«Putain, Fait chier! J'étais dedans..«
J'essaye habituellement d'être moins ordurière, mais là c'en est de trop. Je perds tout! Même une aiguille dans mon bras maintenant!
J'ai perdu ma carte d'identité française en juin dernier. Le bureau des objets trouvés de la ville de Paris du 15eme, vers Convention l a retrouvée en septembre. A force de remettre au lendemain ma virée qui consistera à descendre la 12 de haut en bas, 50 minutes * 2, marcher 10 minutes, passer sous le détecteur de métaux de l'annexe mairie, enlever mes bottes, montrer mon piercing, mettre mon sac dans le tapis roulant à rayons X (pas de meilleure définition à exprimer)… C'est là où le bas blesse, j'ai beau posséder beaucoup de sacs à mains (50/60?), je tourne souvent avec le même, jamais le plus beau, jamais le plus cher, mais il y en a toujours un qui me donne envie de vivre 6mois en sa présence exclusive, en matière de maroquinerie j'entends.
Comme beaucoup de nanas, je change peu de sac pour ne pas avoir son contenu à transvaser, et être sûre d'avoir tout ce dont j'ai besoin sous la main. Dans mon cas ça consiste en un fouillis de kleenex, tampons, médocs, pailles, papiers aux résidus stupéfiants, pince à épiler, ciseaux, feuilles OCB, bouts de
joints, ou micro boulettes, maquillage, palettes extra plates Lorac, anti cernes, fond de teint, gants ou mitaines selon la saison et l'état de mes membres, et .. le contenu de stéris déversés. J'ai toujours peur de jeter une petit bouteille d eau ou un tampon d
alcool, peur de manquer : 6 gouttes d'eau stérile, ça peut faire une grosse différente dans la vie d un tox, sans compter les seringues que je dois déposer au
distribox pour avoir des neuves, ou celles que justement j'ai oublié. Et les emballages de cup, que j'oublie également de jeter.
Le ménage ce n'est définitivement pas mon truc. J'ai été élevée avec du personnel après tout, même si ce n'a pas duré longtemps. En gros j'ai entendu « Range ta chambre » pour la prmière fois à l'âge de 10ans, le mal était déjà ancré. Je suis bordélique. Je peux ranger, mais je dérange aussi vite. Je n'attends pas que quelqu'un le fasse à ma place, j'ai une capacité à ignorer l'existence d'un bordel indiscutable.
Et puis je suis opiomane, pas ministre. Je procrastine énormément. Mon sac est donc un champ de mines, à tel point que je n'ai pas fait les boutiques depuis les attentats du 13novembre, pour éviter de l'ouvrir trop régulièrement. Hors de question d'autant plus de montrer ça à un flic devant une préfecture ou je ne sais quoi. Ce serait suicidaire.
Pour récupérer ma carte il aurait donc fallu que j'y consacre une journée exclusive, avec un sac vide et où je n'aurais rien d'autre de prévu donc, puisque ma trousse de survie serait à la maison. Je ne me suis jamais décidée à y aller. Et ils ont détruit ma carte, comme mentionné dans la lettre au bout de 3mois.
Mon passeport tunisien est périmé depuis le mois d'aôut. Mon permis tunisien contient TROIS erreurs de retranscription de l arabe vers le français. Dur de prouver votre identité avec un papier officiel qui n'est pas à votre nom mais est bien à vous. Je l avais d'ailleurs fait refaire pour corriger l orthographe. Ils ont conservé les mêmes erreurs. J'ai donc deux passeports écrits en arabe et français avec mes deux prénoms et mon parynome écorchés tous les trois. Presque une nouvelle identité.
Par contre la carte d identité tunisienne est plastifiée aussi mais, elle, entièrement en arabe, avec l empreinte du pouce au dos. Très pratique à présenter aux contrôleurs du métro. « Mon passeport, il reste au coffre, j'en ai besoin pour reprendre l avion, trop de vols dans la capitale ». Je n'ai pas payé une amende depuis 12ans. Ni de carte orange d'ailleurs.
