Pour vous mettre dans le contexte, je venais de déposer ma démission après avoir travaillé plus de un an et quatre mois. Egalement ce jour, Van Gogh, un vieil ami du lycée me proposait de venir chez lui pour son anniversaire. Je ramène avec moi Bambino et Fratello. L’après-midi se passe bien, surtout grâce aux bières; mais en fin d’après-midi une dernière personne nous rejoint: Rodrigue.
Rodrigue expliquait qu’il allait passer la soirée en dehors de chez lui, offrant la possibilité à Fratello et moi de prendre son appartement de 60m² pour la nuit. L’idée avec Fratello depuis un moment, réaliser un trip aux
truffes dans un endroit “safe”, sans autre personne que nous deux afin de n’être gênés par quiconque. Rodrigue laissait alors les clés à Fratello pendant que je rentrais chez moi pour descendre des deux bières et me reposer devant les jeux-vidéos.
En partant je prends les deux perches de
truffes de ma boîte de Pandore, mets mon casque pour le trajet et fais une halte au “My Wok” pour avoir autre chose dans l’estomac que des champignons vénéneux. Arrivé chez Rodrigue sans Rodrigue mais juste Fratello, on se resalue, mangeons. Je n’ai mangé que la moitié par manque d’appétit alors que Fratello avait dévoré son repas. C’était l’heure...
Je sors de mon sac les deux sachets de
truffes, une variété “Galindoi” relativement forte, en concert avec une variété de “Tampanensis” un peu moins concentrée. Les deux quantités forment sept grammes sèchent chacune. Le pire moment arrive, les consommer. On se met dans la cuisine et rien qu’ouvrir les pochons scellés était une galère pas possible, où on a du utiliser un couteau en céramique parce qu’on a mal utilisé les ouvertures faciles. Pour la consommation, Fratello opte pour sa propre technique, à savoir les découper en petit morceaux et les faire passer avec de l’eau sans les mâcher. Tandis que j’adopte la technique traditionnelle: prendre en deux temps toutes les
truffes et les macher longuement quitte à avoir quelques relents à cause du goût horrible. J’essaie alors de faire passer le goût en me rinçant la bouche avec de l’eau mais quelle idée! L’eau a juste disséminé le goût dans tout le palais... Suite à cela on se pose dans le canapé.
Il est 20h quand les
truffes sont ingérées. Sur le canapé, Fratello me propose les nouveaux épisodes de SnK sur la PS4. C’est la galère pour les trouver surtout sur les sites de streaming d’internet. Pendant ce temps, l’effet Placebo pointe le bout de son nez et me dis qu’un trip léger comme d’habitude se produit. La recherche en streaming non concluante, Fratello commence à lancer une nouvelle partie de Céleste qui m’intéresse tout particulièrement. Il lance le jeu, démarre le didacticiel. Les mouvements, l’histoire, les voix, les musiques du jeu me fascinent comme jamais sans que rien ne change réellement dans ma psychée.
Moins de 20 minutes plus tard, une première décharge sensorielle se passe, un froid intense et désagréable me parcourt avec des vertiges se bouleversent de part et d’autres de mes sensations. Premièrement, les lignes du papier peint commençaient à danser, les lignes changent de couleur et l’intensité de la lumière de l’ampoule changeait périodiquement ; plus l’intensité était forte plus les mouvements étaient prononcés et inversement. Je regarde Fratello pour lui expliquer ce que je vois et ressens mais impossible de le verbaliser convenablement, je me rends compte que je suis seul avec moi-même, avec d’impressionnants changements qui ne font que s’intensifier. Pour en revenir sur le papier peint, je le fixais avec les yeux pleins phares, comme un suricate, et plus je le fixais plus il changeait pour prendre une forme spécifique : une chorale de hiboux qui se rapprochaient entre eux, tout en prenant de la profondeur. A ce moment les interactions deviennent impossibles, et surtout avec moi-même. Je suis débordé de toutes parts et agressé par toutes ses nouvelles sensations.
Au niveau de mes sensations internes, dans ma tête, c’était comme si quelque chose me frappait de l’intérieur pour me mettre hors de moi ce qui était particulièrement brusque. Mais plus encore : à chaque fois qu’une image mentale ou une hallucination se semblait m’être destiné, c’est là que ce coup de poing mental cogne. Je me disais en rigolant « eh mais j’me fais frapper par le destin en fait ».
Encore plus envahi d’hallucinations, je pars dans la cuisine me prendre un verre d’eau sucré pour essayer de me faire redescendre, en vain. Dans la cuisine, le sol bougeait sans cesse formant une série de personnages humanoïdes fusionnés tous ensemble donnant un caractère de pression et de gêne. Le plan de travail, d’apparence ligneuse, se déplaçait, se ramifiait encore et encore sans s’arrêter. Je regarde par la fenêtre et rebelote tout se mouvait, c’était anarchiquement beau mais trop puissant. Je me rappelle qu’il fallait que je boive un verre d’eau sucré pour me faire redescendre et en bois deux.
