant et docile. Extase sur la route de la Bernina qui semble n'avoir été dessinée que pour moi par ce beau soir d'été où l'on ne croise ni ne dépasse plus aucune voiture... à  l'heure où les bourgeois s'empiffrent ou jouent au scrabble dans leurs chalets, je me délecte de sensations voluptueuses d'harmonie parfaite entre mon corps, mon esprit, le terrain, la ligne blanche discontinue,  les bornes en pierre taillées, au bord du précipice et les éléments. Ce sont là  les ingrédients du trip du motard. Peut-être est-ce aussi la sensation océanique qu'a essayé de décrire Freud ? Une forme de pré-extase ou de plongée au Paradis, que j'ai aussi éprouvée en slalomant sur la Traumpiste, longue de onze kilomètres, au-dessus de Scuol (GR) au son des valses de Strauss dans mon oreille. A partir de Salaniva (2710 mètres), ladite piste de rêve aboutit à  Sent (1430 mètres), ce qui me laisse tout loisir pour décrire quelques superbes arabesques au rythme des trois-temps straussiens et sans nul autre skieur-danseur pour gêner mes évolutions car la foule demeure agglutinée près des téléskis sommitaux, là  où la neige est la plus fraîche et la plus poudreuse.
Pour peu que vous ayez choisi un jour hors des vacances scolaires, au printemps, la piste de rêve vous appartenait en propre...Hélas, depuis lors, on a percé le tunnel ferroviaire de la Vereina qui raccourcit considérablement le trajet des Zuricois et l'accès à  la Basse-Engadine. Comble de malheur, ces fâcheux qui se déplacent en meutes, peuvent désormais charger leurs voitures sur le train... et débarquer en troupeaux bruyants.
Me voici donc transformé en agent de propagande touristique, vantant les merveilles du canton des Grisons devant un Dr Factice très attentif.
-Venez donc dîner à   la maison la semaine prochaine ! Nous sommes végétariens mais si vous voulez bien manger du poisson, nous n'avons aucune objection, nous propose Crucia, très avenante.
Puis, le sourcil froncé et l'index dressé comme une maîtresse d'école, elle ajoute,  à  la fois enjouée et prévenante :
- Je vois que vous fumez. C'est très mauvais pour ...la Hiérarchie cosmique et ça dérange Maitreya. Je vous expliquerai tout ...
La Hiérarchie cosmique ? Maitreya ? Là , j'avoue mon ignorance. Enfant, j'avais déjà  de la peine à  distinguer entre les contes de Perrault, les contes de Grimm, les contes d'Andersen, l'histoire biblique et la mythologie gréco-latine de l'Antiquité. Je n'allais pas encore me brouiller l'esprit en mémorisant tous les noms des divinités de ses propres panthéons orientaux.
Jusque là , des médecins m'avaient bien récité leur catéchisme sur la nocivité du tabagisme mais personne n'avait encore invoqué le Ciel, la Trinité, la Sainte Vierge ou ...Maitreya pour condamner le tabac et prolonger ma vie, sans que je n'en aie d'ailleurs émis le souhait.
Mes nouveaux amis ne sont donc pas des « normopathes », ouf !  Et  bien que fils de bourgeois et  assez respectueux des codes de la société bourgeoise ordinaire, j'ai toujours eu une affection particulière pour les marginaux, les dissidents, les originaux, les artistes, les reclus et les exclus. Seule la marge est capable d'innovation et, parfois, de saine subversion, donc de progrès. N'est-ce pas la marge qui fait la page ? Il a bien fallu qu'un homme ose proclamer, contre la doxa des maîtres-à -penser du moment, que la Terre est ronde et qu'elle tourne autour du Soleil, qu'un autre prenne le risque d'ouvrir un corps humain pour en connaître le contenu et – qui sait - son fonctionnement. Et qu'un Jaurès s'insurge pour mettre un terme aux abus des maîtres-de-forges.
En l'occurrence, je ne sais pas encore que je vais être servi au delà  de mes espérances...


 
#5 Posté par : Extaszzeekor 17 juillet 2016 à  16:20

CHAPITRE II
Les apprentis sourciers
La fragrance de son cuir m'est familière... Les motifs de la ronce de noyer et les instruments de bord circulaires de même: à  n'en pas douter, nous ne sommes pas dans une contrefaçon de Jaguar.
- Elle appartenait à  Elizabeth Taylor autrefois, me précise Dr Factice qui m'emporte allègrement dans cet équipage vers sa résidence rurale aux confins de la République et Canton de Genève. Nous sommes à  la frontière franco-suisse, dans une commune viticole.
- Là , dans mon jardin, ce sont mes totems protecteurs. Je les change selon la saison et la position des astres dans le ciel...Ils rétablissent l'harmonie cosmique alentour. Mais entrez, je vous prie, je vais vous présenter les lieux...
Cette cossue demeure villageoise est accueillante...
-Vous verrez, au début, ça peut surprendre, mais on s'y habitue...
Passé le corridor menant au living room, je comprends le sens de sa mise en garde. Je me heurte à  un squelette humain d'un blanc éclatant, suspendu par une élégante cordelette tressée en raphia bleu. Il faut l'écarter un peu pour faciliter le passage et parvenir au centre de la pièce. Les ossements tintinnabulent en signe de bienvenue. La sentinelle que je croyais muette a donc même une capacité d'expression sonore comme dans l'opus macabre de Saint-Saens.
    Ah , je suppose que c'est votre aide-mémoire anatomique professionnel ? C'est une excellente réplique en matière plastique, d'après nature, je pense ?
    Non, non, c'est un authentique spécimen humain, celui d'un jeune homme indien, âgé de vingt ans probablement, dans un état  de conservation excellent et il est complet, ce qui est très rare sur le marché...se rengorge mon aimable hôte.
Crucia ne me laisse pas le temps de me ressaisir et de méditer sur la rareté croissante des bons spécimens: elle met déjà  le cap sur les restes du singulier pendu-indien, munie de deux baguettes de radiesthésiste qu'elle approche prudemment de la cage thoracique de notre singulier compagnon :
- Vous voyez, mes baguettes s'écartent : c'est PO-SI-TIF ! Très PO-SI-TIF même ! Son chakra du c œur était ouvert ! Il a une bonne énergie. Et regardez maintenant, quand je sonde l'os illiaque où se trouvaient ses genitalia, c'est NE-GA-TIF....Très NE-GA-TIF !
Quels griefs ses dieux auraient-ils contre les genitalia masculins ?
Effectivement les deux baguettes se sont refermées sous la poussée de quelque force ou de la rotation des poignets de notre hôtesse. Le jeune homme s'était-il souillé par la luxure telle qu'on la décrit dans le Kamasutra en termes élogieux et en croquis suggestifs pour que sa région pelvienne fût devenue négative au sondage de Crucia  ? D'ailleurs, le négatif n'est-il pas indispensable pour assurer l'équilibre yin-yang ?
J'apprends ainsi par la compagne du Dr Factice que tout l'univers est électromagnétique, que nous vivons dans une soupe de réseaux d'ondes et que tout ce que nous voyons, les étoiles dans le ciel comme les comédons sur le visage de nos amantes,  n'est qu'illusion car il y a plus de vide que de plein dans notre galaxie. Elle ajoute qu'il n'y a pas de hasard et que les humains qui tombent malades ou sont victimes d'accidents n'ont qu'à  s'en prendre à  eux-mêmes car ces punitions sont providentielles puisqu'elles leur permettent d'éteindre leurs dettes karmiques. Il en va de même pour les enfants Noirs dénutris en Afrique « qui expient les mauvaises actions de leurs vies antérieures. » Il convient surtout de ne jamais les aider: un très mauvais service à  leur rendre, paraît-il ! Par politesse, je ne conteste pas ces châtiments rédempteurs mais suis indigné de tels propos.
Elle m'explique, si j'ai bien compris, que je ne dois plus aider les vieilles dames à  traverser la route sur les passages cloutés car je les empêche ainsi de solder leur passif karmique et les condamne à  tourner,  comme des hamsters en cage, inlassablement,  dans la « roue des naissances et des morts ». Celle-ci ne semble d'ailleurs ni munie de pneumatiques ni d'amortisseurs...
Cette philosophie ne me convainc pas mais, comme invité, je ravale donc mes objections.
- Vous devriez suivre nos cours au Groupe d'études Pythagore, c'est passionnant ! A votre âge et comme journaliste, vous avez sans doute déjà  eu des signes et reçu des messages ?
