Ce poste est plus ou moins la continuité ou en tout cas complémentaire a mon dernier poste sur mon vécu de la psychiatrie et du corps médical en tant qu'inter et UD
Je suis apparement bipolaire hypomanique. Ca fait plusieurs années déjà que la dépression est apparue même si je ne saurai dire vraiment quand parce qu'il m'a fallut du temps pour mettre des mots dessus, comprendre ce que c'est et comment ça marche.
D'abord il y a eu l'épuisement, plus la force d'affronter surtout, c'est sûrement à cette période que ça s'est installé, vers mes 11-12 ans quand je vivais encore ma mère et qu'elle était malade, elle aussi probablement bipolaire avec des phases maniques et de dépression profonde, je l'ai toujours connue comme ça.
La dépression, elle, s'est faites sentir plus clairement à mon premier internement. L'avenir bouché, la perte de tout espoir auquel se raccrocher, tout qui devient vide de sens, jusqu'à ne même plus se reconnaitre. Les pensées prisent dans un entonnoir, un cercle vicieux.
Ensuite il y a eu les
opiacés, j'en ai abusé l'année qui a suivi ce séjour en HP, jusqu'à fuir pour de bon la réalité, saturer mon cerveau de
dopamine. Jusqu'à ma première crise de manque qui marquera le commencement d'une longue année noyée dans les
neuroleptiques et dans une dépression profonde, avec l'envie de se foutre en l'air tout les jours dès le matin mais même plus assez de force pour le faire.
Un an après fin des
neuroleptiques, des séjours en HP et de l'hospi de jour. Les deux années qui ont suivies je n'ai pas eu de phase de dépression majeure même si la dépression revenait tout de même, jamais très longtemps, certaines fois ça faisait plus mal que d'autre puis ça finissait par passer. Entre temps un autre
sevrage d'
hero 3 mois après mon dernier séjour en psy, puis un
sevrage du
zolpidem dont j'avais abusé pendant 3 mois et un
sevrage alcoolique après 8 mois à boire tout les jours.
A 16 ans et demi j'habite enfin dans un endroit fixe, premier appart, beaucoup de solitude, des TOC qui prennent de l'ampleur et la dépression qui revient s'incruster de plus en plus souvent. Un peu avant mes 17 ans après une rupture difficile d'une relation de plus d'un an devenue malsaine sur la fin je passe quelques semaines dans l'
hero sans pour autant racrocher, je tombe amoureux d'un type qui s'appel D, il prends de l'
hero aussi. Tout de suite après je recommence à boire et je tombe dans une phase de dépression sévère. Grande solitude jusqu'à ma prise en charge en
csapa. Les choses s'arrangent un peu malgré l'arrêt difficile (et un peu honteux à l'époque) de l'
alcool.
Après ça retour d'un état relativement mixte, plus de dépression sévère malgré les jours où ça revient un peu, ça reste supportable. L'été qui suit D, de qui je n'avais plus de nouvelle depuis quelques mois, meure d'une OD. A l'époque je suis plus ou moins en couple avec A qui prend de l'
héro aussi. Je passe l'automne entre le
skenan et la
came jusqu'a arrivé aux shoots quotidien, plusieurs par jour et après la nuit aussi. A chaque fois que le manque se pointe la dépression revient me mettre plus bas que terre.
En décembre je pars me sevrer chez de la famille, retour à la normal, dépression de nouveau gérable.
Début 2016 j'ai RDV avec deux chirurgien, le premier pour enlever ma gynecomatie dû aux traitements hormonaux féminisants qu'on m'a filé en HP, et surtout enlevé les kystes qui me font affreusement mal depuis l'arrêt du dit traitement. Ensuite une autre opération pour enlever mes gonades parce qu'autrement, même si c'était déjà le cas, le tribunal ne veut pas reconnaitre ma stérilité et donc me donner enfin mes foutus papiers d'identité.
J'ai un délai d'un mois et demi entre les RDV et les dates opératoires et là plus rien ne va à nouveau. Je n'ai pas la moindre envie du monde d'aller me faire charcuter et encore moins d'avoir à refoutre les pieds dans un hopital. Même si la douleur de mes kystes me motivent un peu à les faire enlever et m'en débarrasser une fois pour toute. Et puis je me dis qu'après ce sera fait. Malgré tout jusqu'a mon admission je passe mon temps à boire, j'alterne entre les shoots de
skenan et les lignes de
coke, pas le plus malin je sais.
Première opération, le chir refusent de faire ce que je veux, lui me dit qu'il est là pour me faire un torse masculin standard en gros (standard selon lui). Bien sûr si je suis pas d'accord j'ai qu'a allé voir un autre chir, comme si j'avais le temps d'attendre encore 9 mois pour un RDV plus le prix du billet de train et de la consult sachant qu'il y a peu de chance qu'un autre accepte d'opéré un inter UD avec une santé comme la mienne. Résultat il décide de m'enlever toute la glande mammaire et de réduire la taille des tétons les déplacant par la même occasion, me laissant donc un torse "creux", avec deux belles cicatrices en plein milieu et des tétons vaguement asymétriques alors que je tenais à garder une forme naturelle, quitte à ne faire qu'une "réduction mammaire". Mais il faut que je me fasse à l'idée, mon corps ne redeviendra jamais comme il l'était avant les traitements.
