La consommation de drogues (ou la dépendance) n’est pas un problème de santé mentale 



Bonjour,

voici une traduction d'une communication d'INPUD (Réseau international des personnes qui consomment des drogues) et de l'association Harm Reduction International.

Elle n'est pas nouvelle, mais elle nous concernent toutes et tous. Elle remet en question la notion "d'addiction", considérée comme stigmatisante, et celle de "trouble lié à l'usage" défendue par le DSMV. Elle defend plutot le concept de dépendance, qu'elle soit physique, psychique ou psychologique.

A Psychoactif, nous sommes complémentent d'accord avec cela !

Pierre

Les personnes qui consomment des drogues et la santé mentale
https://hri.global/wp-content/uploads/2 … UD_1-2.pdf

Les discussions en cours, notamment entre les principaux donateurs internationaux, ont soulevé des inquiétudes au sein de Harm Reduction International et du Réseau international des personnes qui consomment des drogues (INPUD) concernant l’inclusion proposée de la santé mentale dans le programme de réduction des risques et, plus généralement, concernant l’amalgame entre consommation de drogues et santé mentale. Ce document vise à stimuler et clarifier le débat sur ce sujet.


Bien que certaines personnes consommant des drogues puissent souffrir de problèmes de santé mentale, la consommation de drogues et la dépendance à ces drogues ne constituent pas en soi un problème de santé mentale. L’amalgame inquiétant entre consommation de drogues et dépendance, et problèmes de santé mentale est inexact, stigmatisant et pourrait avoir des conséquences néfastes à long terme pour la communauté, notamment en privant les personnes qui consomment des drogues de leur capacité à prendre des décisions concernant leur corps et leur vie. Cela pourrait réduire les ressources disponibles pour la réduction des risques et les services communautaires, et conduire à déclasser les interventions de santé publique fondées sur des données probantes et qui sauvent des vies dans les directives nationales et internationales. Le manque de volonté politique et le financement insuffisant constituent des obstacles majeurs à la mise en œuvre de la réduction des risques à grande échelle, et cet amalgame pourrait sérieusement perturber la disponibilité, l’accès et la prestation des services essentiels.


Bien qu’il n’existe pratiquement aucune donnée pour étayer cette thèse, l’idée selon laquelle l’«addiction » est une maladie du cerveau est séduisante, simple et rassurante. Cette théorie contribue à l’élaboration de politiques antidrogues irréalistes, coûteuses et néfastes, et ne tient pas compte du rôle des facteurs socioéconomiques tels que la pauvreté, le sans-abrisme et la race. Elle ignore également l’effet stigmatisant du concept d’« addiction» au drogues.


Au cours des dernières décennies, nous avons pu passer d’une approche purement biologique et médicalisée de la consommation de drogues, centrée sur les responsabilités personnelles, à une approche plus holistique qui reconnaît les aspects sociaux et structurels de la consommation de drogues. Cette nouvelle approche reconnaît que les dommages liés aux drogues ne sont pas répartis de manière uniforme dans la société, mais touchent de manière disproportionnée les communautés stigmatisées et marginalisées. Confondre les problèmes de santé mentale et la consommation de drogues constitue un énorme pas en arrière par rapport à ces progrès.

L’inclusion du terme « trouble lié à l’usage de substances » dans la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V) déforme la notion de consommation de drogues. Le terme « trouble lié à l’usage de substances » confond les problèmes de santé mentale avec la consommation de drogues et/ou la dépendance aux drogues et a pour effet d’aliéner les personnes qui consomment des drogues et qui ne confondraient pas leur consommation de drogues avec une quelconque forme de « trouble ». Au cœur de la définition du DSM-V se trouve l’idée que les « troubles » liés à l’usage de drogues sont dus à des changements dans le cerveau, alors que la définition elle-même utilise 11 critères pour mesurer le « trouble ». Ces critères concernent le fonctionnement social, la conformité sociale et la productivité économique (par exemple, « ne pas réussir à faire ce que l’on devrait faire au travail, à la maison ou à l’école à cause de la consommation de substances » et/ou « abandonner des activités sociales, professionnelles ou récréatives importantes à cause de la consommation de substances »), ainsi que d’autres indicateurs liés aux effets physiques des drogues (par exemple, la tolérance, le sevrage).


INPUD préfère parler de « dépendance aux drogues », terme utilisé par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et la Classification statistique internationale des maladies (CIM), à la fois pour ses associations plus neutres et parce qu’il distingue la dépendance physique, physiologique et psychologique. Le terme englobe la différence entre ces formes, ce que le terme pathologisant de « trouble lié à l’usage de substances » ne parvient pas à faire.


Les problèmes de santé mentale peuvent survenir parallèlement à la consommation de drogues ou à la dépendance aux drogues, mais cela ne signifie pas qu’ils sont toujours le résultat de la consommation de drogues ou qu’ils précèdent la consommation de drogues. Il est important de souligner que les problèmes de santé mentale et la dépendance aux drogues peuvent découler des mêmes facteurs structurels, comme la pauvreté, le manque d’accès aux soins de santé et à d’autres services, le sans-abrisme, la stigmatisation et la discrimination. Dans certains cas, mais pas dans tous, les personnes commencent ou continuent à consommer des drogues pour faire face à des problèmes de santé mentale, et dans certains cas, les drogues peuvent aider les personnes à gérer leurs symptômes de santé mentale, ainsi que les défis de la vie.


Les personnes qui consomment des drogues, comme tout le monde, devraient avoir accès à un soutien en matière de santé mentale en fonction de leurs besoins. Nous devons trouver des moyens d’encourager un meilleur accès aux services de santé mentale pour les personnes qui consomment des drogues sans considérer la consommation de drogues et/ou la dépendance comme des problèmes de santé mentale en termes absolus. En outre, nous devons chercher à remettre en question en permanence les idées qui pathologisent la consommation de drogues et les personnes qui en consomment, qui nient la volonté et le pouvoir d’agir des personnes qui en consomment, en leur retirant le droit de faire des choix concernant leur santé physique et mentale. Les personnes qui consomment des drogues consomment des substances pour diverses raisons, notamment pour la recherche rationnelle du plaisir et la régulation des émotions. Nous devons trouver de meilleurs modèles qui tiennent compte de la complexité et de la multitude de rationalités de la consommation de drogues et de la dépendance, et continuer à remettre en question les modèles simplistes qui pourraient potentiellement causer plus de dommages et de préjudices.

Catégorie : Actualités - 28 septembre 2024 à  21:03

Reputation de ce commentaire
 
Une pierre importante à l'édifice de la drogologie, à réfléchir !
 
Pour la fin de l'amalgame entre PUD et problème de santé mentale !!! (kaneda)
 
Un regard nouveau qui mérite d'être défendu et entendu ! Ronnie83
 
Oui à la remise en cause de la pathologisation des consos et des personnes. PTX.



Commentaires
#1 Posté par : kaneda 05 octobre 2024 à  06:50
Salut,

Merci pour le partage de ce magnifique texte, très bien écrit.

Il relate bien la stigmatisation que certaines Personnes Utilisatrice de Drogues peuvent rencontrer lors d'un passage au CSAPA par exemple, en tous cas, moi, j'ai déjà vécu cette stigmatisation : mon médecin addictologues n'arrivait pas a concevoir que l'on puisse consommer sans avoir de problème psy ! C'est quand même dingue comme point de vu, bonjour la stigmatisation !!!

kaneda

 
#2 Posté par : Initiativedharman 05 octobre 2024 à  11:26
Salut,

Pour ma part, mes addictions passées avec d'abord l'alcool, puis ensuite la coke sniffée et ensuite basée étaient étroitement liée à un problème de santé mentale.
Je ne saurais dire si mes consos sont la cause ou la conséquence de ces troubles, les deux sans doute.
Je ne suis absolument pas d'accord avec cette phrase tirée du blog  : " la consommation de drogues et la dépendance à ces drogues ne constituent pas en soi un problème de santé mentale. ". Il faut nuancer.

 
#3 Posté par : Pesteux 05 octobre 2024 à  18:45

Merci pour la traduction !


Pour rappeler que toute consommation ne débouche pas sur une dépendance, et que toute dépendance n'est pas cause ni conséquence d'une souffrance psychique, 1000 fois oui !

Pour éviter que les PUDs se vivent comme des malades mentaux quand ils sont dépendants, ou bien quand ils souffrent de leur consommation, c'est encore 1000 fois oui !

Pour défendre les budgets spécifiques aux programmes de réductions des risques, et éviter que les PUDs se retrouvent mis en minorité au milieu d'une population de personnes psychiatrisées qui n'ont pas du tout les mêmes besoins matériels, c'est toujours 1000 fois oui !


Ensuite, c'est très perso, mais quelque chose brouille un peu mon interprétation du communiqué : l'utilisation répétée de l'expression "santé mentale" me pose question. Dire "la dépendance n'est pas un problème de santé mentale", et ce que ça n'est pas renforcer ce à quoi on veut s'opposer ?

Cette préoccupation de se distinguer de la santé mentale, ça peut aussi refléter une façon de se rassurer en se disant que les "malades", c'est les autres. Et inciter certains PUDs à revendiquer une "normalité" qu'ils refusent de reconnaître aux personnes psychiatrisées. On garde la frontière entre les "sains" (saints ?) et les "malades", mais on se place juste du bon côté de cette frontière.

Sur ce point, je pense que la drogologie est à un carrefour philosophique. Les PUDs ne sont pas des malades mentaux du seul fait de leur usage ou de leur dépendance, je suis bien d'accord. Mais ceux qui témoignent utiliser des drogues dans la recherche d'une "régulation des émotions" ou pour apaiser une souffrance psychique le sont-ils ? Est-ce que ce sont des malades mentaux qui se droguent pour se soigner ? J'ai l'impression que si on répond oui, on délégitimise leur façon de s'y prendre avec ce qui les fait souffrir, on les encourage à penser que leur rapport au produit à quelque chose de pathologique et de malsain, et on les pousse à s'en remettre à une logique médicale/psychiatrique qui leur ôtera toute souveraineté sur leur conso et sur leur conception du bien-être.