Tout cela pour en venir au fait que j'ai perdu ma carte bleue fin décembre. Depuis le jour où j'ai déjeuné dans le 8eme avec une psycho qui se reconnaÎtra.. En rentrant j'ai retiré 70€ pour un g payé au comptoir du bar (la classe, à côté, ouvert de 8 à 23h, et je peux même régler en cb ou par chèque). Et je n'ai jamais revu ma carte. Le jour où on a compris qu'elle était perdue, j'avais aussi invité une autre psycho, qui se reconnaÎtra aussi. C'était ma semaine « rencontres ».
On aurait du prendre un café, mais pour une première rencontre je me voyais mal la forcer à m'inviter, alors je lui ai proposé de passer chez moi. On s'est très bien entendues, j'ai eu peur car à la sortie du bus où elle devait être se trouvait une petite boulotte à lunettes au visage renfrogné en tailleur blanc, et au visage peu avenant, genre coincée, là je me suis dit, on est mal barrés, vu le bordel de l appart déjà .. Et son mec franchement, je pense pas qu'il revienne, s'il a ouvert les yeux. Finalement ce n'était pas elle.
Elle m'a fait rire en me disant arrivées chez moi que c'était particulier d'organiser un scénario « je porte une écharpe Burberry's et une rose rouge à la main » si ce n'est pas pour se brouter le minou. Je suis contente de la connaÎtre, on s'est revues, et notre lien virtuel s est confirmé IRL. On a même passé Noël ensemble. Ce soir de dèche improvisée elle a passé une bonne partie de la soirée avec nous et j'ai discrêtement fait le fond du frigo pour pouvoir nourrir 3personnes. Dieu merci on venait de pecho 200€ de
shit et on avait des clopes.
Maintenant, nous sommes en février, je n'ai toujours pas pu récupérer ma cb qui est prise en otage par l agence du LCL en bas de chez moi, où la guichetière a clairement refusé de contacter mon directeur d agence dans le sud car « personne ne lui donne d ordre, et non elle n a pas de responsable, et si je veux un retrait de dépannage je n ai qu'à aller à Clignancourt. Bah oui, j ai perdu les deux ensemble, ma cb et ma carte d identité, on fait quoi? J'avais même mon livret de famille, mon extrait de naissance intégral, mes papiers arabes (sauf le passeport momentanément égaré) ma carte vitale, mon cv, mes ordos, ma déclaration d'impôts, mes relevés bancaires. Je croyais que cette demoiselle s'occupait de l'accueil, là c'est pire qu'un pit bull. Le chien a pour lui de ne pas percevoir de salaire pour ses compétences en matière d'accueil et sa privation de parole l'empêche d'hausser le ton et ainsi de devenir ordurier.
J'ai retrouvé mon passeport (même si périmé, il fait partie des deux documents acceptés : passeport et carte d'identité) mais je refuse d'y retourner. Pour le coup, j'ai ressenti un sentiment d'exclusion raciale. Une carte d'identité polonaise ou péruvienne aurait été acceptée. Mais ma carte Tunisienne, non? En quoi le tampon des autorités tunisiennes serait inférieur à celui des institutions de … Quels autres pays sont « bannis » et par qui? En tous cas ce n'est pas précisé dans les conditions d'utilisation de la banque à laquelle je souscris depuis 1989.
Et les grecs? Et les russes? Et les chinois? Et les juifs? C'est du nombrilisme premier de refuser la même valeur à un alphabet différent du sien. Je paye, et cher, à eux de se payer un interprète. Sans mon compagnon je serais littéralement hospitalisée pour dénutrition ou dépression aigue pour
sevrage brutale de consommation de substances psychoactives à accès monnayable.
J'ai demandé à mon directeur d agence (qui refuse de me domicilier à Paris pour un prétexte dérisoire) de me trouver une autre solution. Sinon je clôturerai mon compte. Je ne paye pas pour me faire insulter ou nier un service, et la déclaration des droits de l homme me permet de conserver un semblant de dignité en exerçant mon libre arbitre sur la décision de refuser de remettre les pieds dans cette agence de sauvages.
