TR - speed (+ la redescente) ->>
<<- Trop d'abus récemment : du mal à m'en remettre (speed, LSD, MDMA...)
Le jour, ma première vie commence : je suis une gentille étudiante timide qui se fait marcher dessus, je n'ai pas d'amis dans ma promo, je ne le vis pas bien, mais je vis avec. Je peux me mettre à pleurer en amphi à tout moment, mais je tiens le cap. Pour aller mieux, je pense au soir, là où je pourrais vivre ma deuxième vie et les autres. Mais avant ça, ma première vie c’est aussi lors des repas de famille avec la belle famille anti-drogue, je deviens la fille modèle qu’ils ont toujours rêvé d’avoir : « Oh, prends exemple sur Aidee. », si seulement ils savaient, même mon petit ami rit de voir qu’on me prend pour exemple. Les repas de famille avec le beau père qui me voit comme la belle fille modèle, je le passe à feindre l’ignorance et prétexter mon trouble de l’attention pour ne pas avoir à débattre à propos de l’épisode de « Demain nous appartient » qui dit que la drogue c’est mal et les drogués sont des vilains empoisonneurs qui prennent un malin plaisir à droguer les jeunes pour que eux aussi à leur tour droguent des innocents et finiront en enfer. Quel enfer pour moi surtout d’entendre ça pendant le repas, tu m’étonnes de la vision qu’ont certains sur les personnes utilisatrices de drogues avec de tels discours véhiculés dans les médias.
Ma deuxième vie, c’est quand je vois mes amis les plus proches ou que je suis seule avec mon copain, je me lâche, je ne fais plus attention à masquer mes troubles (Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité, dyspraxie & Troubles du Spectre Autistique, la nature m’a bien gâtée), je parle fort, je parle vite, je laisse vivre mes comportements compulsifs, je fais les cent pas, je raconte ma journée comme une gamine au primaire, … mais ils ont l’habitude, ils m’aiment comme ça et me comprennent, je n’ai pas à masquer ça devant eux. Souvent on se voit dans l’appartement de l’un ou de l’autre, nous avons tous un appartement entre 20 et 25m2 où on peut se réunir jusqu’à 6 ou 7 personnes avec qui on reste à l’aise, dans notre bulle. Parfois avec certains il nous est arrivé de consommer des substances, mais en général on reste sobres, juste je relâche la pression et la majorité du groupe est composée de non consommateurs, je ne suis ni la plus sage, ni celle qui consomme le plus, mais on s’en fiche, on se respecte et on prend soin les uns des autres.
Ma troisième vie commence le soir lorsque je traîne sur mon lit mal coiffée avec un vieux T-shirt trop large et mon bol de céréales low-cost sur des forums comme celui ci jusqu'à pas d'heure, je pousse parfois des recherches lointaines grâce aux accès de la bibliothèque en ligne de ma fac. J’étudie les sciences humaines mais j’ai accès à tous leurs documents, y compris des revues de biologie, médecine, toxicologie, psychiatrie, neuro-sciences...alors je profite pour trouver des articles pépites sur les substances, le cerveau ou la Réduction des Risques.
Ma quatrième vie commence quand je finis dans des soirées techno ou en teuf, j’y vais soit avec ma meilleure amie, soit seule dans ma bulle, j’aime bien. Parfois je consomme, parfois pas, mais honnêtement, ça arrive lors de ces événements de me croiser pas très sobre, bien que je fasse des efforts de sobriété récemment. D'ailleurs c’est pas si mal même sans substances, dans tous les cas je deviens une autre "moi" encore ici. Je relâche toute la pression, je fais la fête, je me drogue ou non, ce n’est pas un automatisme non plus. Là-bas je relâche tout, je me dis que je vois des gens que je ne reverrai plus jamais dans ma vie, je me maquille comme j'aime, je m'habille comme je veux, je ne cherche pas à masquer, mais je suis une autre personne, je suis dans ma bulle, concentrée sur le son, juste derrière les barrières.
La cinquième vie débarque lorsque je mets ma casquette de Travailleuse du Sexe. Je n’en ai jamais parlé ici encore, mais je saute le pas. Je suis Travailleuse du Sexe, abrégé en TDS. Je l’étais avant de consommer des substances. Je suis TDS en ligne depuis 2 ans, dans mon cas je fais plutôt du "virtuel", j’ai entendu le terme « Télétravail du Sexe » pour mon cas et je l’aime bien, ça résume un peu ça. Mais dans ce milieu, ma vie de personne utilisatrice de drogues et mes troubles, il faut les cacher, devenir encore une autre personne pour se faire respecter, ne pas en parler pour pas que cela ne soit utilisé contre ma personne, garder la tête haute. Quand je me confie sur ma cinquième vie, le TDS, on pense soit que je blague, ou mon interlocuteur change totalement sa vision qu’il avait de moi. En quoi cela ferait-il de moi une personne moins respectable ? Ce n’est pas aujourd’hui de gaieté de coeur que je le fais mais avant tout pour « vivre convenablement » même si aujourd'hui j'arrive parfois à me laisser faire des sorties grâce à ça, je ne me fais pas des milliers avec, loin de là. J’ai parfois mélangé ma vie de personne utilisatrice de drogues à celle de travailleuse du sexe, je l’avoue, mais c’est resté dans le secret, ni mes clients, ni mes proches ne doivent savoir. J’ai déjà pris un bout de space cake qui traînait pour me motiver à prendre des photos dénudées, du poppers ou un quartier de taz pour trouver le courage de tourner une vidéo ou lancer une cam. J’en suis pas très fière, mais c’est comme ça, en tout cas ça reste rare, ça ne m'est arrivé qu'une seule fois pour chaque cas de figure cité, je n’aime pas trop consommer seule chez moi, et c’est loin d’être une habitude, ouf.
