INTRODUCTION À L'IDÉE DE JADE
Extrait d'un prochain livre, "Jade Aérogare", qui cherche encore un éditeur. Le quotidien de Jade, 30 ans, écrivaine, toxico, mégalo, parano. Mon alter ego féminin. Je lui ai écris un texte de 45 pages de PDF que je peux vous envoyer si vous vous signalez par MP. Mon dernier livre, "Vomir", part très bien en librairies. Il en reste un peu partout dans les pays francophones ou sur le site de ma maison d'édition : le Sabot. Ou même sur Amazon et Fnac en ligne. Ou carrément gratuitement sur ce blog quelques posts avant.
Jade, je l'ai rencontrée comme ça. C'était un atelier d'écriture dans les Cévennes où l'on devait écrire sur "quelqu'un d'extraordinaire", avec un travail particulier sur les images et les métaphores, saturées.
La voici.
Chaque jour, Jade écoute le monde.
Jade écoute le monde chaque jour comme on baise pour la première fois. Avec une fougue exacerbée, une fougue meurtrière. Tireuse en rafale,
bang-bang dans le crâne, terroriste de l’existence. Si il y avait un nom à la guerre, ce serait Jade. Elle mènera le djihad de la création aussi longtemps que ses poumons avaleront de l’air.
Depuis toute petite, Jade sait. Elle sait comme on sait qu’on aime pour la première fois. Elle sait qu’elle ira au bout. Au bout du tunnel de sa vadrouille, de ses galères de ses brans-le- bat-de-combat. Elle arpente sa route sa folie sans espoir d’en trouver d’autres. Elle ne peut faire qu’avec elle-même. Comme : on n’a qu’un qu’un seul visage qui a sept milles façons de sourire.
Jade aiguise ses armes comme un samouraï qui a tout à prouver. Qui va combattre pour la première fois. Quotidiennement il s’agit de renaître comme un phoenix qui avale toute nourriture qui se présente. Tout transformer en matières premières sinon les choses sont sans saveurs. Inodores intouchables. Elle dort peu. Réveille beaucoup.
Depuis toujours, Jade est là. Aussi présente aux situations que l’eau à l’océan. Elle fait corps avec l’impromptu, organisme avec les éco-systèmes, les détails et les microbes. Elle se donne, se concerne. Se passionne pour des conneries. Le moindre chuchotement la fait tressaillir. Tout l’inquiète. Tout l’encourage. Tout l’excède.
Jade a de l’amplitude comme un premier texte, qu’on publie pour la première fois. Elle incube les sensations pour écrire et témoigner. Elle écrit comme un sabre qui fend l’air, de façon chirurgicale et sans concession. Elle en fait un peu trop, ça se voit, et c’est tout son navire qui prend l’eau. Elle se noie dans les « tu t’exhibes, tu te mets en danger, tu envahis les autres avec ta misérable intimité ! ». « Décroche. »
Jade est artiste, malgré elle et comme une humiliation. Une humiliation adolescente, qui marque et traumatise pour toujours. C’est en dessous de ce qu’elle avait espéré, mais elle n’a pu que s’y résoudre. Elle avait voulu le bordel, la politique et les autres. La communauté. Et puis, une overdose et un ratatinement plus tard, elle n’avait pu que l’accepter. Statut privilégié mais inoffensif, elle est artiste comme un grain de sable sur une plage, un rien du tout dans le cosmos.
Jade s’auto-centre. On dirait un trou noir. Elle avale la lumière à la façon de la nuit. Elle est sombre et menaçante, quand son petit royaume est insulté. Elle a bâtit ses phrases au prix d’une lente contorsion physique, une sorte de grimace somatique. Elle prend trop de médicaments mais c’est indispensable comme un besoin vital. Manger boire dormir baiser écrire se soigner. Elle en a besoin comme une mère de son téléphone, quand sa fille sort trop tard avec des gens qui la contaminent.
Jade est une jeune bisexuelle dans un monde qui ne prévoie pas ses aventures. De plus en plus, elle le voit, elle délaisse les hommes. Le terrain des sentiments est plus facile avec les femmes. La révélation de son désir pour ses semblables lui a fait l’effet d’une déflagration, d’une libération. Elle compose avec ça dans un monde fait par les hommes pour les hommes, qui la pourchassent partout. Elle est une proie agressive, qui ne se laisse pas faire par ses assaillants. Elle a appris à se défendre à l’école des autodidactes.
Jade est narcissique et peut faire l’effet d’un miroir sur pattes. Elle voudrait qu’on comprenne qu’elle cherche en elle-même les autres, ce qu’il y a de commun dans les enjeux qui sont les siens. Elle est névrosée. Un bon sujet de psychanalyse. Elle voudrait être unique aux yeux de son psychiatre, qu’il la considère comme un cas à part. Elle se singularise volontiers tout en subissant son isolement, pareille à un marin qui aime la mer mais regrette de laisser seul son amour si souvent.
Telle une funambule qui marche entre elle-même et les autres, Jade s’intéresse aussi à son prochain, à son distinct, à son étranger. Elle s’intéresse aux récits et aux histoires de ses séparés. Aux séparés en tant que récits, en tant qu’histoires, et si elle le peut, en tant que tels, comme le « poids de l’existence » dont parle Déborah Lévy. Elle a la curiosité des auteurs, de ceux qui osent s’aventurer dans le périple des mots. Les mots sont une bouée de sauvetage dans une mer qui bouillonne.
