Peacock D 



C'est peut-être l'habitude, je crois. C'est devenu étrange. Différent.

Jamais ne l'avais-je ressenti comme ça ces dernières années, jamais ne m'étais-je astreinte à  une consommation régulière et importante, bien sûr toujours espacée d'un peu plus d'un mois, pour que la sérotonine revienne calmement. Pourtant depuis quelques mois et l'acoquinement avec un Deep Web plus qu'honnête avec notre groupe de consommateurs, le rapport aux prods a pris une autre dimension. Quand j'ai ouvert les petits paras ce soir-là , frôlé les cristaux friables, senti rapidement l'odeur des 0.2, je me suis sentie anormalement soulagée.

Parce que, depuis que nous étions arrivés, alors que nous nous étions dit que nous venions surtout pour la musique, nous l'avons laissée tomber jusqu'à  réussir à  trouver de quoi dilater et nos pupilles et nos sens. Nous étions pourtant censés en avoir depuis le début de la soirée ; mais il était arrivé quelque chose à  notre ami qui devait nous accompagner. Nous ne lui avons pas demandé ce qu'il s'est passé. En effet, je ne me suis rendue compte que le lendemain, que si nous l'avions harcelé et poussé par tous les moyens à  venir, ce n'était pas tant pour profiter de sa compagnie. Entre nous, nous avons essayé de nous convaincre que si, mais la vérité assez dure à  accepter, était bien palpable parmi nous et notre hypocrite bonne conscience.

Une bouteille d'eau, et un mélange pour 3 plus tard, je reviens vers eux. Ils se parlent à  peine, observent ce qu'il se passe autour d'eux. Ils sourient en regardant ma bouteille d'eau, sans un regard pour moi, et nous recommençons à  nous parler lorsque nous entamons la bouteille. Nous buvons, puis allons danser.

Pourtant surnommée RDR par mes amis, et qu'au bout de 15 min je commence déjà  à  ressentir quelque chose, je décide de continuer de boire.

45 minutes plus tard nous voilà  sur la pelouse. Je les étreint, leur dit plein de belles choses. Le premier me serre dans ses bras, me regarde d'une manière bienveillante, puis entame un superbe monologue sur nos envies et projets, l'œuvre que nous allions tous ensemble finir par créer.

L'autre a la D mauvaise. C'est la deuxième fois qu'il en prend ce week-end. Je me force à  ne pas prendre compte du fait qu'il se foute de ce que nous disons, qu'il veut cette fois aller danser, et que moi, mes muscles lâches, mes mains fébriles et mon cerveau en fusion, je ne constitue rien de plus qu'un fardeau pour le moment. C'était pourtant celui-là  même qui la dernière fois, quand il n'avait rien pris, avait pris soin de moi et avait gardé une patience que j'encense toujours maintenant. Je suis incapable de bouger pour quelques instants, comme à  chaque fois que j'en prends, et je le fais chier. Mais j'annihile toutes ces pensées, afin de réussir à  me relever dans quelques minutes.

Le pic est superbe. Je me sens en totale plénitude, pleine d'amour et de douceur. Je ne comprends pas mon deuxième ami, et ne cherche pas à  le faire. Je ne retiens que les rares moments où il presse mon bras comme pour me rassurer.

Nous allons dans la Squarehouse, et nous rapprochons des baffles le plus possible. La foule entière n'est qu'une collection d'yeux éclatés, prêts à  sortir de leurs orbites, et de corps se tordant, malmenés par la musique.

J'ai l'impression de déjà  commencer à  redescendre. Et cela ne rate pas. A 6h je suis déjà  redescendue, et j'attrape mon poppers afin de ressentir sporadiquement 10 secondes d'un vulgaire ersatz de ce que ma chère et tendre nous avait offert quelques heures plus tôt. Nous redescendons de la bonne manière, sur le set de Tale Of Us, sans presque avoir l'occasion de nous rendre compte que nos jambes sont plus lourdes et que nos pupilles se rétractent.

Nous partons à  7h, massive armée de revenants en route vers le métro. Une fille assise par terre, le dos contre la porte, attrape mon regard. Sa mandibule tremble et claque, et elle est la seule à  avoir des yeux aussi noirs que pouvaient être les nôtres durant cette nuit. Elle me sourit étrangement, et balance violemment sa tête au rythme des basses que crachent son enceinte. Arrivée à  son arrêt, elle la jette à  un homme qui la récupère. L'amie de ce dernier le regarde et esquisse un sourire amer : "Ils n'ont même pas dit merci." Il répond d'un air las, les yeux dans le vide : "C'était prévisible. Tu as vu où on était ? Là -bas, ce ne sont que des fils de pute et des bourges sans rien dans le crâne."


Mes amis et moi nous parlons à  peine, et nous rentrons chez nous. Depuis que nous sommes redescendus, nous avons à  peine lâché quelques mots. Je ne me formalise pas, et rentre. Avons-nous atteint un certain point de non retour dans notre groupe ?