- Je n'ai jamais vu d'anges ni d'autres apparitions mais j'ai perçu de nombreux phénomènes pas encore expliqués par la science et vécu des coïncidences qui m'ont sauvé plusieurs fois la vie, ça oui ... Et je connais les principes bouddhistes de l'impermanence et de la maya, l'illusion de ce que nous prenons à  tort pour une réalité tangible et solide puisque nos sens ne nous permettent de ne capter qu'une infime partie de la réalité. Enfin, il faut bien appuyer sur la poignée des portes pour les ouvrir même si, fondamentalement, la physique quantique nous enseigne que la matière est tantôt corpusculaire tantôt ondulatoire...selon le moment de l'observation...si j'ai bien compris le principe d'incertitude de Heisenberg et les découvertes de Niels Bohr...
L' œil de Crucia s'allume ... Elle veut en savoir davantage :
    Des coïncidences et des phénomènes paranormaux?
    Ça a commencé quand j'avais six ans. En 1947, la ville d'Aigle, frappée par une sécheresse estivale sans précédent, avait été privée d'eau potable. La Municipalité avait convoqué un sourcier, malgré les ricanements dubitatifs de la population et ceux de mon père, un ingénieur hyper-rationaliste.
Et me voici racontant que notre quartier de La Fontaine, à  Aigle (VD) contigu au domaine viticole étant privé d'eau, mes parents avaient fait analyser l'eau d'un puits qui se trouvait dans la cave de notre élégante villa de fonction. Un laboratoire officiel de Lausanne avait déclaré l'eau potable. Toute la population du quartier avait donc débarqué chez nous en file indienne, les uns munis de bidons à  lait sans couvercle, d'autres de simples bocaux ou de bouteilles, d'autres, plus pauvres encore, de vulgaires boîtes de conserve vides. Et c'est ainsi que toute une population assoiffée s'était rassemblée autour du puits dont mon père avait soulevé le lourd couvercle en béton auquel était attachée une solide boucle métallique. Des voisins avaient amené leurs chiens et leurs chats pour les abreuver. Et l'on avait même, grâce à  notre puits, désaltéré les deux chevaux qui tractaient le char municipal hippomobile dont la vocation était d'évacuer les ordures du quartier. Mon papa était donc devenu d'un coup le bienfaiteur et même le sauveteur du quartier et j'en éprouvais une fierté légitime. Dans mon esprit d'enfant, c'était même plus mieux qu'un papa gendarme, pas vrai ?
Ce puits providentiel était chez nous et à  nous ! Nous étions devenus le centre du monde. Mais ce que je voulais surtout voir, en compagnie de mon ami de bac à  sable, Jean-Jean, c'était le sourcier à  l' œuvre.
- Les enfants, vous resterez à  l'écart.  Vous irez jouer ailleurs. Les travaux de forage coûtent très cher et le sourcier exige le plus grand calme pour trouver les veines aquifères.
    Les quoi, papa ?
    Oui, enfin, pour trouver des sources.
    Une source, c'est quoi , papa ?
    Un endroit où la Nature fait jaillir de l'eau pour le bien des hommes, mon petit...
Malgré cette mise en garde, Jean-Jean et moi-même étions pourtant bien décidés  à  ne rien manquer du spectacle.
Embusqués derrière des buissons, nous ne quittions pas le sourcier des yeux. Barbu et échevelé, il promenait lentement sa baguette sur le terrain, faisant des allers-retours sur une zone prometteuse, hésitant puis triomphant au moment où la baguette, d'un mouvement vif, avait viré vers le sol.
-C'est là  qu'il faut creuser, j'en suis sûr ! Elle a giré brusquement. C'est une preuve ! s'écriait le mage dont l'haleine sentait plus les crus du coin que l'eau pure.
Des cantonniers armés de pioches avaient aussitôt attaqué le forage sous un soleil de plomb. Il faisait si chaud que les écoles avaient fermé leurs portes et que tous les enfants avaient été mis en «congé de chaleur». Quelle aubaine que cette canicule ! Au troisième jour, alors que le trou avait atteint une profondeur de cinq à  six mètres, des doutes ont été émis. Mon père, ingénieur en électricité, diplômé de l’École polytechnique de Lausanne (EPFL), était du genre à  croire aux seuls rapports de cause à  effets.
- Je n'ai jamais cru aux sourciers ! Il nous dit que l'eau se trouve à  deux mètres... Il serait plus raisonnable de renoncer à  cette imposture...
-Papa, c'est quoi une imposture ?
L'après-midi même, Jean-Jean et moi, avons décidé de prendre le taureau par les cornes et de nous improviser sourciers à  notre tour puisque le sourcier officiel était si lent, si gauche et incapable. Avec un peu de chance, nous allions devenir des héros à  sa place, nous les enfants ! Et  nous aurions aussi nos noms et nos photos dans le journal, L'écho des Alpes de M. Boinard.  Aussitôt dit, aussitôt fait. Dans une épaisse haie de noisetiers qui bordait le jardin potager, nous n'avons eu aucune peine à  choisir une fourche idoine pour en faire une parfaite baguette de sourcier, identique à  celle de notre piètre confrère adulte.
Et de nous promener, hyper-fébriles à  l'idée que nous allions réussir là  où le sourcier professionnel avait échoué. A nous la découverte de la source, c'était évident !
    Et vous n'aviez que six ans tous les deux ? s'enquiert Crucia.
    Oui, six ans et beaucoup de confiance en nous et de curiosité.
Durant tout l'après-midi et jusqu'à  la tombée de la nuit, nous avons sondé le terrain de notre jardin, choisissant à  vrai dire, les zones où la terre était la plus meuble: dans les carreaux de fraises ou de radis du jardin potager plutôt que sur le sol dur des chemins de terre battue, que nos petites pelles d'enfant ne parvenaient qu'à  égratigner. Entre deux brèves amorces de sondages, nous nous rendions au puits familial pour en extraire quelques décilitres d'eau au moyen d'un gobelet fixé au bout d'une longue ficelle, et nous désaltérer. Beaucoup plus plaisant que de tourner un robinet, d'ailleurs à  sec ! Et nous passions en tête de la file d'attente, comme maîtres des lieux, cela s'entend.
- Laissez les passer, c'est le fils de la maison et son copain Jean-Jean.
Et si nous retournions au puits si souvent, c'était davantage pour le plaisir de faire valoir notre priorité sur le commun plutôt que poussés par la seule soif... Les adultes nous conseillaient de ne pas trop nous pencher sur la béance du puits.
Et, il va sans dire que, notre baguette – probablement trop fraîche ou mal coupée- s'obstinant à  demeurer immobile dans nos mains, nous lui imprimions de petits mouvements de rotation discrets, volontaires, en nous exclamant tour à  tour sur un ton si convaincant que nous finissions par y croire :
    Elle a giré ! Je te jure qu'elle a giré ! (C'est le terme qu'utilisait le vrai sourcier certifié).
    Je te dis de creuser ici....regarde. Vas-y Jean-Jean ! Mets-y plus de force bon sang !
Et Jean-Jean, dont j'avais fait d'autorité mon terrassier-subalterne, creusait, assez mollement,  alors que je zigzaguais de-ci de- là , baguette au zénith, l'air pénétré par ma mission sacrée. Jamais le moindre filet d'eau ne jaillit sous notre baguette qui ne gira d'ailleurs jamais spontanément non plus. Mais, le soir venu, nous avions tous deux des crampes aux poignets, à  force de « sentir » la baguette girer «spontanément».
Nos petits poignets endoloris étaient la preuve que nous étions devenus de vrais sourciers, certes débutants, mais sourciers quand même ! Notre mauvaise foi nous était masquée par la certitude de sauver la ville d'Aigle de sa sécheresse catastrophique.  Et, comme j'avais l'avantage de me trouver sur mon terrain, dans mon jardin, je ne cédais que rarement la baguette à  Jean-Jean dans l'espoir que mon buste trônerait peut-être un jour sur un piédestal de la Place du Marché  ou même sur le champ de Mars des Glariers où j'avais vu le général Henri Guisan parader sur son cheval l'année de l'armistice en 1945. J'avais alors quatre ans et la solennité du lever de drapeau ne m'avait point échappé bien que j'aie trouvé monotone la musique l'accompagnant. A la maison, je préférais la Valse des Fleurs du Casse-Noisettes de Tchaikowski, émanant d'un pickup pour disques noirs à 78 tours/minute. Ceux où le chien blanc de His Master's Voice se penche pour écouter..la voix de son maître..
L'échec fut donc total pour le sourcier officiel et pour ses deux épigones.
Néanmoins, et c'est là  que survient le mystère.... Le soir même, à  l'heure du coucher, alors que je venais d'apprendre que le sourcier municipal avait été remercié et prié avec ménagements de regagner ses pénates après son échec, j'ai décidé d'être (enfin) honnête avec moi-même et de tenter une vraie expérience, sans témoins gênants à  impressionner ni ami de bac à  sable ni public à  convaincre. Puisque nous avions un puits à  la cave et que ma chambre se trouvait deux étages au-dessus de cette eau, la baguette devait tourner, en toute logique !
