Chut, écoute, le temps. Il passe, se déchaîne, s’écoule, mais surtout se ressent. Les notions abstraites ne me sont pas familières, et pourtant je ressens le besoin d’écouter et de ressentir ce temps, lourd et sensé, qui passe et se prélasse.
Le temps est humide et froid, la vie a quitté les airs, les rues, la terre. Il avance tel un train à grande vitesse, déplace le présent et le transforme.
L'atmosphère est froide, mon souffle se matérialise et emplit la pièce. Les murs sont moisis, vert et noirs, la crasse tapisse cet environnement. Les fenêtres sont trempées, l’eau coule doucement en formant des sillons dans la moisissure. Aucune odeur ne s'échappe de ses murs pourris mais l’espace est chargé de fluides aqueux.
Mon regard se tourne vers ce soleil qui traverse la fenêtre mais qui ne réchauffe rien. Tout est immobile, gelé dans ce temps, limite hors du temps. Je n’entend aucun bruit extérieur, le seul présent est le bruit que mon cœur fait, et le sang qui se déplace, le souffle court, et ma chaleur qui s'évanouit. C’est la rencontre de la vie, chaude, et celle de la mort, froide. Un paradoxe, une dystopie, des sentiments contraires mais cela est une évidence. L’un n’allant pas sans l’autre.
L’évidence, ce mot mêlant la vérité de la réalité, sans aucunes preuves, et désillusion. Elle se trouve sous nos yeux mais tant que ceux ci ne l'aperçoivent pas, elle reste tapie dans l’ombre des ressentiments. Certains biais cognitifs expliquent cela par un manque d'expérience et de références auxquels s’accrocher pour déceler cette évidence latente. L’esprit se nourrissant de ces évènements passés comme un ogre dévorant une proie
Peu à peu le temps fera apparaître ces évidences. Il doit faire ce travail pour lequel il est indispensable.
Un mais apparaît dans l’équation. Si le référentiel de la personne n’est pas adapté, aucune évidence ne sera mise en avant. Car l’évidence apparaît après un doute. S’il n’y a pas de toute, il n’y a pas d’évidence.
L’air est froid, la température n’est pas très élevée. Un son de musique ambiante résonne à mes oreilles. Le temps s’écoule lentement, il emporte avec lui mes certitudes et mes acquis. Peu à peu la noirceur m'envahit, la musique me rappelle à l'ordre. La vie, celle que tout le monde redoute pointe le bout de son nez. Le sang circule dans des tuyaux inconnus. Je les sens, je les ressens. Mon corps me presse et m'oppresse, pourtant j’ai l’impression d’aller nulle part.