Mes amis me surnomment « speederwoman » car j'adore le speed et que je suis l'hyperactive de service. Je n'ai consommé du speed tel quel qu'une fois auparavant et c'était plus d’un an avant ce que je raconte ici.
Note : J'ai un TDAH (Trouble Déficitaire de l'Attention avec Hyperactivité)
Le speed désigne les amphétamines du marché noir (dites « de rue » ou du « dark web ») issues de laboratoires clandestins, on ne connaît pas réellement leur composition, je ne vous apprend rien. Juste j'explique et justifie ma façon de les définir dans mon écrit, au cas où. Je sais que ça peut déplaire que je parle de speed puis d'amphétamines, mais je préfère faire ainsi, en connaissance de cause (certains et je le comprends préfèrent parler d'amphétamines uniquement lorsqu'il s'agit d'un produit pharmaceutique d'un laboratoire officiel, mais voilà, dans cet écrit je le précise
J'ai un passif avec le speed. Pas bien lourd le passif, mais avant tout mémorable. Lui et moi avions filé le parfait amour lors d'une soirée un an auparavant. Malgré mes expériences diverses et variées, je pense au speed de temps en temps. Je sais que je n'arrêterais pas d'y toucher définitivement pour le moment, mais j'espace mes prises au maximum pour cette drogue, la redescente étant assez lourde et les effets secondaires me faisant personnellement préférer en consommer rarement, je me suis promis d’attendre un an minimum pour cette raison. (fatigue, déprime, les symptômes mon trouble de l'attention s'accentuent les deux jours qui suivent, etc. Je vous décris ça à la fin, ne vous inquiétez pas )
Deux amies étaient à mes côtés cette fois-ci, nous les appellerons respectivement « Paulette » et « Jeannine » pour le respect de l'anonymat de chacun.
Nous sommes déjà plus d’un an après la première et dernière fois que j’avais touché au speed. J’étais avec deux amies très proches, réunies dans l’appartement de l’une d’entre elles qui faisait office de notre quartier général à soirées. Il est encore tôt, bien que le soleil pâle de l'hiver se couchait déjà, nous étions déjà en place, prêtes à passer la commande, cela faisait une semaine que nous avions planifié ça. En deux temps, trois mouvements, une commande est passée : moins d'heure après, notre trésor arrive livré tout en bas de l'immeuble. Nous avions débattu un moment sur la quantité à commander, Paulette et moi voulions 2g à partager pour nous trois tandis que Jeannine insistait pour 3g. Nous avons fini par nous laisser tenter et vous le verrez par la suite, mais ce n'était pas la meilleure idée, surtout que je connais les dosages, je connais ce speed (bon ici aussi, oui, le mieux aurait été de faire analyser précisément celui commandé, mais à priori on restait sur le même batch que j'avais fait analyser récemment sans consommer, dosé à 35% environ d’amphet).
(Petit aparté : je ne jette pas la pierre à mon amie Jeannine, nous avons aussi notre responsabilité dans ce choix, nous aurions pu nous opposer plus fermement, et surtout pour la suite, sans spoiler j'aurai dû me douter qu'avoir une grosse quantité « au cas où » sachant que je ne consomme pas régulièrement du speed serait une idée qui me tenterait de redrop et consommer une dose plus importante que prévue. My bad. Je reproche juste à Jeannine de ne pas avoir lu mes messages parlant de dosage et calculant un potentiel maximum, pour nous dire que « 1g par personne, ça vaaa, j’ai fait pire, c’est pas dangereux ». Ce n'est pas un exemple, j'ai totalement ma responsabilité, je retiendrais de ne pas céder et d'être plus ferme lorsque je ne veux commander qu'une dose précise, même lors d'une commande de groupe. Je me rends compte que je suis rarement le mouvement de groupe mais les rares fois où je le fais, je regrette, je le note pour potentiellement retenir ça les fois suivantes.)