Sans trop y croire, je me suis saisi une dernière fois de la baguette, attendant le miracle, les poignets parfaitement immobiles. Si ma baguette ne « girait » pas, je la casserais aussitôt et trouverais mille autres jeux pour m'occuper pendant les « congés de chaleur ». Ce jeu, décidément, commençait à  me lasser.
Mais soudain, après une longue attente, me voilà  foudroyé ! La baguette m'est comme arrachée des mains, et projetée contre la paroi, tandis que je tombe lourdement sur le sol en sanglotant, des vagues de spasmes secouant ma fragile carcasse de gosse incrédule. Là , je l'avais enfin, ma preuve que la baguette de sourcier, c'est du sérieux !
La violence de cette foudre est telle que je suis saisi de convulsions, recroquevillé sur le sol en position f œtale.
Précédemment, comme enfant en bas âge et,  malgré les mises en garde, j'avais à  deux reprises introduit une aiguille à  tricoter métallique dans les prises électriques murales du secteur (220 volts!).Pour voir « comment ça fait ». Je connaissais donc parfaitement la douleur extrême de tels chocs électriques.
Or, le choc qui venait de me frapper en jouant avec ma baguette de sourcier artisanale, taillée de mes mains dans la haie de noisetiers, était combien plus puissant que les 220 volts dans mon aiguille à  tricoter ! Mon papa se trompait donc sur ce point.
- Jacot , t'es au lit maintenant ?
Au lit, oui, je l'étais, mais tremblant et terrorisé. Cependant, je n'ai pas soufflé mot de mon expérience à  ma mère venue éteindre les feux. Et n'ai plus, de ma vie, touché à  une baguette de sourcier ou à  un pendule depuis lors.
Crucia m'avait écouté avec la plus grande attention.
- Vous avez joué avec les forces cosmiques sans être initié. C'est très dangereux, croyez-moi. Ça peut être même mortel. Venez donc au Groupe Pythagore, on vous expliquera tout, m'encourage Crucia.
Ému rétrospectivement en évoquant cet épisode mémorable, je sens comme un malaise, une crispation dans mon plexus solaire. Je n'ai sans doute pas perdu conscience sous le choc mais la seule évocation de cette expérience me donne encore des frissons.
De même qu'un long frisson me parcourt encore l'échine quand je songe à  mon tout premier souvenir, encore très vif dans ma mémoire, de ce beau jour d'été du 22 juillet 1944. Ce fut une journée historique. J'avais trois ans et quatre mois quand j'ai vu toute la population du quartier de La Fontaine envahir et coloniser abusivement « mon » petit jardin d'Eden à  moi. Les intrus n'avaient pas demandé la permission de se masser sur « mon » pré, entre « mes » deux mirabelliers, « ma » haie de noisetiers, « mon » buis et « ma treille » où brillaient déjà  de belles grappes dorées au soleil... J'allais pieds nus sur l'herbe verte, insouciant, après avoir traversé l'allée redoutable jonchée de graviers piquants. Les voisins accourus, sans y avoir été invités, pointaient tous leur index vers une sinistre colonne de fumée qui s'élevait de la rive française du Léman, au loin :
- Les Boches sont en train d'incendier St Gingolph !
Il est trois heures de l'après-midi. Les oiseaux chantent dans mon jardin. C'est l'heure où les SS, venus d'Annemasse, incendient la zone française du  village-frontière au lance-flammes, en représailles d'un coup de main des maquisards du FTP. Le lendemain, j'apprendrai que le curé du village a été tué et que son corps a été jeté sur le fumier.
A voir les visages des adultes, je perçois que la situation est grave. Après les mots de « papa-maman », les premiers vocables que j'apprends, comme « enfant de la guerre » sont les Boches, la guerre, rationnement, obscurcissement.  Parfois, les sirènes retentissent et nous descendons tous à  la cave selon les instructions de la DAP, acronyme désignant la défense civile non armée. Des soldats en uniforme bleu qui vérifient que le seau empli de sable est bien plein à  ras bord dans la cave de chaque famille. Le contenu de ce récipient rouge vif est censé éteindre les incendies dus à  d'éventuels bombardements... J'imagine souvent une bombe qui tomberait sur notre villa et je projette quelques pelletées de sable alentour  pour mieux vivre ma scène imaginaire...Et c'est moi, bien sûr, qui éteindrais – en héros solitaire au galetas- l'incendie de notre villa «La Colline »...La nuit, j'entends le ronflement sourd des « forteresses volantes » américaines qui vont et viennent pour bombarder Turin...
- Dors en paix, mon petit. Ce n'est qu'un orage au loin... me rassurait ma mère...
- Et les coïncidences ? me demande Crucia.
Dr Factice est en train de me servir un porto hors-d'âge. Je l'ai bien mérité. Je sais déjà  qu'ils ne mangent pas de viande et qu'ils ne supportent pas les fumeurs mais ils ne considèrent pas l'alcool comme impur. Ouf !
Ces coïncidences  - sans rapport avec mon expérience d'apprenti-sourcier - désignent des événements contigus, juxtaposés, sans rapport de causalité apparent et qui n'ont, pour la raison, aucune... raison de se produire en même temps. Carl Gustav Jung a baptisé ce phénomène du terme de « synchronicité », qu'il définit comme « l'occurrence simultanée d'au moins deux événements qui ne présentent pas de lien de causalité, mais dont l'association prend un sens pour la personne qui les perçoit. Cette notion s'articule avec d'autres notions de la psychologie jungienne, comme ceux d'archétype et d'inconscient collectif. »
Notre étonnement face à  ce jumelage de deux événements connexes, proviendrait de la mauvaise habitude que nous avons de raisonner en termes de causes suivies d'effets. Or, en mécanique quantique, il paraît même que certains effets peuvent se produire avant les causes. Et que la conception de hier, aujourd'hui et demain n'est que le produit d'une convention sociale, d'une mauvaise habitude occidentale qui restreint la gamme de tous les possibles. Difficile à  comprendre mais des équations abstruses prouveraient, paraît-il, l'existence d'un tel phénomène où les effets précèdent les causes ou provoquent leur apparition simultanée. Certains imaginent un univers holographique et un temps sphérique... De tels exemples d'événements synchrones, j'en ai vécu d'innombrables vers l'âge de quarante ans. Le plus frappant est celui de cet inconnu, croisé dans le métro parisien sur la ligne de Ballard, vers neuf heures du soir en 1980.
Méthodique, studieuse, sans doute même pointilleuse, Crucia prend son bloc et un crayon pour ne rien perdre de mon récit.
- Ne parlez pas trop vite car je vais prendre des notes, me supplie-t-elle.
Ce soir-là , en été 1980, je suis donc assis dans le métro parisien, sur un strapontin, absorbé dans la lecture du Canard Enchaîné. Au lieu de me joindre à  des confrères de ce Congrès de journalistes francophones, j'ai préféré demeurer avec moi-même et aller déguster des fruits de mer et un verre d'entre-deux-mers à  la Brasserie Lipp dont j'apprécie à  la fois le cadre et la clientèle que j'aime à  observer furtivement.
Dans le métro, j'ai à  peine remarqué la présence de ma voisine d'en face, assise, elle aussi, sur un strapontin. Une banale sexagénaire à  la chevelure décolorée sans signes particuliers. Embarqué au terminus de la ligne Ballard-Créteil, je suis rapidement dérangé dans ma lecture par une voix forte, à  la diction parfaite, un peu affectée, de style Vieille-France, qui apostrophe ma voisine. Impossible d'échapper au dialogue entre la blonde voyageuse et le nouvel arrivant: il est question de théâtre et d'un problème de plomberie, un siphon bouché, je crois. Les voyelles sont longues, les consonnes appuyées, la voix timbrée et la prosodie bien modulée. Qui ose encore s'exprimer en public en respectant les imparfaits du subjonctif avec une telle régularité et un tel aplomb,  tout en conservant un ton naturel ? L'homme, de haute stature, la soixantaine, se tient droit comme un Monsieur Loyal en représentation. Il est bien mis et porte une lavallière d'un charme désuet. On le dirait sur scène. Son allure et son ton me paraissent incongrus dans cette rame de métro.
- Madame, mon but sur le point d'être atteint – je vais au théâtre – c'est avec émotion  que je souhaiterais que vous ne prissiez point ombrage de mon départ impromptu, roucoule soudain ce vieux-beau distingué.
