Quand l'insomnie rend fou et tue 



Jusqu'à très récemment, j'étais persuadé de savoir ce qu'était une insomnie. Je pensais en vivre en permanence. J'étais bien loin de la réalité qui a vite fait de me rattraper.

Tout au long de ma vie, j'ai eu de nombreux troubles du sommeil allant de difficultés à m'endormir aux fréquents réveils nocturnes. Cela étant, ces troubles ne signifiaient pas une absence totale de sommeil et c'est là toute la différence. J'arrivais à avoir quelques heures de sommeil salvatrice.

J'ai tout récemment passé neuf nuits et une journée sans sommeils. 0 heures de repos. Mon cerveau ne voulait pas déconnecter et il m'était impossible de me relaxer.

Il est généralement considéré que la privation de sommeil est l'une des formes de torture les plus éprouvantes et inhumaines qui soit. Je ne peux que confirmer cette affirmation.

Les dégâts sur le corps et l'esprit sont dévastateurs. La première capacité mentale affectée est la mémoire, suivie de près par une nette baisse des capacités cognitives. Une forme d'apathie apparaît et se mouvoir devient impossible. Se lever du lit ou du canapé, se doucher, manger: ces banalités semblent insurmontables.

L'insomnie créé des angoisses insupportables : la nuit approchant, la peur de ne pas dormir créé des crises de panique et les angoisses et crises de panique se nourrissent elles-mêmes dans un cercle vicieux digne d'un enfer sur terre.

Puis viennent la paranoïa et les hallucinations. J'ai l'impression d'être observé, reluqué. telle une bête de cirque. Je vois des formes dans le noir. J'ai peur. Et la peur se suffit à elle-même pour s'auto-entretenir.

Aux derniers jours de cette torture, je me suis mis à avoir des convulsions durant lesquelles je me suis blessé. Je revois encore les draps initialement bancs comme neige teintés de sang. J'ai des plaies sur tout le corps.

Je n'en pouvais plus. Les idées noires me guettaient à chaque instant. Je ne suis pas passé à l'acte par respect pour mes proches. Ils souffrent déjà de me voir dans des états misérables; je ne veux pas leur imposer une mort.

Mon intellect et ma mémoire étaient tellement affectés que je ne me souvenais plus de mon nom, mon adresse où le jour qu'il était. J'oubliais de prendre mes traitements ce qui a empiré la situation physique.

J'ai essayé de m'automediquer sans succès: Rivotril 6 mg, Lyrica 300 mg, Remeron 30 mg. Mélange à eviter dans l'absolu mais quand le désespoir prend le dessus, la sécurité passe au second plan.

Désespéré, convulsif et à deux doigts d'en finir, mon frère m'emmène aux urgences. J'ai dû être transporté en fauteuil roulant car les tremblements violents et imprévisibles ne me permettaient pas de marcher sans chuter.

Je n'ai pas grand souvenir de ma prise en charge initiale. Je me souviens juste qu'une grosse équipe de soignants s'est immediatement précipité sur moi. Mon frère m'a dit que j'étais dans un très sale état.

Mes convulsions (amples et violentes) mettant en danger les autres patients (coups involontaires) et ma personne, j'ai dû être isolé 24h00. Cette isolation, je l'ai vécue comme un kidnapping. J'ai la trace d'un texto envoyé a mon frere disant: "aide-moi, on m'a enlevé. Je suis à l'ambassade de X pays". (Ne cherchez pas de sens caché, l'insomnie fait perdre les pédales).

Les médecins ont constaté que cette sévère insomnie avait foutu en l'air autant l'esprit que le corps. J'ai présenté une sévère hyperglycemie et une acidocetose due à un laisser aller dramatique sur mes traitements
et la mauvaise alimentation, toit cela dû à la perte totale d'énergie et de mémoire car oui, meme si je n'arrivais pas à dormir, j'étais exténué et c'est ce qui rend la chose difficile.

A l'approche du soir, anxiété et paranoïa me guettent. La moindre ombre ou forme suspicieuse et j'hallucine. Quelqu'un est là. Il me regarde et se moque. Il sait que je sais qu'il est là. Il me nargue

Les médecins ne savaient pas sur quel front bosser. L'acidocetose très certainement mortelle en quelques heures ou les insomnies qui ont fait dérailler ma santé mentale.

