’AFFIRMATION: «J’ai entendu parler à la radio d’un changement dans les lois concernant la conduite automobile et l’alcool. Il semblerait que la loi dit maintenant que l’on doit rester sobre durant deux heures APRÈS avoir conduit. Est-ce seulement une rumeur?» demande Denis Michaud, de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. On a vérifié. LES FAITS
Il s’agit effectivement d’une «rumeur», mais elle a quand même un fond de vérité. Dans le Code criminel, l’article 320.14 interdit à quiconque de conduire lorsque ses facultés sont affaiblies par l’alcool ou la drogue, et son alinéa b) parle effectivement l’alcoolémie après la conduite. Il se lit comme suit :
«sous réserve du paragraphe (5), [une personne commet une infraction si elle] a, dans les deux heures suivant le moment où il a cessé de conduire un moyen de transport, une alcoolémie égale ou supérieure à 80 mg d’alcool par 100 ml de sang [ndlr : c’est le fameux 0,08]».
Dans des documents explicatifs de Justice Canada, on apprend qu’il s’agit d’une nouvelle disposition qui est entrée en vigueur en décembre dernier. Le but visé était d’empêcher ce que les milieux juridiques appelaient la «défense du dernier verre».
«Il arrivait que des gens soufflent à 85 ou 90 mg rendus au poste de police [donc après la conduite, ndlr], mais comme ils avaient bu un ou une couple de verres juste avant de prendre leur auto et que l’alcool prend du temps avant de passer dans le sang, la Couronne ne parvenait pas à prouver qu’ils dépassaient la limite au moment de la conduite», explique l’avocate de la défense Myralie Roussin, du cabinet de Québec Beaudry Roussin Avocats. Mais il est évident, admet Me Roussin, que «ce n’est pas logique de prendre un dernier verre juste avant de partir, ce n’est pas ça, l’esprit de la loi».
«Il n’était pas rare non plus que des gens qui avaient fait un accident viennent dire : «J’ai consommé de l’alcool après l’accident parce que j’étais stressé», et là la poursuite n’était pas capable démontrer qu’ils dépassaient la limite permise au moment où ils conduisaient», ajoute Me Roussin.
C’est pour mettre un terme à ce genre de défense que le Code criminel a été changé.
Cependant, ce n’est pas là toute l’histoire : ce nouveau passage de la loi, comme on l’a remarqué, commence par «sous réserve du paragraphe 5». Alors qu’y a-t-il dans ce paragraphe 5? Ceci :
«Nul ne commet l’infraction prévue à l’alinéa [qui parle de la période de 2 heures] si, à la fois :
a) il a consommé de l’alcool après avoir cessé de conduire le moyen de transport;
b) il n’avait pas de raison de croire, au moment où il a cessé de conduire le moyen de transport, qu’il aurait à fournir un échantillon d’haleine ou de sang;
c) sa consommation d’alcool concorde (...) avec une alcoolémie inférieure à 80 mg d’alcool par 100 ml de sang lors de la conduite.»
Il faut vraiment que ces trois conditions soient réunies pour se soustraire à l’alinéa b), dit Me Roussin.
Mais cela signifie essentiellement que non, une personne qui boit modérément ou pas du tout lors un souper chez des amis n’a pas besoin, une fois revenue chez elle, d’attendre deux heures avant de se verser un généreux night cap (ou même deux). Cependant, quelqu’un qui ferait un accrochage proche de sa résidence et qui irait attendre les policiers chez lui en s’ouvrant une bière ne pourrait pas invoquer le paragraphe 5, parce que l’accrochage implique qu’un test d’haleine pourrait s’en venir. De même, si cette même personne avait un taux d’alcoolémie très élevé (disons 200 mg), le paragraphe 5 ne lui serait d’aucune aide parce que la bière ouverte après son retour à la maison ne peut pas expliquer à elle seule son taux de 0,200.
LE VERDICT
Faux. Il y a bien un passage du Code criminel qui parle de «deux heures suivant le moment où [l’on] a cessé de conduire», mais il n’interdit pas de boire une fois arrivé chez soi. Il vise surtout à éliminer la défense du dernier verre et un autre passage exclut explicitement les gens qui n’ont pas conduit en état d’ébriété et qui arrivent chez eux sans encombre.
+source jfcliche@lesoleil.com