Il était 21h, lorsque j’ai vu cette boite bleue, du laboratoire Mylan. Une petite idée me traverse alors l’esprit ; pourquoi ne pas en essayer deux, juste deux, juste 75mg de
tramadol.
Très calme et même un peu excité, me voilà parti pour 45 minutes d’attente. En attendant, une petite musique me procure un sentiment agréable, relaxant. Et à 21h45, je commence à comprendre que quelque chose est différent. Une espèce de boule de chaleur se forme doucement et lentement dans mon estomac. Et s’accompagne d’un sentiment de joie immense, d’amour et d’empathie, quelque chose que je ne pourrais définir. Alors, j’augmente le son de ma musique, je m’allonge et décide de fermer les yeux.
C’était une évasion spectaculaire. Dans ma tête, tout était paix, calme et bonheur. Chaque fois que j’imaginais quelque chose, immédiatement il apparaissait et ainsi mon propre monde se construisait, pour mon plus grand bonheur. Je percevais mes problèmes, mes peurs et mes angoisses d’une autre manière, plus philosophique je dirais, sans considération. Seul, maître de mon propre univers, du reflet de mon âme croyais-je naïvement.
Je dirais que cette sensation a duré peut-être 1h15, avant, au bout de 2h, d’atteindre et de me faire atteindre le sommet de l’exaltation. Un amour inconditionnel, un bonheur fou, un rêve, le paradis sur Terre, loin de tout.
Lendemain un peu difficile, mais complètement fasciné parce que je venais de vivre, je me suis alors dis que j’aurais le droit à cette évasion une fois par mois.
1 ans et demi plus tard, ayant des grosses difficultés dans ma vie, je décide alors d’en prendre pour essayer de comprendre comment les résoudre. Trois semaines plus tard, un samedi, à la fin des effets, me voilà extrêmement anxieux, insomniaque et suintant de partout. Le bonheur que j’avais trouvé m’avait transformé en un bête rempli de haine, de violence et de nervosité.
La dépendance est un combat que l’on doit livrer pour en sortir. J’ai dû vite me rendre à l’évidence ; l’ennemi était moi-même. Alors, après des jours de recherches acharnés, j’ai compris que je devais me tromper. J’ai donc commencé une réduction drastique des doses, de 75mg/jour à 20mg/jour en 2 semaines. Et aux termes de souffrances et d’une dépression, j’atteins une année d’abstinence, avec trois écarts en un an.
Je suis maintenant persuadé que l’amour et tous les sentiments qui nous constituent ne sont que de pures réactions chimiques, se produisant dans une machine extrêmement complexe que l’on nomme cerveau. Il n’y a point d’autres explications, pas après ce que j’ai vécu.
Et pourtant, je ne cesserais jamais de me questionner pourquoi deux comprimés de 2 à 3cm de long peut changer une vie, ma vie. Pourquoi ce soir d’août, ma vie fut marquée à jamais, pourquoi tout cela s’est produit et pourquoi je suis tombé amoureux de cette merveilleuse chose et en même temps horrifiante, que l’on nomme
Tramadol.
A toi mon amour, je te dis adieux...