J'estime que je suis de base mentalement resistant et stable, très réfléchi et je prends les choses de manière rationnelle. J'ai mes défauts comme tout le monde mais ne suis pas prédisposé à faire une psychose ou une déréalisation. C'est dire a quel point une "simple" insomnie peut démolir toutes les defenses physiques et mentales d'un individu.

A l'hôpital, l'on m'a filé une quantité importante pour me sortir de cette galère:

- 6 mg de Clonazepam (Rivotril) : Anxieté
- 150 mg de Tritico : Anti-depresseur
- 2 x 5 mg de Zyprexa : hallucinations, paranoïa
- 50 mg Quietapine sans succès.
- Insuline en IV /!\ : glycémie et acidocetose
- Potassium pour compenser les pertes du à l'acidocetose
- Zolpidem pour le sommeil sans succès
- Zopiclone pour le sommeil sans succès
- Dalmadorm pour le sommeil sans succès
- Lorazepam sans succès

Après divers essais infructueux, j'ai supplié les médecins de me laisser mourir. Je ne pouvais plus supporter une minute de plus ce calvaire.

Ils ont donc décidé d'utiliser l'artillerie lourde : Dormicum + Tritico + Rivotril + Zyprexa - Melatonine + Oxycodone usuelle. Ils en sont arrivés à ces extrémités car mon cerveau ne fonctionnait plus: brain zap, délires et j'en passe. Il paraît que j'en suis devenu violent, ce qui nest pas du tout dans ma nature.

Ce combo agressif n'a reussi à me faire dormir que 4 heures. Pourtant, ce sont des molecules extrêmement puissantes. 4 heures, ce n'est pas grand chose mais bien mieux que rien. Après ces quelques heures de repos artificielles, je me suis réveillé fatigué mais serein. Plus d'angoisse, mémoire et intellect revenant petit à petit.

Vous vous demandez ce qui a causé cet épisode d'insomnie (qui continue à ce jour) ? Le PAWS. Depuis cet été je baisse mes doses d'oxycodone. En juillet 22, j'étais à environ 2x240 mg par jour. J'en suis aujourd'hui à 2x80 mg par jour.

Ce post a pour but d'informer sur les risques encourus lors de vraies insomnies et rappeler que le paws n'est pas une blague mais quelque chose de bien réel. Soyez accompagné de vos proches et de soignants car le sevrage physique est "facile" mais c'est la suite qui complique les choses.

Écrire ce billet est aussi pour moi une opportunité de coucher sur papier toute ces souffrances. C'est à cause de ces insomnies que j'ai temporairement été absent du forum en janvier.

Je suis reconnaissant envers les soignants qui m'ont traité avec humanité et dignité malgré ma folie passagère.

Tout n'est pas résolu mais ma vie avance. Je signe un contrat de travail la semaine prochaine pour travailler dans la RdR en milieu festif, dans une unité mobile de drug checking et à terme, dans une salle de shoot pour accompagner les PUD. Le message que je transmets ici c'est de ne pas lâcher et prendre les choses jour après jour.

Catégorie : Tranche de vie - 14 février 2023 à  00:17

#désespoir #dormicum #insomnie #medicatio #mental #PAWS #soins #suicide

Reputation de ce commentaire
 
Merci de nous avoir partager ton expérience
 
Force à toi... nils
 
Courage, j'ai vécu des insomnies atroces, c'est de la torture en effet. Akela



Commentaires
#1 Posté par : cependant 14 février 2023 à  00:35
Salut,

J'ai connu plusieurs troubles du sommeil, mais je n'imagine même pas combien ça peut être dévastateur 9 jours sans sommeil !!

Ton billet le démontre, c'est doit être vraiment horrible, je t'envoie de la force et du soutien, même si ça ne sert forcément pas à grand chose en plus à distance de la part d'une inconnue...

mais je n'imagine même pas l'épuisement total et absolu qui peut dériver d'un tel état et l'énergie qui t'a fallu pour surmonter cette épreuve !
Je suis quand même contente pour toi que malgré ces énormes difficultés, t'as puis trouver une équipe soignante qui t'a accompagné mais surtout que ça aille mieux maintenant.

