Frustration 

Hier soir, j'ai pensé que 200 mg de morphine détournés en libération prolongée pourraient m'aider à m'endormir.

Je suis une véritable accro à la sédation.

Depuis que j'ai l'âge de neuf ans, je souffre de problèmes d'endormissement et de réveils nocturnes. 
Mon beau-père qui me violait en est la cause.

Et donc, après mon rituel du soir - douche, draps propres qui sentent bon la lavande, pulvérisation d'huiles essentielles dans la chambre - je décide d'ouvrir une gélule pour n'en extraire que 25 mg. Je ne suis pas accoutumée à la morphine, je décide donc de rester prudente dans un premier temps.

Après dix minutes, je ne dors pas, terrifiée par l'idée impossible - car j'ai grandi et j'ai fait ma vie - qu'un monstre de sueur assoiffé de chair fraîche va me sauter dessus. Je décide alors de quitter mon lit et de retourner dans mon salon pour ouvrir ma boite magique. C'est une jolie boite sculptée en bois de Madagascar offerte par une amie et qui renferme des herbes précieuses ainsi que des poudres de toutes les couleurs.
Cette fois, je décide d'avaler 50 mg de morphine supplémentaires.

La demi-heure qui a suivi ne m'a jamais parue aussi longue. Au fond, je suis restée une petite fille apeurée et anxieuse. Du coup, je cherche à me rassurer à tout prix, je tente par tous les moyens de me raisonner. Je me dis que mon beau-père qui vient de sortir de prison n'est plus tout jeune désormais et qu'il mène sa barque de son côté. Il ne connaît pas mon adresse, il ne peut pas me retrouver.

À bout de nerfs, je me relève et je prends cette fois, la totalité du reste de la gélule. Sans effet.

Aujourd'hui, je me demande si je ne fais pas de la "résistance médicamenteuse". J'ai tellement été abrutie par les anxiolytiques et autres somnifères par le passé ! Et pourtant, la morphine n'appartient pas à la même classe... Mais je pense néanmoins que mon organisme est trop habitué aux substances censées calmer et faire dormir. Et puis il faut que je sois franche, mes six derniers mois de dépendance au Tramadol ne sont sans doute pas pour rien dans mon rejet des effets de la morphine, mon endurance face à cette molécule. Mon seuil de tolérance thérapeutique est très élevé, je crois.