Pour moi, l'expression "santé mentale", ça évoque toujours un jugement sur le comportement de l'autre et sur son rapport au monde. Je lui préfère de loin la notion de "souffrance psychique", qui me semble moins stigmatisante, moins normative, et qui n'implique pas forcément une cause "médicale" avec tout l'imaginaire de dégénérescence biologique que ça convoque. Chacun est souverain pour dire s'il souffre ou non, ça n'est pas une affaire d'expert comme pour la santé mentale.

Et pour PA, c'est quoi la santé mentale ?

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J’ai adoré ton analyse. Pixie

 
#4 Posté par : pierre 06 octobre 2024 à  15:51
Bonjour,

Je remets le paragraphe du texte, car j'allais réécrire la même chose :

Les problèmes de santé mentale peuvent survenir parallèlement à la consommation de drogues ou à la dépendance aux drogues, mais cela ne signifie pas qu’ils sont toujours le résultat de la consommation de drogues ou qu’ils précèdent la consommation de drogues. Il est important de souligner que les problèmes de santé mentale et la dépendance aux drogues peuvent découler des mêmes facteurs structurels, comme la pauvreté, le manque d’accès aux soins de santé et à d’autres services, le sans-abrisme, la stigmatisation et la discrimination. Dans certains cas, mais pas dans tous, les personnes commencent ou continuent à consommer des drogues pour faire face à des problèmes de santé mentale, et dans certains cas, les drogues peuvent aider les personnes à gérer leurs symptômes de santé mentale, ainsi que les défis de la vie.

Bien sur que ce sont deux champs qui se recoupent, mais ce que nous ne voulons pas, y compris politiquement, c'est etre associé d'emblée à des problèmes de santé mentale. Combien de médecins que nous avons fréquentés pensent que nous avons des problèmes de santé mentale parce que nous consommons !

C'est quelque chose aussi de très concret sur PA, que l'équipe de modo doit gérer tout les jours, et que nous n'avons pas totalement trancher, surement a cause de ce qui est dit dessus. Mais c'est en intense réflexion entre nous, ne serait ce que pour avoir une vision plus claire à proposer.  :

- Laisse t'on quelqu'un poser une questions médicales sur les AD ou les neuroleptiques  (dosage, ajustement de traitement, changement de traitement....) ?
Nous avons décider que non (et depuis longtemps), justement pour ne pas être confondu avec la santé mentale. Pour les AD et les neuroleptiques, les noms des forums ont été changés en "Interaction entre drogues et AD" et "Interaction entre drogues et neuroleptiques"

Mais alors laisse t'on une question sur les TDAH et la ritaline ? A priori c'est de la santé mentale aussi. Mais ils se trouve que la ritaline est aussi utilisée comme drogue, et que quand on lit les témoignages d'usage de ritaline pour les TDAH, ils peuvent raconter les memes choses que les PUD sur les effets notamment. Pour l'instant, nous avons décidé de laisser ce genre de questions ou témoignages.

Work in progress ! Et ce document nous a pas mal aider dans notre reflexion.


 
#5 Posté par : Acid Test 07 octobre 2024 à  00:34
Il y a différents types de souffrances psychiques ou psychologiques et de fait , je pense qu'il y en a qui relèvent de la santé mentale et d'autres qui relèvent de situation de vie bien concrètes / des circonstances , qui ne sont pas forcément en rapport avec la santé mentale.

Par exemple , il y a des personnes qui ont tout matériellement et meme bien plus , jusqu'à ne plus savoir quoi en faire et qui sont dépressifs.
Quand on leur demande pourquoi ils sont depressifs , certains ne savent pas pourquoi et il n'y a pas moyen de trouver une cause précise àvleur dépression.
Ce n'est pas parce qu'ils ne peuvent pas faire ci ou ça matériellement mais ils ne savent pas pourquoi ils sont dépressifs.

À côté de ça , il ya des des dépressions circonstancielles , directement liées à des situations matérielles par exemple , où les gens sont coincés dans des situations , qui font que leur vie leur leur est ( ou est devenue )  insupportable et si ils étaient dans d'autres situations , ils ne seraient pas dépressifs .
.
Tout comme ça peut venir d'un état de santé.
Par exemple , une personne était ou est passionnée par tel ou tel sport , ele est active et le pratique régulièrement .
Elle est heureuse dans sa vie meme si tout n'est pas pafait dans celle ci , car elle à cette chose à quoi se raccrocher , qui lui donne une raison d'etre / de vivre .
Puis un jour elle a soit un grave accident , soit une maladie particulièrement invalidante qui se déclare.
Certaines personnes arrivent à dépasser leur condition pour etre en mesure d'apprécier la vie différemment , quand d'autres en seront totalement " incapables " parce qu'ils ne trouvent pas ou plus la satisfaction qu'ils avaient dans la vie avant leur accident .
Certains vont arriver à se remettre d'une façon ou d'une autre , alors que d'autres ni arriveront pas .
Ça depend aussi beaucoup des attentes des gens vis à vis de la vie et de leurs capacités d'adaptation ( ce qui ne veut pas dire que leur vie sera forcément "rose " mais ça influera beaucoup sur leur ressenti)  .

On peut le voir comme aux jeux paralympiques par exemple , ou certaines personnes ont réussi à dépasser leur handicape pour rendre leur vie plus agréable ou tout du moins , arriver à la rendre plus supportable en trouvant une manière de continuer â faire un sport ou en faire un autre et à trouver du plaisir d'une manière ou d'une autre  , alors que d'autres n'y arriveront pas.

Est ce que quelqu'un est forcément atteint d'un trouble mentale lorsqu'il n'arrive pas à supporter la condition de vie dans laquelle il se retrouve , je ne pense pas.
Quelqu'un de passionné par une activité , si tu lui enlèves pour X raison , sa raison d'etre, il n'arrivera pas forcement à s'adapter mais je ne pense pas qu'il ait un trouble mentale pour autant.
Quand quelqu'un vit vraiment pour quelque chose de particulier et qu'Il ne peut pas / plus le faire pour X raison, il n'arrivera pas forcément à s'y adapter .
Il peut devenir dépressif , comme il peut arriver à le surmonter.
Tout comme pour quelqu'un qui se retrouve en prison , privé de liberté, tout le monde ne peut pas forcément s'y adapter; surtout quand il sait que ça va etre pour un bon nombre d'années.
Des gens qui se retrouvent à prendre perpétuité aux USA par exemple ou ailleurs  , je peux comprendre qu'il y en aient qui préfère la peine de mort !
Ils vont plonger dans un profonde dépression , si du jour au lendemain ils sont gracié et sortent de prison ( en partant du principe qu'ils n'y ont pas passé un temps qui leur a semblé insurmontable , ce qui aura pu affecter leur santé mentale ) , leur dépression partira comme elle est venue du fait de retrouver la liberté .
Après évidemment , la situation dans laquelle ils se retrouveront une fois dehors , aura surement une influence sur leur morale.
Si c'est quelqu'un qui s'y retrouve pour trafic de drogue par exemple ( qui n'est pas un psychopate , ou quelqu'un dont la santé mentale a fait qu'il se retrouve en prison pour un crime ) , sa dépression due à l'enfermement s'arrêtera surement.

Je pense qu'il faut différencier une dépression circonstancielle ( pouvant etre solutionné ou pas )  , d'un état dépressif sans cause précise par exemple.

 
#6 Posté par : prescripteur 07 octobre 2024 à  08:48
Bonjour, tout depend aussi de ce qu'on nomme "maladie mentale".
Par exemple dans le cas du deuil il y a un "etat depressif" (tristesse etc..) qu'il ne faut pas confondre avec une depression vraie. Mais il y a aussi des depressions vraies declenchées par un deuil. Où est la "maladie" et où est l'adaptation au deuil ?

Pour moi (mais ça m'est personnel) seules les psychoses et quelques autres pathologies  sont des vraies maladies mentales, c'est à dire des comportements irrationnels et imprevisibles, "délirants". Et d'ailleurs on s'aperçoit de plus en plus qu'elles correspondent à des "anomalies" cerebrales de fonctionnement (evidemment difficiles à mettre en evidence avec les examens traditionnels (radiographie etc..). Ce sont donc vraiment des "maladies du cerveau"

Le reste ce sont des "etats mentaux" , plus ou moins rationnels mais sans perte de contact avec la "realité". Bien sûr certains beneficient des traitements psychiatriques, pour notamment attenuer la souffrance psychique, mais c'est un tres large continuum d'etats mentaux, allant de la limite avec la psychose à la zenitude, en passant par la depression. 
Malheureusement le DSM (Diagnostic et Statistical Manual d'origine US) a compliqué la tâche en publiant des criteres "diagnostics" qui ont classifié comme malades mentaux 30% des adultes.
Avec un parti pris de "pathologie". Par exemple l'anxiété sociale (existant depuis des millenaires sous le nom de timidité) est devenue une pathologie "du cerveau", donc necessitant un traitement pharmacologique (notamment AD, avec des effets secondaires appreciables) , même si elle est créée ou aggravée par des evenements de vie (trauma, dysfonction familiale etc..).

Je rejoins là , je pense, ce que dit Acid test dans le post precedent. Je precise que je m'inspire de ma pratique de plus de 15 ans de Medecin de prison. Clairement les patients psychotiques (qui n'ont rien à faire en prison mais y sont de plus en plus nombreux) sont différents des autres, même quand ils demandent des soins "psychiatriques".