Pour moi qui viens du Canton de Vaud, où le bien parler passe pour l'instrument classique des escrocs (« trop poli pour être honnête »), je suis émerveillé devant ce spécimen d'art oratoire comme le fut  Charles-Ferdinand Ramuz, provincial ébaubi et fasciné en découvrant Paris du haut du  de la Tour Eiffel :
Rien n'explique mieux Paris que de le contempler du haut de la tour (...) Je recommande au visiteur cette ascension, car c'en est une. Qu'il se fasse porter ou se porte soi-même, dès les premiers jours de son arrivée, à  cette haute plate-forme d'où on domine un immense horizon. Car vous voilà  à  la montagne. Vous voilà  comme sur une de ces pointes verticales qui surmontent certaines arêtes qu'on appelle des gendarmes, à  part que que l’ œil, ici, porté à  plat, ne rencontre rien, si ce n'est l'air lui-même ou, à  l'extrême limite de la vue, quelques collines indistinctes noyées dans la brume du lointain. Ici, vous êtes dans le vent qui chantonne tour à  tour et siffle entre les madriers de fer comme dans la montagne au tranchant de la roche, venu de loin et vous enveloppant ; qui court autour de vous en toute liberté, qui ne connaît aucun obstacle, qui joue dans vos cheveux, qui vous chuchote des choses à  l'oreille ; et parfois on balance comme au sommet d'un arbre, quelquefois toute la construction au-dessous de vous est ébranlée et vacille, comme il arrive dans les hautes Alpes justement, sur une de ces élévations téméraires où on ne se hisse qu'à  la corde :  de sorte qu'à  la pointe de cette construction artificielle, la plus artificielle de toutes les constructions puisqu'elle n'est même pas faite de pierre (la pierre préexiste à  l'homme), mais d'une matière de son invention, on se trouve transporté quand même en pleine nature et tout à  coup on se trouve livré aux seules forces de la nature, dans un silence où on croirait qu'il n'y a que des bruits de la nature, ce qui est faux, mais ils ne vous arrivent que transformés par l'air et rendus ronds par lui, comme dans la haute montagne.3
Mon vieux beau rhéteur est de l'époque de Ramuz mais il suffit de lire les  œuvres de notre vedette littéraire locale pour percevoir qu'il est avant tout sensoriel, pudique et sensible. Je ne sais en revanche, rien du contenu des cales de Monsieur Lavallière et me demande qui il est vraiment derrière sa persona.
Et je regrette, rêvassant dans le métro parisien, que nous autres humains, contrairement aux chiens qui prennent la peine de se renifler sans fausse pudeur, en soyons réduits par les règles de la politesse, à  respecter une distance critique avec nos semblables auxquels il n'est pas convenable d'adresser spontanément la parole, à  fortiori de les questionner sans raison légitime. Ni de sauter au cou des belles pour les embrasser sur la bouche à  chaque fois que le caprice nous en prendrait. Et je songe, en écoutant M. Lavallière, que nous autres journalistes sommes condamnés à  de faux rapports systématiques avec nos sujets interviewés dès que nous débarquons avec bloc-notes et stylo – ou pire encore - avec micro, caméra et spotlights. 
Que faisait Monsieur Lavallière sous l'Occupation ? Du marché noir ? Un travail de collabo ? La prison ? Rescapé d'un camp ? A-t-il une famille ? Est-il critique de théâtre au Figaro ou aux Nouvelles Littéraires ou fut-il, directeur à   Je suis partout, organe de la collaboration  ? Serait-il académicien, auteur de romans à  succès ? Casanova ou pervers polymorphe ?
Le voyageur inconnu, descendu de la rame trois stations plus loin, s'est déjà  fondu dans la foule. Disparu à  jamais. Les humains, pourtant dotés d'intelligence, de la parole et de sémiologie non verbale, se croisent dans le vaste monde avec la même impassibilité et indifférence que deux navires en haute mer. Au détail près que les navires, eux, battent pavillon national et affichent au moins leur nom de baptême.
Et j'en viens à  regretter que nous ne puissions satisfaire notre curiosité instantanément en plongeant par quelque stratagème ou dispositif à  inventer, dans l'âme d'autrui pour en tirer la substantifique moëlle. Sans masque, sans filtres et sans écrans. Pour établir une communication totale avec l'autre, univers tout aussi complexe que celui porté, comme un mystère jamais élucidé, par chacun d'entre nous. Les romanciers qui s'imaginent inventer des histoires, sont en fait de tels prédateurs d'âmes mais il leur manque, à  eux aussi, cette capacité de communication intégrale et immédiate avec leur prochain.
Mon rêve de journalisme intégral avec accès direct et instantané aux rêves et pensées les plus secrètes des interviewés se dissipe. Il faudra que je m'accommode encore longtemps des réponses biaisées, controuvées et toujours auto-justificatrices et auto-laudatives de tous les personnages que j'ai interviewés dans ma vie, des divas du Septième Art, aux vedettes de la politique, des chefs d'orchestre illustres aux meurtriers, marginaux et autres déviants exquis. Sans oublier une poignée de personnages du « milieu » et un vrai perceur de coffre-fort, Kevin, incarcéré à  la prison de Bristol où il purge neuf années de prison pour un coffre vide, ne valant pas le prix de son chalumeau oxhydrique allumé nuitamment devant le coffre-fort d' un hôtel de Brighton... La relation humaine est donc a priori biaisée, fondée et perturbée  par l'estime de soi, les convenances, et tous les masques dont se sert l'homme comme instruments de défense, de domination, d'attaque et de survie dans un monde anxiogène, où il convient de s'inventer et de couver ces mille secrets qui font que la question du Dr Factice demeure absurde. Et pourtant...
- Est-ce que moi, je suis toi? Ou est-ce que toi, tu es moi ?
Pas étonnant que les récits littéraires consacré aux échecs personnels, au deuil, aux maladies, soient le plus souvent rédigés sur un style héroïque et hagiographique. Le jour où je lirai une annonce mortuaire où le défunt sera réputé « mort de manière héroïque sans la moindre résistance à  sa maladie incurable, en refusant avec bravoure tous les soins de la Faculté », nous aurons franchi une première étape vers la vérité.
Tant pis pour Monsieur Lavallière que je ne reverrai jamais. J'en suis donc quitte pour ma curiosité non satisfaite. Je vais me consoler devant une première douzaine d'huîtres et quelques verres de coteaux nantais tirés sur lie à  la Brasserie Lipp. Chez les marins bretons, cela s'appelle « baiser une fillette », du nom de l'élégante bouteille.
Le lendemain vers midi, le Maire de Paris, Jacques Chirac, nous reçoit en grand apparat à   l'Hôtel-de-Ville, nous, les cent-cinquante journalistes de la francophonie.
Notre hôte a mis les petits plats dans les grands. Même C.-F. Ramuz, « le petit Vaudois »5, comme il se nomme injustement, n'a pas eu droit à  de tels honneurs à  Paris : salle de réception digne du Palais des glaces de Versailles, victuailles  sur plateaux d'argent, servies par du personnel en gants blancs, faisans découpés en petits dés puis reconstitués, avec, en guise d'ornement princier, quelques plumes sur la queue, pour parfaire le spectacle... Je me plais à  imaginer que Marie-Antoinette – qui perdit sa tête non loin d'ici- n'aurait point fait la fine bouche face à  cet hymne franco-gastronomique. Avec pain croustillant sortant du four, mais sans brioche, il est vrai.
Tantdis que Monsieur le Maire entame son discours fleuri à  la gloire de la langue française et de ses inventeurs - les Parisiens -,  qu'il éblouit ces provinciaux issus des colonies de l'Empire déchu où la France n'a cessé de faire briller le flambeau de la civilisation, je me rapproche du buffet pour inspecter les volatiles impériaux de plus près. Et je songe aux méchants petits fours servis parfois par notre Conseil fédéral à  ses hôtes de marque à  Berne; ou au whisky noyé dans des torrents d'eau glacée à  l'Ambassade de Suisse à  Londres dans les années 1960,  une véritable insulte aux Écossais, inventeurs dudit breuvage; aux  œufs de lompe que certaines municipalités suisses tentent de faire passer pour du vrai caviar « béluga » auprès de leurs hôtes de marque ...pas si incultes au point de n'y voir que du feu; et aux canapés humides chargés de jambon à  couenne épaisse, offerts par des autorités suisses à  des princes exotiques qui mériteraient mieux... J'ai même vu servir du « taillé aux greubons »6 à  des hôtes de marque musulmans... Nos écoles de diplomates n'engagent pas encore de cuisiniers-conseils. C'est une grave lacune.
Ici, dans ce décor grandiose de l`Hôtel-de-Ville de Paris, la pompe, le somptueux et le somptuaire prédominent. On ne s'y mouche pas du pied ! Qui songerait encore à  reprocher ses «frais de bouche» à  Chirac ? Un homme qui sait partager les chefs d’ œuvre de la gastronomie française avec ses hôtes, fussent-ils étrangers.