En attendant j'ai bouclé deux mois d'affilée sans découvert pour la première fois depuis … Oui, si longtemps que ça que je ne bosse plus.. Aussi longtemps que j'ai sérieusement repris la
came en fait, ceci explique un peu cela, les découverts et le manque de motivation, et le temps qui file..
Et le câble qui vient de sauter.
Au moins j'ai mon chéquier s'ils veulent encore nous couper l'électricité, et eux ils savent bien, que moi, c'est moi, puisque je suis sur le contrat. Ils s'acharnent à faire un prélèvement automatique sur le compte de mon copain à la fin du mois, juste quelques jours avant sa paye. Il vit à découvert, depuis qu'il à un compte en banque au moins.. les joyeusetés de nos vies camées.. On s'enfume à mesure qu'on avance et que se développent des raisons de vouloir s'évader, en conséquence de nos inactions passées. Pas très vertueux comme cercle.
On leur a souvent expliqué, non, nous n''ouvrons jamais le courrier, nous n'écoutons pas nos messages, et l'administratif nous dépasse totalement.
"Pouvez vous nous prélever le premier? »
On ne s'est jamais fait entendre, de coup de fil en disque et qcm à réponse en chiffre à taper.. Et ** minutes d'attente pour un conseiller, eut souvent pour pas grand chose, les seuls contacts physiques que j'ai eu avec EDF c'est avec les grosses masses de 200kg qu'ils m'envoient pour me couper l'électricité, sans me prévenir, puisque mon copain n ouvre pas le courrier, et qu'on n'écoute pas les messages ni ne répondons aux numéros de fixe ou inconnus, et encore souvent un seul des deux a un téléphone en état de marche.
Le grand monsieur en général me laisse tranquille contre un chèque, la fois où je n'ai pas retrouvé mon chéquier à 7h30 du matin, ils m'ont coupé le jus si vite que je n ai pas pu me faire un café. On a payé le soir même, cela a pris 4jours et une amende pour nous rendre la lumière, la télé et le chauffage.
J'ai aussi perdu un demi gramme de
brown. Qui me manque très fort.. Dans un papier huilé plié en enveloppe, lui même scellé dans du plastique ( discrétion ou « stealth » du
deep web). Impossible à déverser donc. Dans l'état actuel des choses, en ne pouvant payer que par virement ou avec de vieux chèques froissés tâchés de café (que je présente avec un passeport tunisien périmé.. ) quand on veut bien me les prendre, je peux acheter ma
came sur le dark net en faisant des virements pour acheter des BTC (la monnaie économique prônée des ses débuts par Ashton Kutcher qui a du depuis son Krash rentrer largement dans ses fonds) sur le WWW. Il me faut donc le temps d'un virement bancaire (2/3j) pour acheter des
bitcoins en ligne par virement SEPA, que je ne peux encore réaliser que vers des comptes français (ma banque, tjs elle le problème), et les vendeurs de BTC français sont chers, et ce sur un seul site auquel j'avais présenté mes papiers encore valides. Maintenant, je sais où trouver meilleur marché mais cela implique une inscription avec scan de la carte d identité, selfie en la tenant, et preuve de domiciliation. Tant d'informations visées à restreindre l'extension du réseau
Bitcoin par les banques/gouvernements. En Suisse par exemple, l'achat de BTC est bien plus déréglementé et facilité.
Donc, oui, on vous demande toutes ces infos, alors que vous les présentez sciemment avec l'intention de commettre un « délit », à savoir acheter des « drogues » et alimenter l'économie souterraine. Je ne suis pas Pablo Escobar, mais je tiens quand même à exprimer mon désaccord si cette politique a pour seule finalité de multiplier les intermédiaires et y laisser un pourcentage de liquidités au passage.
Je brasse pas des millions sur le net, mais beaucoup doivent grâce aux taux de commissions gargantuesque. Ca revient cher le
DW au final, lorsqu'il faut ajouter des commissions bancaires, au market place choisi (le vendeur les paye;, mais c'est compris dans le prix, c'est vous le client, vous qui payez les frais du tiers de confiance) au prix de la drogue. Et qu'en plus il faut tester plusieurs vendeurs pour trouver celui qui correspondra à vos attentes, ou énormément se renseigner sur les forums. C'est une jungle. Plus les exit scams, les phishing sites (j'ai récemment perdu 100€ en me faisant hacher un compte), j'ai perdu 4/500€ en un an en embrouilles diverses sur le
deep web.
