L’alcool était la seule molécule qui ne m’avait jamais trop intéressée jusqu’à présent. Déjà jeune, vers quatorze-quinze ans, je lisais des trucs sur le LSD très intriguée (sans penser que j’en prendrais un jour pour de vrai, donc c’est assez marrant finalement) alors qu’on me faisait lire ces choses en guise de prévention pour que je n’y touche jamais de ma vie, sûrement, très ironique. Mais l’alcool, quant à lui, il ne m’intéressait pas spécialement, voire me rebutait. Il faut dire que le goût ne m’intéressait pas plus que ça, l’idée de devoir m’enfiler une certaine quantité d’un liquide pour avoir quelques légers effets enivrants sans plus ne m’intéressait guère. En plus avoir déjà vu mes parents, oncles, tantes, grands-parents un peu pompettes ou carrément bourrés en repas de famille alors que j'étais assez jeune m'avait exaspéré au plus haut point. Voir ses parents minables bégayer, ne pas marcher droit et les border pour qu'ils décuvent, je ne sais pas, ça a créé en moi une sorte de dégoût pour l'alcool. Je ne voyais pas l’intérêt de boire un liquide au goût mauvais pour potentiellement un peu d’ébriété sans plus de certitude (c’était vraiment mon raisonnement intérieur jusqu’à il y a peu). J'avais goûté un verre en repas de famille ou une bière en soirée à seize ans, mais sans plus. Puis j'avais été hospitalisée pour des problèmes de santé et je n'avais pas touché une goutte d'alcool jusqu'à mes vingt ans, et même là, ça restait rare. Dans mon entourage, mes amis proches avaient tous eu une période "alcool" et même des problèmes d'addiction avec, pendant que j'étais hospitalisée, alors ils l'avaient banni de leurs soirées et à mon retour parmi eux, j'avais pris l'habitude qu'il n'y en ai pas, et ça ne m'attirait pas, donc je n'étais pas choquée. Juste une ou deux fois en fréquentant d'autres cercles, j'ai découvert que j'y avais une bonne résistance, alors j'ai vite compris que je n'étais pas rentable en matière de coût et surtout de quantité à boire de liquide au goût qui ne me plait pas plus que ça.
Fin 2023/Début 2024 : L'arrivée en fanfare de l'alcool dans ma vie
Et puis un beau jour, perdue dans ma vie, j'allais pas au top mais je ne m'en rendais pas compte, je voulais rencontrer des gens et sortir, fuir la fac, fuir l'appartement, fuir le quotidien. Après avoir commencé à rencontrer des gens qui sortaient en bar et avoir commencé à les suivre d'abord une ou deux fois dans le mois, puis toutes les semaines, j'ai commencé à boire plus souvent et mieux comprendre les effets des différents alcools sur moi. Un beau jour, je me suis retrouvée à encaisser des verres avant de sortir seule dans un petit bar underground connu pour organiser des soirées techno en milieu de semaine avec des artistes locaux, juste après ma rupture.
Donc en résumé j'ai commencé réellement l’alcool quelques mois avant et là je m'enquille des tonnes d'alcool avant de sortir pour un peu de rentabilité financière. Et ça se dit "j'ai pas de problèmes avec l'alcool" pour se rassurer. J’ai arrêté la fac suite à un burn-out, nous sommes en début janvier, et je ne fais rien avant le mois d’octobre, alors à quoi bon rester enfermée ? J'ai besoin de m'occuper, de changer d'air, être enivrée, ne pas être sobre. Je sors juste pour me dédouaner en pouvant dire haut et fort que je ne bois pas seule chez moi, mais ça revient au même : je bois seule avant de sortir pour juste ne pas être sobre. J’ai eu peur de l’accoutumance, peur de l'addiction, peur que l’alcool me fasse moins effet à dose égale, que je doive toujours boire plus, mais je n’ai pas trop vu de changement là dessus, ça va, même plutôt le contraire au final, car j’ai replongé dans les troubles du comportement alimentaire, mais j’étais dans le déni encore et c'était clairement pas une bonne chose, ça ne m'a pas aidée, je me suis mis dans de ces états parfois.