Pour conclure je pense que le debat sur la "maladie mentale" des PUD est un faux debat. Comme nous tous ils ont des "etats mentaux", qui entrainent plus ou moins de souffrance pour eux et leur entourage. Mais ce ne sont pas des maladies du cerveau (ce que la Medecine "classique" dit de l'addiction) mais des etats de la personne. Et l'intervention du psychiatre, du psychologue, du philosophe, du religieux etc..et de la femme ou l'homme de bonne volonté  peut ameliorer la souffrance mais ne pose  pas un diagnostic  de "maladie".
Certains par contre peuvent etre "malades mentaux" , de façon continue ou temporaire, mais ils ne constituent pas des humains à part, au même titre que les diabetiques, les hypertendus etc.. Ils ont juste besoin de traitements et surtout de respect.

Concernant les addictions, "maladies du cerveau" selon certains experts, est ce que les personnes traitées au long cours par les opiacés pour douleur sont des "malades mentaux". Evidemment non. Pourtant leur fonctionnement cerebral (avec dependance physique) ne diffère pas de celui des usagers recreatifs. Ils ont tous deux une modification des circuits dopaminergiques. Idem pour les TDAH traités à la Ritaline.
Les "maladies du cerveau" ne sont parfois (souvent ?) que des conséquences et non des causes de l'usage. Les modifications cerebrales peuvent rendre  dépendants  (chez les usagers therapeutiques comme recreatifs) et il faut bien sûr les connaitre et eventuellement les traiter. Mais ce ne sont pas en soi des maladies du cerveau.

Amicalement

 
#7 Posté par : psychodi 07 octobre 2024 à  12:00
sujet très intéressant
pour ma part, le terme de "santé mentale" m'a toujours posé question...et que certaines personnes fassent un lien très hygiéniste et bien-pensant avec les conso de psychotropes ne m'étonne qu'à moitié...

voici un lien récent (septembre 2024) vers un communiqué de presse issu du collectif du Printemps de la Psychiatrie, qui dénonce la "cérébrologie" actuelle et les dérives "santémentalistes"

cliquer ICI

bonne lecture

 
#8 Posté par : prescripteur 08 octobre 2024 à  12:22
Bonjour, un article à l'appui de la "psychiatrisation" de la société.

https://www.lexpress.fr/sciences-sante/ … LLEFTRUNU/

Amicalement

 
#9 Posté par : Pesteux 10 octobre 2024 à  22:57

pierre a écrit

ce que nous ne voulons pas, y compris politiquement, c'est etre associé d'emblée à des problèmes de santé mentale. Combien de médecins que nous avons fréquentés pensent que nous avons des problèmes de santé mentale parce que nous consommons !

Pour être parfaitement clair : je suis entièrement d'accord avec ça ! 

C'est même extrêmement courant dans les milieux psy de penser que toute consommation est révélatrice d'une souffrance cachée, qu'elle est l'expression d'un mal-être, ou le symptôme de quelque chose d'enfoui, qu'il faudrait éradiquer.

Il y a même une idée courante qui veut que "le toxicomane" ne peut et ne doit pas être écouté comme les autres personnes, car il court-circuiterait la parole et l'élaboration par la consommation du produit. Un psy qui te dit ça, tu peux lui retourner le compliment, tu peux lui répondre qu'en fait il parle de lui, que c'est lui qui court-circuite la parole des personnes en pensant lire le fond de leurs âmes dans leur comportement de consommation. Tu peux lui répondre qu'il pense à leur place, et que ce qu'il raconte ne reflète que ses propres fantasmes sur les consommateurs ! Un psy qui s'appuie sur ce genre de conviction pour priver, restreindre, culpabiliser ou infantiliser les PUDs dans leur accès au produit, tu peux lui répondre que c'est pour soulager ses propres angoisses à propos de leur consommation qu'il les brutalise, tu peux lui dire que l'acting-out est de son côté !

Je n'ai jamais mis les pieds dans un CSAPA, mais quand je lis les témoignages du forum, ça m'inspire que les institutions de l'addictologie sont une sous branche de celles de la psychiatrie, que par contre je connais bien. Oui, officiellement ce sont des institutions séparées, les bâtiments ne sont pas les mêmes, et c'est pas la même étiquette sur la blouse du docteur, mais en fait, on fait face à la même idéologie et aux mêmes méthodes dans les deux cas. En ce sens, c'est parfaitement cohérent de trouver des "troubles de l'usage d'une substance" dans le DSM.

Ce qui me paraîtrait une erreur, aussi bien sur le plan stratégique que sur le plan humain, ça serait de laisser la question des souffrances et des symptômes psychiques des PUDs (quand il y en a) au "sentémentalisme" de la psychiatrie, c'est-à-dire en fin de compte, à l'opposition (c'est un raccourci à peine exagéré).

Ca serait une erreur parce que la psychiatrie nous rattrapera toujours. Je ne prends pas beaucoup de risque si je prophétise la biologisation toujours plus radicale de nos différents états psychiques, et l'extension toujours plus grande de la psychiatrisation de nos existences (je rejoins les propos de Prescripteur sur ce point, ainsi que le texte mis en lien par Psychodi). Même si on arrive un jour à faire retirer les "troubles de l'usage" du DSM (ce qui serait une victoire symbolique immense !), tant qu'il y aura des PUDs qui déclarent souffrir de leur consommation, la santé mentale sera là pour naturaliser leur souffrance, et prescrire/proscrire certaines molécules et certains comportements.

La santé mentale contemporaine porte en elle le fantasme qu'elle suppose systématiquement aux PUDs qui viennent lui adresser leur plainte, et qu'elle accuse de lâcheté face aux défis de la vie : l'idée que toute souffrance psychique peut et doit être soulagée par un psychotrope. Or, c'est bien la santé mentale qui diffuse cette idée dans notre société, avec tous les moyens colossaux que les labos et les pouvoirs publics mettent à sa disposition. C'est un pompier pyromane qui se pose en remède du poison qu'elle diffuse. La seule différence avec la supposée "intolérance à la frustration" qu'elle prête aux "toxicomanes", c'est qu'elle prétend être capable de déterminer les molécules qui conviennent à chacun, mieux que les personnes elles-mêmes, à partir de critères objectifs et scientifiquement établis.

L'imaginaire de la santé mentale est entièrement biologique, mais sa pratique est exclusivement comportementale. C'est-à-dire que sa pratique est un démenti permanent de ses prémisses théoriques : le patient souffre de la chimie de son cerveau, mais on le considérera guéri si il adopte le comportement prescrit. La biologie ne sert que de justification à la naturalisation des comportements qu'elle défend. Les supposées anomalies ne sont jamais démontrées biologiquement. Mais les preuves scientifiques sont toujours imminentes, elle les pressent, elle est sur leur piste, il y a de plus en plus de preuves, c'est pour demain. Sauf que ça fait déjà 150 ans qu'on attend, et qu'en pratique, la santé mentale ressemble de plus en en plus à une science de la régulation des comportements qu'à une médecine au sens noble du terme.

Les PUDs qui déclarent souffrir de leur consommation ne sont pas forcément plus nombreux que ceux qui la vivent bien, mais ils sont forcément plus visibles sur le forum. Car ils se démènent, ils cherchent de l'aide où ils peuvent et comme ils peuvent, et le discours moralisateur et normatif de l'univers médical les pousse à venir la trouver par ici. Alors que les drogués heureux, ceux qui vivent bien leur conso et qui n'ont pas de problèmes particuliers avec ça, ils ont moins de motivations impérieuses pour venir écrire sur le forum. Et pour ceux qui n'ont pas de TSO, ils passent carrément sous les radars du monde médical. Les drogués heureux, c'est souvent les drogués invisibles. Et ça, faut reconnaître que c'est bien emmerdant pour nous.

Je pense que ça crée un biais important, qui n'en finit pas de mettre la ligne éditoriale du forum en difficulté. PA veut porter la parole des drogués heureux dans l'espace public et exploser les stigmatisations dont les PUDs sont victimes. Pour ça, l'asso tente de montrer qu'il est possible de consommer, y compris avec dépendance, tout en étant bien dans sa peau, responsable, et bien inséré dans la société. Je ne peux qu'applaudir cette démarche. Mais du coup, j'ai l'impression que l'abondance des messages de détresse sur le forum est parfois vécue comme un démenti, que ça donne un sentiment de solitude politique à l'équipe, et que ça peut alimenter la tentation de considérer qu'il s'agit de problèmes de santé mentale qui sortent du champ d'action PA.

PA est déjà largement convaincu qu'il faut se réapproprier notre plaisir, et apprendre à savoir l'accepter sans en avoir honte, mais j'ai l'impression qu'il reste encore quelques doutes quant à la nécessité de se réapproprier aussi notre souffrance de la même manière. Il a des doutes parce qu'évidemment, on ne veut surtout pas alimenter ce lien systématique entre conso et souffrance.

Mais si la drogologie n'ose rien dire sur la souffrance psychique, si elle se déclare incompétente sur le sujet et qu'elle laisse ça à d'autres par peur d'être confondue avec la santé mentale, ben elle abandonne le terrain à l'opposition, qui ne manquera pas de s'en servir pour nous clouer le bec. Nous aurons nos témoignages de drogués heureux pour faire la démonstration clinique que c'est possible de consommer et d'être bien dans sa peau, et eux, ils auront toute la souffrance du monde pour faire la démonstration inverse, et présenter nos vies comme des exceptions insignifiantes statistiquement. Dans ces conditions, c'est pas difficile de deviner qui va l'emporter dans l'opinion !

Se poser en drogué heureux et assumer nos consos, ça a un intérêt politique indiscutable. Mais il y a un effet de bord dont il faut tenir compte : les personnes en détresse ont souvent l'impression d'un fossé immense entre elles et celui ou celle qui leur répond, et pour qui "tout va bien" (supposément). Faudrait pas que le désir de ne pas être confondu avec la santé mentale pousse chacun de nous à avoir honte des parts d'ombre de son parcours et des passages tortueux de son vécu. Si chacun commence à vouloir paraître plus inséré et plus équilibré que les autres, on creuse le fossé. On fossoie. On faux soit. (désolé, ce genre de truc c'est plus fort que moi^^).



pierre a écrit

Mais alors laisse t'on une question sur les TDAH et la ritaline ? A priori c'est de la santé mentale aussi. Mais ils se trouve que la ritaline est aussi utilisée comme drogue, et que quand on lit les témoignages d'usage de ritaline pour les TDAH, ils peuvent raconter les memes choses que les PUD sur les effets notamment. Pour l'instant, nous avons décidé de laisser ce genre de questions ou témoignages.

