Voici un texte important issu du
fanzine N°2 de Psychoactif, que nous avons décidé de remettre ici.
Quand les usagers inventent leur substitution injectablePar Zazou et Sufenta.Les traitements de substitution officiels (Méthadone et Buprénorphine) ont permis à bon nombre de consommateurs d’héroïne (ou autres opiacés) de se stabiliser sur le plan physique, social, professionnel, ou psychologique. Mais malheureusement, pour un certain nombre d'usagers, la Méthadone ou la Buprénorphine ne convient pas, les renvoyant vers l’héroïne et les galères dues à l'illégalité. Voici deux Témoignages d'usagers ayant choisi avec succès de se tourner vers la morphine ou l'oxycodone comme traitement de substitution (injectable). Un plaidoyer pour élargir la palette des traitements de substitution, et permettre à chaque consommateur d’avoir une prise en charge efficace et adaptée en fonction de ses problématiques.Témoignage de SufentaAyant commencé à consommer de l’héroïne au début des années 2000, j’ai fait le tour de la
substitution.
Je débute en 2005 avec la
Buprénorphine, mais je n’obtiens pas de réelle stabilité avec cette molécule.
Qui plus est la
Buprénorphine me provoque d’importantes céphalées et des nausées quotidiennes. Mon prescripteur et moi décidons de switcher vers la
Méthadone. Mais encore une fois les effets secondaires me font arrêter le traitement et reconsommer de l’héroïne. La
Méthadone me conduit à une profonde asthénie et une perte de motivation pour le quotidien. De plus le rush opiacé me manque et je n’arrive pas à en faire le deuil, ce qui me reconduit toujours vers l’héroïne et son lot de problèmes judiciaires causés par la prohibition.
Cette période de ma vie se résume à sortir de mon lit pour aller déprimer sur le canapé et retourner dormir pour ne plus déprimer. Bien entendu les anti-dépresseurs sont inefficaces, aucune molécule n’a fonctionnée.
J’ai quelques années auparavant déjà bénéficié d’une prescription de
Skenan® pendant quelques mois et je me rappelle avoir à cette période eu une stabilité que je recherche dans un traitement de
substitution : être bien physiquement et psychologiquement, sans effets secondaires invalidants. Pour moi le choix est fait ! Il faut que je bénéficie de cette molécule qui me
coupe l’envie de
came, tout en me stabilisant physiquement et émotionnellement.
Le médecin conseil que je rencontre à cette période a bien compris que le bénéfice des Sulfates de
Morphine était réel, il accepta mon protocole de soin à 520mg par jour. Mon mode de consommation principal est l'injection, toujours proprement avec les outils de
réduction des risques, et quelques fois per os.
Tout allait donc parfaitement bien dans le meilleur des mondes et j’ai profité de ce regain de vitalité pour reprendre ma vie en main, j’ai passé des concours que j’ai réussi.
Je change de ville pour commencer ma nouvelle formation qui se passe bien, sauf que là je suis convoqué par le médecin conseil de cette nouvelle région quelques mois plus tard.
Ce dernier n’est pas d’accord avec cette prescription qui à son goût est injustifiée et surtout trop haute.
Il m’impose également de me faire suivre en
CSAPA par une psychiatre avec qui le courant ne passe pas du tout car elle n’aime pas la prescription de
Skenan® en
TSO, elle a aussi comme consigne de me faire baisser rapidement. Si je refuse ce suivi mes remboursements sécu seront coupés.
Il s’en suit deux années de bras de fer et de baisse de prescription, qui donnent forcément des chevauchements. Mais à cause de ces petits chevauchements, le médecin conseil me reconvoque et me donne cette fois ci 6 mois pour repasser à la
Méthadone. Sans ça il me stoppe les remboursements.
Ce qui devait arriver, arriva !
Un matin je vais renouveler mon traitement au
CSAPA puis à la pharmacie et là on me dit nous n’avons plus le droit de vous délivrer votre traitement par ordre du médecin conseil ... le stress ... mais je travaille à 14h comment je fais ?
Là je craque, c’est trop ! Comment peut il après tout ça me mettre au pied du mur et me laisser sans traitement ? Mais surtout comment peut il décider à ma place et celle des médecins qui me suivent du traitement le plus adapté à mes besoins ?
A partir de ce jour j’ai décidé de prendre intégralement mon traitement en charge avec un autre médecin et une seconde pharmacie. Mais je suis à plus ou moins 800 mg depuis ces yoyos, du coup mes prescriptions me coûtent la modique somme de 500€ mensuel.
De retour dans ma région natale je compte redemander un nouveau protocole et une nouvelle prise en charge cpam car je paye intégralement mon traitement depuis plus d’un an.
Ce traitement m’a vraiment permis de trouver une stabilité et de reprendre ma vie en main.
