1cp-lsd, perte de clés, perte de boule 



Heure 5 d’un voyage solo avec 100ug de 1cp, pris vers midi...

Je passé les premières 5 heures du voyage au lit, à explorer ma sexualité, à regarder des livres d’art, et à lire sur un des premiers cas documentés de personalité multiple* (lecture très entrecoupée, car les mots sur mon écran ont la bougeotte).  Par moments je glisse dans les couches reptiliennes de mon être, lové dans les draps comme un serpent dans sa tanière.  Mais il est temps que je sors.  Je vais accompagner ma femme (sobre, mais heureuse de m’entendre m’éclater dans mon coin lorsqu’elle travaille dans une pièce à coté) jusqu’à chez une amie, histoire de me proméner un peu.  On se prépare, chacun à son rythme.

“Tu prends tes clefs?” elle me demande.

“Elles sont pas dans l’entrée?”

“Ben non.”

Je cherche dans ma poches.  Rien.  Je fouille dans d’autres fringues que j’ai porté ces dernières jour.  Toujours rien.  Je regarde sous le lit, sous les meubles, sous la table dans l’entrée.  Faut il le dire? Niente, nada, nichts…  Enfer et triple couilles!

Vous connaissez tous la suite, l’ayant sûrement déjà vécu, avec ou sans drogue.  Je cherche partout, d’abord dans les endroits habituels, puis dans des endroits de plus en plus improbables.  Je reconstruit chaque moment depuis la dernière fois que j’ai utilisé mes clefs, tâche difficile, parce qu’on est dimanche et je suis pas sorti depuis vendredi.  Mais elles restent introuvables. 

Je suis dépité.  C’est pas que c’est bien grave de perdre ses clefs, s’il faut je pourrais changer les serrures.   Mais le problème va bien plus loin que ça.  Toute ma vie j’ai été mal organisé.  Mes essaies d’être autrement sont toujours des echecs, des demi-efforts qui sont vite trahis par ma nature bordélique.  J’arrives souvent à cacher mon désordre aux yeux des autres, j’arrive à faire ma partie du ménage des parties communes de notre appartement, mais il suffit d’ouvrir un de mes placards, un tiroir, un sac à dos, et on comprends très vite à qui on à affaire.  Cette perte de clef joue donc sur une honte que j’ai de moi même, et le lysergamide amplifie signifiquement la frustration.   Je tombe dans des boucles de pensées.  Je m’engueule, je suis au bord des larmes, j’hésite à arrêter le voyage avec un benzo.

Ma femme me convaincs de sortir avec elle quand même.  Je prendrais ses clefs à elle (“fait très gaffe s’il te plaît”), et je promets d’être à la maison à son retour pour lui ouvrir.  On se promène dans un vieux quartier avec des belles maisons bourgeoises, puis dans un jardin.  La conversation tourne autour des clefs (“si tu étais un peu plus organisé ça n’arriverait pas”), et quand on essaie de changer le sujet, mes pensées retournent vite à l’idée fixe, et j’ai du mal à l’écouter.  Je la dépose chez son amie, et malgré mon désir de me balader encore avant le coucher du soleil, je rentre à la maison pour continuer mes recherches.

Elles ne sont pas dans l’aspirateur.  Pas dans dans le corbeil à pain non plus.  Pas sous les coussins du canapé.  Pas dans la housse de mon instrument.  Pas perdus dans des tas de partitions sur le piano. Toujours pas derrière le dressing.  Toujours pas dans les poches de mon manteau.  Toujours pas partout où j’ai déjà regardé deux, trois, quatre fois…

Ça ne va plus.  J’ai besoin de me calmer.  Je joue du piano.  Ça me saoule, car je n’arrive pas à sortir de la bémol majeur (l’ironie du sort: en anglais une tonalité s’appelle une “key”).  Je prends mon instrument et je joue des notes tenues très longues et très douces.  Ça aide, mais dès que j’arrête, l’obsession revient.  Ça fait deux heures que mon voyage va mal.  Je vais dans la cuisine pour nous préparer à manger… 

****************

En tranchant les dernières aubergines de l’été, je reçois un message de ma femme:

“J’ai tes clefs!”

“C’est une blague???”

C’est pas une blague.  Elle m’appelle pour me dire qu’elle rentrait, et qu’en mettant sa main dans sa poche elle est tombé sur mon trousseau de clefs.  Elle croit les avoir pris par mégard, peut-être même au moment de m’avoir demandé.  Je suis soulagé.  Je suis content même.  Je lui en veux même pas, car je me dis que je serais capable de faire la même chose.   Et puis, je ne suis pas la merde désorganisée que je pensait être, finalement… enfin, si mais les conséquences seront pour une prochaine fois!

Je la charie pas mal à son retour.  J’ai le droit.  On rigole beaucoup.  Heureus’ment que je l’aime!

****************

J'ai écrit cela après les faits, mais je le publie mainenant, un an plus tard. Je note que depuis, je suis plus stressé que jamais quand je perds quelque chose chez moi.  Je dois tout arrêter jusque ce que je retrouve l'objet perdu, j'arrive mal à faire autre chose.  Est-ce lié? Probablement.  Je suis toujours aussi bordelique pourtant...


*l'incroyable histoire des personalités multiples de Mary Reynolds, en anglais certes, mais si vous y arrivez vous seriez pas déçu du voyage:

https://collections.nlm.nih.gov/ext/dw/ … 483385.pdf

Catégorie : Trip Report - 12 janvier 2023 à  16:49

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Commentaires
#1 Posté par : Cub3000 13 janvier 2023 à  18:20
Ça me remémore un trip aux psilos relativement foiré parce que j'avais passé ma soirée en boucle en mode autoflagellation sur le fait que je n'avais pas encore payé mon loyer, sur ma phobie administrative et ma tendance à procrastiner...Parmi les éléments important d'un bon setting, le fait d'être à peu près à jour dans ses affaires n'est pas à négliger, ça peut prendre une tournure très obsessionnelle quand le sur-moi et le moi sont malmenés par la substance wink

 
#2 Posté par : zizitaupe_meilleure_bande 14 janvier 2023 à  02:16
Complètement. Mais du coup la c’était même pas de ma faute, merde. J’étais pas désorganisé ce jour la! Ça m’a rappelé un tr sur erowid des gamins qui prennent du lsd dehors. Ils commencent a planer et au bout d’un certain temps ils vont a la maison d’un d’entre eux. il faut un code pour entrer à cause de l’alarme sécurité et le con il arrive pas à comprendre le clavier numérique et l’alarme sonne, ce qui appelle automatiquement les flics. Ils passent le reste de leurs trip dehors dans le froid de la nuit, car la maison est devenu inaccessible.  Bon, mon voyage était moins pourris que ça…

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