Demain sort au ciné le film "La fête est finie".
SYNOPSIS
LA FETE EST FINIE, c’est l’histoire d’une renaissance, celle de Céleste et Sihem. Arrivées le même jour dans un centre de désintoxication, elles vont sceller une amitié indestructible. Celle-ci sera autant une force qu’un obstacle lorsque, virées du centre, elles se retrouvent livrées à elles-mêmes, à l’épreuve du monde réel et de ses tentations. Le vrai combat commence alors, celui de l’abstinence et de la liberté, celui vers la vie.
Je ressors un autre carnet.
Celui ci à une couverture fleurie, un tableau de Claude Monet. Ma mère me l'avait acheté au Musée Marmottan.
Je l'ouvre.
Sur la première page est écrit "KAIROS".
Kairos, ca veut dire "le bon moment", en grec.
C'est aussi le nom du centre thérapeutique dans lequel je suis allée fin Mai 2017 pour travailler sur mes addictions.
Le séjour devait durer 6 semaines.
J'ai été virée au bout de 2 semaines ...
Pourtant, tout commencait bien.
Je relis les premières pages du carnet.
En écrivant ces lignes, j'étais pleine d'espoir, pleine d'envies, remplie de bonnes résolutions, prête à m'enrichir de ce qu'on allait pouvoir m'offrir.
Je ne savais pas que l'histoire serait plus courte que prévue.
Le début, c'est ca :
"22 Mai 2017.
Je suis arrivée ce matin au centre Kairos, à Andresy.
C'est ma tante qui m'a déposée en voiture.
Il fait beau. C'est une journée ensoleillée, chaude et estivale, alors que le début du mois de mai n'avait pas été terrible.
Le cadre est accueillant et agréable.
C'est une maison aux espaces clairs et aérés. Pas du tout glauque. Je m'y suis sentie bien tout de suite.
La secrétaire que j'avais eu au téléphone ressemblait complètement à l'idée que je m'en étais faite.
C'est une jolie femme souriante.
Elle m'a accueillie avec Briac, mon éducateur référrent.
Ils nous ont offert un café, puis ma tante est partie.
Ca m'a donné l'impression d'arriver en colonie de vacances.
J'ai rendez vous avec la psy. Tête sympa, salopette, plus jeune que ce que je pensais. Elle a fait ses études avec une collègue de ma psychothérapeute , que je vois depuis quelques mois. C'est elle que j'avais eu au téléphone pour l'entretien, et qui m'a annoncé mon admission.
Petit entretien pour me donner quelques explications sur le fonctionnement du centre, sur la journée qui va venir, et point sur la prise de méciaments.
Puis Briac me montre ma chambre. Numéro 6. Contrairement à ce que je pensais, c'est une chambre double.
Mais ma "coloc" n'est pas encore arrivée.
On fait l'inventaire ensemble de mes affaires. Moment un peu gênant, je défais ma valise devant lui. Il note ce que j'ai sur une feuille, liste tout ce que j'ai amené : ordi, cahiers, affaires de toilettes, pantalons, robes ... Un peu plus et il écrirait le nombre de mes petites culottes et de mes soutifs ...
C'est un peu la honte d'aller jusqu'à montrer le fond de mon sac avec tout son bordel un peu crado.
Si j'avais su, je l'aurai nettoyré avant ...
C'est surtout pour vérifier que je n'ai rien apporté "que je ne devrai pas avoir".
Mouais, enfin de petits pochons de
coke, si j'avais voulu en amener, j'aurai trouvé où la planquer ...
Puis il me laisse. Je continue d'installer mes affaires tranquillement.
La fenêtre est ouverte. J'apercois dans le jardin quelques mecs qui fument des clopes et bavardent.
Je me décide après quelques respirations à partir à la rencontre de ce nouveau lieu et de ses habitants ...
Je fume une
cigarette près de l'entrée pour me donner un peu de courage. Un autre "nouveau" me précède et il serre la main à un mec qu'il commence à vouvoyer. L'autre lui dit :
- Tu peux me tutoyer. Je suis un "actient" comme toi. Moi c'est Streeve.
Ici, nous sommes des "actients" et non pas des patients. Le mot sert à mettre en valeur le fait que nous ne sommes pas passifs, mais actifs dans notre prise en charge et les soins.