Pour situer le tableau du jour maudit où j'ai cherché mon
brown, je tournais à la dope les jours précédents. J'ai vécu un énième clash familial, et j'ai réagi en me fourguant le plus de
came possible dans le corps, c'est comme ça que je venais de finir 2g. Alors que normalement j'arrive à ne plus tourner qu à un shoot ou deux. Quand j'ai découvert que mon paquet n'était pas là où je croyais l'avoir planqué, c'était au réveil en voulant commencer la journée du bon pied… On n'a pas d'enfant mais je pense que mon compagnon a du me regarder en se disant que je ressemblais à une gamine qui aurait perdu son doudou. J'ai couiné un bon moment. Plusieurs jours au final. C'était il y'a dix jours. J'ai entrepris une opération de rangement sans précédent. J'ai retrouvé des trucs (mon fameux passeport par exemple et ma carte vitale en cours de validité, un diplôme, mon permis international périmé, des boulettes de teush, des gélules de métha), ou des morceaux de trucs, de téléphones surtout, de casques et câbles en tout genre. Mais pas ma
came, ni ma cb, ni le gramme de
MD perdu après Noël.
Les sacs poubelles se sont empilés devant la porte à mesure du rangement. J'ai chargé mon copain de les descendre. Dans la confusion on a manifestement jeté le sac plastique de pharmacie ventru qui contient ma prescription mensuelle.. de tout. Mon
doc est en vacances, je le vois lundi mais je passe le week end grâce à du
Skenan acheté gare du nord. Anti D, lexos, régulateur, somnifères, je n'ai plus rien. Un peu de métha quand même, qui était rangée ailleurs et qui m a fait tenir le début de semaine.
J'ai toujours été lunaire, mais ce n'en était jamais arrivé au point où je perde de la drogue. Du
shit, ça m'est arrivé souvent, des acides y'a trois mois. Mais
hero coke md, non, c'est une première. D'ailleurs c'est sûrement une partie du problème, je ne considère plus le
cannabis comme une drogue depuis longtemps. Ca a pris du temps, à enchaÎner
joint sur
joint, que mon copain me roule alors que j ai encore l'avant dernier dans la main, comme maintenant, mais je n'ai plus de mémoire immédiate. Faut se faire une raison.
Je perds TOUT. Et je ne prends pas le temps de vous parler de mes clés, mes fringues, mes épices, même des pots de confiture.
Mon copain me dit souvent qu'y a rien de mieux que la
cocaïne pour soulager un manque de
came. Il tâte de l'opiacé depuis 24ans, c'est le vécu qui parle.
C'est ce qu'il m'a répété cette fin d'après midi en déballant un gramme de
coke. Pochon de plastique noir, de plus en plus en forme de poireau, notre pusher doit vraisemblablement prendre des bouts de plastique de plus en plus grand pour emballer sa cuisine, des petits cailloux brillants et un peu gras. L'odeur, dès le plastique crevé aux ciseaux, qui monte des narines vers le cerveau où tout un film d'apaisement se déroule avant même que l'on ne saisisse sa carte pour la travailler, et qui exclut toute autre perturbation cérébrale, jusqu'à ce que la paille saisie, on ne la « teste » . L'anticipation d'un soulagement, si ce n'est malheureusement plus l'assurance d'un puissant « kick ». Un mieux être certain, chimique, dynamisant et délicieux., puis passent quelques secondes et s'écoule cette traÎnée au fort parfum de kérosène des sinus au fond de la gorge pour pénètrer les capillaires et charger notre reseau sanguin d'une molécule que notre complexe cérébral implore et réclame plus que de raison. J'allume une clope, et c'est cool, je vais être heureuse au moins pour les dix prochaines minutes. Notre éloquence s'accroÎt, la conviction de nos dires également, on se raconte les détails secrets entendus mille fois d'anecdotes tout autant ressassées. On évite de le faire remarquer à l'autre, une forme de tendresse junkie.
