J essore mon passé avec ma première chasse au dragon 



Moi


Trois fumes


Moi ausdi



Une amie nous rejoint dimanche à la fin du déjeuner. Un serre-tête en forme d’oreilles de chat assez provocant, son long corps émacié vêtu comme un garçon, de jolis baskets. Manifestement, elle commence par se rouler joli pétards. Puis elle sort une feuille d’aluminium du kit fourni par safe, aluminium un petit peu plus résistant, et avec, de l’héroïne. Je vois ces gestes extrêmement graphiques. Nous partons tout deux et tout de suite  shopper à Saint-Denis de quoi poursuivre la soirée. J’ai déjà raconté plusieurs fois mes déboires en matière de shopping de cité. Le rituel de ces transactions m’est totalement étranger. Tu avances en silence les yeux fixés dans le vague, jusqu’à un groupe de jeunes hommes. Sans que tu saches pourquoi, ceux-ci te disent « c’est au prochain porche ». Il y a plein de porches alentour, mais on ne demande pas davantage.  Tu y vas, heureusement que tu connais car des porches à gauche il y en a des dizaines partout et des portes aussi. Un jeune homme sur une moto regarde en l’air. Il indique d’un coup de menton la porte où il faut actionner la sonnette. Tu rentres, tu justifies d’un grognement inaudible la présence du vieil homme que je suis, tu murmures « je voudrais trois meugs », les choses s’échangent, le mec à la fine moustache vérifie la monnaie et tu repars. Tu repars exprès par un autre chemin, je n’ai pas compris pourquoi. Arrivé à la maison, nous avons constaté que pour 120 € nous avions eu 0,820 g, 0,920 g, 0,840 g.

18h30 : Je vais pour ma part fumer pour la première fois d’abord 40 mg puis 50 mg et enfin 40 mg.

Dès la première fume, les sons sont plus nets, hélas je ne pense pas à mettre de la musique. Les couleurs sont plus vives aussi. Au bout des trois chasses, j’ai quand même envie de dormir. Mais ça serait trop dommage. J’appelle des amis, et je pars alors marcher dehors avec mon amie. J’essaye d’écrire, mais peut-être trop tard. Je rédige ces lignes est en effet à 22h20.

La situation est un peu complexe, car je désire cette amie, mais elle a clairement fait savoir que c’était exclu. Aujourd’hui elle m’indique des bribes d’explications, c’est peut-être que mon physique lui rappelle de mauvais souvenir. De son adolescence. En plus elle chuchote, je suis sourd, ce n’est pas facile pour moi de suivre.

Je viens de mettre la musique et je la vis profondément, cela fait quatre heures pourtant que j’ai fumé… je note : longs effets des fumes d’héroïne à la différence de la cocaïne par exemple.

J’essaie de canaliser mes émotions en ce moment, peut-être suis-je fatigué, j’aime bien la violence de mes pensées quand je suis défoncé. Et avec l’héroïne la violence semble douce. C’est juste un bien-être. J’ai de la vie quotidienne une approche qui n’est absolument pas modifiée. Je ne suis pas différent. Je reste moi-même. Je ne commets pas l’erreur de fumer un pétard sur mon héroïne car je sais que, pour moi, c’est incompatible pour ce type de  trip.

Avec mon amie, nous comparons le fait de fumer à la bouteille, sur l’alu, ou alors avec le kit à crack de safe. Fumer à la bouteille, c’est s’abaisser dans la bouteille, pour moi physiquement symbolique d’une déchéance. Qu’on ne se méprenne pas ! Cette déchéance je la recherche parfois.

Avec le quitte à crack, c’est différent, spectaculaire et plus élégant. Enfin avec l’alu, aux volutes  de la fumée s’ajoute le craquement de l’héroïne qui fond, que j’ai jamais entendu auparavant. On dit d’ailleurs que c’est ce grésillement qui fait que le crack s’appelle ainsi. J’écris doucement, lentement, j’écoute la musique. Je n’ai pas plus d’idées de sensations que d’habitude. Juste un sentiment de paix

Je n’ai pas besoin la substance pour accéder facilement à cet état. En revanche il me semble extrêmement important d’écrire mes sensations pour pouvoir revivre sans anxiété, ni jalousie, ni regret, à nouveau cet félicité, avec ou sans substance.