Jade bouillonne. Chauffe. Brûle. Comme : il fait 40 degrés Celsius et le ciel suce des pénis inter-stellaires ! Inter-actifs. Inter-passifs. Jade s’affiche. Sa gueule en poster dans la chambre d’un ado en manque de sensations fortes. Sa gueule ostentatoire dans les miroirs des dépressifs. Sa gueule sur les panneaux au bord de la route, fléchée dans toutes les directions. Sa gueule sa gueule sa gueule.
Ta gueule Jade, lui répète son démon.
Jade est partout nulle part affairée à devenir autre chose, à devenir enfin quelque chose. Elle traîne sa carcasse à la vitesse des aides sociales, prend ce qu’il y a à prendre là où quelque chose est à prendre. À apprendre. À entendre. À ressentir. Elle fouette ceux qu’il faut fouetter. Foudroie là où il faut foudroyer. Elle n’attend plus le prince charmant...
Jade a 30 ans soi-disant. Mais elle en a toujours eu 16. 16, comme 1664 blanche arôme citron d’un coup hépatite aigue direction chambre 214 de l’hôpital André Grégoire à Montreuil. On la branche à des machines. Des grosses machines. Elle a peur. L’hôpital lui fait peur. Elle a toujours eu peur. Eu peur du trop plein. Du trop plein de médicaments, du trop plein de funambulisme, du trop plein d’elle-même. Elle sature. Saturation inconstante. Pouls qui accélère, descelération du corps. Corps en salle d’attente qui veulent prendre des nouvelles, mais elle indisponible jusqu’à nouvelles nouvelles.
Jade a des accidents, de la même façon qu’elle accidente le monde. Boom Boom sur l’autoroute, un vrai concert de musique automobile. Elle a appris à conduire sur les routes de la frénésie. Frénétique manque de confiance, elle n’attend plus le prince charmant...
Jade a avoué ses fautes comme un chrétien qui se sent coupable. Pas le dimanche matin mais le samedi soir au temple des excès à l’heure du ça suffit elle le sait mais elle est déterminée à saboter sa vie. À saboter sa vie. À saboter sa vie. Ça vit la dedans elle le sait, mais elle est déterminée à saboter sa vie.
Jade est la fille d’un toxicomane, qu’elle aime et déteste en même temps. Elle le tient pour responsable de tout ce qu’elle est de tout ce qu’elle sent. Un jour il faut bien identifier un responsable. Ça ne peut pas être elle. Elle est totalement irresponsable. Irresponsable comme : Jade a 30 ans mais elle en a toujours eu 16.
Jade tremble son existence telle une toupie en roue libre. Elle arbore tout les aspects d’une véritable humaine, mais si vous la connaissiez, vous sauriez qu’elle est animale. Animal irresponsable, comptable de ses échecs. Elle tient les comptes et les chèques, quand il s’agit du business. Elle a dealé un peu, vendu des armes en Afrique comme Rimbaud, a voulu vivre aussi vite et aussi brillamment que Lautréamont.
Jade met en poèmes sa vie quand le peut quand elle y parvient. Quand les astres s’alignent et qu’opère cette magie secrète et indicible. Elle coucherait avec le Diable pour quelques notes de piano. Do ré mi fa sol la si do dans un solfège infernal. Une grammaire intenable, un égo trip invraisemblable ! Elle a tellement envie d’écrire qu’elle en devient intenable. Intenable insortable. Qui sortirait avec quelqu’un qui est là pour le trahir dans ses textes ?
Jade est avec les textes comme un sage avec un revolver. Elle ne pas quoi en faire. Ce n’est jamais son truc jamais l’heure jamais l’endroit. Parfois si au contraire, les textes viennent comme les guêpes à Valleraugue, c’est à dire sans se faire prier. Ils envahissent la tente verte et toutes les couleurs changent. Passent de violets disproportionnés à des oranges déraisonnables. L’orage est toujours en sursis dans les pages de Jade.
Jade pleure au pied des arbres en particulier auprès des saules qui ont commencé sans elle à chialer. Elle chiale avec talent, tourne à ses fins son malheur. Toutes ses faiblesse sont des forces. Comme : il est nécessaire de s’agrandir. De tout amplifier. De faire de chaque chose immodérée l’occasion d’un surf sur une vague. Sur le tsunami terrible qui l’attend après minuit, quand les citoyens se couchent et que débute sa petite apocalypse.
Jade fait des ellipses comme certains changent de chemise. Il est 16h15 à Valleraugue. L’heure de recracher Jade comme elle s’est avalée. Empoisonnée elle-même dans un fichier de trois pages beaucoup trop long beaucoup trop bavard.
Jade est bavarde comme un philosophe de comptoir.
Jade est au comptoir des mots, du supplice et des vices.
Jade ne savait pas qu’il faudrait dire tout ça.
Mais il a fallu le dire. Comme : toutes les montées amènent à des
descentes.
Jade veut encore fumer, encore écrire encore toussoter.
Mais il est l’heure d’en finir avec les bavardages.
Tout ce que je voulais dire c’est : Jade est encore vivante.
Je vous le dis faites attention à vos fesses : Jade est encore vivante.