On commence à être défoncés, à redevenir le nous même dont on rêverait la persévérance constante, mais qui durera seulement le temps de vider un kepa. Puis la
descente, plus ou moins agréable selon la
coupe du matos, une bonne
coke occasionne une
descente gérable, une merde coupée aux amphetes, c'est une autre histoire. On amortit aux lexos, imovanes,
joints. Et je préfère de mille fois le lendemain de
coke au lendemain de cuite, où on a honnêtement l'angoisse d'en mourir de mal être. Même si un lendemain de shoots est plus difficile qu'un lendemain de
sniff, je suis encore capable de fonctionner, alors que l'
alcool m'empêcherait de l'envisager. Le réveil sera plus dur ce coup-ci, ce n'était pas prévu.
J'essaye de réduire l'injection de
coke. J'en suis encore au stade où je regarde mon copain avec des yeux de cocker abattu au bout de la troisième trace.
« Je m'en fais juste un ».
Implacablement je finis immanquablement ma part en
IV.
Je suis dans le salon, mon copain dans la chambre, je n'aime pas avoir de compagnie lors de l'épique et quelque peu dégradante recherche d'une veine fonctionnelle et accessible.
Elle est pas mal. Je ne regrette pas d'avoir sorti la shooteuse.
Il me restait une pompe dans un steri, laquelle aurait du me servir en adjuvant à mon paquet perdu. Quand c'est comme ça, que je n'ai pas beaucoup de matos à disposition, et du fait que les 4distribox aux alentours de mon domicile ont été un à un victimes de « sabotage », j'entends parlà que lorsque dans l'orifice du contenair attenant au
distribox prévu à cet effet vous déposez une seringue sale, et la faites rentrer dans le container en abaissant une sore de tirette, on ne vous délivre plus de jeton donnant accès à un steri neuff dans la machine d'à côté. Pour les kits à
crack, l'idée est plus astucieuse, puisqu'un jeton est inclus directement dans le kit. Ca évite de se promener avec ses vieilles pompes ailleurs que dans un contenant hermétique, puisque pour les
distribox il faut les insérer une à une.
J'ai donc une pompe neuve et une sorte de boÎte à chaussures où je conserve de vieilles pompes pas trop foutues (pas génial l'idée, j'avoue, mais j'ai la peur du manque profondément ancrée).
J'ai eu du mal à trouver des veines exploitables pour les deux premiers fix. L'aiguille est émoussée, j'essaye de trouver autre chose.
Je désinfecte une «vieille » seringue à peu près correcte dont l'apparence ne trahit pas l'âge. Elle n'a dû servir que pour un unique taquet d'
hero (quand je peux je fais une pompe, un trou, quand je peux hélas, au lieu de le faire à chaque fois..) J'essaye plusieurs fois de m'envoyer mon mix, avant de me rappeler de l'existence d'une bonne vieille voie dont je ne me suis pas servie depuis des années, tellement qu'il ,n y a plus aucune trace dessus. Sur la partie latérale de la
base du pouce du poigne gauche, précisément.
«Putain, Fait chier! J'étais dedans..«
Dedans, où? Une veine, forcément, ENFIN.
Je ne peux techniquement pas envoyer : l'aiguille est restée entière d'un côté DANS ma veine, et la pompe est de l'autre. J'essaye vainement (c'est bien le mot) d accorder un bout de la seringue extorpiée à un trou invisible par laquelle l'aiguille s'est infiltrée. Je vérifie quand même que le mix ne risque pas de se renverser et je le transvase dans une cup.
Cela parait à la fois dérisoire et à fortiori pathétique, mais j'étais plus affectée à l'idée de ne pas pouvoir envoyer mon truc que de m'être pété un bout de métal de quelques semaines d'âge dans le corps. Je suis loin d'être ravie, franchement emmerdée. Le début des emmerdes vraisemblablement. Un répit, juste faire super gaffe, t'envoyer ton truc, et après tu pourras réfléchir. Dix minutes, peut être, mais c'est mieux que rien. Là , le
craving et l'aiguille, ça fait trop de stress en même temps. Je n'ai pas encore décidé de la gravité de la situation. J'arrive à me faire mon truc, un bon en plus. Je décide que tant qu'y a de la
coke, je shooterais de la
coke. Quand y aura plus rien j'expliquerais à « Houston » qu'on a un problème.