Un autre invité a aussi entamé la promenade du faisan - en sens inverse -  le long du buffet princier. Les garçons en livrée à  fleur de lys, un peu à  l'écart, sont prêts à  entamer leur ballet fébrile.(A Schönbrunn, on avait même prévu un couloir dérobé,  pour les domestiques afin que le spectacle pénible de leurs allées et venues incessantes vers la cuisine n'offense pas la vue des invités ni ne brise le charme des conversations). L'inconnu qui inspecte le buffet se rapproche.. Nous nous croisons. Nous nous toisons. Nous nous dévisageons. Nous sourions en échangeant des signes de tête entendus devant les victuailles. J'ai envie de faire mine de me pourlécher en me frappant la panse de manière complice pour me faire bien comprendre par gestes discrets, mais la majesté des lieux me fait me raviser et je me limite à  du non-verbal décent, un simple sourire entendu. En attendant la fin des discours dont il convient de ne pas perturber le flux.
Au troisième croisement avec cet inconnu, celui-ci me demande à  voix basse alors que les discours officiels se poursuivent.
-Est-ce que nous nous connaissons ?
J'énumère les titres de quatre journaux parisiens pour lesquels je travaillais, comme correspondant à  Londres au début des années 1960. Cela ne lui rappelle rien. Je lui parle de quelques missions au syndicat  de la CFDT pour discuter d'accords internationaux sur le minimum des cachets de comédiens dans les productions de télévisions francophones. Cela ne lui dit rien non plus.
Et je lui demande à   mon tour pour quelles publications il  œuvre. Le Figaro peut-être  ?
- Ne seriez-vous pas critique de théâtre pour ce quotidien  ?
L'inconnu confirme qu'il est bien critique de théâtre occasionnel au Figaro. Je le regarde, interloqué, et me hasarde à  lui demander, au risque de paraître ridicule:
- N'étiez-vous pas hier soir dans le métro, sur la ligne de Ballard vers 21 heures et n'avez-vous pas parlé de vos ennuis de plomberie avec une sexagénaire blonde ?
L'inconnu acquiesce.  Oui, c'était bien lui et il se rendait effectivement au théâtre!
Je suis fort troublé par cette coïncidence qui, à  la seule lumière de la raison, n'avait pratiquement aucune chance de se produire. Voilà  onze années que je n'avais pris le métro à  Paris. Compte tenu du nombre de lignes de métro, du nombre de rames qui ont circulé depuis lors sur le réseau, du nombre de jours et d'heures qui ont passé, du nombre de passagers qui ont défilé dans les couloirs et dans les rames, rien ne peut expliquer raisonnablement un tel non-hasard. En l'espace de quelques heures, j'avais rencontré deux fois ce personnage qui m'intriguait et suscitait ma curiosité. Le paradoxe des anniversaires  invoqué par les rationalistes ne suffit pas à  dissiper la très vive émotion et le trouble ressentis à  cette occasion. Comme si le Fatum me narguait. Comme si, à  la manière des contes de fées, mon v œu secret d'en savoir plus sur l'inconnu avait été exaucé.
Je fais part de ma stupéfaction à  Monsieur Lavallière qui ne porte plus d'ailleurs en cette occasion qu'une cravate classique. Jacques Chirac a terminé son discours et celui de Jean-Marie Vodoz, président de notre association de journalistes francophones – une des meilleures plumes de Suisse romande – s'achève aussi. Nous pouvons donc parler à  voix haute et je redécouvre la voix, la diction et la prosodie particulière du voyageur inconnu dont j'aurais voulu connaître le passé et les pensées secrètes.
- Voici ma carte de visite ! me dit Monsieur Lavallière alors que je lui tends la mienne. Et là , deuxième vague de perplexité puis stupéfaction en découvrant son identité :
Henry de France – Président d'honneur des radiesthésistes de France
Les bras m'en tombent. Je lui fais part de ma surprise.
- Jeune homme, apprenez qu'il n'y a pas de hasard !
Le « jeune homme » me froisse un peu car j'ai tout de même trente-neuf ans mais sa sentence me plonge dans la perplexité. Et alors, s'il n'y a pas de Hasard et  Nécessité, notre libre arbitre, notre capacité de discernement entre le Bien et le Mal, ne serait-elle qu'une illusion, une convention, un mythe ? Vivrions-nous dans un monde intégralement déterministe sans le savoir ? De simples jouets sous l'emprise du Fatum ?
Durant les trois jours qui ont suivi, le même non-hasard a voulu que nous soyons souvent ensemble – sans le vouloir ni le rechercher – que ce soit à  table ou dans l'autocar qui nous conduisait au Château de Chenonceau où ma commensale de gauche m'annonce fièrement :
- Savez-vous que mon mari est piqueur ?
Je prends une mine admirative, un peu gênée, sans oser avouer mon ignorance.
Ma voisine de droite surenchérit aussitôt :
- Mon mari est sonneur, lui ! Vous avez dû l'entendre en entrant dans la propriété du château ?
Effectivement, nous avons été accueillis par une sonnerie de cors de chasse. Je finis par comprendre que ces dames sont les époux de professionnels de la grande vénerie, comme on en voit encore sur des tableaux retraçant les hauts faits de l'Ancien Régime. Et comme les grands crus millésimés m'ont rendu euphorique, un fou-rire inextinguible me saisit... Je dîne au château qu'habitèrent Diane de Poitiers et Catherine de Médicis et je suis à  la même table que la domesticité ! On me désigne, au bout de la table, un chef d'équipage et un palefrenier !
    Mais vos piqueurs et sonneurs de maris exercent-ils à  plein temps ?
    Non. Entre les grandes cérémonies et les chasses à  courre , à  cor et à  cris , le mien est aussi jardinier
    Et le mien peut aussi officier comme grand échanson ! se rengorge l'autre en redressant fièrement son opulente poitrine.
Mon fou-rire me reprend. Je me crois transporté à  Versailles au Grand Siècle.
Ce qui m'a mis en joie, c'est l'air pénétré et gravissime de Madame Piqueur et de Madame Sonneur lorsqu'elles m'ont annoncé les fonctions de leurs maris en plastronnant. La mention du « grand échanson » a fait s'écrouler les frêles murailles de mon sérieux contraint. Je ne me doutais pas qu'on eût pu conserver les fonctions et appellations mythiques de la grande vénerie du Roi Soleil, à  plus  de deux cents ans après la Révolution !
C'est donc dans ce décor que j'ai eu tout loisir d'apprendre les grands épisodes de la vie de Monsieur Lavallière, sans avoir à  plonger comme un prédateur dans son âme en lui posant mille questions. Sous l'Occupation, il s'était livré à  un peu de marché noir pour survivre,  mais rien d'infamant, paraît-il. J'ai tout su de ses origines, de son milieu dans sa jeunesse, du nom de ses ouvrages consacrés à  la recherche et à  la découverte de trésors cachés en Algérie grâce à  sa baguette de sourcier ! Il m'a même remis un petit fascicule où étaient consignés ses exploits de chercheur de trésors ! Et c'est ainsi que j'ai découvert qu'il avait même le titre de vicomte.
Des décennies plus tard, j'ai découvert son curriculum vitae sur le site de l'Association des Amis de la Radiesthésie (A.A.R.) :
En avril 1973, c'est le vicomte Henry de France fils qui est élu président de notre association. Radiesthésiste mondialement connu, membre fondateur de I'AAR aux côtés de son père, officier de radio de la marine marchande, journaliste, peintre, écrivain, auteur de nombreux livres dont son dernier « Radiesthésie Théorique et Pratique » bien qu'épuisé est toujours d'actualité et se trouve facilement en occasion.
Conférencier hors pair, il organise de nombreuses activités et des cours de radiesthésie, il met en place un repas-conférence trimestriel qu'il appellera le « Dîner des Sourciers ».
Henry de France restera président jusqu'en mai 1992, date à  laquelle il se retirera pour raisons de santé. Du fait de ses très longs et très appréciés services, Henry de France est nommé président d'honneur de l'association. Il décédera en avril 1993. Le comité directeur portera alors madame Henry de France à  la présidence d'honneur. »
De retour en Suisse, j'ai raconté l'histoire de Monsieur Lavallière à  Jean-Jean, mon ami de bac à  sable et ex-apprenti sourcier  à  Aigle ainsi qu' à  plusieurs autres amis  tous incrédules :
- Fais attention, tu deviens mystique ! fut la réaction d'un de mes confidents.
D'autres, doués en mathématiques, ont tenté de me convaincre que le Hasard a une forme, celle de la courbe de Gauss et que celle-ci comprend ce genre « d'exceptions ». Qu'il faudrait de super-ordinateurs pour calculer les probabilités ou improbabilités d'une telle rencontre etc. Qu'il n'y a là  rien d'atypique ni de paranormal. Pourtant, il faut avoir été frappé soi-même par de telles coïncidences pour en comprendre le caractère dérangeant et fort troublant pour la Raison.
Mais , pour l'avoir souvent vécu, ce phénomène de coïncidences porteuses de sens menace les certitudes des observateurs les plus cartésiens.  Et à  ce jour, je ne peux pas encore accepter cette exception à  l'aléatoire sans me poser de questions et en être troublé.