Je commençais à associer inconsciemment l’alcool à quelque chose qui me rendait plus sûre de moi, plus belle aux yeux des autres, plus séduisante et qui m’excitait. C’est drôle que les gens associent plutôt la MDMA à être tactile ou plus propice aux rapports physiques ou sexuels, mais justement la MDMA ne m’a jamais rendue comme ça. La MDMA me rend molle comme de la guimauve, je parle beaucoup, je rigole, je suis ramollie mais réveillée à la fois, je fais le clown, quelques câlins avec mes amis proches, mais rien de plus. L’alcool, c’est autre chose : je ne le sens pas monter, mais je le sens taper dans mon crâne trop tard, je le sens remuer mon estomac et me rendre nauséeuse, mais je tiens le choc. Je découvre donc réellement l’alcool à 22 ans. J’ai invité des gens chez moi que je n’aurais pas invité, j’ai accepté d’embrasser des gens que je n’aurais jamais embrassé, je ne regrette pas pour autant, mais je me dis que c’est curieux comme molécule (et aussi que j’aurais très bien pu mal tomber avec du recul). Elle peut faire rire les uns, pleurer les autres, pousser certains à se battre et donner envie de sexe à d’autres. J’ai l’impression de mieux me maîtriser et d’être plus moi-même, de moins oublier ce que je fais ou dis sous d’autres substances, l’alcool commence à m’effrayer comme il avait commencé à m’intriguer pour ces raisons.
Moi qui pouvait ne pas boire pendant six mois et me faire une beuverie ou deux max avant de repartir en abstinence, je me suis retrouvée à boire deux voire trois fois par semaine. J’étais une légende pour mes amis : je pouvais m’encaisser pas mal d’alcool sans vomir alors que je ne buvais jamais à l’origine et que je commençais à boire depuis peu. Je ne sais pas si c’est une compétence, mais j’ai juste l’estomac bien accroché ou je fais juste très bien semblant d’être sobre ou que j'ai le lâché prise plus difficile que le commun des mortels ? Je ne sais pas.
Je me rappelle de l’une des dernières soirées où j’ai bu. Pour rappel, j'avais déjà rechuté dans mes troubles alimentaires, mais j’étais encore dans un bon gros déni. L’alcool ne m’aidait pas, je le répète (histoire de moi aussi bien enregistrer l'info). Le lendemain matin, huit heures du matin, je m’étais réveillée encore maquillée, encore à l’ouest, allongée sur le tapis chez moi. Premier black-out ou perte de mémoire liée à l'alcool. Je ne savais pas si c’est ma sous alimentation ou l’alcool qui tapait encore, mais je ne ressentais pas de mal de crâne comme les gens décrivent en gueule de bois Je me sentais juste complètement à l’ouest. Oublis de quelques légers détails de la veille, mais à priori pas de mise en danger particulière. J'ai envoyé un message aux deux copines avec qui j'étais la veille, elles me confirment que j'ai juste oublié le trajet retour et l'instant où je suis rentrée me coucher, ouf. J’ai mieux compris à ce moment là ce qui m’effrayait dans l’alcool : une perte de contrôle, ne pas être moi-même et oublier. Comme réveiller un esprit qui n'est pas vraiment moi, un démon tapi en moi qui aurait le pouvoir potentiel de gâcher ma vie. J’avais bu plus de la moitié d’une bouteille de vodka avant de partir, 6 shots sur place et un peu de bière qu’on m’offrait ici et là. Bon, déjà ce lendemain de soirée a amorcé une première réflexion en moi sur : "Et si on calmait le jeu avec l'alcool ?".
L’alcool contrairement à d’autres substances me provoque des haut-le-coeur et maux d’estomac, une tête qui tourne sur le moment les fois où j’ai trop forcé sur la bouteille. Mais je commence à me reposer la question même si on ne compare pas forcément les produits psychoactifs entre eux de l’ironie de la légalité de l’alcool face à d’autres produits prohibés, ou même simplement vus comme déviants par le commun des mortels. Je ne dis pas qu’ils sont bons pour la santé pour autant ou meilleurs, simplement que l’alcool était plus destructeur que ce que je pensais au premier abord. J’avais commencé à le consommer pour sortir beaucoup tout en espaçant ma consommation de substances illicites, sans pour autant être sobre et au final, c’était un peu hypocrite de ma part.