Que veux-tu dire exactement quand tu écris "la ritaline est aussi utilisée comme drogue" ? Je vais partir de l'idée que tu veux dire "comme drogue récréative, et non pas comme traitement", mais dis moi si j'ai mal compris.

Pour moi, utiliser un psychotrope pour en tirer des bénéfices "fonctionnel", ça reste un usage de drogue, et ça fait partie des pratiques des drogués heureux. Je suis pas sûr de bien comprendre ce que tu veux dire, parce qu'à te lire par ailleurs, je doute fort que tu partages vraiment cette morale d'état civil qui consiste à baptiser un psychotrope "drogue" ou "médicament" selon l'avis du médecin et l'inscription sur telle ou telle liste, qui changent au fil des époques, des pays, et des retournements politiques.

J'ai la conviction intime que désanitariser la rdr, ça implique nécessairement de rejeter cette distinction, et je reste persuadé qu'il est possible d'éviter la stigmatisation et la mise en minorité des PUDs parmi les personnes psychiatrisées sans tomber dans cet écueil.

A mes yeux, la vraie différence entre "drogue" et "traitement/médicament", c'est pas l'opposition entre le récréatif et le fonctionnel, dont la frontière est souvent assez floue (se faire plaisir et s'amuser, ça a plein d'avantages fonctionnels, c'est pas pour rien qu'à l'école, il y a régulièrement des recréations !).

Pour moi, la vraie différence, c'est la souveraineté de la personne sur sa conso.

Dire que c'est un traitement, c'est se reconnaître dans l'idéologie de la santé mentale et demander sa part, c'est valider la naturalisation des comportements jugés déviants par le DSM et s'identifier à ses diagnostics, c'est accepter et trouver normal de devoir en passer par le médecin pour avoir le produit, c'est troquer sa liberté et son autonomie contre la bonne conscience de ne pas être un drogué, mais un bon patient qui respecte sa prescription.

Dire que c'est une drogue, ça veut dire que c'est moi qui suis la seule personne légitime à décider quelle molécule, à quelle fréquence, à quelle heure, et à quelle dose. C'est comme pour ma sexualité, ça fait partie de mon intimité, ça ne regarde que moi, et les seules limites acceptables sont celles imposées par le respect de la liberté des autres.

Dire que c'est une drogue, c'est revendiquer une liberté fondamentale qui nous est refusée, c'est se réapproprier notre rapport au monde et nos symptômes (quand il y en a), et ça, la santé mentale ne peut pas l'accepter, car pour elle les psychotropes n'ont de raison d'être qu'en tant qu'outil de normalisation sociale.

J'invite l'équipe à ne rien lâcher sur la Ritaline, et à continuer d'accepter les questions et témoignages à son sujet. Perso, il me semble plus pertinent de travailler sur "comment on y répond sans accréditer l'idée que les PUDs ont des problèmes de santé mentale", plutôt que de les interdire. Pour moi, il ne faut pas laisser la santé mentale nous prendre la Ritaline, ni les nombreuses autres substances (MD, Keta, LSD, Psilocybine, et j'en oublie...) qu'elle expérimente pour en faire des outils psychothérapeutiques. Si on lui lâche les molécule les unes après les autres, on va finir à poil.


Amicalement.


PS : j'aurai bien aimé répondre aux posts très intéressant d'Acid Test et de Prescripteur, mais ça m'aurait éloigné un peu du thème "PUD vs santé mentale", et c'est déjà tellement long ce que j'ai écrit...

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Très belle argumentation !
 
J'approuve ce point de vue. MG ~

 
#10 Posté par : pierre 11 octobre 2024 à  18:05
Merci Pesteux de ta réponse inspirante.

Voici un ou deux points pour répondre/compléter :

Pesteux a écrit

Dire que c'est une drogue, c'est revendiquer une liberté fondamentale qui nous est refusée, c'est se réapproprier notre rapport au monde et nos symptômes (quand il y en a), et ça, la santé mentale ne peut pas l'accepter, car pour elle les psychotropes n'ont de raison d'être qu'en tant qu'outil de normalisation sociale.

Interessant cette notion de drogue par rapport au traitement. C'est au fond tres "psychanalytique" mais c'est peut etre pour cela que nous n'avons pas voulu enlever "drogue" dans la définition d'un consommateurs de substance psychoactives que nous appelons ici sur PA : PUD (Personne utilisatrice de DrogueS)

Pesteux a écrit

L'imaginaire de la santé mentale est entièrement biologique, mais sa pratique est exclusivement comportementale. C'est-à-dire que sa pratique est un démenti permanent de ses prémisses théoriques : le patient souffre de la chimie de son cerveau, mais on le considérera guéri si il adopte le comportement prescrit. La biologie ne sert que de justification à la naturalisation des comportements qu'elle défend. Les supposées anomalies ne sont jamais démontrées biologiquement. Mais les preuves scientifiques sont toujours imminentes, elle les pressent, elle est sur leur piste, il y a de plus en plus de preuves, c'est pour demain.

Oh lala. je te mets un article tres éclairant d'un neuroscientifique  Serge Ahmed sur les concepts d'addiction (comme perte de controle) et les concepts d'addiction-maladie chronique du cerveau, qui dit exactement la meme chose :
https://lejournal.cnrs.fr/articles/ladd … re-cerveau

1) Si l'addiction est une perte de controle,  la recherche en neurosciences ne sait toujours pas définir les mécanismes et dysfonctions cérébrales responsables de cette perte des capacités de contrôle et de régulation.  Mais on nous bassine depuis 30 ans que le problème vient du cerveau, tout en définissant l'addiction sur des critères comportementaux (Cf DSM5)....
2) Si l'addiction est une maladie du cerveau, on ne sait toujours pas dire en examinant le cerveau d’une personne si elle souffre ou non d’une addiction... donc c'est vraiment un concept foireux !

Au fond à PA, nous ne croyons pas à ce concept d'addiction ! Qu'elle soit maladie du cerveau ou bio-psycho-social. Et plus on creuse, plus on voit que c'est du bullshit, pour donner le pouvoir aux médecins et stigmatiser des pratiques.

Ce qui nous gène, ce n'est pas tant les souffrances des personnes qui viennent sur PA, que la désignation de l'addiction (et donc des drogues) comme source de souffrance.  Ce qui cause les souffrances, c'est un ensemble  qui va bien au dela de "l'addiction" (perte de controle ou maladie du cerveau), et les drogues sont d'abord un moyen d'apaiser ses souffrances.

Mais nous n'avons pas de concepts pour traduire cela pour le moment sur PA. Dans la partie non publique du forum, nous avons un débat intense en ce moment pour essayer de penser d'autres concepts. Nous sommes plutôt finalement sur le concept de dépendance (physique ou psychologique). Mais sans en etre totalement satisfait.



Pesteux a écrit

ça donne un sentiment de solitude politique à l'équipe

Notre solitude politique, vient plutôt que nous recevons en permanence de la violence symbolique de la part de nos pairs : des PUD qui s'autostigmatisent et se considèrent comme de la merde parce qu'ils consomment, mais qui stigmatisent aussi les autres PUD.... Ce flot permanent de stigmatisation omniprésente sur le forum est de loin le plus dur à gérer. Et nous pouvons le gérer parce que nous sommes une équipe et que nous avons des sas de décompression, mais aussi parce que nous faisons une pause du forum de temps en temps.

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Oui, Stop à la stigmatisation !
 
une synthese de l'action politique de PA agréable à lire <3 <3 <3
 
Au delà de l'agréable, une confortation dont j'avais besoin. Merci Fil

 
#11 Posté par : Grenado 30 octobre 2024 à  15:02

kaneda a écrit

Salut,

Merci pour le partage de ce magnifique texte, très bien écrit.

Il relate bien la stigmatisation que certaines Personnes Utilisatrice de Drogues peuvent rencontrer lors d'un passage au CSAPA par exemple, en tous cas, moi, j'ai déjà vécu cette stigmatisation : mon médecin addictologues n'arrivait pas a concevoir que l'on puisse consommer sans avoir de problème psy ! C'est quand même dingue comme point de vu, bonjour la stigmatisation !!!

kaneda

Perso j'ai laissé tomber les CSAPA, je sais qu'il y en a des biens mais je n'ai pas trouvé et pourtant j'ai cherché. Le dernier je parlais de la créativité sous l'emprise de substances et l'addicto m'a dit que c'était impossible, que drogues et création étaient incompatibles en me citant l'exemple de l'écrivain Simenon qui se donnait des plages horaires pour boire et d'autres pour écrire. Je lui ai parlé des (célèbres) solos de Thelonious Monk sous morphine, ça ne lui a pas plu du tout, il faut penser comme eux... Dommage.

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Texte mis dans les morceaux choisis de Psychoactif. (pierre)
 
merci de rappeler que nombreux sont ceux qui refusent d'entendre les xp positiv

 
#12 Posté par : Grenado 01 novembre 2024 à  17:57
Super l'article du CNRS posté par Pierre.

 
#13 Posté par : Beleta 27 novembre 2024 à  00:56
Moi je croyais plus au fait de trouver un addicto aligné avec moi, je l'ai trouvé par hasard : il veut que la médecine ne considère plus les drogues comme responsables d'addictions et plutôt remettre la souffrance des PUD dans un contexte social intersectionnel, et il me dit toujours que son but c'est de faire de ses patients des drogués heureux. Mais il est justement un peu trop ouvert d'esprit et il est fiché aux stup qui le prennent pour un dealer sous couverture ou un vendeur d'ordonnances

 
#14 Posté par : Ludwig_canard_lapin 27 novembre 2024 à  23:44
Je ne suis pas en accord avec ce que tu dis, mais je reste vraiment ouvert à la discussion, et j'admets que je peux me tromper. Donc ce que je dis n'engage que moi, mais j'aimerais que l'on me réponde, si quelqu'un considère que j'ai tort.

