Retour sur P.A après plusieurs années d'absence... Quel vertige.
Je pense à ce texte depuis longtemps, même si jusqu'ici j'avais toujours repoussé les choses. Il fallait pour cela me replonger dans mon passé tumultueux, dans mon histoire sur le forum, et je ne me sentais pas prête psychologiquement. Comment trouver les mots justes, était-ce bien utile, comment allais-je tenir le choc, comment dire ce que j'avais sur le cœur sans paraître moralisante...
Il faut croire que c'est aujourd'hui le moment. J'ai finalement osé, me suis reconnectée, ai épluché tous les anciens posts que je pouvais trouver, pas tous bien sûr, la majorité s'est noyée dans la masse depuis et reste dispersée sur de nombreuses discussions dont je ne saurais me souvenir le titre. Tant de choses à dire...
Tout commence en 2014, fraîchement sortie du lycée et pour la première fois de ma vie vraiment livrée à moi même dans ma nouvelle vie d'étudiante, je passe par une grosse crise existentielle et un profond mal-être. Je cherche un salut, un échappatoire, un but. J'en choisis plusieurs dont un sur lequel je vais me focaliser ici, la drogue, vous l'aurez compris, mais aussi par la suite Psychoactif, le site en lui-même. Personne autour de moi n'est vraiment consommateur, je connais juste "une amie d'une amie" qui a pris des trucs. Je n'ai pas le courage de directement me suicider ; malgré le désespoir il y a toujours cet immense désir de me sentir vivre que je sens vissé à mon âme, je balance entre les deux sans trouver un équilibre. Je me lance donc dans la découverte des drogues, dans le fond je sais cette idée très mauvaise, mais par besoin de survie, je la choisis en me persuadant d'avoir trouvé le remède miracle. Je me documente énormément sur les différents produits et me pose "des limites et des règles" : rester à des prises récréatives et espacées, ne jamais tester les
opiacés, ne jamais ceci, ne jamais cela... Histoire banale jusqu'ici.
C'est ensuite que cela se revêt d'originalité.
Rapidement après mes premières expériences avec les produits, je suis tombée sur différents sites d'échanges pour UD. Psychoactif a eu ma préférence, je trouvais l'interface mieux faite qu'ailleurs et j'ai posé mes premières questions. Mon engouement pour les prods était violent mais mon entourage n'y étais pas suffisamment réceptif à mon goût : "l'amie d'amie" avait décidé d'arrêter pile quand j'avais décidé de commencer, force est de constater que je n'arrivais pas à me faire de véritables amis en teuf ou autres soirées où je tapais des prods ; je tentais bien de "convertir" les bons amis à mon nouveau mode de vie mais ça ne les convainquait pas autant que moi. Alors naturellement je me suis investie de plus en plus sur P.A et je mis alors le pied dans un cercle vicieux qui allait durer un petit moment.
Mes premières réponses sous des posts consistaient à ressortir tout le savoir acquis sur le sujet ( grâce aux autres, certainement pas grâce à moi même ), et je pris un goût immense à "conseiller" les autres, bien que consommatrice débutante. J'expliquais par exemple tout sur la gestion de sa consommation d'
ecsta alors que je connaissais le produit depuis à peine quelques mois. Mais c'est passé, je m'étais beaucoup renseignée et ma légitimité pour parler ne fut pas remise en cause. Je lâchais mon avis sur un prod pris seulement une fois ou deux... Je ne suis jamais allée jusqu'à mentir, mais parfois la vérité lorsqu'elle est dite avec de nombreuses omissions est presque égale au mensonge. Certes, ça c'était le début, peu à peu j'ai acquis un peu d'expérience, mais au final beaucoup étaient bien plus à même de conseiller que moi.
Sans y prendre garde je me suis mise à me shooter à des drogues bien plus dures que toutes celles que j'ai pu expérimenter physiquement, et auxquels personne ne peut totalement échapper, UD ou non : l'autosatisfaction et la recherche de ma propre gloire auprès d'autrui. J'ai toujours eu le grand désir d'être une lumière pour les autres, d'aider mon prochain, d'avoir une sorte de maternité spirituelle ; et malgré moi j'ai perverti ses intentions louables au départ. Je me suis passionnée pour les drogues, non pas tellement par intérêt pour le sujet en tant que tel, mais inconsciemment et principalement pour me trouver une raison existentielle et combler le vide intérieur ; et, m'aveuglant totalement au sujet de ma consommation et de la réalité des faits, j'ai décidé de me faire l'apôtre de l'usage de prods et de ses bienfaits.
