Premier shoot.J’ai toujours été excessif, à peine monté, que je me remontais
une fusée.
Quand
j’ai découvert l’IV (injection intraveineuse), ce fut, motivé par le manque d’argent.
Je prisais depuis des années, chaque jour. Au départ j’alignais de minuscules traces, plus tard le gramme entier sera la trace…
Là il ne fallait pas en perdre un grain...
En partant de petit, je pensais reculer le moment du manque.
Au niveau tolérance, oui, le fait d’en prendre le minimum, c’est à dire jusqu’à 5 jours avec un gramme, m’a rendu insensible moins rapidement.
Mais je ne faisais pas de pose.
En plus, j’en vendais, donc j’en avais.
Et la quotidienneté de la prise, crée, en peu de temps, je dirai entre 3 semaines et 3 mois, les premiers états de
sevrages étant beaucoup plus faciles, à vivre, que le simple fait d’y penser, après s’être accoutumé des années à des doses plus conséquentes.
Ce que je prenais pour un coup de mou, commençant par bailler, suer, grelotter, mais rien à voir avec les terribles
sevrages, douloureux à se tuer, s’il on en avait la force physique, qu’on détecte aux premiers signes, bien avant les crampes dans les fesses, les os glacés,
jambes sans repos ou autres douceurs « bienfaipoursagueule ! » .
Ce jour là, donc, je n’ai rien, et c’est moi le client, je le resterai, incapable de financer ma conso, à croissance exponentielle, par la revente de
shit et de poudres, ce sera le travail, les travaux, pas d’anticipation. Chaque shoot sera le dernier…
Et ainsi de suite…
Mais parlons déjà, du premier.
Je vais voir le voisin Zaïrois, sa femme Zozo, ses maîtresses, pléthore d’enfants de chaque lit, et de potes-tox-parasites-employés habillés à la mode de Kinshasa.
Société des
Ambianceurs et Personnes
Elégantes, SAPE, les fameux sapeurs, pour qui l'habit est si important, qu’on les nomme, en riant, dans ma rue « rois du Zaïre ».
Si tu veux rendre heureux, pour une heure, un congolais-Kinshasa, dis-lui "tu es bien habillé" (c'est une competition), ça parle lingala, du Congo, s’ils s’abaissent à vendre leur veste de créateur pour sniffer du
brown, c’est qu’ils sont bien dedans !
Je contacte donc mon « Débrino » avec sa voix de squeletor (le mec fait 1,90 m, noir d’ébène, fin au corps noueux et musclé, looké et au volant d’une décapo rouge), oouuaaais, dit-il. Il est 11h, l’heure du besoin, et il a sa voix de Gremlins qu’il fait entre le moment où il décroche, du lit de sa maîtresse, et son premier rail, avec lui on peut parler de rail SNCF.
Un gramme.
Personne ne shoote dans le groupe d’Africains, ça les rebute. Ils tomberont tous dans la galette. Et là ils auront « l’air » de Junki, dont ils avaient déjà la chanson...
Celui qui est là quand j’arrive pour demander un chrome, un blanc, client, (par la suite j’aurais une ardoise mensuelle de 1600 euros, de boules à 30e livrées sur mon lieu de travail!), n’a pas de thune non plus.
Enfin, à nous deux, on pourrait en prendre un peu. Un demi pesé. C’est moi qui partage, comme toujours, « fais à ton prochain ce que tu voudrais qu’on te fit » (malgré tout ce qui disqualifie l’adage, je reste fidèle à ce passage du Lévitique, attribué souvent à Jésus, qui ne reprenait là, que la Torah (Bible), Livre du Juif, mishnaïque, qu’il fut).
Le gars n’a pas assez pour faire 15e, ce sera 20 de mo, 10 de lui. Personne, jamais, dans ce milieu, sauf un clochard de Brooklyn, ne m’a JAMAIS renvoyé la balle. La balle dans ce monde de chacal, on se l’envoie en cachette…
Misère, qui n’a que peu à voir avec le produit, mais avec son prix, l’illégalité, et le fait que les malheureux, les naïfs et les requins sont sur-représentés parmi les usagers, qui, sont comme tout le monde, et ont donc eu, à transgresser un symbole. A se percer ou se déprécier au point de s’aliéner, s’assujetir, à une habitude toxique dont on est prisonnier.