Je crois que tu associes "santé mentale" avec une représentation trop restrictive. Comme si les problèmes de santé mentale n'étaient que des pathologies liées à une modification de la perception du monde. Mais le mental, c'est toute la pensée : ça ne concerne pas uniquement la logique, ou la perception de soi et de la réalité, etc. ça peut concerner les envies.
L'anorexie, par exemple, est bien un problème de santé mentale, puisque ça touche aux envies : envie de perdre du poids en excès (l'anorexie, c'est bien plus que ça, mais ça c'est le critère minimum).
La dépendance à une drogue, dans ce sens, c'est bien un problème de santé mentale : c'est un "dérèglement" des envies (donc mental) qui fait souffrir (donc problème) et met en danger ou en difficulté celui qui en souffre (donc santé). C'est juste une question de définition, et je pense que c'est le sens dans lequel l'emploie le DSM - 5.
J'ai l'impression que ce que toi, tu interprètes, c'est que, d'après eux, un souci de santé mentale (schizophrénie, bipolarité, etc.) causerait ensuite la dépendance. Et tu refuses cela. Mais il me semble que ce que, eux, ils font, c'est simplement qualifier la dépendance, et non pas donner son origine.

 
#15 Posté par : Morning Glory 28 novembre 2024 à  23:47
Je suis tout à fait d'accord avec le billet de blog.

Mise à part que personnellement, c'est bien ma souffrance psychique qui m'a poussée à surconsommer puis à tomber dans l'addiction (que je vis effectivement comme une perte de contrôle sur mes consos, toujours à titre subjectif et personnel).
Bon les choses sont légèrement plus complexes que ça dans le détail, mais en gros sans mes problèmes de santé, je n'aurais peut-être jamais été addicte.

C'est mon histoire et je conçois absolument que mon cas soit loin d'être une généralité. Mon problème, c'est que je me suis mise à consommer pour pallier à cette souffrance chronique. Et lorsque les effets cessaient évidemment, la souffrance revenait. Me poussant à me droguer trop souvent.
Donc ça peut je pense, d'après mon expérience être une fragilité que de souffrir, que ce soit psychique ou physique hein, face au risque d'addiction (dont la réalité est encore un autre débat, j'entends ton message Pierre, mais bon pour le vivre et bosser avec des personnes qui s'envoient sans vraiment le désirer des doses incroyables de pyrovalérones par exemple, j'ai un peu de mal à sortir de ce concept).

Mais il y a tous les autres cas de figure qui n'impliquent pas cela.

 
#16 Posté par : pierre 29 novembre 2024 à  16:14
Bonjour MG,

bien sur que les problèmes de santé mentale sont des facteurs qui peuvent conduire à la dépendance.
Mais c'est bien l'inverse qui est discuté ici : la dépendance ne vient pas forcément d'un problème de santé mentale, et ca n'en est pas forcément un. A part considérer ceux qui sont dépendants à leur 10 cafés par jour, ou ceux qui sont dépendants au tabac, ou ceux qui mangent un peu trop, ou ceux qui baisent un peu trop comme des problèmes de santé mentale.

Le problème est la  pathologisation de la dépendance par la médecine, l'addictologie et la psychiatrie. Ca a un nom, ca s'appelle la médicalisation : pour contraindre les esprits et les corps, on annonce qu'un fait social est un problème médical. Et puis on déploie tout les outils médicaux de contrôle social pour contraindre les personnes à rentrer dans le rang. Faut il que je rappelle que l'hystérie, la masturbation, ou l'homosexualité étaient considérés comme des problèmes médicaux, avec des "solutions" médicales ?

La c'est la meme chose. la dépendance est un fait social. Mais Pour être en "bonne" santé, Il faudrait ne pas être dépendant sinon, la médecine dit que vous avez des problèmes. Mais qui décide de la bonne santé ?  Est ce que la bonne santé c'est manger 5 fruits et légumes par jour, et sinon vous avez des problèmes de santé mentale ?

 
#17 Posté par : Morning Glory 29 novembre 2024 à  20:56
Je pense que penser le phénomène comme purement social, c'est oublier les autres dimensions de la dépendance.

C'est bien vous, toi, qui m'avez appris les premiers qu'une dépendance arrivait en fonction de la rencontre entre un individu (dont ses prédispositions génétiques, son état de santé et son parcours de vie), une substance et un contexte ?

Le simple fait que l'on voie à l'IRM le système méso-lymbique changer et créer des connexions chez les personnes qui ont une dépendance par rapport à celles qui n'en ont pas, ou les adaptations de neurotransmetteurs qui ne se fabriquent plus et mènent à la dépendance physique dans le cas de forte consommation prolongée de dépresseurs, sont pour moi des preuves qu'il ne peut s'agir uniquement d'un phénomène social. La biologie joue son rôle, en fonction bien sûr, des variables sus-citées.

Je peux et même dois néanmoins nuancer mon propos:

- Consommer ne leade pas forcément à une dépendance.

- Une dépendance n'est pas forcément pathologique, et je trouve que les critères du DSM sont ridiculement rigides pour les substances illégales comparées à l'alcool ou aux addictions comportementales.

- Selon moi, pour parler de pathologie il faut un retentissement significatif dans la vie et sur la santé de la personne, la mettant à plus ou moins court ou moyen terme en danger, et/ou lui causer une souffrance significative.
Aussi, selon ma propre définition (empreintée justement à la psychiatrie et psychologie expérimentale), quelqu'un comme moi dépendante aux opioïdes mais n'en souffrant pas (trop) avec la méthadone, ou comme toi n'en souffrant apparemment pas du tout avec la bupre, ne sommes pas malades.
Idem, quelqu'un qui pense souffrir de ses consommations mais ploie en réalité sous la stigmatisation sociale, n'est évidemment pas malade.
Par contre, quelqu'un comme moi souffrant et se sentant diminuée, voire en relatif danger de par ma surconsommation de DCK, oui.

Je ne réfute ni votre idée ni celle de la psychologie. Mais j'ai mes propres nuances smile
Toute la difficulté est je trouve de démêler ce que les personnes que je vois au taff me disent, pour les amener elles-mêmes à comprendre si leurs consommations les font directement souffrir voire leur font du mal, ou s'il s'agit de violence sociale et symbolique.

Xoxo

 
#18 Posté par : pierre 01 décembre 2024 à  22:32

Morning Glory a écrit

Toute la difficulté est je trouve de démêler ce que les personnes que je vois au taff me disent, pour les amener elles-mêmes à comprendre si leurs consommations les font directement souffrir voire leur font du mal, ou s'il s'agit de violence sociale et symbolique.

Oui je trouve aussi extremement dur de déméler ce qui est de la violence symbolique ou de souffrance perso. Sachant que la violence symbolique amène des souffrances personelles.

Mais les personnes que je vois au taff, je dirais que l'addiction/dépendance est souvent leur bouée de survie dans un monde qui leur a rien épargné. Meme si elles ne le savent pas, et mettent leur souffrance sur le compte de l'addiction, parce que toute la société invite à le faire.

Pour les critère du DSM et la pathologisation de la dépendance, Si tu lis l'anglais, je te recommande le livre "What's wrong with addiction ?" d'Helen Kean. Une révélation pour moi !  Elle dissèque comment l'addiction est traitée par les médecins et par les groupes d'entraide (NA, AA).
Et elle finit par dire que l'addiction "maladie" qui devait déstigmatisé les personnes addicts aux produits illicites, n'a fait que perpétuer le stigmate, et meme l'amplifier.
Helen Kean explique que c’est la conception de la personne addict en terme de vrai et de faux soi qui fait qu’elle devient l’ objet des interventions thérapeutiques. En considérant que la personne addict est dans un faux soi, les pratiques coercitives sont alors justifiées comme des efforts pour aider le vrai soi à « respecter son désir authentique d’abstinence ».

Bizzz
Pierre


 
#19 Posté par : Morning Glory 02 décembre 2024 à  00:21
C'est très intéressant, il y a une preview de Google j'irai checker. Je ne trouve pas encore de vendeurs en Europe par contre à voir.

Ce qui me vient néanmoins à l'esprit, c'est que mon borderline par exemple vient bel et bien de cadeaux empoisonnés de ma vie par exemple (bien que j'en ai eu globalement bien moins que les personnes que je suis en CAARUD c'est assez simple à accorder!). Et comme dit et tu le dis toi-même, ma dépendance très probablement aussi.
Du coup, comme il y a plutôt consensus sur le statut de pathologie du borderline, pourquoi n'est-ce pas le cas concernant la dépendance lorsqu'elle devient elle-même un véritable problème de santé (et effectivement, uniquement dans ce cas)?
Ce serait alors un problème co-morbide du coup... Et donc bien une... Pathologie.

Mais je suis d'accord que si on règle les problèmes sous-jacents des personnes, sortir de la dépendance si cela est véritablement voulu par celles-ci, devient alors plus facile. Ça me semble assez évident et je pense qu'on se rejoint là dessus si je comprends bien.

Je verrai pour lire ce que je peux trouver de ce bouquin^^ L'idée d'un vrai et faux soi est en effet assez sidérante, je ne l'avais jamais entendue sous ces termes bien explicites. Mais je remarque que nombre de spécialistes de la santé le sous-entendent, avec cette histoire de "déni" ou de "vous ne vous rendez pas compte".