Jeannine roule un pétard pendant que Paulette s'essaye à la confection des petits parachutes qui vont planer tout droit dans notre gosier. On débat de qui veut consommer combien. Nous commençons toutes par un dosage entre 0,3g et 0,5g. Pour les connaisseurs, je sais, ce n'est pas très léger pour un premier para, normalement 0,5g (d'un speed pâte dont la composition se situe entre 30% et 40% d'amphétamines) c'est le dosage que je fais sur la soirée entière. Paulette finiole les para doucement alors que je termine un travail pour la fac juste à côté. Pour Paulette et moi, on drop 0,3g environ, Jeannine nous a demandé 0,5g, elle consomme plus de speed que nous en général, c'est son dosage. Une fois que c'est fait, on avale chacune notre tour notre para en le faisant passer avec une boisson énergisante que nous avions sous la main. Ca y est, j'ai grillé mon joker de l'année pour le speed. C'est ce soir même que j'en consomme. Je suis toute nerveuse, je sais que j'avais adoré le speed, même si je ne me souviens pas totalement de mon ressenti, mes sensations, en tout cas je sais surtout que les jours qui vont suivre seront rudes, alors profitons de la soirée.
Pendant quarante bonnes minutes à une heure, j'ai continué de simplement faire ma vie. Je bossais sur un dossier à rendre à la fac pendant que les filles jouaient aux Sims sur l'ordinateur en face de moi. On passe le temps sans parler de la molécule et on lui laisse le temps de nous monter à la tête. Paulette nous dit qu'elle sent un début de montée, Jeannine ne sent rien encore, quant à moi, je laisse le temps à la molécule d'agir, je ne me prononce pas. Je me lève pour aller aux toilettes sans rien dire, puis je me retrouve comme une conne les fesses posées sur la cuvette des chiottes à dissocier, à phaser longuement, comme si j'étais absente, sortie de mon corps, je regarde dans le vide et quand je reprends mes esprits, c'est alors que je constate que le tapis de bain rose m'apparaît comme en trois dimensions avec des plans bien distincts. Je me suis demandée « Est-ce que c'est normal ? Je n'avais pas ça en mémoire mais j'apprécie. Est-ce la montée approche ? ». Je tire la chasse, je me lave les mains et je sors rejoindre les filles. J'annonce la couleur : « J'ai ma montée !! ». Paulette aquiesce en disant qu'elle ça commence carrément à bien tabasser, Jeannine quant à elle redrop déjà 0,3 supplémentaires. Ma vision se fait un peu étrange, je me mets à me focus sur des détails en particulier sans vraiment contrôler quel détail exactement et je ressens ces fourmillements dans le cerveau que j’aime tant. Je me tourne vers Jeannine et Paulette qui se font tourner un beau joint parfaitement roulé et mon regard décortique la fumée qui s'en émane, je la vois comme en plusieurs calques d'images, sur plusieurs plans, mon cerveau les passe au ralenti, puis à vitesse réelle. Jeannine nous regarde et sourit : ça y est, elle nous a rejoint dans la dimension du speed.
Nous sommes en éveil, hypersensibles à la moindre perturbation visuelle ou sensorielle, les yeux écarquillés, on se regarde et on parle sans s'arrêter mais avant tout sans se couper. Je trouve ça si agréable, je sens mon cerveau posé, je sens mon esprit plus vif qu'à l'habitude, et mes pensées sont plus claires, moins rapides et fouillies que si j'étais sobre. Je me sens apaisée, calme, comme dans un cocon. Je me sens aussi forte, invincible et j’ai la sensation qu’il fait chaud, très chaud. Avec les filles, nous nous parlons. Mais nous nous parlons de façon fluide, sans couper l'une ou l'autre, en enchaînant tour à tour. Nous sommes sur une symphonie de nos voix qui se répondent en passant d'un sujet à l'autre sans se couper la parole, le tout en rebondissant sur ce que l'une disait juste avant. C'est incroyable, je me sens comme absorbée par les paroles de chacune, c'est fluide, tout me paraît si clair. Nous parlons de substances, de la famille, de nos frères et sœurs, de nos passions d'enfance, de nos ex, de notre perception de la sexualité et nos préférences, on en vient au sujet de la maternité et de la grossesse, nous revenons à la famille, puis nous explosons de rire : la boucle est bouclée. Jeannine a redrop et terminé son gramme avant nous, sans qu'on ne s'en rende compte, mais un peu plus tard, sûrement vers minuit ou une heure du matin je reprends un para de 0,3g, Paulette aussi.
