J'ai toujours eu peur des gardes à vue en manque. Et je suis du genre à planquer des cailloux un peu partout, jusqu’à oublier. Quelle joie de retrouver!
Là c’ est spécial, voilà l’histoire :
Il était une fois à Aulnay-sous-bois, je sortais d’un des meilleurs terrains du coin.
En fait le plus gros du moment. Mais ils refusent de me faire monter, là-haut c’est cagoule, kalash etc...
Et surtout une sacoche, avec herbe,
shit,
coke et
héro, conditionnés en plastiques avec le prix dessus, pour qu’il n’y ait pas d’embrouille. Car la sacoche arrive (on comprend les flingues, il y en, a pour 50 000e) à 11h donc moi je suis là à 11h40.
Mais toujours le «t’es pas un keuf toi?» question débile, oui j’ai pas le droit de pécho? En plus ils vendent à des keufs et la moitié des clients surtout les pires sont des tontons. Il me dit «fais des pompes», je vois pas l’intérêt, si j’y arrive je suis flic?Je peux faire semblant. Si je n’y arrive pas quoi, je suis un vrai tox?
Parmi les vendeurs il y a des gros débiles comme lui, et les malins. Le malin aurait flairé le bon client, et reconnu les stigmates que je peine à cacher. Et puis il n’y a pas d’undercover buyer en France.
Bon le gars me descend la commande, vu que je peux pas monter. Pourtant pas de gratte ni rien c’est un bizness ici. Ils ne servent pas tout le monde, ils peuvent, ce sont les meilleurs. Tu peux acheter à 10, 20, 30, 40, 50, 60e et c’est prêt, emballé et pesé, de H ou de C, de
shit de
beuh et après l'heure c'est plus l'heure, il faut les voir courir les derniers avant la fermeture.
Après la cité est laissée aux résidents qui, ne pouvant s'en prendre, bah oui, aux réseaux qui les squattent, s'en prennent aux clients. On peut acheter à Sevran à deux heures du mat, à ses risques et périls, il y aura des équipes de jeunes, bourrés, sans protection. A Champigny oui, à Sevran/Aulnay c'est 23h. Ceux qui, malgré tout, continuent, sont des francs tireurs et sont très discrets. La cité doit rester calme la nuit.
Au début je devais passer par un intermédiaire, Ismaël, comme moi. Une fois il m’amène 40 euros d'
héro, mais sur le plastique c’est écrit 30e il l’avait pas vu, le petit voyou, c'est bien pratique!
Alors le portier m’a amené mes cinq grammes d’héro et cinq de C.
Cachette secrète, aménagement dans le caleçon (merde si les keufs lisent ça...).J’ai un couteau, opinel effilé, pour me rassurer (pas pour les mecs d’ici, pour les voleurs), non, en fait surtout pour ouvrir les bonbonnes, et pour entailler la couture de mon caleçon.
J’ai un caleçon qui a un élastique recouvert de tissus épais, cousu. J’incise, et la fente est invisible. Puis je fais entrer les boulettes une à une. A la fin, le mieux est d’en avoir beaucoup pour faire le tour, j’aplatis les bonbonnes, même la H qui est en
caillou super dur j’arrive à la rendre presque imperceptible. C’est ma cachette, je porte donc ce genre de caleçons boxer, quand je vais pécho, au pire, ça étonne les keufs sans leur mettre la puce à l’oreille, tiens, un deuxième slip!
Donc j’ai mon truc, mon pote attend dans le camtar, pour moi c’est bon. Ah! les flics, ils sont là! A 50 mètres du plan, pour le revolver magnum sur lequel j’ai buté. Une fillette et sa mère ont trouvé le calibre. Il est midi, le plan accueille ses premiers clients, le flingue, les keufs, les tox, tout est tendu, mais normal.
Le keuf voit mon opinel 17cm dans la poche de mon jean serré. Quel idiot, faudrait ne pas être fonsdé quand on part acheter! Le couteau c’est interdit et dangereux. Surtout les jeans moulants à la mode oui! Je me retrouve les bracelets aux poignets, et mon pote me voit partir dans la voiture de police.
J’ai sur moi, en plus de mon slibard, de quoi faire une ligne et un pétard. C’est bien la peine de se faire une cachette...Ils diront 0,5 de H et 0,5 de
Hash. Mais bon, ça va, ils laissent tomber pour le «port d’arme» (ils ont pas du bien lire mon CV!) et me la font pour détention pour consommation, ordonnance, tu vas à Bobigny au tribunal et tu raques 200 ou 300e.
Mais il y a les 10 grammes sur moi, je leur dit que je n’ai pas pu pécho car ils n’ont pas voulu, m’ayant pris "pour un des vôtres". Ils sont pliés de rire, avec mes soixante kilos je ne ressemble plus du tout à celui que j’étais avant de retomber dedans. Et mon allure de looser.