Et je ne peux que te souhaiter que comme tu le dis que les choses aillent petit à petit mieux, que tu puisse tirer des choses positives d'avoir réussi à surmonter ça...

C'est incroyable des effets si violents du paws. Comment ça se fait que tu t'es retrouvé à diminuer ton traitement ?

Je te souhaite que te puisse trouver comment éviter ça dans le futur, merci en tout cas d'avoir partagé ces difficultés ici, on en parle rarement !

 
#2 Posté par : Mal-être 14 février 2023 à  05:39
Bonjour
J espère que tu iras mieux , prend soin de toi

 
#3 Posté par : CaptainCrox' 14 février 2023 à  08:52
Salut,

Merci pour vos messages attentionnés.

Le peu de sommeil que j'ai depend malheureusement toujours des médicaments et le sommeil n'est pas aussi naturel. Je dois cependant prendre le positif de cette situation.

Un médecin m'a expliqué que les insomnies augmentent les risques cardio-vasculaires et qu'à moyen long terme, j'aurais pu juste ""crever sur place"".

cependant a écrit

De "simples" pensées, de l'encouragement et de la compassion font du bien et je t'en remercie. Je me sens tellement isolé par ce trouble qu'un gentil message donne le sourire.

Cette nuit s'est moins bien passée. Ils ont trop corrigé ma glycémie et suis tombé en hypoglycémie a 3 mmol/l (moyenne entre 4 et 7). Passé la nuit avec deux perfusions de glucose 5%.

Om a doublé ma dose de Dormicum. 1 cp de 7.5 mg en soirée et un deuxième cp de 7.5 mg à 3h.

Pourquoi baisser l'oxycodone et me faire vivre un paws ? Car j'ai plusieurs comorbidités qui font que les opioides à haute dose n'est plus possible. De plus, l'oxycodone me rend mou et aiguisé mes douleurs.

Comme je l'ai dit, le sevrage physique est simple si fait progressivement. Le PAWS, c'est une autre affaire et très peu de soignants sont conscients que cela existe. C'est pourtant une réalité.

Je ne souhaite à personne de vivre une telle chose. Je préfère vivre un syndrome de sevrage physique aux opiacés plutôt qu'une telle insomnie.


 
#4 Posté par : prescripteur 14 février 2023 à  09:29

Comme je l'ai dit, le sevrage physique est simple si fait progressivement. Le PAWS, c'est une autre affaire et très peu de soignants sont conscients que cela existe. C'est pourtant une réalité.

Oui, malheureusement le PAWS est peu connu. Pourtant c'est un important facteur de rechute, notamment.
En plus, certains medecins rejettent le concept sous pretexte que c'est mal défini. Notamment l'OMS ne l'a toujours pas inclus dans la Classification des Maladies.
Il est vrai que c'est un syndrome qui peut avoir des manifestations et des causes diverses, mais c'est vrai aussi de nombreuses autres maladies.

https://www.semel.ucla.edu/dual-diagnos … urces/PAWS

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articl … 991274.pdf

Recognize and treat post-acute or protracted
withdrawal syndrome

As 30 years of widespread long-term prescription of psychotropics expose more and more people to withdrawal risk, increasing numbers have developed PWS, with recognition of psychiatric drug-induced PWS only recently emerging.35,36,55,68–70
It has been proposed that inclusion of a diagnosis for antidepressant PWS in the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (and the International
Classification of Diseases) hinges on evidence of successful “rechallenge” with the original drug, demonstrating that PWS descends from acute with-
drawal syndrome rather than emerging as an independent phenomenon.204
We have shown some cases of PWS do resolve with reinstatement of the
original drug.35
With potentially millions suffering from misdiagnosed PWS right now, a DSM-5 diagnosis for PWS, such as was finally awarded toAntidepressant Discontinuation Syndrome 995.29 (T43.205A) in 2013,59 and treatment for this iatrogenic condition cry out to be established.
What I have learnt is any patient is at risk for psychotropic withdrawal symptoms and the severity of injury from unrecognized adverse drug effects
and withdrawal symptoms can be major.
Patients need prescribers to revise their assumptions and practices for the sake of our nervous systems.

