Elle aime ces matins où le corps , repu de
morphine, se tait et laisse ainsi l'âme en paix. Le doux flottement qui entoure l'âme cotonneuse, ébahie par les sensations de douceur, mène sur des sentiers peu fréquentés par le commun des mortels.
Tandis que le monde s'affole devant la crise, que les canons hurlent à la mort en Afrique et en d'autres lieux , que la faim et la misère grignotent les continents, l'âme, ensevelie sous des couches de langueur, s'arrondit, fait le dos rond tel un chat qui dort les sens en alerte, mais rêve en même temps le monde qui l'entoure; non pas que les canons se taisent,ni que l'exploitation des hommes disparaissent ,mais les cris qui en jaillissent s'atténuent pour laisser d'autres voies s'ouvrir à l'âme.
c'est à partir de là qu'on parle d'expériences d'ordre mystique , où l'on peut entendre la voix de dieu qui s'exprime de façon très diverses ; soit par une sonate de beethoven, soit parce qu'on entend soudain le fin bruissement du pelage du chat qu'une langue râpeuse lisse;ou bien le cri de son bébé qui somnolait. c'est le bon, le bien, le beau qui sont alors en surbrillance étouffant les bruits de violence sous une couche de ouate; on dirait que la fureur habituelle est réduit à un lent murmure de fond, leurs images décolorées , perdant ainsi leur mordant habituel . Un sentiment de paix et de bien être peut enfin s'épanouir et servir d'emplâtre sur les zones douloureuses de l'âme.On dirait des soins de type résilience durant ces moments là , si rares et précieux qu'on voudrait qu'ils restent en nous pour toujours.
Mais la
morphine est cruelle: elle ne dure pas. Il nous faut renouveler sans cesse le geste d'apaisement , mais à chaque fois les expériences sont différentes, certaines peu agréables, d'autres mirifiques. alors on se réserve le droit de renouveler le miracle, temps que nous le pouvons....