Cette soirée s’est passée à passer en revue mes amis. Très bizarre, mon point de vue se modifie ! Pas d’angoisse, pas d’élan d’enthousiasme, pas de larmes, pas d’expression d’un désir fou… une révélation psychologique, je me sens beaucoup moins dépendant de ces amis. Je pense surtout à M***. L’héroïne a tué mon sentiment, je n’éprouve plus rien. Ça me surprend, moi qui vis depuis plusieurs années avec elle sur mon épaule. Ça me fait très bizarre, l’héroïne tue mes sentiments… ça confirme l’impression que j’ai de mes potes héroïnomanes, ils deviennent asexués pour moi.

Mais du point de vue artistique, pas de révélations avec.

Je pourrais continuer à écouter la musique, sublime, je suis concentré sur les notes. Mais je n’ai aucune rêverie qui l’accompagne… pourtant la codéine m’avait autorisé de belles visions de suspension. Comme le dit M*** : « c’est dans ton cerveau ! ». Au fond de moi-même ce soir je travaille mes sentiments. Je veux digérer toutes ces rencontres. Moi qui ne veux pas de rencontre superficielle, moi qui veux des rencontres extrêmement intenses. J’ai une capacité forcément limitée à tout intégrer.

Et quand je ferme les yeux, je revis l’architecture étrange des catacombes. De ma première visite, je n’ai rien vu. Des tunnels, des salles, c’était beau. Cette deuxième visite en revanche je ressens les choses différemment. Je vois les chatières, les fenêtres, les ouvertures, les bancs, les bougies, les lumières, la musique. Je vois les volumes. Les jeunes, les vieux, nous sommes tous belles. Comme je ferme les yeux que je laisse les images venir, c’est la douce chaleur des catacombes qui justifient le torse nu, c’est le froid glacé de l’eau claire qui monte jusqu’à frôler le haut des cuissardes et aspire les jambes comme par un immense baiser de la terre, et en fait il faudrait que j’arrête d’être sérieux, il faudrait que j’éteigne la lumière, que je m’allonge et que je laisse venir les mots. C’est ce que je vais faire du coup. La vaisselle sera pour demain matin.

23h17. Au lit les yeux fermés, des hallucinations apparaissent. Exactement comme quand je m’endors.

16.00  soit 22h00 après. Je suis dans l’after glow de l’héroïne, je descends doucement. Ce n’est pas aussi agréable que mes descentes de codéine dans le passé, mais c’est pas mal non plis. Mes descentes d’opiacés ont toujours été lentes et agréables jusqu’à présent.

Catégorie : Trip Report - 09 janvier 2019 à  16:24

#héroïne #chasser le dragon

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Toujours aussi intéressant et agréable à lire! ~MG



Commentaires
#1 Posté par : Bendu51 09 janvier 2019 à  18:59
Superbe témoignage merci beaucoup !

 
#2 Posté par : Explorateur 09 janvier 2019 à  19:47
Merci pour ce billet que je qualifierais de transparent, réel, et sympa tes photos, j'aime bien. des photos de vie j'appelle ça

franchement cool

prends soin de toi !

salut

 
#3 Posté par : janis 09 janvier 2019 à  20:55
Trop beau ! Merci !

 
#4 Posté par : Ygrek 09 janvier 2019 à  21:16
Coucou Boots,

Tu écris tellement bien!
Merci pour ce magnifique témoignage où tu décris extrêmement bien les effets psychiques d'une bonne chasse d'hero... Ca me rappelle d'excellents souvenirs.

 
#5 Posté par : Agartha 09 janvier 2019 à  21:38
Super témoignage! Comme toujours j'apprécie ton style d'écriture, sobre, mais teinté de ton emprunte personnelle

À bientôt wink

 
#6 Posté par : Huckleberry Finn 09 janvier 2019 à  23:09
Salut Boots, quel plaisir de te lire :)

oh oui, écrire, écrire, toujours écrire. Produire, travailler, réaliser .

pour moi, taper de la came est pas gratuit, si je devais comparer je comparerai avec le fait de porter l'uniforme. t'es là, t'es tout fier, avec ton bel uniforme de pompier et ton beau casque , mais on vient t'expliquer que ok ca se mérite, ya une contrepartie, tu dois aller dans le feu, là-bas, tout brulant et tout flippant.

voilà.

pour moi, tu tapes CAR faut que tu RAMENES, (exp Ginsberg, Burroughs, Corso, Kerouac) , faut que t'écrives, composes, tu vas à la mine à émotions/images/sensations avec ta pioche (façon les 7 Nains), et tu en ramènes la sève :)

bises, te lire c'est très chouette

HF
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Ca défonce de te lire dans le froid du matin.. boots

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