Dans un élan de n'importe quoi, je persiste. Je trouve des vieux ciseaux de manucure, une pince à épiler vaguement fonctionnelle, un rasoir rose dont j arrive à extraire une lame non sans m'entailler un doigt au passage. Quand à l'autre lame, j'ai réussi à en perdre un morceau, pour ne pas changer de registre. Je mets le tout dans le lavabo, et j'asperge d'
alcool à 90 ° ou pas loin. Je sens l aiguille, elle oscille, elle doit toucher un nerf ou deux puisque selon comment je tourne le poignet ou bouge la main j'ai mal. Malgré l'anesthésie de la
coke, j'ai mal. J'aurais pas pu déverser 2ml histoire que ça m'ankylose vraiment avant que l'impensable ne se produise. Bah va falloir faire avec,ou plutôt sans. J'essaye de localiser l'aiguille sous la peau, au moins elle est toujours à peu près au même endroit, dans la même inclinaison de bas en haut. Pourtant j'en sens plus le bas, que le bout biseauté.
Dans mon délire cocaïnomane j'imagine que tout va rentrer dans l'ordre si j arrive à enlever ce mini truc toute seule. Je ne suis plus à un abcès entaillé près ou une scarification sur ce bras gauche justement. Il est zébré de cicatrices verticales et bombées. Sans compter celles que je me suis faites en garde à vue en espérant être amenée VITE voir un toubib, voire être relâchée. Autant vous dire que j'ai sacrifié mon bras à coups de dents et d'ongles pour rien. Face à une caméra en plus. Ce bras en a vu d'autres. En plus je suis droitière. La situation pourrait être plus désespérée.
J'abandonne l'idée de faire sortir l aiguille par là où elle était entrée, et celle de percer la peau (vu qu'elle est en surface) pour la sortir. Chaque mouvement me fait trop mal et ça me semble impossible. J'essaye de m'entailler le poignet à l'horizontale avec la demi lame sectionnée, mais je n'y arrive franchement qu'au 3eme essai et avec la lame entière. J'ai entaillé tout l'épiderme sur 12mm. Et merde, ça fout du sang partout, et l'
alcool que je déverse sur mon poignet sanglant brûle plus qu'escompté. Je le troque contre de la bétadine. Je n'ai même pas d'autre cotons que ceux des stéris ou des coton-tiges. J'ai des compresses de mon dernier abcès, mais où?
Je fais rentrer directement la bétadine dans la plaie. Quand ça saigne un peu moins, j'essaye de trifouiller la plaie aves le bout de la pince à épiler qui refuse de s'ouvrir pour trouver l'aiguille, j'ai même essayé avec un aimant. Mais j'ai googlisé et pour des soucis sanitaires les matériaux ferreux ont été retirés de l'alliage qui constitue les aiguilles. J'ai également lu que si une aiguille s'avérait impossible à extraire sur un porc par le vétérinaire ou son propriétaire, porc devait être abattu aux frais de ce dernier, et sa carcasse détruite.
Je suis contente de ne pas être une truie, parce que je n'ai pas réussi à enlever mon aiguille.
J'ai emballé le tout et scotché, évité de bouger la main, tenu la pompe de la main droite exclusivement, et fini ce qu'il y avait à finir.
Le dernier pet envoyé, mon stress s'intensifie, ou commence à se manifester.