Niveau douleur post op pour la première op ça restait tout à fait gérable bien qu'il ai fallu me poser une pompe à
morphine. Soignants relativement respectueux hormis cette charmante infirmière dont je parlais dans mon poste précédant qui avait de toute évidence un problème avec "ces saloperies de tox".
Je passe la semaine d'intervalle entre les deux opérations à faire quelques shoots de
skenan. Encore totalement crevé de la première intervention j'avais encore moins le courage de retourner au bloc.
La deuxième opération a foirée, mais ça je ne le saurai pas avant plusieurs jours. C'est le début de la
descente aux enfers. En salle de réveil je hurle de douleur, j'ai l'impression d'avoir un couteau planté dans le ventre (j'ai été opéré par laparotomie, une incision d'une dizaine de centimètres en bas du ventre/haut du pubis). On me donne de la
morphine mais trop, je me met à vomir et j'ai du mal à respirer, on fini par me ré-intuber et je perd connaissance. S'en suivent deux jours atroces, j'ai mal à crever et pas de
morphine, seulement une perf d'anti-inflammatoire qui me font vomir toute la journée. Je peux pas bouger, j'ai une sonde urinaire probablement mal posée qui me brûle horriblement et je n'ai toujours le droit ni de boire ni de manger. Le jour d'après le chir passe en coup de vent, il y a eu une hémorragie et j'ai un hématome important sous la peau et sous les muscles ainsi qu'une anémie grave. Mais je ne serai ni réopéré ni transfusé, au lieu de ça je vais sortir avec un dossier à trou et un compte rendu opératoire falsifié où il n'y a ni l'heure ni la date de l'opération ni même le nom des médecins, anesthésistes etc..
En tout je passe une semaine hospitalisé avec des douleurs horribles. Quand le chir passe les infirmières ouvrent mon pansement pour qu'il puisse voir mais ne viennent le refaire que plusieurs heures après du coup le sang coule et je me retrouve vite avec des draps trempés de sang et de sueur qui n'aurons pas été changé une seule fois. Ce qui me provoque d'ailleurs des sortes de plaques sur le dos et l'arrière des bras. Pareil personne ne m'aidera à me laver, obligé de le faire seul même si je tiens à peine debout et que me lever me fait un mal de chien. Je pu le sang et la sueur c'est insupportable, en plus de ça l'anémie et les perfs me donnent trop de nausées pour que je puisse manger, je n'ai rien avalé de toute l'hospi au final. A cause de l'anémie aussi j'ai de la tachycardie qui m'empêche de dormir. Autant dire que je sors de là dans un état épouvantable.
Je passe quelques jours un peu plus calme chez mon père, son médecin me prescrit du
skenan puis du
tramadol 200mgLP pour la suite et heureusement parce que j'ai tellement mal que je ne peux pas bouger mon bassin.
10 jours après cette dernière opération je me retrouve aux urgences pour éventration, les agrafes ont sautées à cause du sang qui continuait à couler et qui s'accumulait sous la peau et les muscles abdominaux. J'ai droit à une opération en urgence de reprise, ils enlèvent l'hématome sous la peau mais pas sous les muscles et me referment le ventre avec des points cette fois. A cause de ça, en plus de mon torse, mon ventre aussi restera insensible du dessous du nombril jusqu'en haut du pubis.
Une semaine après de nouveau aux urgences, cette fois à cause d'une infection importante suite à l'opération de reprise. Au final je rentre chez moi plus d'un mois après la date prévue. Mais ce n'est pas pour autant la fin des emmerdes, j'ai toujours un hématome très important sous les muscles qui comprime totalement la vessie et du coup cause d'importants troubles urinaires en plus de crampes de plus en plus douloureuses et depuis peu des hémorragies vaginales relativement fréquentes (la joie totale). Je tente de me faire suivre au CHU de ma ville mais tout ce qui les intéressaient c'était mon passé psy et de m'expliquer que je n'étais rien d'autre qu'une femme malformée. Le médecin sensé s'occuper de moi ne vient pas aux RDV, soit j'attends 2h pour rien soit je me tape une interne qui ne connait rien à mon dossier. Je recommence à fumer et tape de la
coke avant chaque RDV. Au final je laisse tombé après une énième consultation transféré à un médecin que je connais absolument pas.
C'est la que la dépression revient de plus belle. Encore assez gérable les premier mois, j'alternais entre la
coke et les
tramadols que continuais à prescrire le médecin de ma famille, aux tendances écrivains. Au milieu de l'été je fini par accrocher pour de bon, un
tramadol 200LP toutes les 12h sinon retour à un état de dépression insupportable et le manque commence à arriver lui aussi. Ca dure un bon mois jusqu'à ce que je décide de faire fasse au
sevrage. Pour une fois je le fais seul chez moi ce qui n'était pas franchement une idée brillante. Je souffre deux semaines mais j'y arrive quand même. Puis à nouveau quelques semaines insupportables jusqu'à mon départ pour Berlin mis septembre. Là bas je rechute sérieusement, 150€ d'
héro en moins de 10 jours. Dépression atroce, invivable sans
opiacés.