Je jouissais de l'image que je semblais parvenir à renvoyer sur P.A, je me délectais à chaque commentaire admiratif, à chaque étoile verte ( avant qu'elles deviennent des champignons ) sous mes posts. Mais toujours en jouant la carte de la fausse humilité, feignant d'être détachée et d'être "bien au dessus de tout ça". Quand quelqu'un s'offusquait ouvertement aux sujets des étoiles, j'étais la première à dire avec condescendance que c'était totalement puéril, qu'on en avait rien à faire etc.
C'est vrai, on n'est pas toujours entièrement mauvais, le bien et le mal se mêlent en nous, et j'avais bien ce désir d'être utile et de transmettre des choses aux autres. Mais j'ai fini par instrumentaliser les autres forumeurs sans même m'en rendre compte.
Avec le recul, je constate que beaucoup de mes publications n'étaient pas d'une très grande utilité, et qu'elles avaient bien souvent le but inavoué de me faire mousser. C'est facile de se faire plébisciter...Un vieux Larousse médical, quelques scans, prendre le temps de faire un article détaillé, une présentation soignée... le tour est joué. Pas compliqué non plus de se faire applaudir en dénonçant un truc aussi puant que les assoc anti-drogue scientologues, sur lesquelles les forumeurs seraient unanimes et d'accord avec moi. Les étoiles et les éloges pleuvaient en un clin d'oeil, on me trouvait intelligente et intéressante, fantastique. Quand un de mes textes finissait dans les morceaux choisis de P.A, la gloire était totale. Sur la fin je concoctais mon projet ultime : un blog extrêmement long pour raconter le trip à l'acide qui m'avait le plus marquée, accompagné de nombreux dessins pour l'illustrer ( ben oui, il faut l'admettre, je dessine plutôt bien, j'ai reçu ce don de famille, avec ça jackpot assuré...). Tout s'est finalement interrompu quand ma conscience a été rappelée à l'ordre.
Bordel C******* mais qu'est ce que tu fais ? Qu'est ce que c'est que cette Amaranthe que tu joues ? "J'aidais" les autres, mais de quelle façon exactement ? "Moi je sais, je vais tout t'expliquer", comme si j'étais la voix de la sagesse qui avait tout à apporter mais rien à recevoir d'autrui. Même quand je demandais des conseils sur les choses pour lesquelles pour le coup je n'avais pas de réponse, finalement je ne les écoutais pas tellement. Souvent je me débrouillais pour glisser des choses un peu écartées du sujet pour étaler ma pseudo-science, voir finalement au fil de la conversation je répondais à ma propre question, comme si les autres ne pouvaient pas dire quelque chose d'intéressant ou voir quelque chose que je n'avais pas vu. Si la moindre contradiction à mes propos survenait, il fallait à tout prix démontrer qu'on m'avait mal comprise, parce qu'avoir tord n'était pas envisageable. Incorrigible...
Quand je pense à tous les gens que j'ai côtoyé ici virtuellement, ça pique.
Vous méritiez tous bien mieux que ça. Combien ont été bien plus charitables et utiles que moi, bien plus humbles, bien plus vrais... Citer les noms serait trop long, beaucoup seront peut-être partis depuis, et puis je ne voudrais pas en citer certains plutôt que d'autres. Tant de gens qui m'ont lue avec attention, qui m'ont témoigné de l'admiration sincèrement... Je n'avais pas à abuser de votre gentillesse et de votre coeur de la sorte. Pardonnez-moi.En parallèle dans ma vie personnelle, progressivement je plongeais : séquelles de
bad trips, plusieurs passages à l'hosto à cause de cela, falsifications d'ordonnances, manipulations, vol de ma propre famille pour m'acheter des prods, dilapidation du stock de
tramadol de ma belle-mère atteinte de polyarthrite (ok, elle ne s'en servait pas, la cortisone lui suffisait, mais de quel droit ?! elle aurait pu un moment en avoir besoin ), faire de la lèche et aller chez des gens que je n'appréciais pas uniquement parce que je savais que je pourrais avoir des prods grâce à eux. De plus en plus de produits différents, pour calmer les séquelles d'autres substances. J'étais partie avec le principe que les
opiacés, c'était non ; et bien sûr, au fil du temps j'ai commencé à considérer qu'après tout, avec tout ce que j'ai déjà pris, je pouvais bien tester l'
héroïne, mais juste en
sniff hein ! ( Dieu merci ce n'est pas arrivé, si cela avait été le cas, combien de temps avant que je me sente tentée par l'
IV ? On n'est jamais sûr de rien à ce sujet... ).
Ce qui devait être une sorte de voyage initiatique par les produits pour mieux me connaître, me sentir vivante, être plus ouverte et plus à l'aise avec les autres s'est transformé en ravitaillements en pharmacie pour "tenir" dans un boulot chiant ou une réunion de famille, en magouilles glauques...