Au bout d'un moment, les filles se replongent sur leur jeu à l'ordinateur et quant à moi je me mets dans ma bulle sur un coin de lit. C'est une partie des effets des stimulants que je n'assume pas totalement chez moi, mais j'ai beaucoup parlé par messages avec des gens. Des gens avec qui j'ai parfois du mal répondre ou beaucoup parler sobre, mais jamais (ou du moins rarement) des messages que je regrette le lendemain, juste un coup de boost dans mes capacités sociales ainsi qu'une aide à poser mes pensées qui vont dans tous les sens d'habitude. La dernière fois comme cette fois ci, cela m'a « aidée » à répondre à des conversations oubliées ou qui me mettaient si mal que je n'arrivais même pas à le dire sobre un « stop » à mon interlocuteur ou mettre des mots sur mon malaise. (Je n'utilise pas le speed, les amphétamines pour ça à la base, pourtant et bons soyons francs même si je ne regrette pas ces messages envoyés, ils sont dispensables, juste ça a un effet thérapeutique et qui me soulage en quelque sorte d’arriver à y répondre)
Vers cinq heures du matin (ressenti minuit dans ma tête), je sens que mes yeux me piquent, même me brûlent. Je sens des larmes qui coulent d'elles mêmes, elles brûlent mes yeux, je les sens comme si elles étaient acides et brûlantes, la sensation est plutôt désagréable, je ne me souvenais pas de ce contre-effet sur moi, mais cette sensation à cet instant me rappelle que je l'avais bel et bien ressenti ça les autres fois. Mon maquillage qui tient depuis presque vingt-quatre heures d'affilée n'aide pas non plus je pense (je suis éveillée depuis la veille 5h du matin, non vous ne rêvez pas). Je remarque que les filles et moi nous avons des mimiques de visage dues au speed (cligner d’un oeil sans contrôler, des rictus, froncer les sourcils…) qui s’enchaînent très rapidement sans que nous ne puissions les contrôler. Bon c'est pas l'idée la plus fine, mais je termine mon gramme. Oui. Jeannine nous demande ce qu'on va faire de ce qu'il nous reste, si on le lui laisse ou si on compte le reprendre « pour chez nous un autre jour ». Cette question basique pour Jeannine, m'a rappelé que je refuse de consommer seule chez moi et aussi que de toute façon je ne reprendrais pas de speed avant un an voire plus de temps encore. Je me doute que ce n'était pas l'intention derrière, mais j'ai vécu ça comme un coup de pression. Alors ça m'a donné l'envie de redrop pour en quelque sorte finir ce que j'avais acheté histoire qu'on en parle plus. J'avais prévu de grand max m'arrêter à 0,6g à la base, mais pour le coup, voilà pourquoi avec le speed je préfère m'acheter une quantité limitée et pas plus : pour ne pas être tentée de redrop ou de finir le soir-même sous l'euphorie et les effets du truc. Mea culpa, je retiendrais.
Je me confie à mes amies à propos des larmes qui me brûlent. Paulette me dit qu'elle ressent la même chose, alors Jeannine me conseille de me démaquiller sur le champ, elle me tend son démaquillant et du coton, puis je m'exécute, je décolle mes faux-cils que je jette aux détritus, puis je frotte le coton sur mes yeux maquillés à outrance. Dans notre loghorrée verbale commune qui dure depuis déjà plus de cinq ou six heures, nous en venons à parler de ce sujet : le maquillage. Pendant que je me débarbouille le visage en frottant frénétiquement, les filles abasourdies découvrent mon visage dénué d'eye-liner, faux cils, paillettes et autres ajouts artificiels que je m'efforce de porter chaque jour. Paulette me dit : « Wow, je crois qu'en huit ans d'amitié je ne t'ai vu que deux ou trois fois sans maquillage ? C'est ouf comme ça te change le visage, je suis choquée. Ca te va bien, hein, mais je t'adore aussi sans maquillage du coup...Tu pourrais faire des jours sans tu penses ? ». Je réfléchis quelques secondes avant de lui répondre : « Mhm...C'est vrai. Ca devient actuellement trop un automatisme pour me sentir belle. J'aime l'art du maquillage, mais je vais essayer de sortir sans maquillage de temps en temps pour me réhabituer à mon visage naturel, ce serait bien. ». Je réalise alors que depuis l'été dernier je m'étais « forcée » à me manquiller pour apparaître à l'extérieur même les fois où je n'en avais pas l'envie ou le temps, pourtant le maquillage était pour moi à la base un loisir, un art, mais je me rendais compte qu'il était devenu un masque obligatoire. Intérieurement je pensais cette réflexion anodine dans le trip, mais elle a tourné en boucle et finalement cette réflexion aura été la plus marquante de mon trip. Peut-être une avancée dans ma vie quant à ma perception du regard des autres, à mes fixettes sur mon apparence et le maquillage que j'ai à tort instauré comme automatisme pour me sentir « pas trop moche ».