Certains orientalistes tels que le Dr Deepak Chopra estiment (Le Livre des Coèïncidences/J'ai Lu) qu'il faut « vivre à  l'écoute des signes que le destin nous envoie » sous forme de « synchronicités ». Celles-ci seraient même de nature divine ou cosmique.Chacun devrait leur donner un sens et les accompagner d'une intention pour que ses désirs deviennent réalité...
De nombreuses autres coïncidences  se sont produites dans ma vie, vers la quarantaine. J'en ai encore le souvenir troublant à  l'esprit mais, malgré mes recherches, ne leur ai trouvé aucun sens.
Crucia m'a écouté  en silence, prenant moult notes sur son calepin. Votre passager du métro parisien avait raison: il n'y a pas de hasard. Le Cosmos est organisé et régit nos vies alors que nous croyons être les maîtres de notre destin. Nous ne sommes rien individuellement car nous sommes reliés au Grand Tout. Au Groupe d'études Pythagore, nous étudions la philosophie holistique. Venez et vous en saurez davantage. Avec votre permission, je vous sonderai tout à  l'heure avec ma baguettes de radiesthésiste...Je pratique le Chi-Gong thérapeutique. Et comme vous travaillez dans des studios de télévision et de radio, vous devez être lourdement pollué par l'électro-smog...
Le dessert végétalien avalé, Crucia, insatiable, souhaite capter d'autres récits de synchronicité de ma part. J'ai un peu l'impression d'être son cobaye mais je cède volontiers à  sa requête puisqu'elle paraît en savoir long sur la question et que les connaisseurs en la matière sont si rares.
Parmi les dizaines de « synchronicités » vécues, j'en choisis une, tout aussi frappante et dont le récit sera plus bref.
De retour à  mon domicile vers 23 heures, après de longues heures de montage d'un film dans un studio de télévision, j'allume mon poste de télé et découvre, dans la série La Vingt-Cinquième Heure, un sujet documentaire sur les Passages couverts de Paris.  Cette typologie architecturale du Second Empire m'a toujours fasciné, que ce soit dans la littérature (Nadja, d'André Breton, etc), la photographie, la peinture ou l'Histoire. Ces zones entre Terre et Ciel où cohabitent des résidents à  demeure, des commerçants...et des passants me séduisent bien plus que les châteaux médiévaux les plus imposants...toujours froids et dépourvus d'ascenseurs. La lumière zénithale qui varie d'heure en heure fait de ces Passages des métaphores de pierre et de verre de notre existence. Ils abritent à  la fois la vie privée des habitants dans les étages supérieurs, derrière d'épais rideaux protégeant des secrets d'alcôve, alors que les commerces du rez-de-chaussée exhibent leur population laborieuse et leurs marchandises à  la foule qui...passe. Rien de plus poétique que le soleil qu'on ne voit ni se lever ni se coucher, mais dont on ne devine la présence et la course que par le jeu des irradiations sur la surface bombée des verrières. Il y a du statique et du mobile, du dynamique et du figé dans ces passages couverts. De la pierre, du fer forgé noir et du verre blanc... De la vie trépidante  et des contemplatifs accoudés aux fenêtres. Des travailleurs et des oisifs. Des vendeurs et des acheteurs. Un concentré de vie, d'échanges et de civilisation puisque les passages couverts sont toujours ouverts aux deux bouts...Le chaland n'y réside pas. Il ne fait que... passer. Deux béances...l'une vers le plaisir de la découverte et de tous les possibles en y entrant et l'autre vers la liberté en en sortant. Entre les deux : le plaisir de mille découvertes. Une merveille architecturale du Second Empire.
Fatigué par ma journée de labeur, j'entends soudain, le commentateur du film documentaire présenter l'historienne du Passage Geoffroy Didelot, quartier des Batignolles dans le 17e arrondissement :
- Ici, dès 1894 vivait Monsieur Widmer, commerçant dont la boutique jouxtait celle de Madame Felix, commerçante, elle aussi.
Je sursaute intérieurement mais n'en laisse rien paraître. À plusieurs reprises, j'ai raconté mes « synchronicités » à  ma femme, sans éveiller chez elle de grand intérêt. Suis-je la victime d'une caméra invisible car je connais pas mal de facétieux dans mon entourage ? (Il m'est aussi arrivé souvent en radio ou en télévision, d'envoyer en direct des messages privés, des mots-clefs cryptés, à  des correspondant(e)s prévenu(e)s dont je sais qu'ils sont devant leur poste. C'est un classique dans la profession.) Non seulement la boutique qu'on nous montre était tenue par mon  homonyme  mais la boutique voisine par une commerçante portant le nom de jeune fille (Félix, probablement d'origine huguenote) de mon épouse !
Celle-ci me demande aussitôt si j'ai bien entendu le commentateur.
Troublé, je confirme et ajoute que cela n'est qu'une des multiples synchronicités que j'ai vécues depuis plusieurs mois. Et que j'ai bien l'intention de me rendre sur place, dans ce Passage couvert parisien pour voir si j'y fais une rencontre marquante « non fortuite » ou si  j'y décèle des « signes » ou – qui sait –  même des « souvenirs ».
    Tu crois aux vies antérieures maintenant ? me demande Lisa, une pointe de ton narquois dans la question.
    Je ne l'exclus pas depuis que Dr Zède, autre membre de la Fédération des médecins suisses (FMH) , super-gage de scientificité, va consulter elle-même chez un spécialiste en vies antérieures. Elle a tout de même fait de brillantes études de médecine durant quinze ans et m'a dit avoir découvert qu'elle fut jadis la fille d'un Empereur de Chine ! Une révélation obtenue sous état de conscience modifié chez un spécialiste.
- Une cinglée !
Dr Zède est pourtant spécialisée en psychosomatique et a résidé dans un ashram en Inde puis a été initiée dans une communauté « spirituelle » dans l'État de l'Oregon, aux États-Unis. Parmi les fidèles de ce groupe: de nombreux psychiatres... Tout imprégnée de sagesse orientale antique, elle partage volontiers son savoir. Une journaliste m'a recommandé ses services car elle enseigne des techniques de relaxation dont j'ai bien besoin vu l'incroyable mélange d'activités journalistiques, politiques et syndicales qui sont les miennes. Sans oublier quelques égarements libertins légitimés par l'aphorisme d'Oscar Wilde : « Le seul moyen de se délivrer d'une tentation, c'est d'y céder » et une inclination à  me servir de l'alcool comme anxiolytique à  effet rapide après les coups de stress.
Crucia exulte ...
- Mais oui, allez sans tarder explorer vos vies antérieures. Ça vous fera du bien. Si nous n'avions pas commis de fautes graves dans nos vies antérieures, nous ne serions pas ici sur cette Terre. Nous aurions tous soldé nos dettes karmiques et serions enfin au Nirvana ! Il faut absolument sortir de la roue des naissances et des morts en nous libérant de nos désirs et de notre ego morbide et létal !  Elle  connaît aussi le spécialiste recommandé en vies antérieures, vedette de sa spécialité, qui officie avec succès à  Lausanne. Il faut plus d'un mois pour obtenir un rendez-vous et il n'accepte pas n'importe qui. Il en est presque à  exiger que les candidats aux régressions ante-natum rédigent une lettre de motivation pour être reçus !
Quelques semaines plus tôt, avant un voyage professionnel au Bénin, j'avais aussi consulté un médecin-député genevois, bouddhiste, qui m'avait recommandé une injection de gammaglobulines pour renforcer mon système immunitaire avec un effet- retard de quelques semaines en prévision de ce voyage en zone bactériologique dangereuse. Puis il m'avait proposé, lui aussi, d'explorer mes « vies antérieures ». Comment résister à  de tels conseils convergents et insistants  de blouses blanches aussi qualifiées ? Je n'avais pas refusé non plus le « quart d'heure thérapeutique » qu'il me proposait...
    Vos tri-glycérides ont un niveau un peu élevé mais ça n'est pas inquiétant. Mangez-vous beaucoup de viande, de gras ?
    Un  œuf au bacon chaque matin !
    Peut-être faudrait-il changer ce régime mais votre problème de santé n'est pas là .
    Mon problème ?
    Oui ! Votre principal problème de santé, c'est que  vous êtes dans un corps humain et c'est là  votre première pathologie ! Tâchez de vous en libérer !
Ai-je bien entendu ?  Un médecin FMH se moquerait-il de moi ? Pas du tout. J'éclate de rire.
    Et vous dites ça à  tous vos patients ?
    Seulement à  ceux qui peuvent le comprendre.
Pour ce singulier diagnostic du quart d'heure « psychologique », Dr G., médecin et député, ne m'a facturé qu'un supplément de CHF 118,50. Mais il ne m'a pas fourni de panacée pour ne plus jamais devoir revenir sur Terre au cas où je trouverais mon séjour dans cette pension sphérique lassant.
