" A partir de ce moment là, je décidais de faire mienne la technique du papillon qui consiste à identifier ce à quoi nous sommes attachés puis à s'en défaire.
La chenille mène une existence bien agréable et, durant toute sa croissance, elle se complait sans son petit confort. Mais elle n'est pas tout à fait libre, ni tout à fait belle. Sachant d'instinct qu'elle peut prétendre à mieux - une force intuitive, tapie au fond d'elle, l'y pousse - elle finit par sortir de sa zone de confort et s'enrouler dans son cocon qu'elle tisse elle-même.
La soie qu'elle secrète provient de l'intérieur de son corps, tout comme notre renoncement aux choses extérieures doit provenir du nôtre.
La chenille s'enferme sur elle-même et se contraint à rester dans cette capsule sombre et exiguë où rien en peut la distraire. Elle se
coupe du monde au point de devenir hermétique.
Ni le soleil, ni la pluie ne peuvent l'atteindre. Elle est seule, dans le noir, lovée dans le cocon qu'elle a filé à partir de ses entrailles, à l'abri de toute distraction.
Il en va de même pour nous.
Notre véritable métamorphose ne peut se produire que lorsque nous trouvons la force de regarder notre reflet dans le miroir et de nous détacher de tout, d'affronter nos démons intérieurs, loin de la distraction mercantile que l'on nous impose et des réalités sociales trompeuses.
Nous n'avons d'autre choix que de nous retirer dans notre cocon et d'aller au devant de nous-mêmes. Il nous faut partir à la rencontre de notre noirceur intérieure.
Ce n'est qu'en renonçant à ses liens et en affrontant l'obscurité que le corps de la chenille parvient à faire sa mue et que ses ailes, belles et légères, commencent à se former.
Et même après le stade nymphale, la jeune chrysalide doit encore faire preuve d'abnégation, elle doit abandonner l'espace sombre et exiguë qui lui était devenu familier et confortable, et rompre la membrane du soi dans laquelle elle s'était enveloppée. Bien qu'elle n'ait aucune idée de ce qui l'attend à l'extérieur, elle répond malgré tout à l'appel suprême. Cette dernière lutte marque la fin du processus de transformation.
Si un humain l'aide à déchirer les fibres de son cocon, le papillon ne volera jamais.
Seule la force de se libérer de cet ultime lien permet à cet être délicat, au corps si léger et fragile qu'un seul souffle semble suffire à le tuer, de s'élancer dans les airs, beau et libre.
Ce n'est qu'en mettant de côté tout ce qu'on sait, en renonçant à nos petites préoccupations égocentriques, en nous libérant du cocon dans lequel nous nous sommes isolés du monde, que nous pouvons faire ressortir toute la beauté intrinsèque de notre être."
Tiré de " de sève et de sang " de Julia Hill.( Ce texte ne parle en aucun cas d'addictions ou quoique se soit, mais de combat pour la nature, celui de Julia Hill. Il m'a fait étrangement penser à mon combat pour " sortir " de l'
héroïne. J'aimerai qu'il fasse écho à vous tous.. J'aimerai vous dire que tout est possible, et que vous êtes beaux. )