On continue de parler un moment avec Paulette et Jeannine, de tout et de rien, pas grand chose de notable, à part le jour qui se lève peu à peu et c'est un beau spectacle à voir, trois copines qui ont parél toute la nuit du coucher du soleil jusqu'à l'aurore. On parle, on parle et soudain : Jeannine voit l'heure. Il est 10 heures du matin, je suis encore à balle, je me demande quand les premiers effets de redescente vont se faire sentir, même si je suis un peu triste de me dire qu'ils ne risquent pas de tarder à arriver : je suis plus proche de la redescente que de la montée. Je profite encore des effets positifs qui demeurent et Jeannine part prendre une douche, pour se préparer. Elle nous dit que de la famille doit passer chez elle bientôt, alors Paulette et moi commençons à parler de rentrer après cette belle soirée. Paulette commence à être sur la redescente, elle se sent fatiguée, mais elle décide de finir à son tour son gramme avant de partir. On traîne un petit moment le temps de rassembler nos affaires et de ranger un peu l’appartement. Il ne reste plus rien de ce que nous avons commandé, 3 grammes devenus néant en une nuit seulement. Je culpabilise.
Nous rentrons chacune chez soi, il est déjà 11h passées.
Redescente
Je rentre chez moi, je me déshabille et tape les grandes lignes de ce texte au clavier à chaud pour ne rien en oublier. Je regarde l'heure et...bordel, faut que je songe à prendre une douche et manger un truc : j'ai cours dans une heure à peine...Heureusement que je n'ai cours que l'après-midi aujourd'hui sinon c'était mal barré. Je tente de me mettre dans la bouche une tranche de pain de mie sortant d'un paquet mal refermé, mais je recrache instantanément, je suis rebutée à l'idée de manger, j'en ai la nausée, je me sens si pleine alors que je n'ai rien avalé depuis un jour entier...Les malheurs des amphétamines : dans mes souvenirs c'était juste ne pas penser ou oublier de manger, mais je me souviens que c'est bien plus que ça, des difficultés à manger et un dégoût pour la nourriture, ça promet. Je sens que je n'arriverais à rien avaler avant un momen, mais je dois tout de même aller en cours pendant quatre heures et enchaîner avec deux heures de danse, donc histoire d'avoir un peu de sucre dans le sang, je me bois un peu de limonade : un repas de qualité après un trip de qualité (avec beaucoup d'ironie, je précise). L'heure avance à une vitesse folle, je prends une douche, j'enfile un pull et un jean, puis je regarde l'heure : je suis déjà en retard pour partir. Je me regarde dans le miroir, le visage démaquillé, je me passe juste un coup d'eau au visage, je démêle rapidement à l'aide de mes doigts mes cheveux emmêlés, je me les attache pour donner l'illusion qu'ils sont un peu coiffés, et avant de partir je me dis : « Pas le temps de me maquiller, tant pis...Mais en vrai je l'aime bien mon visage comme ça, finalement... ? » Je repense à ce que mes amies avaient dit la veille. Est-ce le début d'une nouvelle ère pour moi ?
Je n'ai plus le temps, il faut que je fonce. J'envoie un message aux personnes de mon groupe de travail leur dire que je serai en retard, sans donner plus de détails et je trace. Mon cœur se serre avec douleur pendant que je cours pour arriver au plus vite jusqu'à la fac, j'avais oublié ce « détail » du speed : c'est pour ça que j'en avais pas repris depuis plus d'un an, costaud le truc. Une fois arrivée sur place, je marche d'un pas rapide, courant presque, jusqu'à arriver devant ma salle de cours. Je pousse la porte avec fracas, je me glisse sur une chaise libre comme si j'étais là depuis le début et j'attends avec mon groupe que le professeur passe relire mon guide d'entretien. Je remercie la « moi » de la veille qui a terminé son guide d'entretien avant même d'avaler quelconque substance amphétaminique, je peux donc faire semblant de travailler tout en continuant d'écrire ce texte, l'inspiration est là et qu'est-ce que j'aime ça. Je sens mon cerveau comme chatouillé zone après zone petit à petit et si précisément : ce n'est pas encore terminé, mais pour combien de temps tiendrai-je éveillée ? Je me sens totalement redescendue mais ce n'est qu'un leurre : une petite remontée minuscule mais très agréable monte en vague et me frappe le front de plein fouet.