C'est bon marché si je songe que j'ai exploité l'histoire à  la Buvette du Parlement de Genève, un soir où il y avait une session et que la discussion s'attardait sur de banals commentaires du dernier match de foot vu à  la télé. Attablé, comme journaliste, en compagnie de cinq ou six députés appartenant à  divers Partis, je fais habilement dériver la discussion sur les ligaments croisés du dernier footballeur blessé au genou, et enchaîne aussitôt, avec un esprit d'à  propos légèrement déviant, sur le diagnostic oriental dont j'ai bénéficié. L'assemblée part d'un long éclat de rire collectif, inextinguible. Dr G. est à  la table. Je n'ai pas cité son nom dans mon récit. Il ne bronche pas mais me regarde en coin. Nos ricanements et sarcasmes profanateurs ont dû le conforter dans ses croyances.
Par curiosité et sous l'insistance de mes conseillers en thérapie spirituelle, j'irai donc explorer mes vies antérieures chez le spécialiste lausannois unanimement recommandé.
- Vous verrez, il ressemble à  Torquemada ( Inquisiteur espagnol du XVe s.) mais, en fait, il est très sympathique quand on le connaît mieux, m'a prévenu Dr Zède.
Crucia est du même avis : par souci d' hygiène mentale et de progression spirituelle, il serait opportun de consulter « Torquemada »...


 
#6 Posté par : Extaszzeekor 17 juillet 2016 à  16:24

CHAPITRE III
Pas d'avenir pour les vies antérieures
Les honoraires se paient d'avance et la science de Torquemada n'exige aucun interrogatoire d'anamnèse. Les rideaux sont tirés et la lumière s'estompe decrescendo, alors qu'une légère musique de fond, de style planant, se fait entendre. Il faut s'allonger sur un divan et porter un casque acoustique pour entendre la musique, les bruitages et surtout ...les consignes de Torquemada. Le paisible Inquisiteur a une voix de basse profonde qui me parvient avec un tel écho que je me crois seul au milieu de la Chapelle Sixtine. La sensation, plutôt agréable, ressemble à  celle que l'on peut éprouver en flottant dans l'eau saturée de sel d'un caisson d'isolation sensorielle7 après avoir fumé un joint. Une technique de relaxation aquatique qui m'avait aussi été recommandée « pour le bien de mon évolution spirituelle ». Après deux séances, je m'étais lassé et avais cédé mon abonnement à  une cons œur journaliste, friande de telles sensations. L'odeur âcre du liquide non amniotique, pire que le chlore des piscines, dans lequel je flottais, m'indisposait...
Chez Torquemada, inutile de se doucher et se sécher après la plongée dans ses vies antérieures. Tout se passe à  sec, hormis les éventuelles éclaboussures, émotionnelles, que l'on peut ressentir parfois comme désagréables à  l'évocation d'épisodes tragiques. Un voyage sans fil d'Ariane...
Au bout d'une dizaine de minutes, bercé par la voix de Torquemada et la musique d'ambiance, je commence à  rêvasser. Et me dis que si d'autres explorateurs ont investi leurs économies dans ce singulier loisir, il faut que j'en aie, moi aussi, pour mon argent. Je vois défiler quelques images... Est-ce le produit de mon imagination cornaquée par mon désir de réussite ou l'apparition spontanée de fragments de vies antérieures ? Je ne saurais le dire mais je commence à  voir des scènes sur mon écran visuel mental... Des moines vêtus de bure...Un couvent à  la toiture en tuiles vernissées de quatre couleurs, formant des motifs entrelacés du plus bel effet... Une cloche qui appelle aux Vêpres... Voilà , j'y suis et je reconnais les Hospices de Beaune, bien sûr ! J'ai visité trois fois les lieux dans ma vie présente, le petit jardin aux plantes médicinales, le Polyptique du Jugement dernier de Rogier van der Weyden où angelots et diablotins coexistent en bonne intelligence, les damnés brûlant vifs à  droite de l'opus et les bienheureux voletant et jubilant, à  gauche du chef d’ œuvre monumental.
Ces plongées dans les vies antérieures, je n'y croyais qu'à  moitié, mais là , soudain, tous mes doutes se dissipent car le film de mon lointain passé se déroule sous mes yeux clos. Les images sont aussi vraies que celles que je vois passer depuis des années sur les écrans des tables de montage ou de la télévision.
Maintenant, je m'approche d'un grand vase en céramique, orné de motifs bleus semblables à  des azulejos portugais... Je me vois soulever le couvercle du vase et y puiser une substance visqueuse, avec une longue cuiller en bois... Goulûment, j'avale la purée verte -  légèrement aigre-douce -  et regagne ma cellule par un long couloir éclairé par quelques rares méchants lumignons. Je viens de me goberger de thériaque, la panacée à  base de plus de cent plantes mélangées à  de l'opium pur. Je me sens au paroxysme de ma forme. Une substance préventive contre la peste, le choléra, la danse de Saint-Guye et autres petites véroles. Une gelée qui m'a réchauffé le c œur.
Mais soudain, alors que je pratique une sorte d'hésychasme (technique d'immobilité,  de repos, de calme, de silence), de violents coups  sont frappés à  la porte de ma cellule. Le Prieur et son Sous-Prieur se saisissent de ma personne et s'exclament : Tu as volé de la thériaque réservée à  nos blessés des Croisades et à  nos malades. A cause de toi, frère indigne, nos moines-soldats vont souffrir sur les champs de bataille où ils chassent l'infâme. Tu as touché à  la Sainte Propriété collective. Pour cela : in pulverem reverteris !
J'entends alors au loin s'élever des chants grégoriens répercutés par mille échos dans le dédale des couloirs du couvent et les coups d'une cloche qui sonne le glas. Que va-t-il se passer ? N'y aurait-il point de pardon dans ma communauté religieuse ?
    Et ensuite, m'interroge Torquemada, de sa voix caverneuse ?
    Ensuite ? Je ne vois que ma tête qui tournoie et mes sandales qui « frottoyent » le sol rugueux du couloir. Je crois qu'ils sont deux à  me traîner de force vers une destination inconnue...sans que je ne puisse me dégager de leur étreinte...
Les images s'estompent puis disparaissent et réapparaissent par fragments, comme sur un poste de télé déréglé.
Et là , soudain, je me trouve à  proximité du jardin aux herbes médicinales, maintenu solidement à  genoux par deux paires de mains. Je ne vois pas le visage de mes geôliers mais j'entends leurs voix:
- Pour ta forfaiture et ton sacrilège, c'est ici que tu reposeras ad aeternam comme le veut et l'exige la Sainte Eglise  catholique, apostolique et romaine, bâtie sur la pierre de Pierre.
Il imprime un mouvement de torsion brusque à  ma tête: je découvre un tombeau béant dont le couvercle, en belle pierre de Bourgogne, légèrement ambrée,  a été soulevé et déposé à  proximité.
Des prières en latin sont débitées sur un ton funèbre. Un Sprechgesang est entonné sur le mode grégorien. A en juger par le volume des voix, la communauté tout entière est présente, mais je ne peux la voir puisqu'un bâillon très serré me bouche maintenant la vue et m'empêche de crier. Je sens qu'on me dépose délicatement sur le sol. En fait, le contact est si dur et froid qu'il ne peut s'agir que du fond du tombeau entr'aperçu. Je tente d'appeler au secours en gesticulant, mais mes pieds et mes mains sont liées. Comme celles d'Isaac avant son sacrifice... Et aucun bélier salvateur en vue...
Les litanies se poursuivent et je perçois le halètement de mes frères qui peinent à  rabattre le couvercle. Le bruit sec de la pierre qui entre d'un coup  dans son logement déclenche une panique dans tout mon corps. Mes cris sont étouffés. Mes tentatives pour me libérer de mes liens demeurent vaines.
Oui, je viens d'être enterré vivant ! Et paniqué, je me dresse sur le divan de Torquemada en hurlant : Non  ! Tout mais pas ça !!!
Le câble de mes écouteurs est trop court: ils tombent à  terre. J'ouvre les yeux et comprends que mon cauchemar est bel et bien la preuve que je n'ai pas eu que des vies antérieures heureuses ! On m'avait prévenu. La rétro-vita-thérapie n'est pas un chemin jonché de roses.
    Qu'est-ce qui s'est passé ? me demande, affable et prévenant, Torquemada en me tendant un verre d'eau.
    Ce qui s'est passé? Insupportable ! Je viens d'être enterré vivant aux Hospices de Beaune, pour avoir chapardé un quart d'once de thériaque ! Et sans le moindre jugement ni pardon ! Ah les salauds !
Torquemada tire les rideaux et ouvre la fenêtre . Le soleil inonde la pièce.