Je retourne sur le canapé et essaie de me détendre en roulant une
cigarette, mais je fais une erreur : je regarde l’image de mon paquet de
tabac qui présente un homme mort d’une crise cardiaque avec une peau violette. Cette image m’angoisse et évite de la regarder. Je roule ma
cigarette avec difficulté en raison de toutes les perturbations ambiantes et constantes et me rends compte que ce que je fais, c’est à la fois comme s’il y avait quelque chose de trop dans ce que je roulais et à la fois quelque chose qui manquait. La première taffe, qui m’était spécifiquement adressée me donne un énorme coup de poing dans mon esprit, ce qui était très désagréable. Les vertiges prenaient le dessus et je vais aux toilettes pour vomir.
Je vous épargne les détails mais une fois fini mon vomi n’était pas du vomi mais une « œuvre d’art » représentant un cheval et un chat en style médiéval japonais que je scrute sans pouvoir tirer la chasse d’eau.
Je retourne ensuite voir Fratello mais ne me sens ni de me tenir assis ni d’avoir la capacité à interagir avec quoi que ce soit. Par contre, je me sens à l’aise de me mettre dans le lit pour m’allonger quelques temps. Je commence à fermer les yeux, et, peu à peu des formes s’impriment, jusqu’à devenir de plus en plus net pour former des individus dans le style « Suicide Squad », habillés avec des habits multicolores dans un milieu dystopique, et leur langue noire tatouée du symbole dollar tout blanc. Je veux poursuivre cette histoire dans ma tête, en me laissant aller en inhibant le sentiment que « ça m’est destiné » pour me plonger de plus en plus au plus profond de cette rêverie. Alors je rouvre mes yeux, pose mes lunettes sur la table de chevet fixe le mur et le plus impressionnant se passe.
Comme à travers un prisme de glace, le mur forme des images nettes. Ces images tournent et à chaque tour une autre image liée à la précédente se forme. Le premier tour formait un bébé dans une couverture à la manière des illustrations médiévales. Puis les parents sont représentés, abattus par ce qui arrive par la suite. On revoit le bébé, aux côtés d’une divinité en tête de taureau, défenses d’éléphant, et stoïque. Il semblait que les parents offraient le bébé à cette divinité. Mais la divinité se transforme, sors peu à peu du mur pour se mettre tout autour de moi et forme une carapace transparente suivant les lignes de mon corps. Je suis alors extasié par ces visions et sensations qui en découlent.
Fratello, me rejoins dans le lit, j’essaye de lui expliquer ce que je vis mais impossible d’enchaîner les syllabes, donc il ne comprend absolument pas ce que je dis. Par contre, ça fait rire Fratello ma tentative. On part alors en fou rire par ce qu’on fait, c’est à dire rien de spécial. Mais les hallucinations ne sont pas diminuées et de nouvelles perspectives se forment. Ce que je vois ne disparaît pas de mon champ de vison quand je détourne le regard, et les anciens stimuli s’impriment par rapport aux actuels. Par exemple je regarde par la fenêtre puis le radiateur et la fenêtre se transpose au radiateur, ou encore regarder Fratello et son image s’imprime sur le mur. Une phrase alors m’apparaît « putain j’ai vraiment du mal à imprimer les choses ».
Les effets commencent (enfin) à se dissiper progressivement, et Fratello met sur YouTube un YTP où les scènes s’enchaînent toujours de plus en plus drôle où je me dis « mais ça ne se termine jamais ! ». Fratello propose ensuite des vidéos de MisterV où je ressens la même sensation.
Il était temps de partir, on range grossièrement l’appartement, Fratello part aux toilettes mais laisse un son sur l’enceinte et je me sens manifestement bien, je reste débordé mais ça reste relativement gérable. Fratello partait dans une autre soirée, je le raccompagne où la communication est bien plus simple puis je me mets en route pour chez moi avec mon casque. Je me sentais à la fois comme un chat où je baillais très fort suivi d’une mastication pour appuyer sur la détente ; mais à la fois comme un mondain découvrant le monde. Je me souviens de mes regards de fascination mêlé à l’incompréhension mais ça ne me dérangeais pas, au contraire.
Finalement, une fois rentré chez moi je me couche sans broncher réfléchissant à cette soirée et ma vie en général me revient. Mon découvert, mes problèmes d’argent et ma démission, et me dis que ce n’était pas si important. Je réfléchis à ce qui l’est. Je me rappelle de mon premier séjour à la ferme en particulier. Ce qui rend ce séjour important est l’implication que je mettais, des voisins que l’on voyait souvent qui nous aidaient et réciproquement. Par extension, ce qui m’est cher est ce qui est fait de chair, ce qui nous fait le plus vivre, ce qui procure le plus d’émotion et qu’il faut se concentrer sur ça en particulier. Je m’endors avec ces pensées où les dernières images étaient des feux d’artifice, succédé de bâtiments esthétiques.