Xoxo

~

 
#20 Posté par : Sandbox44 05 décembre 2024 à  08:09
Dans un corps malade, le remède n’est jamais une parfaite réparation ; c’est un compromis acceptable entre effets de réparation, effets secondaires, et effets inconnus. La maladie n’est d’ailleurs certainement un problème que du point de vue du malade (ce qui justifie en revanche pleinement de répondre aux besoins du malade en question) ; du point de vue de l’environnement du malade, des autres agents qui composent le système dans lequel il vit, la maladie joue aussi un rôle de régulation (des comportements, des espèces, etc.).

Je trouve globalement dommage de tomber dans le même piège en matière de santé mentale que celui de considérer la maladie comme un « trouble » à neutraliser. La santé mentale a cela d’évident d’être liée aux conditions sociales, économiques et politiques des personnes (en plus des conditions physiques et physiologiques) ; ce qui pourrait inviter la médecine à concevoir différemment les soins dispensés aux patients. On peut regretter que la culture et la recherche médicales continuent à avoir cette approche binaire sain/malade, en particulier sur ce domaine.

Pour en revenir à la consommation des drogues, c’est certainement aussi un mix entre effets de réparation, effets secondaires et effets inconnus. Dans une société que certains considèreront malade (de sa recherche de performance, de sa recherche des cadres et catégories, de sa recherche de divertissements, dans tout ce que l’on veut), les drogues ne sont-elles pas ce même remède-poison avec lequel chacun peut jouer, et se brûler ? Les substances ne devraient certainement être un problème que du point de vue de ceux qui les consomment, et certainement que les fameux indicateurs de santé publique se tiendraient mieux …

Merci pour l’article, c’est un éclairage somme toute assez évident qui cependant sonne bien trop original dans la société actuelle :-).

 
#21 Posté par : Pesteux 06 décembre 2024 à  01:03

Disclaimer : pavé et point de vue très personnel d'inspiration analytique. (environ 22 000 caractères, citations comprises)



Pierre a écrit

Oh lala. je te mets un article tres éclairant d'un neuroscientifique Serge Ahmed sur les concepts d'addiction (comme perte de controle) et les concepts d'addiction-maladie chronique du cerveau, qui dit exactement la même chose :
https://lejournal.cnrs.fr/articles/ladd … re-cerveau

Merci ! En voilà au moins un qui est plus honnête que les autres à propos du pouvoir explicatif des neurosciences. Ca me fait penser à la notion de "sur-savoir", dont j'ai entendu parler il y a peu, et qui pourrait t'intéresser. Si j'ai bien compris, Foucault parle de "sur-savoir" lorsqu'une discipline tient moins par son pouvoir d'explication d'un phénomène, que par les effets de pouvoir et d'autorité symbolique que son nom induit dans l'imaginaire social. Il se servait de cette notion pour dénoncer le pouvoir sociétal de la psychiatrie et de la psychanalyse. En ce sens, on peut dire qu'aujourd'hui les neurosciences fonctionnent comme un sur-savoir dans notre société : les titres et les représentations auxquels elles se rattachent ont des effets de pouvoir qui vont bien au-delà de leur véritable capacité d'élucidation. Ca n'est pas être antisciences ni rejeter les neurosciences que de dire ça, c'est simplement les remettre à leur juste place : un domaine de recherche qui est encore très peu opérationnel à l'heure actuelle, et qui sert de justification idéologique au pouvoir d'un groupe social sur un autre. Ca fait plaisir d'en trouver un qui n'abuse pas des effets de pouvoirs que lui permet l'aura de sa discipline.



Pierre a écrit

Le problème est la pathologisation de la dépendance par la médecine, l'addictologie et la psychiatrie. Ca a un nom, ca s'appelle la médicalisation : pour contraindre les esprits et les corps, on annonce qu'un fait social est un problème médical. Et puis on déploie tout les outils médicaux de contrôle social pour contraindre les personnes à rentrer dans le rang.

Morning Glory a écrit

Le simple fait que l'on voie à l'IRM le système méso-lymbique changer et créer des connexions chez les personnes qui ont une dépendance par rapport à celles qui n'en ont pas, ou les adaptations de neurotransmetteurs qui ne se fabriquent plus et mènent à la dépendance physique dans le cas de forte consommation prolongée de dépresseurs, sont pour moi des preuves qu'il ne peut s'agir uniquement d'un phénomène social. La biologie joue son rôle, en fonction bien sûr, des variables sus-citées.

Je ne comprends pas en quoi tu considères que la référence au "système méso-lymbique" éclaire la question. Il n'est nullement question de nier la dépendance physique/biologique. Tel que je le comprends, ça n'est pas la dépendance qui est considérée comme un fait social par PA, c'est sa médicalisation. Ce qui est contesté, c'est le fait de considérer que telle configuration du système méso-lymbique soit plus naturelle/saine que telle autre, ou que la présence/absence de tel ou tel neurotransmetteur soit d'une quelconque utilité pour nous indiquer comment nous devrions vivre.

Pour moi, ça n'est pas la dépendance qui est un fait social, c'est le fait de lutter contre aveuglement, par des mesures de coercition "pour le bien" des personnes, ou par l'enrôlement dans une démarche d'abstinence purement idéologique, en se servant du concept d'addiction comme d'un mythe moderne de la damnation. C'est comme ça que je comprends le propos de Pierre, et que je le rejoins, y compris quand il y a souffrance dans le rapport au produit.

Je trouve par contre que rejeter le concept médical "addiction" n'implique pas de rejeter le signifiant "addiction". Au contraire, la neutralité axiologique de la notion de "dépendance" se fait d'autant mieux entendre que le mot est employé par contraste avec le terme "addiction". On a besoin des deux mots pour exprimer que toute dépendance n'est pas une addiction ! Et certaines personnes ont besoin du terme "addiction" pour exprimer qu'elles ne vivent pas une simple "dépendance", mais qu'il y a quelque chose dans leur rapport au produit qui leur impose "d'aller contre" leur dépendance, et qui en fait une souffrance psychique. En ce sens, l'addiction se distingue de la dépendance psychique, qui n'est pas nécessairement une souffrance.



Morning Glory a écrit

Toute la difficulté est je trouve de démêler ce que les personnes que je vois au taff me disent, pour les amener elles-mêmes à comprendre si leurs consommations les font directement souffrir voire leur font du mal, ou s'il s'agit de violence sociale et symbolique.

Pierre a écrit

Oui je trouve aussi extremement dur de déméler ce qui est de la violence symbolique ou de souffrance perso. Sachant que la violence symbolique amène des souffrances personelles.

Pourquoi un "ou" exclusif ? Pourquoi faudrait-il séparer les souffrances "perso" et les souffrances de la "violence symbolique" ? Pourquoi faudrait-il se perdre dans la question de l'oeuf ou de la poule ? Si ça vous semble aussi difficile à démêler, c'est peut-être parce que dans bien des cas, les deux sont étroitement liés. Perso, dans un travail approfondi, je n'essaye pas de démêler ces liens, mais seulement de faire entendre comment les choses sont nouées, dans ce que la personne dit elle-même, souvent sans s'en rendre compte.

Pour moi, il ne s'agit pas d'expliquer les liens pour les démêler, mais d'aider la personne à se les réapproprier, en les interrogeant, et en suivant le fil. Il ne s'agit pas de comprendre ni de donner du sens, au contraire, je crois que pour déconstruire il faut déconceptualiser, c'est à dire suivre les fils, jusqu'au point où la personne arrive à s'y repérer dans la logique du noeud. C'est comme ça que petit à petit, on parvient à desserrer un peu le sac de noeuds dont on se sent prisonniers. Mais sa structure, le symptôme, elle reste la même, c'est juste que, on est un peu moins contraint par le sens qu'on lui donne, il y a un peu plus de jeu, un peu plus d'air, on respire mieux. On est un peu moins pris dans "les filets" de notre rapport au monde, dans ses "chaînes" signifiantes. On peut les subvertir, les détourner, s'en servir de point d'appui, de repère, de fil conducteur. Et merde, voilà que je deviens trop métaphorique. Mais comment pourrais-je vous dire ça "rationnellement" ou "objectivement" ? On travaille tous avec quelque chose qui relève de la parole et du lien social, notre matière première est la subjectivité. La nôtre, celles des personnes avec qui on travaille, et la façon même dont on fait lien avec elles. Ne pensons pas nos pratiques comme s'il s'agissait d'objets manufacturés à la norme ISO 9001 !

Accorder du crédit à l'hypothèse des violences symboliques de Bourdieu, dire que "les mots comptent", c'est reconnaître la dimension symbolique comme un facteur déterminant de notre rapport au monde, et donc de nos éventuelles souffrances psychiques. Pourquoi ne pas l'admettre également pour d'autres sujets que l'usage de drogue ? Pour moi, le langage et les représentations qu'il véhicule sont cruciaux pour appréhender toutes les souffrances psychiques, quelles qu'elles soient. Nous sommes surdéterminés par "des choses qu'on nous a dites" et par notre rapport social avec "ceux qui les ont dites".

Ce que je reproche au concept d'addiction, ça n'est pas seulement de pathologiser tout usage, c'est aussi :

1/ ce cloisonnement artificiel entre les souffrances psychiques liées à l'usage de drogue et les autres souffrances psychiques : l'empilement des "maladies mentales" à travers la notion de "comorbidité" masque les liens entre elles. On gagne à les envisager comme différents "symptômes" provenant d'une même "cause" (conception du symptôme inspirée de Marx, comme l'effet visible de quelque chose de plus profond, qui concerne le rapport social).

2/ ce principe de séparation entre nos souffrances psychiques et notre rapport au monde : côté "soignant" comme côté "soigné", la conception médicale du symptôme comme quelque chose dont il faut se débarrasser de gré ou de force, ça pousse à ne rien vouloir en savoir, et à méconnaître la singularité de notre propre jouissance. Là aussi, c'est très inspiré de Marx et Debord, nous ne sommes pas seulement séparés de notre outil de travail et de notre produit global, mais aussi, et peut-être même surtout, de notre propre jouissance. Le concept d'addiction fait des drogués les prolétaires de leur propre jouissance ! Avec une conception psychanalytique du symptôme, on le pense un peu comme l'interface entre la personne et le monde, et il n'est plus du tout question de l'éradiquer, mais de le subvertir pour se le réapproprier et rendre la vie un peu plus amie.



