Blogs » psyr » 

In extrémis (4) 



...
« J'aurai voulu te raconter cette explosion qui couvait depuis longtemps, qui a pris des proportions effrayantes après ton départ, d'une puissance sans failles. Lorsque tu as pris la route, moi titubant après tes phares, retrouver les potes, faire une énième partie d’échecs avec beaucoup trop de kétamine, la seule que je perdrais de la saison. Et puis les autres partent, petit à petit, je me retrouve seul, essaie d’aller chercher une dernière bière. Et me retrouve à genou, avec de la morve jusqu'au sous-sol, à hurler en silence. Terrifié par l’abîme que tu laisses. Me dire que tu sous-estimes l'impact que tu as eu sur ma vie, que tu m'as profondément transformé et je ne regrette rien malgré la douleur du passé.
Je dois désormais faire disparaître cette dépendance affective. Accepter de ne plus t'être aussi important. Réaliser que tu es plus épanouie que lorsqu'on essayait d'être ensemble me suffit. Transformer cette boule de pureté pour pouvoir la partager, pour essayer de rendre les choses plus belles autour de moi. Et prendre soin de ma grande carcasse pleine de tout et de trous.
Désolé de niaiser mais je préfère parler sans filtres, parce que les filtres ça s'encrasse.
Merci d'être venu me voir hier, avant de partir, et d'avoir fait de ton mieux, ça m'a vraiment fait du bien.
J'espère qu'on se reverra pour se fendre la gueule sans se faire mal. Et la ferme brûlée continuera de m'appeler, parce que j'aime cet espace de liberté et ces gens et ce qu'on est capable de faire tous ensemble.
J'arrête là, je pourrais te parler des heures mais je ne veux pas tout gâcher. L'essentiel a été dit, je te laisse tranquille »

Ça, c’était la théorie du moment.

Une amie est venue me tirer de cet enfer où j’étais en train de tomber. Amphet', kétamine, méthadone, alcool à flot et cette putain de douleur à la jambe toujours, qui me fait parfois me mordre les poings jusqu'au sang. Obligé de m'allonger 4 à 5 fois par jours, une bouillotte brûlante sous le cul. Ça la rend juste supportable. J'arrive à bricoler des trucs, à mon rythme. Le lieu où j'ai échoué est parfait, rempli de bienveillance.
Mais ça monte, de plus en plus fort. Cet amour inutile, la colère, la violence, la culpabilité, les souvenirs, le réel qui se déforme.
Jouer aux échecs en écoutant la radio ne me suffit plus. Je n'arrive plus à lire. Je ne suis pas assez fort pour m'affronter encore. Les anti inflammatoires et l'acupan ne font que dalle. Le valium et la gnôle me permettent de dormir, un peu, avant que les cauchemars ne me rattrapent.
J'ai promis à l'amie qui m'a ramené ici que j'allais tenir, elle est partie pour un mois. Mais voilà, il n'y a que qui me soulage, un peu, alors j'en prends de plus en plus, en scred'. Me retrouve dans des états minables, à 2 doigts de tomber dans ma pisse, parceque ma jambe lâche, que la douleur est trop forte et que je suis totalement défoncé.
Je tourne parfois en rond pendant des heures dans cette petite caravane, à la lueur rouge de ma frontale. Je commence à comprendre ce que 'folie' peut vouloir dire. Je gratte aux portes de l'enfer qui commence à déverrouiller la serrure.
Alors aujourd'hui j'ai revu ce doc'. Un des rares qui m'écoutent, jusqu'au bout. Je lui avais dit que je ne voulais plus de morphiniques, mais j'ai peur de vraiment partir en couilles. Alors il m'en a proposé et j'ai accepté. Avec une envie de chialer et mon démon qui se frottent les mains.
On recommence comme il y a 3 ans, en plus fort. Tant la douleur est ingérable. 60 de sken', du valium et de la duloxétine (chouette, un nouveau jouet !). ''Essayez de ne pas détourner la morphine''. T'inquiète, ma gueule, je sais bien y faire. '' Et attention à l'alcool''. Hihi, évidemment, compte là dessus, j' touche pas mal en RdR, encore plus en auto destruction.
Le cycle recommence, avec cette fois la conscience de ce qui m'attend. L'angoisse de devoir retourner chez moi un jour, parceque c'est insupportable de se sentir invalide aux yeux des autres. La bataille administrative avec la sécu. En parler aux potes qui croyaient en moi, sans avoir l'air défaitiste.
Un pas après l' autre dans cet océan de merde, avec pour seul fil d'Ariane, se persuader qu'il reste encore 1 ou 2 trucs qui valent le coup.
Ma bouillotte refroidit, et pis c'est bientôt l'heure d'une dose.



"Pourvu que les bouddhistes se trompent"

Catégorie : Carnet de bord - Aujourd'hui à  00:00



Remonter

Pied de page des forums