J’ai testé la
salle de shoot à Bilbao!
Ceci n’est pas un guide de narco-tourisme, mais un partage d’expérience.
Même si, je l’avoue, le smartphone m’a permis de savoir où aller, à Porto (je le raconterai plus tard), et en l’occurrence, au pays basque espagnol.
C’est important de savoir qu’à l’étranger, on est plus vulnérable, on ne connaît ni les pratiques ni la police. A Bilbao, ils, police basque et guardia civil, attendent la plaque française et le sac à dos au tournant. Et pourtant…
Sur le plan google map, la
salle de shoot se trouve à côté de la gare, enfin d’une gare, Santander. De toute façon, si peu connaissent, tout le monde sait la réputation du barrio. Dans cette vile vivante, on dort pour 30e dans un hôtel et la suite au Carlton est à 100e! Très bourge d'un côté, moins de ce côté.
De toute mùanière, je suis blacklisté dans tous les Carlton, Ibis, et tous les Hilton de la terre (ou plutôt formule 1…). Il suffit d’une tache de sang et, pire, d’une seringue planqué dans le
speed et pas ramassée.
Je choisis un hôtel moyenne gamme avec salle de bain. Sans jamais défaire le lit c'est pas pour dormir.
Bon à savoir, les hôtels pas chers en Espagne sont souvent dans le centre ville, parce qu’ils n’ont pas l’appellation hôtel mais pension. Finalement ça devient du guide touristique, pardon ce fut mon métier! Je reviens au sujet.
C’est une maison bleue...au dessus de la colline.
Ce quartier, au lieu de l’habituelle «calle de mierda», se nomme San Francisco, de la rue du même nom, et oui on se croirait à Haight Ashburry en 67...en plus africain. Bien sûr la
coke est reine mais tous les dealers vendent H et C. La H est brune, moche et juste bonne à enlever le manque, et encore.
La C par contre, est servie au poids et la qualité varie, mais une fois arrivé dans le quartier vous en avez pour dix minutes, allez toujours vers les darons subsahariens, et vous aurez les poches pleines selon vos moyens. Pour moi c’est fini tout ça.
Le premier contact (je déconseille tout contact!) doit se faire de manière amicale, et on doit pouvoir tester dans les toilettes d’un café. Demander son nom et son tel au gars, qui à chaque fois s’appelle Ismaël! Mieux, vous allez chez lui, ou lui à votre hôtel (éviter les voitures). Le mec, souvent (choisir un caractère doux, ça se sent) africain de quarante ans, honnête, va te livrer quand tu veux, 24/24 à ton hôtel ou dans un bar. Toujours faire miroiter de futures affaires, de toute façon ça risque de se faire, et assure la qualité des premières. En fait tu as vite trop de plans! Donc les consommateurs sont en position de force, vu l’offre. Et là tu ne vérifies plus la qualité, c’est en confiance. Pour la C jamais de problème et la H ferait l’affaire, pour un néophyte peut-être.
Voilà, t’as ton «képa», enfin, bombe bonne, et tu peux soit la prendre dans la rue, à l’hôtel ou dans les toilettes chez ton dealer ou dans son bar. Un jour le gars, voyant que je ne sortais pas, j’enchaînais mon troisième d’affilé…, a flippé et m’a viré, j’ai passé un sale quart d’heure dehors en angoisse. J’ai des histoires sur Barcelone où certains offrent la jouissance de la cuisine pour...cuisiner, et en jouir, beaucoup à dire aussi sur cette belle ville.
Restons à Bilbao, on vient d’arriver.
J’ai toujours rêvé d’un endroit où être sans crainte, et stress, qui font rater les veines et avorter le kif. Même à l’hôtel, une fois le flash passé, je planque tout dans une parano de fou, entend des gens derrière la porte, persuadé que la «sécurité» ou le FBI va arriver! J’entends déjà les sirènes et elles ne viennent pas de Copenhague mais de Colombie. Je me douche et sort, tout transpirant, me griller en causant au veilleur, comme un mec chelou, que je ne suis pas du tout (hum).
Donc la
salle de shoot me paraît offrir cela, l’IV sans la peur.
Comment cela se passe t-il là-bas?
D’abord, et c’est l’un des points faibles, les horaires sont contraignants, pas le soir ni le week-end!
Moi j’ai des habitudes diurnes, mais le soir le risque est grand à cause de l’accumulation et des massacres à la tronche shooteuse. Mais pour un français, c’est déjà bien!
