Première expérience avec du
4-HO-MiPT.
Sujet : un bon gros bear de 48 ans, 1.84m, dans les 95kg
Set : objectivement pas le set que je recommanderais pour une expérience psychédélique : fatigué, pas super motivé, pas mal de ruminations anxieuses ces derniers temps. beaucoup de colère liée au contexte politique.
Setting : tranquille et confortable, chez moi avec un ami, lumières tamisée, musique ambient, chats.
dosage : 20mg (considérés par Psychonaut, Erowid et TIKHAL comme un dosage moyen.)
intentions posées : travailler sur mon ancrage, mon estime de moi-même, et mon rapport à l'
alcool.
Cette expérience devait initialement se faire en pleine nature, pour des raisons de timing et de météo nous nous replions chez moi, ce qui s'avérera finalement une bonne idée vu la nature et l'intensité du trip, je n'aurais pas voulu vivre ça au milieu des bois à la tombée de la nuit.
L'expérience n'est pas improvisée mais elle n'est pas minutieusement planifiée non plus, néanmoins le setting est confortable, raison pour laquelle malgré une petite forme et un moral pas top je tente le coup. Mon compagnon de voyage se trouve être un expert en matière de psychédéliques, impliqué dans la recherche sur le sujet et partie prenante de ce qu'il est convenu d'appeler la "renaissance psychédélique". C'est plutôt sécurisant. Nous droppons notre petite pilule verte estampillée Lizard Lab à 18h30.
Les premiers effets de font ressentir très vite, à T+15mn ils sont déjà là, furtifs mais bien présents : sensation de flottement, de légères ondulations sur les surfaces, j'observe mes doigts qui semblent pris d'une sorte d'improbable tortillement dont je mets quelques secondes à comprendre qu'il est hallucinatoire, et surtout, rapidement s'installe une sensation de détente profonde, un intense besoin de m'étirer...ce que je fais. Très vite je ressens l'envie de m'allonger, j'attrape un plaid et je monte le chauffage, et je vais confortablement me vautrer sur le canapé...L'essentiel de mon trip se déroulera là.
Constats : sans tolérance, pour une personne plutôt réceptive aux psychédéliques comme moi, 20mg de miprocine (le petit nom du
4-HO-MiPT) fournissent déjà une expérience conséquente, sans être ingérable. Je vis une expérience très introspective sous mon plaid. A priori ce n'est pas une party drug, je me verrais mal en teuf dans cet état.
Les pensées fusent et défilent très vite, un certaine confusion s'installe. Je me sens résister à l'effet du produit, j'applique rapidement les consignes de
base du psychonaute averti : respiration profonde, se laisser aller, accepter le voyage (ce qui est un peu compliqué par le fait que j'étais mitigé sur mon désir initial de faire cette expérience, mais ça passe).
Les effets visuels sont bien présents, essentiellement des ondulations sur les surfaces, des patterns mouvants jouant avec la lumière et les ombres, projetant sur le mur face à moi une géométrie complexe évoquant les motifs de l'art pré-colombien...plus abstraits cependant. Je m'amuse en constatant que lorsque je regarde un objet il reste fixe, tandis que son ombre ou son reflet dans la vitre sont animés d'amples vagues ondulatoires et semblent vivre leur vie propre. En revanche, très peu de motifs les yeux fermés. Autre effet visuel frappant : une variation de couleur très nette, la lumière dans la pièce où nous nous trouvons semble osciller sans cesse entre le vert et le rouge. Des sortes de flashes blancs crépitent par moments aux limites de mon champ de vision, l'impression que quelque chose se meut, qui pourtant disparaît lorsque je tente de le fixer du regard.
Body load : présent mais pas déplaisant. Ça brasse un peu au niveau du ventre mais nettement moins que les
psilocybes par exemple. Nette sensation de froid par contre, qui m'oblige à pousser de +2°C le thermostat du chauffage de l'appart. L'effet physique le plus flagrant est cette sensation intérieure de détente profonde et un peu paradoxale : agréable mais de plus en plus forte, ce qui implique un nécessaire lâcher-prise. C'est doux mais ça pousse fort.