Alors je suis l'homme qui me précède pour me présenter à mon tour à Steeve et les suivre autour de la table basse du jardin.
On me dit beaucoup de noms que je ne retiens pas tout de suite.
Je les regarde en me demandant pour quelle raison chacun est là. Je me demande à quel moment on en parlera.
C'est l'heure de déjeuner. Je suis à la table de Steeve. Il est plutot beau gosse, sur de lui. Allure sportive et pas trop marqué. Il a 33 ans.
Il me demande, comme ca, l'air de rien, entre les carottes rapées et le hachis parmentier :
- T'es là pour quoi, toi ?
-
Cocaine. je réponds dans un souffle. Et toi ?
- Pareil.
A partir de là, j'apprends peu à peu l'addiction de chacun.
Le plus jeune, Paul, 22 ans, c'était l'
héroïne. Il parle beaucoup et me casse un peu les oreilles. Il le sait, et tout le monde le charrie pas mal là dessus.
A la fin de cette 1ere journée, il m'aura répété 3 fois que ses parents sont directeurs de musées, qu'il vient d'une bonne famille, qu'il a fait une école de managment à Lyon, comme ses deux soeurs, qui ne sont pas du tout des camées. Et blablabla.
Il est devenu addict au Sthrompf depuis qu'il est arrivé ici. Il en mange plus d'un paquet chaque jour.
Il y aussi à ma table Christine. Elle aussi est là pour l'
héroine.
Physiquement, c'est la plus marqués du groupe. Elle a le corps boursouflé, plus de dents, rougeaude. Elle me dit qu'elle a "2 petites filles".
Je réponds
- Ah ouais ! Mais t'es une jeune grand mère !
Moment de flottement
- Elles ont 10 et 14 ans.
- Mais tu as été maman super jeune alors !
Je comprends en fait qu'il s'agit de ses filles et non pas de ses petites filles, et qu'elle n'a que 43 ans ...
Steeve aussi a 2 filles, Lolita et Paloma, 3 ans et 1 an et demi. Il me montre des photos.
On dit quelques mots sur nos consommations. Lui a été consommateur pendant 10 ans. Il me dit qu'il tapait parfois 15g en un week end.
Avec mes quelques mois de consos et mon gramme quotidien, j'ai l'impression soudain que je ne pèse pas bien lourd.
Après le déjeuner, je retourne dans le jardin m'asseoir autour de la table basse.
Ici, fumer des clopes est une activité en soi.
Tout le monde fume.
Je fais la connaissance des autres personnes de mon groupe qui sont arrivées aujourd'hui . Nous sommes 5 nouveaux arrivants.
Celui qui me précédait à mon arrivée, dont j'ai oublié le nom, tremble et demande quelque chose pour le calmer.
Il est là à cause de l'
alcool.
Angelo, un jeune boucher, et là pour plusieurs raisons. Du moins c'est ce que je crois comprendre. Apparemment il a touché un peu à toutes les drogues, mais il vient plutot pour l'
alcool. Et pour la
coke. Mais lui ne la sniffait pas mais la basait.
Hugues, la quarantaine, lunettes noires, parle peu et est très mystérieux. C'est moi qui lui demande pourquoi il est là, histoire de l'intégrer à notre conversation car il se tient à l'écart, en phase manifeste d'observation. Il est là pour l'addiction au jeu.
La 4eme personne, c'est une fille, ma "coloc", mais elle n'est pas encore arrivée.
La 5ème, c'est moi.
Un peu avant 16h, Briac vient me chercher pour mon 1er rendez vous.
Il est accompagné d'une jeune femme qui est encore en formation.
On fait le point sur mes difficultés actuelles.
Je dois noter ma satisfaction concernant différents points en donnant une note de 1 à 10 : ma vie en générale, le psychisme, le corps, le sommeil, le travail, les finances, la famille, les amis, l'amour ...
Puis je développe plus et Briac prend des notes.
J'évalue aussi de 1 à 10 ma motivation au changement.
A travers tout ca, je résume finalement tou ce que j'ai traversé plus facilement.