Pierre a écrit

Au fond à PA, nous ne croyons pas à ce concept d'addiction ! Qu'elle soit maladie du cerveau ou bio-psycho-social. Et plus on creuse, plus on voit que c'est du bullshit, pour donner le pouvoir aux médecins et stigmatiser des pratiques.

Ce qui nous gène, [c'est] la désignation de l'addiction (et donc des drogues) comme source de souffrance.
(...)
les drogues sont d'abord un moyen d'apaiser ses souffrances.

Mais nous n'avons pas de concepts pour traduire cela pour le moment sur PA
(...)
Nous sommes plutôt finalement sur le concept de dépendance (physique ou psychologique). Mais sans en etre totalement satisfait.

Je pense qu'il faut distinguer le concept d'addiction telle qu'il est pensé par la médecine (addicto et psychiatrie confondues), et ce que chaque personne en souffrance psychique nous dit d'elle-même quand elle nous parle de son "addiction". Ca n'a rien à voir. C'est le même terme, mais ça n'est pas le même savoir qui s'y rattache.

Si tant de PUD s'emparent du terme addiction, c'est pour dire leur souffrance. Pour demander de l'aide et pour parler de ce qui ne va pas, elles doivent en passer par ce signifiant, elles n'ont pas vraiment le choix : elles sont bien obligées de s'exprimer dans leur langue, et avec les concepts de leur groupe sociaux et de leur époque. Tel que je le comprends, c'est ça les violences symboliques pour Bourdieu : quelque chose du langage et de l'imaginaire social, qui détermine les représentations du monde de façon inconsciente, et dont on ne se débarrasse pas si facilement, peut-être même jamais complètement. C'est un point d'intersection entre la psychanalyse et la sociologie.

Pour moi, il faut se contenter d'une définition à minima : l'addiction, c'est quand une personne constitue sa consommation en symptôme, et qu'elle vient la proposer au monde comme l'explication de sa souffrance. Ca ne dit pas grand-chose sur la souffrance de la personne, à part qu'à un moment ou à un autre, sa logique se structure autour de la consommation d'un produit, et que cette consommation est rejetée par la personne. Pour en savoir plus, il faut l'entendre en parler, et là, ça devient vite totalement différent d'une personne à l'autre.

En quoi ta phrase "les drogues sont d'abord un moyen d'apaiser ses souffrances" te semble-t-elle insatisfaisante ?

Perso, ça me parait presque parfait, je la modifierais seulement à peine, afin de ne pas reproduire les fausses promesses du "médicament", et je dirais "les drogues sont d'abord un moyen qui vise à apaiser ses souffrances", juste pour souligner que la question de savoir si ça marche ou pas reste en suspend, car la réponse dépend des personnes et des moments de la vie, et que nul ne peut mieux en juger que la personne elle-même.

Et si je voulais être vraiment complet, en rassemblant les drogués heureux et malheureux dans un même propos, je dirais "les drogues sont d'abord un moyen qui vise à apaiser ses souffrances, et/ou à apporter un plus-de-jouir". (en référence à la seule invention revendiquée par Lacan, l'objet (a)).

Pour moi, parler de "jouissance" plutôt que de "plaisir" a un intérêt symbolique important. Bien sûr, quand j'écris "jouissance", on pense à un parallèle avec la jouissance sexuelle, et en effet, je crois que ce rapprochement a de bonnes propriétés pour exprimer que la consommation relève de l'intimité profonde. Mais le terme "jouissance" doit aussi être entendu au sens de la jouissance d'un bien, de son usufruit, du droit d'en user et d'en abuser. Si bien que la jouissance peut tout aussi bien être un déplaisir (oula, ça se complique^^). Le terme "plaisir" ne permet pas ce double sens. Pour moi, le droit de consommer des drogues est un droit de jouir de notre propre corps, c'est une forme d'appropriation et d'expérience de soi, c'est un des moyens par lequel on peut se chercher et se construire. Oui, se construire, je vais jusque-là ! A mes yeux, la quête d'un "plus-de-jouir", c'est quelque chose de commun à toute l'humanité, qu'elle passe par la consommation de drogues ou non, et c'est un mouvement essentiel à la structuration du sujet. C'est dans cette trajectoire que se construit le savoir expérientiel, c'est-à-dire le savoir subjectif et propre à chacun. (et d'ailleurs c'est grâce à ça que le capitalisme nous séduit si bien, en nous faisant passer sa plus-value comptable pour un plus-de-jouir. Mais dénombrer n'est pas déchiffrer...)

C'est pour ça que je pense que si on cherche un concept spécifique pour décrire la souffrance psychique des PUDs, on risque de reproduire la même erreur épistémologique que celle du discours comportementaliste : réduire la personne à sa conso, et accréditer l'idée qu'il y a quelque chose de différent dans le fonctionnement psychique des PUD. Si on s'intéresse à la parole des personnes plutôt qu'à leur comportement, on ne trouvera rien de vraiment spécifique aux personnes dites "addicts". Pour moi, le produit n'est qu'un objet parmi d'autres dans la vie psychique d'une personne. Quand il y a souffrance psychique, il y a souvent souffrance dans la relation à tous les objets importants de la vie psychique, et c'est tout le rapport au monde qui est en souffrance. Qu'il y ait conso ou non ne change pas fondamentalement la donne sur le plan psychique. Il me semble que ça rejoint ce que tu dis quand tu écris :



Pierre a écrit

Ce qui cause les souffrances, c'est un ensemble qui va bien au dela de "l'addiction" (perte de controle ou maladie du cerveau)

Entièrement d'accord, et je trouve que ça se vérifie de façon flagrante au contact des personnes, pour peu qu'on accorde plus d'importance à leur parole qu'à l'imaginaire médico psychologique de l'addiction. Si on laisse quelqu'un parler de son "addiction" sans orienter la discussion, en s'intéressant à tout ce qu'il nous dit sans se focaliser seulement sur son rapport aux drogues, on va rapidement entendre parler de tout un tas de trucs qui ne concernent pas directement les drogues, mais qui sont primordiaux pour la personne. Et ça transparaît nettement dans les messages de détresse qu'on voit sur le forum, les gens parlent de leur addiction, mais ils évoquent également très souvent d'autres sujets, genre je suis un boulet pour ma femme, j'ai peur de mal élever mes enfants, de pas assurer au travail, d'échouer dans mes projets, de décevoir mes parents, de perdre mes amis, d'en parler avec mon conjoint, de répéter éternellement les mêmes erreurs, de passer à côté de la vie, de me détruire physiquement, etc. Tout un ensemble beaucoup plus vaste, qui n'a rien de spécifique aux personnes "addict" : toute personne en souffrance psychique pourra te tenir ce genre de propos. Addiction ou non, on fait face aux mêmes paradoxes, aux mêmes impasses, et aux mêmes angoisses intrinsèques à notre condition humaine... Chacun joue sa peau dans cette histoire !

Les thérapies orientées vers le symptôme, très prisées en addictologie, ne prennent pas cela en compte. Elles considèrent le symptôme comme un mal qu'il faudrait éradiquer, sans voir que c'est la première ligne de défense de la personne contre ce qui la fait souffrir. Elles pensent que les consos problématiques, c'est seulement "les faits" de la souffrance, sans voir que c'est avant tout "l'effet" de la souffrance. Il me semble que tu te rapproches de cette critique quand tu écris "les drogues sont d'abord un moyen d'apaiser ses souffrances".



Pierre a écrit

Mais les personnes que je vois au taff, je dirais que l'addiction/dépendance est souvent leur bouée de survie dans un monde qui leur a rien épargné. Meme si elles ne le savent pas, et mettent leur souffrance sur le compte de l'addiction, parce que toute la société invite à le faire.
(...)
Helen Kean explique que c’est la conception de la personne addict en terme de vrai et de faux soi qui fait qu’elle devient l’objet des interventions thérapeutiques. En considérant que la personne addict est dans un faux soi, les pratiques coercitives sont alors justifiées comme des efforts pour aider le vrai soi à « respecter son désir authentique d’abstinence ».

Morning Glory a écrit

L'idée d'un vrai et faux soi est en effet assez sidérante, je ne l'avais jamais entendue sous ces termes bien explicites. Mais je remarque que nombre de spécialistes de la santé le sous-entendent, avec cette histoire de "déni" ou de "vous ne vous rendez pas compte".

La thèse est intéressante, elle résume bien la logique de nombreux intervenants en santé, mais aussi de pas mal de nos proches, hélas. Mais ça n'est qu'un détournement de notions psychologiques qu'ils ne maîtrisent pas du tout, et qu'ils tordent et utilisent de façon unilatérale pour en faire des instruments de domination symbolique : un bon exemple du sur-savoir psychologique / psychanalytique. On voit aussi des soi-disant psychanalystes faire la même chose en croyant s'appuyer sur la notion d'inconscient.

La notion de vérité (de soi ou autre) ne me pose pas tant de problèmes que ça, du moment qu'on lui reconnaît son caractère éminemment subjectif : je peux essayer de dire quelque chose de ma vérité, pas de celle des autres. C'est d'ailleurs pour ça qu'on parle en JE sur le forum. Le déni ou la dénégation, c'est quand on se trouve dans l'incapacité de prendre en compte la réalité que nous-mêmes nous percevons, ou qu'on se surprend à dire le contraire de ce qu'on pense être la vérité. Ca n'est pas du tout quand on dit le contraire de ce que pense ou perçoit notre interlocuteur ! Quand le soignant lui-même perçoit très bien la dépendance de la personne et son refus d'arrêter, et qu'il lui force la main justement parce que ce refus lui est insupportable en tant que soignant ("je ne peux pas laisser faire, c'est pour son bien"), c'est lui qui "ne se rend pas compte" et qui est dans le "déni" de ce qu'on vit. On leur dit, on leur crie, on les implore, on les supplie, mais ils ne veulent rien en savoir !