En Espagne il n’y a pas de
steribox, qui est pratique, il y a tout et on peut poser dessus son matos pour ne pas le mettre sur le sol des waters. Il y a des kits en sachet, avec une pompe démontée à tête amovible, de longues aiguilles, et 1 ou 2cc, le réservoir se détache parfois par erreur (pas bon). Il y a le
sterifilt ou autre filtre hyper serré, chez mdm, mais pour le kit en fait non il n’y a pas de filtre du tout, les injecteurs reviennent aux filtres de
cigarette, on en perd trop autrement ou pas le choix. C’est vrai que c’est beaucoup plus fort. Pas de petit coton à la salle (parfois oui). On touche la limite entre
réduction des risques et recherche de la maximisation de l’effet, mais le problème n’en serait plus un si c’était légal, un produit pur.
Bon, après m’être fait arnaquer une première fois, comme il se doit, j’ai trouvé un gars pour profiter de mon ignorance, c’est le jeu. Mais, quand on sait, on a toujours ce qu’on veut, et tout de suite, pas dans une demie heure. Quelques dizaines d’euros et j’ai ce qu’il faut. Pas de la balle, on dirait donc je dois savoir la bonne dose à mettre. C’est le moment, je frappe à la porte discrète de cette rue en pente. Qui se trouve vraiment en bas de la colline depuis la rue San Francisco, 500 mètres plus haut.
Arrivée à la salle.
La porte de la salle passe inaperçue, quand j’y étais il n’y avait pas l’autocollant médecin du monde dont parle Le monde, dans son excellent article (lien en bas de page). Je suis repassé devant trois fois, avant de frapper à la seule porte de la Calle Bailen correspondant à la localisation.
Je suis accueilli par un colosse, puis on me présente à Pierre, un genre d’éduc, français, une chance. A part ces deux là il y a deux infirmières.
Pierre m’explique le fonctionnement, tu n’as droit qu’à un seul shoot par demie heure. Ce qui a des effets pervers. D’un côté cela évite la compulsion et la surdose par accumulation, de l’autre cela incite à mettre le maximum, à faire un
speed-ball plutôt que l’un des deux seul.
Bonne ambiance, je m’apprête, impatient comme il se doit, à entrer dans le saint des saint, la salle de consommation. Mais en pénétrant dans le local, un type de 40 ans est en pleine OD d’opiacé (pour faire une OD avec la
came du coin faut être vierge ou sevré). On lui envoie de l’oxygène, il a pas l’air bien derrière son masque, il serait mort s’il avait été dans des toilettes publiques.
On me dit d’attendre. Non, ça me dérange pas du tout (il peut mourir ça changera rien pour mon fix), on me laisse entrer, ils sont étonnés par mon absence de compassion. Pour moi c’est un inconnu, un con, ou une victime du «un seul shoot», soyons honnête, je voulais mon kif. Vite. C’est ça l’addiction.
Voilà comment ça se passe :
Le matériel est varié, on a la choix de sa pompe et de son filtre, même si les plus filtrants sont recommandés. On nous dit partout de ne pas aspirer trop vite, liquide dans la seringue mais pourquoi? Surtout, il y a une demi-douzaine de «plans de travail», avec champs stériles. De l’acide citrique en poudre, garrot, et la lumière du jour pénétrant par les fenêtres et complétée par les néons. Ca change de la lumière bleutée anti-teshou des mac donalds de Rotterdam. Tiens, un autre sujet de récit de voyage!
Je met ma poudre, Pierre dit «tu es sûr de vouloir mettre tout ça?», «oui». Effectivement, c’est parfait. Et je me sens en sécurité. Je tchatche le pauvre agent d’accueil français pendant ma phase euphorique. Il flippe un peu! Pourtant je suis pas véner comme garçon.
Voilà il faut attendre en chill, mais ce n’est pas un coffee non plus. Le côté médical peut rebuter, mais pas moi, au contraire. En fait j’aurais aimé qu’ils me fassent l’injection, mais ça n’est pas possible…On comprend pourquoi.
En vérité pas grand-chose à dire, tant cela devrait être normal, et il reste du chemin.
Ici on parle de pays de
coke. Pour la frontière et le trafic, mais autrement ce n’est pas mieux qu’à Paris. Enfin c’est moins cher.
Le piège. La Police guette.