J'ai un peu la voix qui tremble par moments mais globalement, je me sens en confiance et plutot bien, compte tenu qu'il s'agit d'une 1ere prise de contact.
Ma coloc est arrivée. Elle se repose dans la chambre. On parle pas trop.
En fin d'après midi, Briac nous fait un point collectif avec notre groupe de nouveaux.
En sortant, on découvre l'apéro que nous ont préparé les anciens pour nous accueillir.
Un apéro dans un centre d'addictologie, ca me faisait pas trop rêver.
Finalement, c'est pas si mal.
Niveau boisson, ca se résume à Coca, Oasis et Sprite.
Mais niveau bouffe, en plus des chips et petites conneries, y a aussi du guacamole et du hoummous maison.
Les gens rigolent, ils se chambrent.
C'est assez rassurant de voir les anciens qui ont l'air de se sentir bien ici.
Ils nous disent quand même qu'ils étaient impatients qu'on arrive, pour apporter un peu de nouveauté ici.
Lorsqu'ils nous disent "Bienvenue à Karios", on sent du coup que ca sort du coeur.
Apparemment, il y avait des tensions entre Paul, le jeune de 22 ans addict aux Shtrompf, et Jade, un jeune libanais de 28 ans.
C'est lui qui a confectionné le hoummous qu'on peut savourer à l'apéro.
Tout le monde m'a déjà vanté les vertus de son café libanais "aussi efficace qu'une trace de
coke".
J'en ai déjà bu 2, 3 tasses dans l'aprem', ce qui me vaut le respect immédiat des adeptes de
caféine, et j'ai le sentiment de les impressionner comme si j'avais enchainé plusieurs grammes en passant à coté de l'overdose. Parfois, il en faut peu pour gagner l'admiration des plus grands camés ...
Avant de se mettre à table, on nous fait la visite officielle des différents espaces du centre. C'est Streeve qui prend en charge les explications. Il assure son rôle de guide à merveille, comme s'il avait fait ca toute sa vie, ou qu'il avait été agent immobilier dans une vie antérieure.
Pourtant, c'est bien la 1ere fois qu'il fait visiter le centre car il n'est arrivé qu'il y a 15 jours.
5 nouvelles personnes arrivent tous les 15 jours.
Steeve n'oublie aucun détail. On passe par les salles d'activité, la cuisine, le garage, mais aussi la réserve où sont stockés les rouleaux de PQ, ou les toilettes où on peut trouver les préservatifs.
Apparemment le stock a été écoulé, "mais on va bientot être réapprovisionné", dit il.
Je me demande bien qui a pu utiliser ces préservatifs, et avec qui.
Il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent ici.
Steeve fait une blague et évoque son stock perso, dit qu'il ne va pas s'interompre et descendre en chercher, s'il est dans le feu de l'action.
Je me demande s'il raconte n'importe quoi, ou s'il y avait de "jolies filles"' dans les anciennes et qui sont parties ...
Ils n'évoquent pas vraiment le groupe qui est parti avant notre arrivée ...
Après la visite, on passe à table. Je suis encore à la table de Steeve et Paul.
Il y a aussi Elodie, ma coloc, à notre table. J'en apprends un peu plus sur elle. Elle est aussi là pour la
cocaine, mais elle la prenait en la basant. Et pour l'
alcool aussi. Elle est sortie de cure mercredi, "mais a fait de la merde tout le week end", dit elle.
Paul parle beaucoup et repète des choses qu'il a déjà dites au déjeuner. Il a plein d'idées qui se bousculent dans sa tête et il a la fougue de la jeunesse. Il rapporte beaucoup de choses à lui et il a un certain plaisir à s'écouter mais il a aussi un coté attachant. Même s'il m'agace un peu ... J'ai soudain un coup de fatigue à table.
Après encore quelques
cigarettes, je monte dans ma chambre. Elodie allume un film sur son ordi et s'endort très vite... Elle ronfle !
Je me tourne et me retourne dans le lit. J'écoute des musiques, toujours un peu les mêmes, qui m'évoquent cette année un peu étrange que je viens de passer.
Et puis, une que je ne connais pas s'impose à moi.
C'est "End of May" de Keren Ann.
Et je finis ar m'endormir là dessus, finalement plus vite que je ne l'aurai cru ...