sur l'insomnie pour info

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6732697/



Amicalement


 
#5 Posté par : CaptainCrox' 14 février 2023 à  19:09

prescripteur a écrit

Salut Prescripteur,

Merci pout ton retour et c'est liens.
Actuellement hospitalisé pour les soucis évoqués, j'ai eu ajd 1h de rdv avec deux psychiatres et pour eux, le paws est un concept "imaginaire".

Je leur ai transmis les liens donnés et le lien du psychowiki sur le paws.

Je suis sidéré de voir une telle resistance face à ce syndrome.

Un autre aspect qui est apparu en lien avec le paws et mes insomnies est l'anorexie. Impossible d'avaler quoi que ce soit.

Les médecins suggèrent de remonter mon Oxycodone à 120 mg aux 12h au lieu des 80 mg. J'hésite car j'ai travaillé dur pour arriver à 80. J'ai l'impression de faire un retour en arrière.

Le tritico, l'AD que je prends à 150 mg est très efficace je trouve. Il m'a calme les tremblements et idées noires. Si d'autres expérimentent le PAWS, je trouve le tritico très adapté.


 
#6 Posté par : Ambrouille 20 février 2023 à  15:25
Tout mon soutien. Je travaille dans une clinique du sommeil. Sache que les insomnies ne se résument pas a juste avoir du mal a s'endormir. C'est tout le cycle du sommeil qui peut se retrouver perturbé.

J'ai découvert le nom d'une terrible maladie il y a quelques années qui atteint le sommeil. C'est une maladie a prion et très très rare. Le thalamus est la région atteinte du cerveau dans cette maladie. Preuve étant, que l'une des régions la plus profonde du cerveau et pas des moindres, (puisque le thalamus est également responsable de la température corporelle et joue de nombreux autres rôles), peut chambouler et endommager le sommeil, qui, pourtant est acquis naturellement par tout être humain.

Lorsque tu as consomme, tu as chamboulé très certainement cette partie de ton cerveau et il est, possible, même naturellement, que le thalamus "s'automatise" dans une position d'éveil.

Il y a également d'anciens consommateurs qui m'ont raconté, qu'avant de s'endormir, ils ont comme des black out, des sursauts d'endormissement également, ce qui les empêche de s'endormir. L'explication est que le cerveau nous protège en faisant cela croyant que l'on va mourir. Le cerveau est certainement bien plus fascinant que ce que l'on peut croire. En ton cas, je suppose que tu étais persuadé que tu allais mourir de cet épuisement sur du long terme, et il est également intriguant voire dérangeant de voir a quel point le cerveau peut tenir et supporter dans des situations aussi catatoniques que celles ci.


Mais je suis tout de même étonné qu'on ait pas performe de polysomnographie dans votre situation. Ou même juste pas de transfert dans une clinique du sommeil ? Ne serait ce qu'une étude pour voir si les cycles du sommeil n'avait pas été perturbés aurait été le minimum.

Edit : Je pensais subitement a ça et peut être est ce ton cas. Il y a des gens qui sont intoxiqués après avoir pris des substances. Les fluoroquinolones en fait partie. On appelle ça être floxé en américain. Ça peut endommager l'aspect neurologique des consommateurs. Un homme ayant pris du Cipro a malheureusement été victime des effets indésirables et, a la fin de son traitement, il a été victime de terribles insomnies l'empêchant de s'endormir. Il ressentait des décharges électriques et avait des secousses hypniques avant de s'endormir. Ce médicament a endommagé son système nerveux et le côté neurologique.

Sans doute que tu as très certainement connu des effets similaires à ce qu'est une intoxication médicamenteuse , qu'on appelle "being floxed", sauf que dans ton cas c'est suite à un sevrage prolongé. On en parle peu en France de ce que je vois.


Je te conseille d'aller dans une clinique du sommeil si c'est possible pour toi.
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bien détaillé

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