L’histoire de cette salle, remonte à l’épidémie des 80’s et 90’s, l’Espagne a connu beaucoup de Sida et d’OD. Et la côte basque est le lieu de passage de la
coke. Là où je vis, Biarritz, les surfers locaux , ou plutôt loco ont trouvé des kilos de coco, en ballots, dans l’eau. Pure. Voir le film «surf gang» génération
héro, héroïque des vagues à l’âme, champions d’un surf marginal, fonsdés à la
came. Ces trouvailles, pêches à la noix (de coco), sont devenues des motos neuves, des morts et de lourdes peines.
De l’autre côté des montagnes, en Espagne (en France il n’y a rien), les mecs consommaient dans la rue, comme à Séville où les mères défilaient avec les photos de leur fils mort. Pas pour les disparus de la dictature, contre la
came qui accompagna la movida.
La salle n’a pas été seulement un lieu d’aide, mais une façon d’empêcher les gars de choquer les voisins (quand on achète un appart pas cher grâce la mauvaise fréquentation du quartier, comme les nouveaux bobos de Barbès, ou de Brooklyn, on ne doit pas être surpris!). Comme à Paris avec les «non à la boutique» en banderole rue Beaurepaire. Not in my backyard. Pourtant ça marche, dans les limites de la loi. Et des préjugés.
La police ne joue pas le jeu.
Après avoir fait mon fix, je quitte la salle où j’ai rencontré une fille. Elle a de la bonne C et pas chère, dit-elle. Son logement est au coin, en haut au croisement de haight et Ashburry, non San Francisco/Bailen. Je l’attends dans le hall. Elle redescend en un instant avec, bizarrement, le sachet ouvert dans la main. Le temps de la voir sur les dernières marches, cinq policiers font leur entrée.
Je me retrouve vite seul dans ce hall, totalement nu, devant des hommes et des femmes en uniforme. Et puis les baffes pleuvent, je ne sais même pas pourquoi, bam bam bam. Je commence à avoir les larmes au yeux, espérant pleurer pour les amadouer. Car, en Français que je suis, avec quatre grammes d’héro, je pense aller en garde à vue ou en prison. J’en suis sur. Je préfère les coups!
Une autre fois, sans coups, ce coup-ci, les flics m’ont saisi le matos, pas l’argent (jamais). Sur mon portable le dernier numéro, le seul espagnol, le papier sur moi aussi, indiquent le nom du vendeur, Ismaël, et son 06. Pourtant (j’ai appris l’espagnol entre temps) ils me font faire un tour en voiture de la police basque. «Tu donnes ton dealer et on te rend le matos». Il n’y a pas à hésiter, ne JAMAIS balancer, même si l’autre l’aurait fait, question de mentalité. Et j’aurai pu accuser n’importe qui et peut-être récupérer mon truc. Mais je sais déjà qu’ils vont me laisser partir, grâce à l’expérience précédente.
Si on descendait voir comment c’est à Porto? Avec la politique de
dépénalisation de la consommation?
Après j’ai aussi Paname, la banlieue de Paris, la Bretagne, Brooklyn, et Rotterdam. Et ma narration du macadam, les putes et la
came...
L’addiction au sexe, est-ce que cela rentre dans ce cadre psychoactif? Du gonzo, du vécu, du profond et du marrant.
Dîtes-moi si c’est trop long, trop de digressions, enfin s’il y a des choses qui vous intéressent plus que d’autres.
Merci.
Je n’écris que ce qui se trouve dans ma tête, pas de copié collé ou d’internet, ou alors après la rédaction, pour vérifier. Mais vérifier quoi? Ma mémoire?
J’ai l’impression (parfois désagréable) de me souvenir de tout, et de vivre avec en permanence.
C’est lourd à porter, c’est ma vie, mais pas toute ma vie. Sauf que tomber de sa hauteur fait moins mal que du 7ème ciel! La marche est une succession de chutes, rattrapées, et la blanche de rechutes, l’essentiel est de se relever. Et apprendre à tenir, en équilibre. On plane sur son thermique, se laisse aller au vertige de la chute, et on s’écrase en catastrophe. Down on the ground.
«If you want to get down, down on the ground,
cocaïne» Eric Clapton
On pense que cette chanson fait l’apologie du produit, c’est le contraire.
Pour de vraies informations il y a ce lien :
/www.lemonde.fr/societe/article/2010/09/24/a-bilbao-une-salle-de-consommation-accueille-depuis-sept-ans-les-toxicomanes_1411811_3224.html