Tant de souvenirs remontent... Les soirées chez ma belle-mère ( qui nous herbergeait moi et mon copain, parce qu'on était dans la dèche ) où le cousin fumeur de péts passait papoter le soir. Il fumait sous mes yeux, et je me sentais comme un mendiant attendant désespérément qu'on lui file une pièce, c'était une torture. J'encaissais les longues discussions, sans aucun échange ou intérêt pour les autres, seulement avide de l'instant où parfois, après avoir bien entamé son
bédo, il me laissait enfin prendre une taffe ou deux. J'inspirais le plus profondément possible, écœurée de devoir lui repasser ensuite. Mais c'était son matos, il l'avait payé, je ne pouvais rien faire.... Rien à faire de lui, dans ma tête c'était
"Bordel ta gueule, tu saoules, passes-moi ton joint".
Je m'intéressais de moins en moins à ceux qui ne consommaient pas. Au fond de moi je ressentais même par moment une sorte de mépris pour eux, qui me semblaient "si ignorants des trucs incroyables que j'avais vécus" ou "vraiment cons de se contenter de la médiocrité d'une vie normale". Mon copain d'alors, je ne me serais jamais retrouvée en couple avec lui si ça n'avait pas commencé par un projet de tester la
coke ensembles et des premières venues chez lui à enchaîner les péts et à expérimenter la
codéine.
C'est vrai, je ne suis pas descendue aussi bas que ça aurait pu, mais combien de fois les circonstances extérieures m'ont bien plus sauvée que ma propre volonté... J'ai acheté une fois seulement du
crack et n'y ai jamais retouché, et j'utilisais cet exemple pour me convaincre que le contrôle était possible. Mais l'achat c'était fait dans une situation exceptionnelle lors d'un séjour dans une région où je n'habitais pas, par l'entremise d'une personne que je ne risquais pas de recroiser, et une fois mon petit stock épuisé je ne savais pas vers qui me tourner pour en obtenir de nouveau. Facile dans ces conditions de faire une croix dessus, comment aurais-je réagis dans un autre contexte ?
La
MD... heureusement finalement que je n'ai pas réussi à me faire de vrais amis branchés là dessus avec qui m'amuser en teuf ou en soirée, et que je n'avais pas d'occasions tous les weekends... Avant de tester, ma règle était "minimum un mois entre les prises", mais ma deuxième prise a eu lieu 15 jours après la première ; dès le départ c'était "faîtes ce que je dis, pas ce que je fais"...
De même à chaque fois que j'aurais pu peut-être avoir en ma possession de l'
héroïne, il y a toujours eu un couac, quelque chose qui l'a empêché et qui m'a protegée à mon insue. Un stock de médocs épuisé sans possibilité d'y retourner dans l'immédiat, un vendeur ou un entremetteur qui finalement ne peut pas procurer, la chance de tomber sur un produit pas trop frelaté avec des ajouts toxiques ou surdosé, la chance de tomber sur des bonnes personnes plutôt que sur des mauvaises, un petit copain salutaire qui par moment essayait de me freiner même s'il consommait aussi, parfois tout simplement pas de fric... Je n'ai rien maîtrisé en vérité. Le déroulé des évènements en tous temps limitait la casse malgré moi. Hasard, destin, chance, mettez le mot que vous souhaitez, personnellement j'y vois Quelqu'un.
Putain tout ce qui me frustrait sur le coup en freinant d'une façon ou d'une autre mes consos, même mes angoisses trop grandes pour retoucher au
LSD qui était ma plus grande fascination, tout cela étaient des perches tendues ( sans mauvais jeu de mots ) et sur le coup je n'ai rien vu...
En ce qui me concerne, le constat était plus qu'évident : psychologiquement mon mal-être n'était pas résolu, il avait même considérablement empiré, des problèmes s'étant ajoutés aux autres déjà existants ; et moralement j'en étais venue à me comporter toujours plus égoïstement. L'illusion de bonheur en teuf, avec le trip "je kiffe le son, et j'aime tout le monde, je suis hyper à l'aise avec les autres" est rapidement tombée. Celle de "Je me suis connectée avec le divin et le cosmos grâces aux prods, je suis devenue meilleure, j'aide les autres sur P.A" a eu plus de mal à partir. Mais pas de problèmes, j'ai entretenu mon déni et continuer à scander partout que mon choix de me droguer était un choix comme un autre, que ça avait amélioré positivement ma vie malgré tout, convaincue d'être quelqu'un de bien.
