Blogs » psyr » 

In extrémis (4) 



.. Elle est partie, reprit sa route et je trouve finalement une solution pour m'extirper de là

« J'aurai voulu te raconter cette explosion qui couvait depuis longtemps, qui a pris des proportions effrayantes après ton départ, d'une puissance sans failles. Lorsque tu as pris la route, j'ai titubé après tes phares, un sourire triste collé aux lèvres, l'esprit en ébullition. Retrouver les potes qui sont encore là, faire une énième partie d’échecs - avec beaucoup trop de kétamine - la seule que je perdrais de la saison, peut être ma seule fierté de ces 3 semaines. Et puis ils partent se coucher, petit à petit, me conseillent d'en faire autant, de prendre soin de moi. Je me retrouve seul, essaie d’aller chercher une dernière bière, après un poto effrayant de kétamine mélangé à des restes de speed. Et là je tombe, me retrouve à genou, j'implose totalement, avec de la morve jusqu'au sous-sol, à hurler en silence. Terrifié et fasciné par l’abîme que tu laisses. Me seriner que tu sous-estimes l'impact que tu as eu sur ma vie, que tu m'as profondément transformé et que je ne regrette rien malgré la douleur du passé. Et que si c'était à revivre, je le referais.
Je dois désormais faire disparaître cette dépendance affective. Accepter de ne plus t'être aussi important. Réaliser que tu es plus épanouie que lorsqu'on essayait d'être ensemble, l'encaisser. Transformer cette boule de pureté pour pouvoir la partager au reste du monde, pour essayer de rendre les choses plus belles autour de moi me défocaliser de ton petit corps que j'aime tant, qui lui aussi a vieilli, qui porte les stigmates de ton auto-maltraitance. Et prendre soin de ma grande carcasse pleine de tout et de trous.
Je préfère parler sans filtres, parce que les filtres ça s'encrasse.
Merci d'être venu me voir hier, avant de partir, et d'avoir fait de ton mieux, ça m'a fait du bien. Même si sais déjà que le temps déformera cet échange, petit à petit, grignotant le positif, pour en faire une excuse de plus pour me déglinguer.
J'espère qu'on se reverra pour se fendre la gueule sans se faire mal. Et la ferme brûlée continuera de m'appeler, parce que j'aime cet espace de liberté et ces gens et ce qu'on est capable de faire tous ensemble.
J'arrête là, je pourrais te parler des heures mais je ne veux pas tout gâcher. L'essentiel a été dit, je te laisse tranquille »

Ça, c’était la théorie du moment.

Une amie est venue me tirer de cet enfer où j’étais en train de tomber. Je lui dois la vie, elle s'est cognée 8h de train et enchaîné sur 12 heures de route, pour me ramener ma voiture et moi dans un lieu neutre et apaisant. Après 3 semaines de consommation excessive d 'amphet', de kétamine, méthadone, de coke, d'héroïne et bien sur d'alcool et cette putain de douleur à la jambe qui rend ma démarche effrayante, je me dis que j'ai de la chance, que pars pour un endroit où me reconstruire, sur de meilleures bases.
Mais cette douleur, qui me fait parfois hurler en me mordant les poings jusqu'au sang, m'obsède. Elle qui m'oblige à m'allonger 4 à 5 fois par jours, une bouillotte brûlante sous le cul pour la rendre à peine supportable. J'arrive à bricoler des trucs, à mon rythme. Le lieu où j'ai échoué est parfait, rempli de bienveillance, je me considère en convalescence forcée. Je cherche un doc', un kiné, un suivi addicto, d'autres solutions.
Mais ça monte, de plus en plus fort. Cet amour inutile, la colère, la violence, la culpabilité, les souvenirs, le réel qui se déforme.
Jouer aux échecs en écoutant la radio ne me suffit plus. Je n'arrive plus à lire. Je ne suis pas assez fort pour m'affronter. La cortisone, les anti inflammatoires et l'acupan ne font que dalle. Le valium et la gnôle me permettent de dormir, un peu, avant que les cauchemars ne me rattrapent. Ces rêves maudits où je rêve d'elle, chaque réveil est une torture, physique et psychique.
J'ai promis à l'amie qui m'a ramené ici que j'allais tenir, ne pas dérailler, elle est partie pour un mois, en résidence artistique. Mais voilà, il n'y a que qui me soulage, un peu, alors j'en prends de plus en plus, en scred'. Me retrouve dans des états minables, à 2 doigts de tomber dans ma pisse, parce que ma jambe lâche, que la douleur est trop forte et que je suis totalement défoncé.
Je tourne parfois en rond pendant des heures dans cette petite caravane, à la lueur rouge de ma frontale. Je commence à comprendre ce que 'folie' peut vouloir dire. Je gratte aux portes de l'enfer qui commence à déverrouiller la porte.
Alors aujourd'hui j'ai revu ce doc'. Un des rares qui écoute jusqu'au bout, sans jugement. Je lui déballe tout, ma peur de vriller, que je ne veux plus de morphiniques. Alors on discute longtemps et m'en propose quand même et j'ai accepté. Avec une envie de chialer et mon démon qui se frotte les mains.
On recommence comme il y a 3 ans, en plus fort. Tant la douleur est ingérable. 60 de sken', du valium et de la duloxétine (chouette, un nouveau jouet !). ''Essayez de ne pas détourner la morphine''. T'inquiète, ma gueule, je sais bien y faire. '' Et attention à l'alcool''. Hihi, évidemment, compte là dessus, j' touche pas mal en RdR, encore plus en auto destruction.
Repris dans la spirale, avec cette fois la conscience de ce qui m'attend. L'angoisse de devoir retourner chez moi un jour, parce que c'est insupportable de se sentir invalide aux yeux des autres. La bataille administrative avec la sécu. En parler aux potes qui croyaient en moi, sans avoir l'air défaitiste. Contacter SAFE (que je remercie infiniment au passage), pour récupérer du matos et détourner mes gélules de sken, pour plus de 'plaisir'.
Un pas après l'autre dans cet océan de merde, avec pour seul fil d'Ariane, se persuader qu'il reste encore 1 ou 2 trucs qui valent le coup.
Ma bouillotte refroidit, et pis c'est bientôt l'heure d'une dose.



"Pourvu que les bouddhistes se trompent", je me tatouerais cette phrase de Larcenet sur la jambe, et pas en propre, non, je veux une écriture agressive, trash, en scarf. Car j'ai l'impression que la mémoire génétique existe. Que ce que je vis et revis, est déjà arrivé, par le passé, avant cette vie. C'est probablement la qui commence à me donner des idées un peu mystique, loin du rationnel que j'ai pu être. Mais j'ai l'intime conviction que, d'une vie à l'autre, les schémas se reproduisent. Et j'ai besoin de croire, de savoir, qu'après cette vie, j'aurai enfin le droit au repos, au néant, à flotter dans le vide sans conscience aucune.
Je ne compte pas mettre fin à mes jours hein, j'ai encore trop de trucs à faire, mais le jour où la dame en noir passera me voir, avec ses orbites sans regard, j'espère que ce sera la dernière fois, pour mettre fin à ce tourbillon de sensibilité qui m'écorche vif.

Catégorie : Carnet de bord - 27 août 2024 à  00:00



Remonter

Pied de page des forums