Je n'ai pas envie d'aller à l'hôpital, ni d'accueillir le samu au milieu de mes seringues, ni de les ranger avant qu'ils arrivent, ni.. je suis passée devant le miroir.. qu'on me voit dans cet état, la bouche desséchée, déshydratée, le maquillage en mode panda ou Courtney Love … en mode glam, et puis.. l'épuisement par avance de devoir subir les regards réprobateurs de tout le personnel hospitalier (il y a bien des exceptions..), de devoir m'excuser 50 fois auprès de l'infirmière qui sera chargée de me trouver une voie, une fois une infirmière grosse mama black m'avait houspillé dessus à me faire la morale à St Antoine pendant la demie heure durant laquelle elle cherchait à poser sa perf. Depuis je me sens coupable dès que je demande à quelqu'un, moi ou indirectement, de me planter. J'évite les prises de sang, les prises de tension, et je demande juste à ce qu'on me laisse tranquille avec ma morale de camée. Oui, je me shoote, mais je ne veux pas mourir tout de suite pour autant. Je vous demande de bien vouloir réparer ce corps que je m'acharne à négliger et dévaster pour le temps durant lequel il aura décidé de ne pas me faire fausse route. Amen.
Je rentre piteusement dans la chambre, ça me rappelle des souvenirs… Et pas des meilleurs (cf entrée blog #2).
« Bébé, y a un problème… »
Il détourne son regard du plateau en bois foncé qui nous sert à rouler nos
joints à la chaÎne, et pose un regard soucieux sur ma mine défaite.
« Tu fais une
poussière? Tu t'es loupée? »
« Non une aiguille s'est pétée dans mon poignet. Ca t'es déjà arrivé? »
« Non. Mais tu te rappelles mon pote du réseau syrien, à cause de qui j'ai une trace noire tatouée sur le bras, la fois où il m'avait conseillé de chauffer l'aiguille au briquet parce que le matos était tellement pourri que ça faisait du café au lait qui bouchait la pompe directe. Je m'étais injecté comme il m'avait dit, après j'ai vu ma trace due au noir de fumée, puis il m'avait demandé de regarder ses bras, lui en avait une 40 aine et c'est indélébile. Mais il ne m'avait pas prévenu, enfin, j'ai pu m'envoyer mon truc c'était déjà ça. Le même mec quand il me montre ses bras m'explique qu'il a une aiguille cassée dans chaque bras et qu'il vit avec depuis des années. Il peut en sentir une, l'autre il l'a perdue de vue. Sur lui ça a bien vieilli. Après pour les IRM y a sûrement une contre-indication. »
« Et je me suis ouverte par dessus pour essayer d'enlever l'aiguille »
Un éclair illumine alors ses pupilles dilatées
« Alors, c'était ça : j'ai vu une lame dans le lavabo avec des ciseaux, je croyais que tu avais recommencé à te taillader. Putain, je suis rassuré. »
« Ca va pas? Ca date, et la dernière fois j'avais pas le choix, j'étais malade à crever ».
Il baisse ses yeux sur mes bras, comme si on avait un mort au combat à déclarer.
Et ce geste qu'il a sûrement du répéter cent fois. Moi qui ne veux plus voir, plus savoir, qui détourne la tête de ma carcasse et qui m'en remets à lui. Comme pour lui dire s'il te plait, gère à ma place, je ne veux pas réaliser ce que je me suis encore fait, si demain il faudra que je renonce à une partie de moi. De mon anatomie j'entends, mon arrière grand mère ‘a été amputée des deux jambes et je crains l amputation d‘un membre plus que tout. Déjà qu'avec les 4 j'ai du mal, sans je renonce d'avance. Autant pour shooter que pour vivre. Après, je n'ai jamais réellement été confrontée à ce dilemme. Je changerais peut être d'avis, mais je pense que mon idée sur la question est faite. J'ai déjà perdu des bouts de chair par contre, et cela a toujours été douloureux, même une dent, surtout une dent en fait. Je trouve une grande similitude entre l'esprit de la « douleur osseuse" de la rage de dents carabinée et celle tout aussi rampante et diffuse d'un manque opiacé bien entamé.
« Ca mérite un point ou deux ».
"Ca ca attendra, j'en crèverai pas, mais cette aiguille elle me fait mal »
« Elle n'a pas bougé? tu la sens toujours? »
« Pour la sentir, je la sens, je sais pas où exactement mais à un cm près je sens où elle est. ». Je pousse occasionnellement un cri quand j ai bougé mon poignet dans une direction que l'aiguille ou plutôt les nerfs et la chair alentours réprouvent.