La dimension introspective de l'expérience est très nette. L'ambient distillé par mon enceinte bluetooth sert de guide et les intentions posées avant le trip seront visitées, de manière assez spectaculaire. Je voulais "travailler" sur mon rapport délétère à l'
alcool, je suis servi : d'une part, alors que nous avons des bières, il me sera impossible d'en boire plus d'une canette : en plein trip, je n'arrive pas à voir l'intérêt de boire ce liquide amer et pas assez frais, quelques gorgées suffisent à m'écoeurer quasi jusqu'à la nausée...Et surtout je vois se déployer dans mon esprit le pourquoi du comment de cette béquille éthylique supposée venir compenser un évident manque de confiance en moi, mais qui a fini par devenir un boulet.
Et tandis que cette prise de conscience s'installe, ma petite voix intérieure me rappelle les situations et interactions super difficiles que je gère au quotidien dans le cadre de mon travail, elle me souffle au creux du cerveau à quel point je suis fort en réalité, bien plus fort que ce que je crois. Elle me dit qu'il est temps de lâcher les béquilles, que je peux marcher seul, plus encore : que je peux déployer mes ailes, qu'il est temps de voler par moi-même. Un sentiment intense de bienveillance et de puissance mêlées se déploie. Soudain c'est comme si craquait un dernier noeud de dépendance : je ressens intérieurement, très fort, la présence de mon ex, avec qui j'ai vécu, voici plusieurs années, une relation toxique de près de deux ans. C'est si fort que l'espace d'un instant je ne sais plus qui je suis, moi ou mon ex. Une fusion, une confusion même, est mise en évidence, un vieux truc pas réglé...Puis cela se dissipe. Il ne reste que moi.
C'est alors que se produit l'évènement clé de ce trip : je prends subitement conscience d'être en train de vivre quelque chose qui s'apparente à une mort et à une naissance, les deux intriquées. Avec la lutte inévitable qu'impliquent ces extrémités : je ne sais plus trop qui et où je suis, je me sens comme dissocié, des images, des pensées déplaisantes défilent dans mon esprit...mais je ressens aussi une immense énergie et une grande joie, à laquelle je ne peux que me soumettre...Je répète plusieurs fois "I surrender, je me rends, je me rends"...Et...soudain...les effets visuels, et proprement hallucinatoires, de la substance, s'arrêtent. En quelques instants je retrouve lucidité et cohérence...Il ne reste plus qu'un énorme, un impressionnant courant d'énergie pure, lumineuse, puissante, qui me traverse : cette énergie est simultanément moi et non-moi, c'est à dire qu'elle se déploie infiniment plus loin que les limites de ma petite personne, tout en me correspondant en tout point. Elle me porte. C'est cette énergie, je le ressens, qui va m'aider à déployer mes ailes. Je pense aux témoignages de copains qui sont passés par l'
ayahuasca, et il me semble vivre quelque chose de comparable, du moins tel que je l'ai compris : au delà de l'aspect hallucinatoire, un énorme reboot énergétique.
Il n'y a plus que cette énergie, dont je me demande ce que je vais pouvoir faire, tant elle est intense...Et puis doucement cela aussi s'apaise. La fatigue finit par l'emporter, je me coule dans une torpeur, un peu écrasante mais agréable aussi, une torpeur très ancrée.....Et le trip est fini. Il n'aura pas duré plus de 4h mais la perception du temps est très altérée durant l'expérience, ce qui fait que cela a paru subjectivement à la fois très bref et très long...
Je traîne un peu, check les news de mes potes sur les réseaux sociaux, pour découvrir qu'un bon copain vient de passer plus de 40h en garde à vue après une manif et vient de sortir, la gueule bien amochée. Je lui écris, l'afterglow d'énergie psychédélique me permets, je crois, de lui envoyer un gros, gros blast d'amour brut, qu'il ressent. Notre échange est bref et beau. Je me prends à espérer que ça puisse lui faire du bien. Un autre échange, avec un ami très proche avec qui j'ai partagé beaucoup d'expériences psychonautes, là aussi beaucoup d'amour, de simplicité, de profondeur.
Ecrasé de fatigue je vais me coucher là-dessus, je peine un peu à trouver le sommeil jusqu'à ce que finalement il m'emporte. Extinction des feux.
La conclusion sera brève : la miprocine est un psychédélique de grande classe, proche sur certains points de la
psilocybine dont elle est un analogue, mais possédant son identité, sa teinte propre. C'est une expérience profonde, qui demande de l'implication, du lâcher-prise. Poser des intentions avant le trip me semble très profitable, la substance va vraiment au coeur du sujet; le potentiel thérapeutique me paraît assez énorme. Comme toujours avec les psychédéliques, une molécule à considérer avec respect pour éviter les mauvaises expériences et en tirer tout le bénéfice.
Peace, take care