Ce qui me semble dramatique, voir carrément inquiétant, c'est la prétention de certains soignants à comprendre le "vrai soi" de leur patient et à leur révéler. Les sectes et les gourous ne procèdent pas autrement.

Pour moi, il faut supposer que le réel du désir de la personne est détenu ... par la personne elle-même, même si elle ne le sait pas et qu'elle se sent perdue parce qu'elle confond ce réel avec les représentations qu'elle s'en fait. Comme chacun de nous... (cf le "spectacle" de Debord : "tout ce qui était réellement vécu c'est éloigné dans une représentation", ou "l'image spéculaire" de Lacan).

A mes yeux, un thérapeute qui pense "aider le vrai soi à respecter son désir authentique d’abstinence" ou son authentique désir de quoi que ce soit d'autre imaginé par le soignant, c'est quelqu'un qui met ses propres fantasmes à la place du désir de la personne, c'est à dire un danger public. Au pire, quand c'est sans le consentement de la personne, c'est ultraviolent. Mais même au mieux, quand la personne ne demande que ça, je trouve que c'est dangereux, car ça nourrit le symptôme avec le sens soi-disant révélé par le soignant. Si on appliquait à la sexualité ce principe de révélation qu'on s'autorise si facilement pour soigner l'addiction, on aurait toujours les infâmes "psychothérapies de conversion", qu'on proposait autrefois aux homosexuel.les qui soufraient de leur orientation. Ben ouais quoi, il y en avait des consentants, c'est même eux qui demandaient à être soignés wink   


C'est ça que Freud voulait éviter en renonçant à l'hypnose et à la suggestion, qui supposent un savoir du côté du soignant, dont les connaissances descendraient sur le soigné comme la lumière des cieux. Je ne dis pas qu'il y soit forcément parvenu, mais que c'est à cet acte fondateur de la psychanalyse que j'essaye d'être fidèle dans ma pratique : il s'agit d'inverser cette supposition de savoir, en supposant un savoir propre à la personne, et en travaillant avec ce savoir, plutôt que contre en suivant celui de la science médicale/psychiatrique. En somme, il s'agit d'arrêter d'hypnotiser les PUDs en voulant leur injecter les idées des soignants, et de faire l'inverse : se laisser enseigner par les personnes. Et c'est en ce sens que je fais certains parallèles avec l'éthique de la RDR "non prescriptive et non normative" qu'essaye de construire PA ces dernières années, et que je trouve très logique et heureux qu'elle conduise à une critique de la médicalisation de nos usages et de nos vies.

Selon moi, l'écueil à éviter pour PA, c'est de nier le réel des souffrances psychiques qui peuvent parfois compliquer notre rapport au produit, en considérant que ce sont soit des maladies du cerveau soit des violences sociales. Pour moi, il y a un réel de la dépendance psychique, tout comme il y a un réel de l'addiction. Par réel, je veux dire quelque chose qui s'impose à nous, quelque chose qui résiste à notre maîtrise et notre compréhension, quelque chose qui nous échappe toujours un peu, qu'on n'arrive jamais à saisir complètement, et qui est propre à chacun, donc impropre à rentrer dans les cases préétablies d'un savoir "déjà-là" comme les connaissances scientifiques, médicales ou psychologiques. On peut seulement essayer d'en parler, et c'est déjà pas mal quand on parvient à en dire quelque chose !

Pour moi, le réel dont je parle, c'est le seul lieu dont peut émerger un savoir inédit sur les drogues, c'est un savoir en devenir, un savoir précieux et vivant, qui doit sans cesse être élaboré, et non pas figé une fois pour toutes dans un concept valable pour tous. (c'est une valeur d'usage plus qu'une valeur d'échange, pour le dire avec Marx). Et pour attraper des petits bouts de ce savoir, il faut pouvoir en parler, il faut que ça puisse être entendu sans être contre-dit par les sens-sûrs de l'idéologie médicale qui nous enjoint à détester le produit, et à nous détester à travers notre goût pour le produit et nos pratiques. C'est pour cela que je me réjouis de voir la parole des PUDs sortir du secret des lieux de parole dédiés, pour se faire entendre dans l'espace public. Mais tout en rejetant l'addiction en tant que concept, essayons de ne pas ressembler à nos bourreaux sous forme inversée : prenons garde, dans notre élan de révolte contre la médicalisation et les violences symboliques, à ne jamais devenir ceux qui disent aux personnes en souffrance "l'addiction, c'est dans ta tête". Les souffrances ne peuvent pas être exprimées dans un "ailleurs" de notre langue et de notre imaginaire social, mais elles sont bien réelles, n'en doutons pas, n'en doutons jamais !

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Merci pour l’interprétation psychanalytique de notre travail. Tres instructif. P

 
#22 Posté par : prescripteur 06 décembre 2024 à  10:19
Bonjour, merci pour ce pavé.
2 remarques =

1) Le probleme de pouvoir n'est pas seulement medecine contre patients mais aussi interne à la psychiatrie. Le DSM est un brûlot contre la psychanalyse, en mettant en avant le concept de "maladie biologique du cerveau" expliquant tous les aspects de la maladie mentale et en général du fonctionnement mental.
Par exemple le concept d'anxiete sociale selon le DSM est une "maladie du cerveau", donc releve des medicaments (AD), même, par exemple,  quand la personne a été maltraitée dans son enfance. Au grand profit, evidemment de l'industrie pharmaceutique (les sommes en jeu sont enormes).

https://www.spp.asso.fr/publication_cdl … hiatrique/

2) Je dirais que ton analyse est pertinente sur la souffrance psychique et ses rapports avec les consommations mais oublie (si tu me permets, ce n'est pas une attaque)  que la consommation peut etre liée aussi à autre chose que la souffrance, notamment la recherche du plaisir, que l'on voit par ailleurs à l'oeuvre dans la sexualité comme tu le soulignes.
Apres tout "l'addiction" au sexe ou à la bouffe peut etre ambigue. On peut etre addict sexuellement à une personne malgré des relations extrasexuelles negatives (violence par exemple). De même l'addict à la bouffe n'a pas la même analyse à table et sur la balance.
L'addiction peut donc etre "douce" (et non douloureuse) au moins en partie !

Tu m'amène à penser que la seule "addiction" qu'on peut analyser valablement, de nos jours, est celle à l'alcool, parce que malgré des stigmatisations, elle est connue depuis longtemps, concerne un produit legal et invite au respect de la personne au moins par  certains intervenants.
Pour les drogues illicites le discours medical, social et mediatique est tellement biaisé qu'il me parait, à ce jour, difficile de démêler le vrai du faux.
Amicalement
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tres juste. Pierre
 
difficile de démêler le vrai du faux

 
#23 Posté par : pierre 06 décembre 2024 à  16:40
Merci à tous pour vos contributions qui fait que cette discussion est d'une incroyable richesse !

je pense que nous sommes au cœur de la pensée de Psychoactif et de ses débats.

Morning Glory a écrit

Je verrai pour lire ce que je peux trouver de ce bouquin^^ L'idée d'un vrai et faux soi est en effet assez sidérante, je ne l'avais jamais entendue sous ces termes bien explicites. Mais je remarque que nombre de spécialistes de la santé le sous-entendent, avec cette histoire de "déni" ou de "vous ne vous rendez pas compte".

sur le dénis, MG tu as vu juste. Helen Kean dit d'ailleurs dans son bouquin que ce faux self, permet d'accuser les PUD de dénis.
C'est une construction imparable, ou les pros gagnent à tout les coup : si tu dis que ca va bien, alors tu es dans le dénis, tu n'as pas encore compris "que tu étais dans la merde", ou tu es encore dans la lune de miel (une version que j'ai eu). Si tu dit "enfin" que tu es dans le dénis, alors il faut retrouver ton vrai soi qui est basé sur l’abstinence, et les pros seront bien plus agréables avec toi, parce que tu te conformes enfin à leur schéma de pensées ! Tout les chemins mènent à l'abstinence....

Par ailleurs, Pesteux à raison de dire que c'est en fait le dénis des pro dont il faut parler. Le dénis de ne pas penser en dehors de ce schéma du drogués, qui doit d'abord tomber bien bas, puis qui se reprend et se repent pour sortir du dénis...

Comme dit Pesteux, ce dénis est aussi un moyen de fabriquer des thérapies de conversion pour vous faire "accoucher du dénis" ! Et je peux vous dire qu'elles existent bel et bien en France, dans certaines cures et post-cure ! (pour en avoir fréquenter...)

Le dénis, combiné à l'autostigmatisation des PUD et à la stigmatisation des pros, est quelque chose de puissamment violent dans les centres de soin ! Au niveau symbolique comme au niveau physique et psychique.

Une illustration qui vient du site d'Inpud, que je trouve merveilleuse :

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Belle image ! La médicalisation des PUDs est un rapport de force. PTX.
 
Merveilleuse <3 <3 <3 <3

 
#24 Posté par : Pesteux 06 décembre 2024 à  20:49

Merci !! Je passe juste en vitesse pour corriger quelques coquilles.

Et j'en profite pour signaler à Prescripteur que je viens de remplacer la phrase :

Et si je voulais être vraiment complet, je dirais "les drogues sont d'abord un moyen qui vise à apaiser ses souffrances, et/ou à apporter un plus-de-jouir".

par :

Et si je voulais être vraiment complet, en rassemblant les drogués heureux et malheureux dans une même phrase, je dirais "les drogues sont d'abord un moyen qui vise à apaiser ses souffrances, et/ou à apporter un plus-de-jouir".

Je l'avais coupé à la relecture lors de ma chasse aux caractères, mais à la vue de ton commentaire, ça me parait pertinent de le remettre.


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