J'inspire, j'expire, je fais un grand sourire en silence en faisant semblant d'être normale dans un monde de personnes totalement sobres. Il est déjà vers les quinze heures et aucune once d'envie de dormir. La pâte grisâtre tape encore un peu sur la redescente, vraiment le speed : une très belle expérience je maintiens, en tout cas celle qui me correspond le plus, même si en effet un sacré truc. Par moments, je sens encore mes yeux figés qui regardent droit devant avec des sensations de décharges électriques qui traverses ma rétine depuis l'arrière du globe oculaire. Un mal de crâne léger apparaît par instant mais disparaît aussi vite qu'il est arrivé. Les fourmillements aléatoires sur mon cerveau reviennent de temps à autre, toujours à des zones très précises : la partie arrière haute est touchée, puis l'hémisphère droit, ensuite l'hémisphère gauche et pour finir le sommet du crâne. Pourquoi payer un immonde massage où tu payes une fortune un être humain pour te touche quand une molécule bien neurotoxique peut faire le seul massage qui te fait envie. Je commence à ressentir un peu la faim, par vagues, pas en continu. Ca en devient même carrément assez frustrant, j'ai par moments la sensation de crever la dalle, je veux manger, mais je peine à avaler les aliments solides encore aujourd'hui à midi, et malgré tout ça je me sens pleine, je n'ai pas cette sensation, mais soit, j'ai consommé, j'assume la redescente.
J'ai encore les mains qui tremblent et c'est tout ce qui me trahit, les mimiques faciales compulsives s'appaisent jusqu'à disparaître. Première sommation : un lent baîllement s'échappe de ma bouche, je consulte ma montre : il est seize heures pile. C'est fou comme d'une heure à une autre on peut se sentir péter la forme pour enchaîner une immonde suite de douze baîllements incontrôlables. Mes mains et mes bras tremblent, mon visage transpire, une sensation de chaleur intense parcourt ma peau et enfin peu à peu les effets semblent se dissiper sans que je ne le vois vraiment et surtout sans partir complètement pour autant. Je ne suis pas vraiment fatiguée encore, je ne suis pas triste, je ne suis pas joyeuse, je me sens dans un état légèrement morose. Une migraine survient et je sens ma peau qui surchauffe un peu. Je dis avec un air très suspect « Ouah, qu'est-ce qu'il fait chaud ! » aux personnes de mon groupe de travail, ils me regardent comme une bête curieuse un quart de seconde, puis poursuivent ce qu'ils étaient en train de faire. A la chaleur se succède le frisson glacé qui parcourt mon échine, la redescente est là mais s'installe encore tout doucement. Les larmes acides continuent de couler me transperçant les yeux comme des aiguilles alors que ça fait bien vingt-quatre heures maintenant. C'est quand que ça se termine, déjà ? Je passe ma langue dans ma bouche et découvre des aphtes partout à l'intérieur qui viennent de la veille. Ce détail aussi je l'avais complètement oublié. Je le note. Mon corps est courbaturé à des endroits aléatoires et illogiques : le haut de la cuisse droite, mais pas la gauche, un bout d'épaule gauche mais pas la droite...J'ai déjà fait des séances de muscu intenses qui m'ont moins donné de courbatures... Mon estomac se met à gronder. Attends ? La faim ? Depuis quand est-ce que je ne la ressens plus ? Et surtout depuis quand est-ce que je n'ai pas mangé ? Je connais la réponse et pour le coup je n'ai pas géré. A part me forcer à gober une tranche de pain de mie que je n'ai même pas réussi à manger au final, je n'ai rien mangé depuis beaucoup trop longtemps. Heureusement que mon cours consistait à faire acte de présence et surtout que j'étais très avancée sur mon travail. Je n'ai pénalisé personne dans mon groupe, ouf, c'était ma crainte, mais heureusement que j'avais pondu des pages de travail à l'avance, je me remercie pour une fois que je ne procrastine pas, ça tombe bien. Je m'enfuis du cours dès qu'on me donne le feu vert et je me jette dans le premier bus pour me rendre à la danse. Le cours se passe moins difficilement