Sauf que si demain on me le
coupe, je me retournerais à nouveau vers l’héroïne et l’illégalité, c’est une certitude.
Je suis conscient d’avoir la chance de pouvoir le payer mais pour une personne substituée qui n’aurait pas pu prendre son traitement à sa charge, que se serait il passé ? Retour à l’héroïne ! Et tout ce qui a été construit ces dernières années serait tombé à l’eau, soit à cause d’une nouvelle dépression soit à cause d’une arrestation pour un gramme de poudre ?
Témoignage de ZazouPour moi, la
substitution a été un parcours compliqué, c’est l’Oxycontin® ou l’Oxycodone (molécule) qui m’a aidée à sortir la tête de l’eau.
Après plusieurs années d’héroïne (et de
codéine les jours sans), il arriva un moment où il me fallut de l’aide. C’était mon premier rdv en
CSAPA avec un addictologue, il me prescrit d’abord de la
Buprénorphine.
Physiquement les choses allaient bien mieux, mais ce médicament ne calmait absolument pas mes
cravings et l’envie d’héroïne ou de défonce. J’étais entre 10 mg et 12 mg que j’ai très vite commencé à utiliser en intraveineuse.
Je suis donc passé à la
Méthadone. Induit à 60 mg, la semaine suivante j’étais à 70 mg, jusqu’à trouver un dosage de « confort » de 110mg.
Mais confort est un bien grand mot, j’ai en fait très mal supporté cette molécule.
C’était pour moi une vrai camisole émotionnelle, j’avais l’impression d’avoir perdu toutes émotions, bonnes ou mauvaises, mais aussi toutes envies.
Ces 8 mois ont été pour moi très compliqués et même si la stabilité que peut apporter cette molécule est appréciable, je ne pouvais pas supporter mon état émotionnel plus longtemps.
J’ai donc demandé à mon médecin un protocole
Skenan®. Mais dans ma région, les détournements liés à la
Morphine, mais aussi les habitudes de prescriptions font que c’est de l’Oxycontin® qui m’a été prescrit. Sa très bonne biodisponibilité per os avait aussi l’avantage en cas d’injection de me permettre de repasser à la prise orale sans avoir à augmenter vraiment le dosage.
D’abord à hauteur de 100mg/jour, pour ensuite me stabiliser plus tard à 200mg.
Et là je me suis retrouvé : mes envies, ma motivation, mes émotions réapparaissaient comme par magie.
Assez vite j’ai injecté mon traitement, sans le cacher à mon médecin, qui de toute façon me connaît trop pour que je lui mente. Grâce au matériel de
RDR disponible de nos jours, j’ai pu injecter quotidiennement tout en limitant les dangers liés à l’injection.
Mais surtout durant ces 3 années, j’ai pu reconsidérer ma dépendance, ma façon de l’aborder aussi, et cette
substitution m’a beaucoup aidée même si l’Oxycodone et l’injection ont pu parfois entraîner quelques galères, comme la gestion des ordonnances ou du matériel d’injection.
Pendant ces trois ans, j’ai appris, un peu forcé par ma tolérance qui augmentait en flèche, à abandonner le plaisir que pouvait me procurer l’Oxycodone au début.
Ça ne s’est pas fait en un jour bien sûr, ça a été un véritable cheminement, j’ai appris à me connaître, et j’ai pu prendre du recul sur mon rapport au produit. J’ai compris que si les
TSO classiques n’avaient pas fonctionné, c’est que je n’étais pas encore prêt à assumer une dépendance physique sans plaisir.
Le temps et la maturité aidant, à la fin de ces 3 ans, la balance avantages / inconvénients ne me paraissait plus pencher en faveur des
IV : le temps que les injections et leur préparations me prenait, l’organisation qui y était lié, sans compter les up&down dus à ce mode d'administration, j’arrivais à saturation, et je n’y trouvais plus mon compte.
C’est à ce moment là que j ai décidé de changer de région pour me tourner vers un
CSAPA qui a su répondre à mes attentes, il a réussi à m’apporter ce que celui de ma ville n’avait jamais réussi à mettre en place.
C’est comme ça que j’ai commencé le
Suboxone®. La première semaine a été très compliquée, mais l’équipe a été super et très vite j’ai pu me stabiliser.
Maintenant bientôt 6 mois que je suis sous
Suboxone®, j’ai déjà baissé de 22 mg à 18 mg, j’ai aussi arrêté les somnifères et je réserve l’IV à quelques rares extras, qui comme ces 3 années, me permettent d’apprécier d’autant plus la stabilité que j’ai retrouvé, et aussi de ne pas avoir à complètement abandonner la pompe.
Vous aussi, comment avez vous adapté votre traitement de
substitution pour qu'il corresponde à vos besoins ?