On m’appelait l’associé du diable quand, moi le petit blond, je traînais avec mon dealer dont la peau noire virait au « deep bue » et dont tout le quartier connaissait le travail. Avec la file de clients qu’ils faisait attendre des heures.
Je suis servi et j’ai mon demi. Déjà tout seul c’est peu.
Alors un quart de cette médiocre qualité là, pour moi c’est très, très peu.
Le gars avec qui je partage, me dit qu’il se shoote, et m’emmène dans sa voiture, me racontant, que la dernière fois, il s’est shooté au volant, en conduisant dans Paris.
Bon, l’idée est d’optimiser le peu de
came, c’est à dire qu’au lieu d’espérer faire partir le manque, avoir en plus, du plaisir. Un plaisir inédit, on peut revenir en arrière, mais une fois qu’on a testé…
Il prépare la seringue avec le
stéribox, parfait il y a un quart et une pompe chacun. Ah il a fallu acheter un citron…
C’est un bon calcul à court terme, effectivement, la
came va aller, sans perte, direct au ciboulot, pour inonder mes synapses. C’est agréable et presque magique l’intra-veineuse, surtout faite par un tiers.
Lui avait des autoroutes, mes veines sont minuscules, mais à cette heure de ma vie, vierge de toute pénétration !
A deux, et en étant passif, je n’ai pas la prise de conscience vertigineuse, de briser un dernier tabou, celui de se transpercer l’enveloppe protectrice que forme la peau, dans laquelle on se sent si mal. Chose rendue possible par l’addiction, le truc est plus tard aussi banal que de fumer une clope..
Il faut que je fasse rentrer ce produit dans mon organisme le plus directement possible. Pas de romantisme ni rien, c’est un geste contre-nature, mais un geste de soin. Ou dre recherche du plaisir. En l’occurrence je cherchais à optimiser le peu d’héroïne que j’avais.
A moyen terme, mauvais calcul, ma tolérance a grimpé en flèche, et ma conso avec, d’un appart je suis passé à un squatt puis à une cave, tout en bossant 10h par jour 6 jours par semaine.
Il me fait ça comme une petite infirmière. On est parti de Bagnolet, pour arriver dans sa 205, au niveau de Filles du calvaire, où il travaille dns une boutique de fripes. Au dessus de laquelle un petit logement, dont la cuisine nous servit de labo, de champs stérile et de
salle de shoot.
Il a pris soin de préparer, la poudre dans la cuiller, bien diviser en deux parts égales (je suis adepte de chacun gère sa part, l’un
coupe en deux, l’autre choisit), mettre le citron, ne pas oublier de monter le cup, pour ne pas se brûler. Faire gaffe où l’on pose son cup car il va laisser une trace de noir charbonneux, parce qu’on a chauffé à petits bouillons cette poudre, qui est plus faîte pour être fumée que shoutée.
Par contre, quand on sniffe deux grammes par jour, on en perd plein, en plus de mal respirer, les muqueuses du nez sont vite saturées. Quand je trouverai de la blanche, certaines comme de la
coke, d’autres devant être chauffées à cause de leur côté pâteux. Cela me donnera « en fin de carrière » des
speed-balls de toute pureté et beauté. Le luxe, le
speed sans le stress, l’euphorie, sans l’alerte, le top des deux
cames, s’auto-potentialisant.
Le gars, dix ans de plus que moi (parmi les injecteurs, sans compter les consommateurs de
Skenan,
subutex, ou autres cachets à l’usage plus ou moins détournés, la majorité est née dans le début des 70, ou pour ceux qui restent, maudits, le 60’s), fait son
IV comme un pro, puis la mienne (pour de la C j’aurais demandé l’inverse!).
Il retire la pompe de mon bras, me colle un bout de pq, dessus. Et, me dit de tenir, appuyé contre le point d’injection, le petit tampon, s’imbibant, de sang, en un instant.
Je ne m’attends pas à grand-chose, mais une chaleur qui vient de l’intérieur, envahit mon corps, je ressens de légers picotements, du haut du crane, jusqu’à la plante des pieds.
Ca fait 20 secondes dont 10 en plein rush, je suis euphorisé par ce bombardement massif d’endorphines. C’est bon, c’est chaud.
A suivre...l'
héro au boulot, costard cravate-garrot, pour boires, et puis les massacres à la coco. Le dernier sujet sera très, très, sanglant, et dur.
A bientôt, Jasper (mon lecteur imaginaire)!