La microdose est couplée à quelques sticks d’herbe, une sativa qui agite bien le cerveau.
Combo parfait pour un dimanche actif et chill.
Le soleil rebondit timidement sur le bâtiment d’en face, éclat fragile mais présent.
C’est souvent dans ces journées légèrement boostées au
LSD que je pense le plus à mon bien-être, aussi paradoxal que ça puisse paraître.
Rasé de près, rassasié d’un bon bowl (riz, courgette, oignon jaune, oignon rouge, carotte, ail, gingembre, poulet mariné dans la sauce soja et le miel, recouvert d’une sauce yaourt-ail-sel-poivre-gingembre râpé).
J’vise large, pour ne pas avoir à remettre les pieds en cuisine ce soir.
Manger plusieurs fois le même plat ne m’a jamais dérangé:
C’est bon, ça cale, et ça vient casser cette vieille habitude toxique, ces troubles alimentaires qui revenaient m’emmerder ces derniers jours.
La crève n’aidant pas, je mangeais peu. Trop peu.
Un sandwich et un peu de houmous avec du pain, pour tenir toute une journée. Ridicule.
J’ai longtemps carburé à une alimentation aussi instable que mes horaires quand je bossais encore comme un dingue comme livreur.
Un énorme plat le midi pour survivre, et le reste ? Aléatoire.
Des jours à un seul repas, parfois un simple kebab.
Quelques semaines à manger comme trois personnes, sans logique, sans constance.
À force j’avais plus vraiment faim.
Même les sept ou huit
joints par jour n’éveillaient plus rien, pas même l’ombre d’une fringale.
C’est une neuropsy qui a mis un mot dessus, un jour, calmement : troubles alimentaires.
Bam.
Ce sont des schémas qui reviennent.
Sous stress.
Sous maladie.
Ou sans aucune putain de raison valable.
Aujourd’hui, j’essaie de reconstruire de nouveaux schémas.
De veiller.
De reprendre les
bases, de me rééduquer doucement.
Maintenant que j’ai mis la main sur ces choses-là, je les vois.
Et les voir n’aide pas tant que ça à les corriger.
Jamais je n’aurais cru dire ça un jour.
Bref.
Je me retrouve pétard au bec, le bide calé, dans un appart’ propre qui sent l’encens et la lessive tiède.
Dehors, les gens passent.
La braderie attire son lot de curieux.
Ça me motive un peu de les entendre s’enthousiasmer en bas.
J’enfile un jean, un pull blanc cassé que j’aime bien en ce moment et je descends.
Les
joints répétés et le petit plateau qui s'est installé m’ont plongé dans un état de détente viscérale.
Les douleurs se font minuscules, presque discrètes.
Je glisse dans la foule en pilotage automatique.
L’esprit ailleurs et pourtant, le radar sensible.
Le bruit des oiseaux sur les arbres me percute plus que le brouhaha humain.
La molécule m’ouvre l’oreille, aiguise mes sens, affûte mon écoute.
Je déambule de rue en rue, regarde distraitement quelques stands qui tirent la gueule.
Des montagnes de fringues en équilibre précaire. Des cables, quelques bibelots.
Je cherchais une jolie boîte en bois pour ranger mes molécules mais rien à l’horizon.
Fallait sûrement venir ce matin.
Les traboules m’appellent.
L’architecture cachée me tend ses bras.
En quelques pas, je passe de la Place bondée à un petit square silencieux, désert, suspendu hors du temps.
J’aime cette ville.
J’aime ces contrastes brutaux entre le vacarme et le secret, ces petits lieux cachés qui me laissent l’impression d’être le seul à les connaitre.
Ces petits passages prennent presque une dimension spirituelle aujourd’hui.
J’ai envie de marcher.
Mais pas au milieu des gens.
Pas au milieu de la consommation criarde.
J’ai envie de marcher pour ressentir.
Quoi?
Je n’en sais rien.
La Vie.
Un gars, rue Costa de B. sort de chez lui, la gueule encore chiffonnée par le sommeil.
Il tient une vieille tasse ébréchée avec des fleurs roses dessus. Le café fume encore.
Je le vois venir, je le connais de loin:
Il va me taxer une clope.
Il me taxe une clope.
Le dos commence à tirer.
Je redescends vers le faubourg, les petits numéros.
Tout le quartier est dehors : cafés, rires, discussions qui flottent dans l’air lourd.
Ça vit. Ça zonarde. Ça existe, tout simplement.
Les cloches sonnent.
Le ciel se couvre.
Je rentre chez moi.
Une tisane au miel m’attend, fidèle compagne.
Il me reste un bouquin à terminer, du théâtre à relire, une machine à étendre, deux ou trois bricoles à faire.
Les plantes sont arrosées.
Les chats dorment.
Ça y est, dehors il pleut.
L’orage gronde.