- Ces abréactions cathartiques ne sont pas rares, m'explique-t-il doctement. Il faut parfois quelques heures pour s'en remettre. Mais ces purgations de l'âme sont bénéfiques et ne laissent aucune séquelle, ajoute-t-il comme pour me rassurer. Il faut brûler tous vos souvenirs de vies antérieures pour être heureux dans votre vie présente. Le chemin du bonheur est à  ce prix...Tout est dans le lâcher prise, le combat contre son ego. Ensuite il faut apprendre à  s'ancrer dans le sol et à  vivre le hic et nunc pleinement en oubliant passé et avenir. Seul compte l''Eternel présent.
Mon c œur bat la chamade comme si j'étais encore captif au fond de mon trou, pour un péché, ma foi, bien véniel. Pas plus d'une minuscule cuillerée à  café de thériaque et c'est tout, promis juré ! Du simple chapardage !
Torquemada me propose un nouveau rendez-vous, « dans un mois » car il ne faut pas accélérer la remontée des souvenirs, sous peine qu'ils tarissent ou nous submergent dangereusement.
- Vous avez de la chance  et vous êtes doué ! De nombreux consultants ont besoin de douze séances avant d'avoir le moindre indice de vie antérieure, m'explique encore Torquemada en me raccompagnant avec beaucoup d'égards vers la sortie.
Pour me dégourdir et les jambes et l'esprit, je cours jusqu'à  la gare CFF de Lausanne pour attraper le prochain train. Le soir,  je suis plongé dans une réalité moins éprouvante mais agitée tout de même: je dois rédiger le compte-rendu des débats du Grand Conseil de Genève pour un quotidien. Cent-deux points à  l'ordre du jour, 100 orateurs potentiels, sans compter les sept membres du Gouvernement de la République et Canton de Genève (prolixes, eux aussi) qui vont, une fois de plus, s'entre-déchirer avec la même hargne sur des objets critiques ou dérisoires. Pour mon malheur, je n'ai que 6000 signes disponibles pour résumer près de six heures de débat. Encore faudra-t-il que je marchande et défende mon espace car « l'abondance des (autres) matières » est constamment invoquée pour réduire ma portion de page à  une peau de chagrin. Je m'emploie à  gérer le hiatus entre mon trip onirique et les préoccupations des députés que je dois capter, résumer et transmettre à  l'opinion publique.
    Tu m'as l'air bien pensif et silencieux ce soir, me fait remarquer une jeune cons œur, familière de la tribune de presse du Parlement de Genève.
    C'est que je reviens de mes vies antérieures. La session a été très pénible
    Qu'est-ce que c'est que cette nouvelle lubie ? Tu vas nous raconter tout ça à  la pause-repas, tout à  l'heure. Tu n'y couperas pas ! Tes vies antérieures ?
Et de se tourner vers ses deux autres cons œurs, plus jolies les unes que les autres pour leur confier en chuchotant: « Il est allé explorer ses vies antérieures et il va tout nous raconter tout à  l'heure ! »
J'entends quelques rires mal étouffés...
Au repas, elle font cercle autour de moi, mi-amusées, mi-fascinées. Et même moqueuses... J'aurais mieux fait de n'en souffler mot. Me voici captif pour la deuxième fois dans la même journée... Captif de mes ébauches de confidences.
Je raconte. La physionomie de Torquemada. Les écouteurs. Les tuiles en quatre couleurs des Hospices de Beaune. Le retable de van der Weyden. Le pot de thériaque. La longue cuiller en bois. Mon geste coupable. Mon retour en cellule.
Et lorsque je parviens au bruit sec du couvercle de pierre qui vient sceller mon tombeau, je joins le geste à   la parole  en  faisant claquer mes mains l'une contre l'autre et en criant : Plop ! Comme ça, d'un coup. Le silence et la sensation d'étouffer.  Puis , imaginez Mesdemoiselles, après les prières, le Sprechgesang grégorien, les litanies, la cloche qui sonne le glas : le silence total. Avec une odeur de mousse en putréfaction insupportable en plus !Et moi, au fond du tombeau, ligaturé et bâillonné, attendant ma mort par asphyxie...
Elles ouvrent des yeux en boules de loto.
    Et tu vas retourner chez lui pour une seconde exploration de tes vies antérieures ? Faut être maso ! me demande la plus spontanée  des cons œurs.
    Ouais, j'ai même rendez-vous dans un mois. Je n'ai guère eu le choix car selon lui,en présence d'une telle abréaction, la catharsis, doit se poursuivre. Il ne faut absolument pas rester sur cette impression de mort ni jeter le manche après la cognée. Le travail rétro-hypermnésique n'est pas achevé. Le lâcher prise ne peut se faire qu'au fil des prochaines sessions...Il trouve mon capital kharmico-mnésique très captivant et révélateur.
Une cons œur, arrivée trop tard pour bénéficier du récit complet, me supplie de lui raconter une seconde fois mon vécu car, dit-elle, elle a fait plusieurs expériences troublantes de « déjà  vu ».
Je m'y refuse car j'ai mis beaucoup de conviction et d'émotion au premier récit et que le sommelier est en train de m'apporter mon jambon à  l'os et une carafe de vin rouge. Elle devra se contenter d'un résumé.
- Il va y retourner prochainement à  ses explorations aux vies antérieures, Valérie, tu y auras droit au prochain récit complet, pas vrai ?
Ces demoiselles sont tout émoustillées et troublées par mon récit. Entre deux bouchées, je dois encore , à  la demande générale, expliquer derechef, avec tous les détails, le moment où le couvercle du tombeau retombe d'un coup sec dans son logement et préciser le goût de la thériaque.
Au dessert, je recommence en ajoutant quelques détails que j'avais oubliés dans la première version: des coups de boutoir sur le couvercle que l'on scelle, la sensation du lait de chaux qui coule sur mon front et le goût doucereux de la thériaque, proche de la confiture rhubarbe-fraise. J'explique que ces tombeaux doivent, selon l'usage, être hermétiques, donc cimentés au lait de chaux, pour empêcher toute odeur de putréfaction de s'échapper à  l'air libre.
Un esprit fort m'attaque de front. C'est Eva, une Suisse alémanique, chaussée de lunettes à  verres épais , monstre de logique glaciale :
    Mais ça te rapporte quoi, de connaître tes vies antérieures ? Et c'est payant cette aventure ?
    Quatre-vingt francs la séance d'une heure environ. L'avantage que j'en retire ? Deux médecins FMH m'ont dit qu'en découvrant les erreurs commises dans ses vies antérieures, on peut éviter de récidiver dans la vie présente et échapper ainsi à  la roue des vies et des morts, une fois sa dette karmique éteinte. Il  suffit pour cela de renoncer à  tous ses désirs... J'ai donc bon espoir d'un mieux-être en exploitant cette voie thérapeutique, aussi saugrenue puisse-t-elle paraître aux « normopathes ».
Éva, interloquée, hoche la tête et veut répliquer mais une journaliste compatissante l'interrompt pour me laisser à  mon repas.
- Laissez-le maintenant manger son jambon ! Il en a assez enduré pour aujourd'hui, implore une journaliste samaritaine.
Je ne doute pas que le lendemain, toute la profession saura que je vais explorer mes vies antérieures et que j'ai été enterré vivant aux Hospices de Beaune. Peu m'en chaut. Une telle voie est-elle plus absurde que de s'engager dans un Parti politique, d'aller se faire tancer chaque dimanche par des pasteurs déchaînés en chaire et pas si vertueux que ça, de hurler au sein de la foule qui se presse dans un stade de foot, de porter un drapeau en tête d'un cortège ou pire et plus stérile encore ...de regarder un match de tennis à  la télé ? Ping...pong... ping...pong...comment peut-on accorder autant d'attention à  ce ridicule va-et-vient rebondissant d'une minuscule balle jaune sur le court ?
Pour conférer quelque dignité et légitimité à  mes plongées dans mes vies antérieures, je rappelle à  ces dames un passage du Nouveau Testament, dans l'Évangile de Marc (6.14-16)9  souvent invoqué par les tenants de la réincarnation  pour « prouver » que les vies antérieures existent bel et bien :
« Or, le roi Hérode entendit parler de Jésus, car sa réputation s'était répandue partout. Certains disaient : Jean-Baptiste est revenu d'entre les morts ! C'est pourquoi il a le pouvoir de faire des miracles. Mais d'autres disaient :C'est Elie. D'autres encore disaient : C'est un prophète, pareil à  l'un des prophètes d'autrefois. Quand Hérode entendit tout ce qui se racontait, il se dit : C'est Jean-Baptiste ! Je lui ai fait couper la tête, mais il est revenu à  la vie !
La réincarnation figure dans la Bible. C'est donc prouvé !
Vraiment ?
    Tout dépend de la lecture que l'on en fait, m'expliquera un théologien.


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