La sixième vie, c’est ma vie sportive. A la salle de sport et à la danse, je deviens encore une autre. Cette sixième vie me pousse à faire attention à ma consommation lors de ma quatrième vie, d'ailleurs. Je veux soulever des poids lourds, je veux faire attention à mon cardio, ou du moins sauver les pots cassés. Dans cette vie, je suis un peu dans ma bulle encore, mais je me rapproche de la Aidee toute sage, presque celle des repas de famille, mais avec un peu plus de niaque quand même. On me complimente sur ma grâce, ma force, mon énergie, ma force ou mes performances en général, ça m’aide à mieux supporter le reste, même moi je croirais presque à cette image de petite meuf clean sans histoires qu’on me colle. Cette vie me fait me sentir talentueuse, mais pas assez pour du haut niveau, plutôt douée, mais moyenne comme je l’ai toujours été à l’école ou dans mon ancienne vie de patineuse déjà à la retraite. Ce que j'ai retenu de cette vie, c'est que je la maintiens éloignée de ma quatrième vie faite de nuits blanches et de paillettes ou même de ma deuxième vie quand ça finit en expérimentation : jamais de drogue les veilles des cours de danse et jamais de muscu le lendemain d'une prise. Tel est mon proverbe.
La septième vie, je l’ai laissée tomber, c’était la « moi » anorexique, celle qui vivait à travers les troubles du comportement alimentaire, celle qui avait besoin de perfection, qui avait besoin qu'on la couve, celle qui ne voulait pas de formes et ne rien ressentir. Elle est partie bien loin, je la considère comme décédée, elle a pris mon innocence avec elle, mais a laissé mon corps guérir de ses maux. Des fois je me demande même si c’était réellement une de mes vies, si j'ai vraiment vécu ça. Heureusement qu’elle n’a jamais eu accès à des amphétamines, elle en aurait tant abusé à mauvais escient. Non, elle s’était contentée de produits psychoactifs licites, des anti-dépresseurs, anxiolytique et autres molécules pas adaptées que des médecins ont voulu tester pour voir. En tout cas, je me rends compte avec du recul que les anxio et anti-dep ont bien marché à ce moment-là pour me clouer au lit, arrêter de trop penser et lutter contre l’hyperactivité. Elle est bien loin cette époque qui ne date pourtant que de 3 ou 4 ans en arrière.
Puis, parfois les vies se croisent entre elles, et c’est vite le bordel : on est toujours à une logorrhée verbale que j’avoue tout, mon TDAH n’aide pas. J’arrive encore à contrôler à peu près même si j’ai déjà balancé en soirée que je faisais du TDS en riant, j’ai déjà dit comme ça à une camarade à la fac que je consommais, à chaque fois j’ai choqué des gens et fini par comprendre que c’était socialement incorrect, que cela pourrait me porter préjudice, même si au fond…pourquoi ?
Quand il m’arrive de pouvoir me confier à des personnes d’une vie à propos d’une autre de mes vies, j’ai toujours la même réaction : « Ah ouais ? Toi ? T’as pas l’air. ». Si j’en ai pas l’air, c’est que le masque est parfait, je le maîtrise à la perfection, bien qu’il m’épuise : devoir réfléchir à qui je peux dire quoi et quand, c’est fatiguant. J’ai pas l’air d’avoir été anorexique, j’ai pas l’air de consommer des substances psychoactives, j’ai pas l’air d’être sportive, j’ai pas l’air autiste, j’ai pas l’air d’être étudiante timide…J’ai l’air de quoi alors ?
—
J’ai écrit ce texte + pour poser mes réflexions personnelles et parler de mon vécu là dessus. J’ai pleinement conscience qu’on ne correspond généralement pas au cliché que se font les gens, surtout quant aux consommateurs et consommatrices de drogues illicites. Oui, je m’éloigne un peu de purement le sujet de la drogue et de la RdR mais je tenais à croiser tout ça, montrer le reste, j’avais envie de le publier ici, en espérant que cela rentre dans le cadre du forum.
Catégorie : Tranche de vie - 20 novembre 2023 à 18:35
#tranche de vie #PUD #préjugés
1