Les opia c'est en quelque sorte la seule barrière que je n'ai jamais eu contre la dépression. Il n'y a que sous
opiacés que j'arrive à me sentir en sécurité, et que je puisse être sûr que la douleur de la dépression ne pourra pas m'atteindre. Même si je sais à quel point ce n'est pas une solution et que ça ne peux faire qu'accélérer la chute.
Je rentre chez moi, à la fin du mois de septembre et jusqu'à fin octobre plus de signe de la dépression. Je reprends pas mal de
tramadol, 3 à 4 pilules de 200LP chaque week end parce que j'en ai besoin pour finir mon manuscrit (oui sinon dans la vie je suis un écrivain raté, et un futur prof si un jour je passe mes diplômes).
Après mon retour de Berlin et vu la violence de mes dernières phases dépressives je commence à penser aux
AD, j'en parle d'ailleurs avec mon addicto. Je voudrais plus que tout me débarrasser de la dépression et je sais très bien que les
opiacés ni pourrons rien, à la limite une solution de quelques heures dont on paye très cher le prix après. Mais j'ai trop peur des
AD, j'ai connu les
neuroleptiques et c'est bien l'un de mes pires souvenirs, j'ai bien trop peur de perdre mes sentiments, je sais que je ne le supporterai pas. Je ne supporterai pas plus de ne plus être capable de réfléchir et d'écrire, de ne plus avoir de libido. Je ne suis pas capable de me contenter d'une vie fade pour ne pas souffrir. Le prix à payer est bien trop lourd pour moi. Malgré tout j'ai réfléchi et je réfléchi toujours beaucoup aux traitements possible, aux
AD et aux régulateurs de l'humeur, mais plus j'y pense plus j'en ai peur.
On arrive au mois de novembre et la dépression revient, de plus en plus forte et douloureuse. Je fini par raccrocher au
tramadol, quelques ordos de plus, j'en prends deux fois par jour et sur la fin j'alterne avec les shoots d'
hero et de ske. Au final je fais deux tentatives de suicide plus ou moins avortées. Pas que je veuille mourir, je n'ai jamais eu envie de mourir, j'aime trop vivre, j'ai encore trop de choses à faire. Mais parfois ça fait tellement mal, c'est tellement insupportable que je serai prêt à tout pour que ça s'arrête. Je repense une fois de plus aux
AD mais à ce moment ça semble tellement bouché que ça n'a pas le moindre sens.
En décembre je retourne chez mon père pour me sevrer. Une fois de plus. Même après les symptômes physiques passés la dépression persiste. Ne pas être seul cette fois m'aide quand même beaucoup. Je me rend compte d'à quel point je suis crevé, d'à quel point cette année m'a épuisée autant physiquement que moralement. Je réussi enfin à prendre un peu de recule. Dans 6 mois c'est la fin de mon bail et je commence à penser à l'après, au futur immédiat qu'il y a encore quelques semaines me paraissait tellement flou et abstrait.
Depuis je n'ai pas eu de nouvelle phase de dépression sévère, si ce n'est quelques jours par mois qui se font toute fois de moins en moins nombreux.
Ca fait relativement peu de temps que j'ai vraiment compris ce qu'était la dépression, et surtout que j'ai réussi à voir quand j'étais en dépression et quand je ne l'étais pas. En avoir conscience je pense que c'est déjà pas mal, parce contre la dépression il n'y a rien d'autre à faire que laisser passer, ce n'est rien d'autre qu'un foutu cercle vicieux et plus on essaie d'y réfléchir pour s'en dépêtrer plus on s'y enfonce.
Il y a peu de temps aussi que j'ai vraiment compris le rôle qu'avaient les
opiacés dans mes phases dépressives. Pas tant qu'ils les provoquent mais là encore c'est une histoire de cercle vicieux, parce que quand la douleur devient insupportable il n'y a que ça qui puisse m'en protéger même si ça ne fera toujours que retarder le problème et, passablement, l'aggraver.
Je reste relativement scéptiques quand j'entends des gens qui disent soigner leur dépression avec des opia ou de la
coke parce que c'est plus ou moins l'opposé des
AD, ça masque très bien les symptômes mais ça ne les soigne en rien. Malgré tout je pense que quelque part les
opiacés m'ont vraiment aidé par moment, à des moments de ma vie où tout le semblait vain ils m'ont en quelque sorte permis de faire une pause et surtout de me faire relativiser, de me rappeler que la vie en valait le coup et que j'aimais vivre plus que tout.
Il y a quelques mois j'ai commencé le suivi avec un psychiatre, en plus de ma psychologue, qui est très militant et opposé aux méthodes de la psychiatrie. Je ne sais pas si ça donnera quelque chose, et je suis toujours autant réticents aux traitements mais toujours en plein questionnement. Voilà , en conclusion à ce poste excessivement long. Merci à ceux qui me lirons.