que ce que je pensais. Je n'ai plus le cœur si serré, je sens juste que je ne suis pas au max, mais ça se passe. Je suis rentrée chez moi me cuisiner des pâtes carbonara puis j'ai traîné sur les réseaux sociaux en attendant de trouver le sommeil. Je suis enfin tombée dans les bras de Morphée vers deux heures du matin, sans grande difficulté. Quarante-quatre heures sans dormir. Qui dit mieux ? Je déteste dormir habituellement, mais j'étais refaite d'enfin le retrouver, finalement. Je me réveille au petit matin avec un léger mal de crâne et la gorge irritée comme si j'avais hurlé à pleins poumons dans une montagne en plein hiver, j'ai la voix rauque alors que je ne fume rien, c'est un style, je m'y fais. La mâchoire encore légèrement ankylosée, quarante-quatre heures sans fermer l'oeil dont quinze heures de trip intense à parler sans cesse avec deux acolytes. Le speed m'avait manqué depuis plus d'un an. Je me suis souvenue pourquoi j'adorais cette merde. Mais je me suis aussi souvenue de pourquoi je me limite. J'ai ressenti de la fatigue comme jamais ce jour-là. Je me suis rendormie sans m'en rendre compte et je n'ai même pas réussi à me lever pour me rendre à un pauvre cours perdu tout seul à 11 heures du matin, et pourtant j'avais mis cinq réveils, je les ai tous ratés, loin de mon habitude. Je suis une grande maniaque des horaires et lève-tôt, là on en était loin. J'avais un sommeil plus lourd que mon humour, c'est dire. J'ai passé tout le surlendemain de ma prise de speed à somnoler et me traîner comme une loque chez moi. Le soir, j'ai réussi à prendre une douche et m'habiller chaudement malgré les migraines qui persistaient et mon cerveau ralenti : départ en tawa.
(Oui, j’ai enchaîné avec une teuf j’ai consommé plus que prévu sur place. Cela a conduit à quatre jours où j’étais dans le mal et j’avais posté ici, mais tout va mieux depuis. Donc j’ai écrit ce TR et je rédige le suivant pour le poster à la suite, car les deux vont de pair, étant donné lafatigue et la redescente de speed à prendre en compte.)
...La suite très vite
Catégorie : Trip Report - 26 novembre 2023 à 09:45
#trip report #speed #redescente #amphetamines
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C.S. a écrit
1g par tête.. Ouutch !
Comme d'hab.. J'adore !!
Ouais, le speed en question avait beau pas être très concentré/pur en matière d'amphétamines c'est beaucoup trop, au moins j'en ai conscience et je m'arrêterai à mon dosage habituel haha (enfin habituel avec deux prises espacées de + d'un an... Et je suis pas prête d'y retoucher de sitôt :')
Merci à toi encore pour ton retour :)
aidee a écrit
C.S. a écrit
1g par tête.. Ouutch !
Comme d'hab.. J'adore !!Ouais, le speed en question avait beau pas être très concentré/pur en matière d'amphétamines c'est beaucoup trop, au moins j'en ai conscience et je m'arrêterai à mon dosage habituel haha (enfin habituel avec deux prises espacées de + d'un an... Et je suis pas prête d'y retoucher de sitôt :')
Merci à toi encore pour ton retour :)
C'est vrai , autant profiter à fond de la molécule en espaçant au max les prises, et ainsi ne pas trop être dans le mal les jours qui suivent.. Mais tu as l'air de bien gérer...
Prends soin de toi ! :)
aidee a écrit
pourquoi j'adorais cette merde
Salut, j'aime bien ton récit, écriture limpide et efficace, colorée de sensation et on pourrait s'y croire :)
Juste une petite remarque terminologique : apeller "merde" les drogues qu'on prend et qu'on aime malgré tout, ne fait que nous mettre dans une position inconfortable. Difficile ne pas se sentir une merde en prenant de la merde...alors qu'en fait j'ai plutôt l'impression que bien-sûr qu'il y a comme tout dans la vie des choses négatives, mais de ce que tu racontes il y en a aussi des positives. Et je pense qu'on aurait tout à y gagner à penser que ce qu'on fait c'est aussi pour en traire des bénéfices, qu'on n'est pas "bêtes" ou des merdes, mais qu'on fait des choix et tout à y gagner à trouver comment exploiter au max les choses pour se faire du bien.