Pourquoi affirmer ça alors que concrètement pour ma part ce n'était pas le cas ? Cela semble totalement absurde. Je ne vois personnellement qu'une raison : par pur orgueil, parce que ça m'arrachait la bouche de reconnaître que je m'étais illusionnée et de poser un regard moral sur mes propres actes.
L'erreur et la faiblesse sont humaines, et c'est chose bien compréhensible de s'écrouler sous le poids de la souffrance, de chercher désespérément une façon d'apaiser son mal-être, de céder à la tentation de vivre des choses intenses, de s'attacher à un produit, de ne pas avoir la volonté d'arrêter dans l'immédiat, tout ça. Mais c'en est une autre de faire comme j'ai fait, c'est à dire de se vanter de ses mauvais choix et de pousser les autres à faire de même.
Putain, quand je pense que j'ai incité notamment une gamine de 16 ans à tester des trucs au lieu de la dissuader au maximum, je me dis que j'ai du sang sur les mains. La
RDR oui, l'écoute, le soutien, oui. Mais ce que j'ai fait est à des années-lumière de ce que j'aurais du faire pour mon prochain.
Certes, j'étais plus jeune, j'étais paumée, j'ai agi instinctivement sans prendre de recul ; et tout cela s'entremêlait avec de la bonne volonté par moment. Mais le bilan quand j'essaie de regarder les choses avec le plus d'honnêteté possible est loin d'être élogieux.
Je n'accuse pas les autres forumeurs d'être comme moi, j'ai déjà bien à faire avec ma propre conscience. Ne le prenez pas mal, je ne viens pas faire ma leçon de morale, j'ai juste besoin que ça sorte aujourd'hui parce que ça me travaille depuis toutes ces années. C'est mon ressenti, point. J'ai beaucoup hésité, à la fois par peur que les lecteurs se sentent agressés alors que ce n'est pas le but, et puis parce que je ne savais pas tellement quoi faire.
Je ne peux pas supprimer mes anciens posts sans quoi les discussions où j'ai participé seraient incompréhensibles, la règle je la connaissais quand j'étais active sur le forum et je la comprends. Certains posts gardent peut-être une utilité, tout n'était peut-être pas non plus à jeter... De plus je ne souhaite pas aller déranger les modérateurs avec ce genre d'histoires. A moi d'assumer jusqu'au bout.
Je sais déjà qu'une fois mon pavé achevé, quand arrivera le moment de le poster une bonne fois pour toutes, je tremblerais de tous mes membres, j'ai toujours cette trouille inimaginable des réactions que peuvent susciter mes écrits. Comme quoi je n'ai pas tellement changé au fond ; si ce n'est que j'ai désormais autant peur des éloges que des jugements défavorables. Mais tant pis pour les conséquences, pour une fois je serais vraie.
Je reviendrais peut-être poster, pour parler d'où j'en suis au niveau des produits, je ne sais pas encore car cela dépendra de comment je vais vivre l'après-publication de ce blog. Je ne me déroberais pas, je laisse la possibilité de commenter.
On me trouvera peut-être dure envers moi-même. Auto-dénigrement malsain ? Haine de soi-même ? Non. Sérénité, paix, soulagement. Car c'est lorsque l'on reconnait sa misère, que l'on peut mesurer la Miséricorde. "Faute avouée à moitié pardonnée" dit-on... Non, Faute avouée est totalement pardonnée, car "si notre coeur nous condamne, Dieu est plus grand que notre coeur" ( 1 Jean, 3,20 ).
HeroinIsMyLife, tu as changé de pseudo depuis qu'on s'est connus ici, mais je t'ai reconnu dans tes posts. Pardonne-moi car au départ en te tendant la main malgré moi je t'ai pris de haut comme je l'ai fait trop souvent avec les autres. Mais je n'ai pas ta plume, ni ta simplicité de coeur, et à bien des égards tu me surpasses. Maintenant six ans et demie d'amitié en dehors de P.A et je ne regrette pas de t'avoir rencontré, comme quoi d'un mal on peut tirer du bien. Je profite de ce blog pour te saluer et te remercier.
A tous les anciens toujours présents ou partis, merci à tous. Je vous porte tous encore aujourd'hui dans mon coeur.
Quant à toi mon Amour,
Mon Dieu et mon secours,
Qu'à Toi seul Ô Seigneur
Soit rendu tout honneur.
Et si jamais un éclat de sagesse,
Ou une quelconque beauté,
En moi viennent à être trouvés,
Invite mon prochain sans cesse
A contempler leur véritable Auteur.
Car ce ne serait que Ta splendeur
Que j'aurais pâlement reflétée,
Par l'effet de Ton ineffable bonté.