Matinée 

20 Novembre 2016 : Matinée

Neuf heures.

Je me réveille brusquement. Je ne me souviens pas de grand-chose dans ma soirée. J'ai pris des benzodiazépines, 2mg d'alprazolam, il me semble. Je n'ai pas pris de codéine. C'est la quatrième fois du mois.

J'ai l'impression d'avoir passé une nuit banale. Je crois être redevenu normal. Je suis attristé, fatigué, déprimé. Mon crâne me fait mal. Ma bouche est sèche. Mes yeux sont irrités. Mon nez est coulant. Mors oreilles sont brûlantes. Mes membres sont lents. Mon corps est sec, tendu, passif.

Je vais fêter cette victoire comme il se doit. J'observe ma récompense sur le bord du bureau. Je me répète : 60 mg de DXM associés à  400mg de codéine et à  du jus de pamplemousse blanc, tels sont les chiffres qui résonnent dans ma tête. J'aurais pu mourir cent fois avec ce mélange. Je m'y suis habitué pourtant. Je suis passé de 700mg à  400mg en quelques semaines seulement. Je remercie le DXM.

Je laisse balader mes yeux sur l'étagère. Je sais qu'ici repose une petite pochette d'héroïne. Je sais qu'elle est trop coupée, qu'elle est mauvaise, dégueulasse même : la codéine me fait malheureusement plus d'effet que cette dernière. Je sais pourtant que je la consommerai un de ces jours.

J'enfile un jogging sale, un t-shirt nauséabond sans prendre le temps de mettre des sous-vêtements. Je débarrasse les cachets de leur emballage. Je les plonge dans l'eau froide. Je touille. J'observe. J'attends. Je les mets au congélo. J'attends. Je prépare le système de filtration. J'attends. Je me livre pour une énième fois à  cette triste mascarade.

Et ensuite? J'observerai les goûtes tombées une à  une, je me délecterai de ce plaisir.  Je sais que de toute façon rien ne me fait du bien, mis à  part ça. Je sais que c'est pathétique. Mais je sais surtout que c'est moi et moi seul qui me suis enfermé dans cette prison psychique. Je sais que c'est comme ça, et que je dois faire avec maintenant.