Les sensations par rapport à la bouffe je trouve ça super bien décrit et ça me renvoit clairement à ce que j'ai pu vivre. Mais je dois dire que pour moi ça a toujours été une grande libération de me défaire ne c'était que provisoirement de la dépendance à la nourriture. Ne pas avoir besoin de satisfaire ce besoin qui pèse bien trop sur mon estomac et mes cuisses, m'a toujours donné des ailes...même si ça m'est déjà arrivé comme tu le dis de sentir que mon corps en avait besoin mais de ne pas y arriver. Par contre, quel bonheur bien moins culpabilisé d'arriver à manger après 48h de jeune intermittent.
Bref, ce n'est pas la seule chose qui me parle, c'est peut être pour ça que j'ai bien aimé ton texte...même si je trouve qu'il est voilé d'une petite sensation de culpabilité que je ne partage – et peut être je ne comprends – pas vraiment. Dépasser cette culpabilité auto stigmatisant de que la morale anti-drogue nous a invulqué (et avec laquelle onna été construit.e.s), je trouve que c'est la plus grande des libérations, bien plus que celle d'une éphémère abstinence que je peux m'infliger. D'ailleurs, j'ai toujours plutôt apprécié à faire "des pauses" dans ma conso pour profiter au max des moment où je consomme, plutôt que de me mettre la pression à arrêter (nuance peut-être, mais que dans ma tête devient énorme).
En tout cas, hâte de lire le prochain billet !
a écrit
Dépasser cette culpabilité auto stigmatisant de que la morale anti-drogue
Hello ! Merci pour ta réponse et ton retour !
Oui, j'essaye au max d'éviter ça notamment pour ne culpabiliser personne du mieux que je peux dans ce que j'écris, pardon si ça a été maladroit la dedans. Je suis d'accord avec ce que tu dis ! Je sais que moi la première je ne m'en veux pas de ce que je consomme et je ne me dis pas que je suis factuellement "bête" pour ça ou mauvaise, juste sur le moment je ressens les retombées et effets négatifs mais je suis heureuse d'en avoir ressenti le positif avant aussi, sinon je n'y reviendrais pas. Je pense juste à ma santé un peu parfois mais bon, pour le moment ça suit.
Après la culpabilité m'a toujours accompagnée dans la vie mais pas spécialement par rapport aux substances, plutôt dans la vie en général. J'aurai le même ressenti si je faisais une nuit blanche veille de partiel ou pour une gueule de bois même si ce sont des choses licites ou que ça ne touche pas à des drogues illégales disons, mais petite culpabilité momentanée de me dire je vais galèrer un jour ou deux suite à un choix fait la veille, haha.
Juste quand je dis "cette merde" c'est plutôt dans un sens où même si j'ai adoré mon trip et que j'apprécie cette substance la redescente et les effets secondaires d'après me mettent à mal au point de penser ça même si clairement je ne suis pas dans un combat pour arrêter non plus. Je te comprends, un peu pareil, je suis plutôt du genre à beaucoup espacer mais je ne pense même pas à arrêter quoi que ce soit pour le moment.
La nourriture disons que j'ai un rapport particulier avec le fait de ne pas manger longtemps. Ça me rappelle vite 3 années de TCA (anorexie mentale) que j'ai vécu et j'ai peur à des moments de retomber dedans même si ça va vraiment mieux aujourd'hui et que j'arrive à contrer les potentiels débuts de rechute depuis 4 ans. Et j'ai toujours pensé un peu ça de la nourriture depuis petite : je rêvais de ne pas avoir à penser à devoir manger pour vivre (ni dormir, tiens on se demande pourquoi j'aime le speed), mais bon j'avoue j'essaye d'être + vigilante même sous substances par rapport à mon passif, pour ça que je flippe vite sous quelconque substance si je vois que je passe un jour ou deux sans manger, ça me rappelle des souvenirs pas ouf mais tu as raison ce n'est que provisoire et après on se réalimente correctement.
Bonne journée et merci encore :)