Ils rient donc oublient de penser (il faut les amadouer, on est tous humains) que si je n’avais pas pécho je devrais avoir de l’argent, ce qui n’est pas le cas, pas un euro dans la fouille.
Blaireaux, eux, et moi : ils auraient pu comprendre. Je ne ferai plus l’erreur et mes dix euros de trop, ou plus, me sauveront, en validant mon histoire, prête à l'avance avec faux aveux, un keuf veut une histoire et un fait qui vont ensemble. Et doit avoir l'impression de mettre les bonnes choses dans les bonnes cases, tout en étant guidé par le flair dont il est fier.
Celui qui dit à ce fonctionnaire d'aller niquer sa mère, ne doit pas s'attendre à être emmené autre part qu'en cellule de dégrisement avec WC privés.
Toi tu attends. Si tu tournes comme un lion en cage, tapant au barreau et rugissant devant les policiers avant de se prendre une raclée, ça va être long et dur. Ou bien tu restes calme, t'es au sec et au chaud, tout pour te reposer.
Je garde souvent un bout de
shit à donner à manger aux flics, ça peut marcher pour éviter d'aller en cellule, tu es coopératif, c’est bien, on va te ramener après la molle fouille qu’on va te faire au poste, ou pas.
Les flics croient plus une histoire vraisemblable, correspondant à leurs préjugés, que la vérité, souvent improbable, qu’ils n’avaleront jamais. En région parisienne on ne m’a jamais demandé de balancer, sauf les mecs de ma rue, que je n’ai pas fait, évidement.
Les flics m’emmènent et je passe à la fouille. Je suis nu, mais comme j’ai deux caleçons pas longtemps, le gars tripote mon calbar avec ses gants. A tout moment je m’attend au cékwassa Ismaël? Non, ses gants et la couture l’ont berné.
En suite c’est la cellule et l’hôpital, celui là même où je vais me shooter, quatre allers/retours, en 24h, ils flippent de me perdre! Ils rient car je sors de la voiture pour entrer dans le commissariat en moonwalk... Après je suis en cage, avec un repas chaud et une couverture, bien.
Beaucoup font les fiers, refusent tout et se plaignent. Ca ne fait qu’empirer les choses, moi je profite de l’hôtellerie! C'est halal contrairement à ce qu'on dit (en tout cas pas haram donc halal).
Comme je redescend de la C, je sens la faim et la fatigue. C’est salvateur. Les dix de plus sans sommeil m'auraient achevé.
Ma hantise c’est le manque, en garde à vue, là je pense que je sors avant lundi midi, on est samedi. Je suis rassuré, j’ai sur moi cinq grammes de bonne
héroïne. Mais elle est en
caillou, et je n’ai rien pour faire une paille. Je me souviens qu’il y a toujours un petit déjeuner, avec une boisson en carton avec
une paille. Toute fine. Pas évident. Il doit être 8h du mat quand ça arrive. J’ai dormi, c’est le moment, mon nez coule.
Il y a, bien sur, une caméra, je met la couverture au niveau de la taille, cacher mes mains, je ne sais pas quand ils regardent, et si je me cache complètement c’est louche, et je ,ne vois rien.
Une fois que j’ai sorti une boule de C à la place, je la remet et sort le
caillou de grise, il est gros. Moi je le sens, sans gant. Donc je dois réduire ça en poudre pour le faire entrer dans cette paille minuscule, et dans mon nez coulant.
Quand c’est réduit et posé sur la boite de jus d’orange, humide comme tout, je relève la couverture sur mon visage et la brique de jus. Et je fais ce que je peux, ça se bouche se débouche, laborieux, et dix minutes après les signes de manque disparaissent. Je suis bien en cellule.
On vient me chercher, l’OPJ c’est une jolie antillaise, qui me libère. Je sors de là en
craving de
cocaïne, j’attends mon shoot depuis 24h.
Le comico est super loin du
CAARUD, je prends les transports sans payer, et j’arrive là où se trouvent les pompes gratuites,
distribox, et où l’on peut se shooter outdoor (devant tous les usagers de l’hosto). Mais c’est dimanche les
distribox sont vides, j’arrive à trouver un
stéribox en parlant aux nombreux usagers présents, dont des gitans qui cherchent de l’argent.
Après un énorme taquet, je suis pris de parano, je vois des flics partout, et je pars en courant, finalement c’est pas eux qui me stressent mais la drogue.
Voilà comment je suis sorti de garde à vue avec 10 grammes de
came.
Ne croyez pas que ce soit un bon souvenir non plus, mais c’est loin d’être le pire!