Il me dirige vers le salon où la lumière est de bien meilleure qualité.
« Comment tu as fait? Quand je vois la force qu'il me faut parfois pour arracher une aiguille. »
« Moi non plus, j'ai pas compris. J'étais dedans en plus ».
« Dedans? »
« En plein dans le mille ».
Il semble s'affoler et retourne ce qu'il peut pour trouver mon portable. En ce moment c'est lui qui n'en a pas car on lui a volé le sien alors qu'il m'achetait des skens. Il passe un coup de fil, je saurais plus tard que c'est au SAMU, non aux pompiers.
En effet, tout ce que peuvent faire les pompiers c'est de vous conduire aux urgences. Un médecin fait le triage au SAMU, lequel décide de vous passer un autre médecin, vous faire venir par vos propres moyens, vous envoyer une ambulance civile, ou de réa, ou même un taxi. Pour des renseignements médicaux, il vaut donc mieux le SAMU. Pour SOS médecins, je n'ai pas de moyens de paiement à présenter dans l'immédiat, mon copain non plus. Par contre j'ai retrouvé ma carte vitale, petite victoire..
« Bonsoir, je vous appelle car mon amie, bon, euh, elle est toxicomane injectrice.. »
« quoi? oui, de la
cocaïne et de l'
héroïne »
« Mais, ce n'est pas le problème, enfin si, mais elle est déjà suivie en addictologie »
« Je vous assure qu'il sagit de ma copine, je l'avouerais s'il s'agissait de moi, j'essaye de savoir quoi faire, de la soigner ».
« Merci. Donc en tentant une injection elle a cassé l'aiguille de sa seringue dans son poignet et on se demande quoi faire. »
...
« On va venir, si c'est ce qu'il y a de mieux à faire.. »
J'essaye laborieusement de me résoudre à finir la nuit aux urgences, et je n'ai vraiment pas l'énergie de m'excuser toutes les trois scindes d'être c que je suis.
« Concrêtement, c'est quoi le risque? »
« l'aiguille peut remonter jusqu'au coeur et c'est la mort. C'est pour ça que ça m'a inquiétée de savoir que « tu étais dedans », mais il y a quand même peu de chances. Avec toutes les valvules anti reflux, le sens de la circulation sanguine, tu la sentirais au moins passer »
« Ok, donc je ne vais pas mourir ce soir. On y va demain matin, ça changera pas grand chose ». Je suis réellement soulagée, j'ai vaguement envisagé que cette nuit pouvait vraiment être la fin de tout. Mais finir mon truc restait plus important, pour le reste aléa jacta est.. Comme l auraient dit mes ancêtres carthaginois. La
coke aidant, j'ai vraiment flippé.
« Ok, si tu veux, moi ça me dérange pas de t'amener, c'est comme tu veux »
Je ne m'en sens vraiment pas capable tout de suite. Je pense vraiment y aller demain.
Et il y a la douleur.. Je risque certainement d'être malmenée en terme de traitement contre la douleur aux urgences. C'est du vécu. J'ai de la
came en route qui aurait dû être là aujourd'hui, demain, vendredi elle sera obligatoirement sous la porte. Le type m'a toujours livrée en 3jours des Pays bas, j'ai passé commande dimanche dernier, dès réception des BTC. Demain je supporterais mieux les urgences. Le facteur passe entre 10h40 et 11h20.
Mon copain s'est chargé de mon bras pour la énième fois. On a rien trouve de mieux que désinfecter, bander, et faire un garrot pour éviter que l'aiguille ne remonte. J'ai dormi avec le bras pendant dans le vide, au cas où mon sang stagne en position allongée, permettant à l'aiguille de sournoisement venir me crever l'organe le plus vital.
Je me suis réveillée entière. Mais avec une difficulté à effectuer le moindre- mouvement impliquant mon bras gauche. Le tenant dans une position anti douleur particulière, j'ai perdu mon balancier naturel formé par les deux bras et enchaÎné les chutes. L'aiguille touche sûrement des nerfs, certaines fois la douleur remonte jusqu'au coude ou au bout des doigts.
(To be continued...)