C'est la question que j'occulte. Et que je souhaite continuer à  ignorer tant que nous nous verrons toujours ensemble, sans rien prendre. Et que nous passons malgré tout un bon moment. Avec ou sans un petit bédot, un peu de vin, et les milliards de sujets qu'il nous restera toujours à  aborder.

Catégorie : Trip Report - 19 juillet 2016 à  16:47



Commentaires
#1 Posté par : Rapture 19 juillet 2016 à  17:22
Point de non retour ? On peu toujours faire demi-tour, mais je pense que vous en arrivez à  un point ou ça va devenir glauque si ça continue comme ça. C'est cool que tu t'en rende compte maintenant et que tu vienne nous l'écrire, que tu te rende compte que vous vous mentez un peu à  vous mêmes.
Retissez des liens concrets avec ces "envies et projets, l’ œuvre que vous alliez tous ensemble finir par créer", et faites l'impasse sur la MD pendant quelques temps, 1 mois entre chaque prise c'est bon une période mais pas toute une vie.

Il est jamais trop tard, mais quand vient le moment de voir la vérité en face, il faut avoir la force de ne pas se détourner.

Prenez soin de vous et rave on

SOYCD (Billx - Eclipse)

 
#2 Posté par : bighorsse 20 juillet 2016 à  12:00
la croisée des chemins: continuer avec eux sur le mode "relation de défonce" le produit définissant peu à  peu qui sera attendu, qui sera mis de coté; qui sera le roi de la soirée etc..le plus riche ou le mieux branché....ce sont eux les rois dans les relations de défonce ; c est "logique" puisque le produit à  pris le plus de place dans vos vies
ou alors vous refusez cette "fatalité" et vous en discutez ensemble ; vous redéfinir en qq sorte...et mettre le fournisseur en dehors de votre cercle ..ou alors ce serait chacun son tour..
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La croisée des chemins

 
#3 Posté par : sheerandsteep 20 juillet 2016 à  12:48
Bonjour Rapture et Bighorsse.

Après avoir repensé à  cette soirée en détail et écrit ce texte, j'ai pris une décision de mon côté

Je fais l'impasse sur la D pour cet été et une bonne partie de l'année prochaine, en particulier si c'est avec eux. Ma conso de psychotropes en tous genres a toujours été très personnelle et jamais afin de prouver quoi que ce soit à  quiconque sinon à  moi-même; peu de mes proches sont au courant que j'ai une quelconque expérience avec les prods. De surcroît, je ne pense honnêtement pas vraiment en avoir besoin, j'ai tenu 3 ans depuis que j'avais commencé, cela sans y retoucher, ou de manière extrêmement rare.

Quant à  eux... Ce sont quelques uns de mes amis les plus proches, et j'ai désespéré de nous voir ainsi ce samedi soir. Toutefois je ne me risquerai jamais à  leur imposer un quelconque choix de vie, et si physiquement et mentalement ils vont toujours bien, je préfère les laisser faire ce qu'ils veulent ; ils sont loin d'être bêtes et inconscients, et ce sont de grands garçons. Je ne pense pas leur en parler, ou sinon un à  un et essayer de leur faire comprendre, mais sans le dire, si je constate que tout cela s'empire.

En espérant que ce n'est qu'une passade, et que notre groupuscule n'éclatera pas à  cause de telles bêtises...

 
#4 Posté par : HeavenB 20 juillet 2016 à  20:04
J'ai presque eu la larme à  l'oeil parce que j'ai vécu presque la même chose avec 3 amis.

On s'était rencontré au lycée il y as quelques années, on avais sympathiser et on as découvert les teufs, les soirées et la drogue tous ensemble.

On étais hyper fusionnel et on vivais exactement la même chose, malheureusement ça à  très mal terminé et à  la fin la drogue était devenu notre seul point commun... C'est vachement triste, et même si ça m'arrive d'y repenser, j'essaye par égoïsme et hypocrisie de me faire une raison en les détestant parce que ça me ferait trop mal de penser à  eux en les aimant.

Plus aucun d'entre nous n'as de contact avec l'autre hmm

 
#5 Posté par : DVA5-2Tls 22 juillet 2016 à  15:11
Bof', moi ça ne me paraît pas trop étonnant, puisqu'il m'est arrivé des choses à  peu près similaires à  une époque quelconque d'ailleurs; il n'y avait pas encore de "prods" sur le marché, alors on carburait avec la poudre qu'on trouvait, en IV mais pas beaucoup trop plus qu'une fois par semaine.

Et on passait la soirée ensemble pour se défoncer et pas grand chose d'autre.

Maintenant ce sont restés de super-potes, dont un a été mon témoin de mariage avec plusieurs autres présents pour l'occasion, et on peut se revoir malgré quelques centaines de kilomètres.

Mais oui il y a une certaine forme d'habitude, qui n'est pas forcément malsaine d'ailleurs, puisque ce sont des gens qu'on apprécie, et que "le lien"... ça compte quand même un peu !

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