...La fin ? Le mélange fatal alcool et médocs
[oxazépam/fluoxétine (seresta/prozac)]
Et il y a eu ce fameux soir. Je venais de commencer mon traitement médical, quelques anxio et anti-dépresseurs pour tenir le coup, relativiser, reprendre goût à la vie, redevenir le petit rayon de soleil que je suis d'habitude et arrêter de me laisser crever de faim. Je savais que le mélange avec l’alcool n’était pas à faire. Mais j’ai sous-estimé les dangers de ce dernier, en d'autres termes, j'ai voulu apprendre par l’erreur. Je ne devais boire qu’une bière, mais mon ami a oublié les bières. Alors, en rigolant, j’ai dit : « C’est pas grave, j’ai du Bailey » et c’est là que ça s’est gâté. Un premier shot vers 22h s’est transformé en deux, puis en trois et nous n’avons plus compté. Nous sommes partis pour notre soirée en bus, lui bien attaqué par l’alcool et moi juste un peu enivrée, joyeuse, comme j’aime bien le dire. Une fois sur place, la soirée bat son plein : je passe sans soucis la barre de minuit, et même les 1h du matin. Mais subitement vers 1h30, je me sens mal, je me sens nauséeuse comme jamais. Je vois trouble et je ne sais plus si c’est le manque de nutriments, l’alcool ou…le mélange d’alcool et de médocs…? Purée, je l’ai sous-estimé, celui-là. Une vraie bombe à retardement : à l’heure où habituellement les gens commencent à redescendre niveau état d’ébriété s’ils ne reprennent pas un verre, je continue à monter, mais pas dans le bon sens : ça monte en moi d'un coup comme le magma qui gronde à l'intérieur d'un volcan. Moi qui n’ai jamais été dans le mal à cause de l’alcool, je tire sur la manche de mon acolyte pour lui faire comprendre que je me sens mal. Nous sortons dans l’espace extérieur et je m’allonge à côté de lui en lui tenant la main. Il me donne un peu d’eau, je peine à la boire, mais je sais que j’en ai besoin. Je tente de me relever, je n’y arrive pas, je dois rester le corps allongée sur le banc. Mon ami reste là à mes côtés, il me parle et me rassure. Un groupe de filles vient nous voir demander si je vais bien et s’assurer que je connais bien l’homme à mes côtés, mon ami, que ce n’est pas un mec mal intentionné (j’ai repris un peu foi en l’humanité d’ailleurs de me dire que des inconnues soient venues demander ça). Je n’ai aucun black-out, je me souviens de tout, et surtout que tout était si long. L’heure la plus longue de ma vie, si je puis me permettre, je voulais plus que tout vomir, mais mon corps n’y arrive pas (sans être spécialement émétophobe, j’ai rarement vomi dans ma vie, je ne sais pas mon corps se refuse à vomir ou n’y est morphologiquement pas ou peu adapté ? Je n’en sais rien, mais depuis l’enfance ça se compte sur les doigts d’une main le nombre de fois où j’ai dégluti). Mon ami me chuchote dans l’oreille des « Ca va aller. » ou des « Reste réveillée, tiens le coup. » en me caressant les cheveux ou en serrant ma main de temps en temps pour me rassurer. Puis quelques minutes plus tard, sans que je ne comprenne, il m’aide à me relever et titubant en m’appuyant sur lui, je tente d’ouvrir la bouche pour lui dire : « On va où ? », mais là, je vomis. « Peu de nutriments, beaucoup de flotte » me dira mon ami le lendemain en m’engueulant gentiment de ne pas avoir assez mangé la veille et d'avoir menti avant la soirée sur ce que j'avais mangé. Je me souviens que des inconnus à la sortie ont applaudi et je me suis sentie humiliée, mais mon ami bienveillant et preux chevalier a dit : « On s’en fiche, viens, j’ai appelé Max, il est venu nous chercher en voiture. ». Max est son colocataire, il était réveillé et a pu venir en urgence nous chercher. C’est là que je me suis dit que j’avais la chance d’être si bien entourée et surtout : plus jamais les anxio et l’alcool.
Pour conclure : Comme toujours, c'est la dose qui fait le poison. L'alcool n'est pas forcément quelque chose à bannir ou proscrire, chacun se gère. Juste j'en retiens que je pense l'apprécier à une certaine dose pour être un peu enivrée mais sans plus son goût et les maux d'estomac et nausées qu'il me procure font que cette substance ne m'attire définitivement pas tant que ça. De plus mon expérience de mélange avec les médicaments m'aura servi de leçon, ça aurait pu se finir bien plus mal cette histoire, alors je m'en sors bien et je m'en estime heureuse. Et quand bien même certains veulent se "mettre une race", grand bien leur fasse. En tout cas, pour l'instant, "ma drogue" ce sont les médicaments qui me maintiennent et me redonnent progressivement goût à la vie. Eux aussi sont psychoactifs, ne l'oublions pas. Et on relance l'éternelle et répétitive question : Pourquoi l'alcool est-il plus facilement toléré en société qu'un carton de LSD ou un cachet d'ecstasy ? Pourquoi mon Inhibiteur Sélectif de Recapture de la Sérotonine peut-il m'être prescrit si facilement alors que les essais de thérapie à la psylocibine font encore tant débat ? Pourquoi pénaliser l'usager ? Pourquoi prohiber certaines choses et fermer les yeux sur d'autres ?
Catégorie : Carnet de bord - 25 mars 2024 à 09:37
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