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J'ai cherché, je n'ai pas trouvé 



Moi qui n'avais pas écrit depuis des années, me voilà face à mon deuxième blog. Il faut dire que c'est vachement pratique quand même, mais faut bien squeezer ses neurones.

J'étais toujours inspirée, toujours prête à poser des mots sur les maux, toujours prête à tâcher d'encre mon calepin que je l'étais pour tâcher de sang mes manches. D'un coup tout s'arrête. Je l'ai pas vu venir. Du jour au lendemain, je n'avais plus d'inspiration. Je ne sais pas depuis quand exactement, je sais juste que cela fait des années. Je ne sais pas comment cela s'est fait, uniquement que ça me semble d'avance condamné.

M'asseoir devant une page vide, blanche, sans même un point. Creuser ma tête, mes souvenirs, ma mémoire, mes acquis, à la recherche d'une phrase qui me donnerait satisfaction. Passer du temps à écrire un mot, l'effacer, en écrire un autre puis l'effacer à son tour. Comptant les minutes qui me séparent de la lassitude de l'échec. Je me suis toujours dit que j'avais ça pour moi. Que mes récits resteront à jamais l'empreinte de la vie sur ma vie. Qu'ils seront là pour me rappeler d'où je viens et où je vais comme ce bon vieux dicton. Il n'en est pourtant rien.

Des années de Fluoxetine, Paroxetine, Mirtazapine, Diloxetine, Citalopram, Alprazolam, Tercian, Bromazepam, Clonazepam, Diazepam, Etizolam, Lorazepam, Nitrazepam, Nordazepam, Quazepam, Zolpidem, Zopiclone, Noctamide, Havlane et tant d'autres que ma mémoire n'a plus la capacité de retenir aujourd'hui. Des fois, j'y repense, et je tente de toutes mes forces de retrouver mes souvenirs de cette période. Sans succès. Je ne sais pas si c'est moi qui ait refoulé tout ce qui m'a le plus marquée, ou si je n'ai tout simplement plus la capacité de me créer des souvenirs.

Des années de ces molécules, ça creuse le cerveau et ça gonfle le corps. Quand l'anxiété et l'angoisse vous rongent et que la dépression a fini de creuser votre tombeau dans votre propre coeur. A une époque, quand aucune plaie n'est assez profonde et que les larmes ont séché avant même de couler, j'écrivais. Je purgeais mes maux, en rimes ou en prose, je les posais. Je les voyais, je les lisais, et je les acceptais. Comme si le simple fait d'écrire me faisait prendre du recul. Comme si le simple fait d'écrire était un ami en soit, ce compagnon qui ne juge pas, ce compagnon qui ne vous fait pas la morale, ce compagnon à qui vous racontez vos secrets les plus profonds en sachant qu'il sera loyale. Je l'aimais ce compagnon de route, d'infortune.

A quel moment on s'est dit au revoir, je ne saurai dire. Je l'ai cherché des nuits entières, dans les parcs, sur la route, l'implorant de mes silencieuses prières. Mais il n'est pas revenu. La résignation a pris la place de la détermination, et la solitude est restée seule à remplir le vide. Pendant des années, j'ai compris ce que "silence assourdissant" voulait dire. Je lui ai enfin trouvé la signification que je lui cherchais, parce que je l'ai vécu. Ce silence qui crie au fond de moi, mais qui n'a aucun moyen de s'exprimer. Ce silence solitaire qui ne demande qu'à s'ouvrir, mais qui ne sait à quoi s'accrocher. Je l'ai fait taire, du moins j'ai essayé. Cette voix, qui te répète que tu as perdu. Que la bataille s'est achevée, et que tu n'as pas gagné.

Dur de se dire qu'on a perdu contre soi-même. Dur de se dire qu'on n'a pas su dompter ses propres démons. Dur de se dire que notre force était trop faible pour ne pas se laisser emporter par les illusions. Celles des gens, de la vie, du temps. Celles qui te font croire que la lune est au bout des doigts. Celles qui te convainquent qu'il suffit de tendre la main pour la toucher. Celles qui oublient de te dire que si on n'y est pas au bon moment, on risque de se brûler.

Catégorie : L'enfer c'est les autres - 15 mars 2018 à  00:57

Reputation de ce commentaire
 
Très beau texte et très bien écrit, merci / Away
 
Pas mal



Commentaires
#1 Posté par : Bret Waits 15 mars 2018 à  23:00
J'adore ton texte..
Tu écris bien, continue.. L'écriture est un remède, et tu en as besoin !
Ecrire te permets de te parler et de t'entendre en dehors du bruit de tes remords intérieurs. Parce que les démons intérieurs font un de ces bruits...
Les calmer en les étouffant les fais crier, alors quand tu es trop fatiguée de pleurer et trop triste pour que tes larmes ne prennent plus la peine de couler, l'écriture permets de mettre à plat certaines choses..

Je ne sais pas trop quoi te répondre juste que tu n'es pas seule, et que tu dois te lâcher dans l'écriture ! Ici si tu veux et pour toi en premier ordre..

On cherche tous quelque chose, et rappel toi que il te faut la viser cette lune, parce que même si tu la loupe, tu atterris dans les étoiles..

Tu es la personne avec qui tu passe le plus de temps, considère toi et ta solitude sera moins solitaire. Et écoute toi..

Prends soin de toi ! et écris encore, tu en as les raisons et tu fais ca bien !
Je me suis beaucoup retrouvé en ton texte.. Merci..

 
#2 Posté par : Bootspoppers 29 mai 2019 à  05:35

Wonderland a écrit

ant même de couler, j'écrivais. Je purgeais mes maux, en rimes ou en prose, je les posais. Je les voyais, je les lisais, et je les acceptais. Comme si le simple fait d'écrire me faisait prendre du recul. Comme si le simple fait d'écrire était un ami en soit, ce compagnon qui ne juge pas, ce compagnon qui ne vous fait pas la morale, ce compagnon à qui vous racontez vos secrets les plus profonds en sachant qu'il sera loyale. Je l'aimais ce compagnon de route, d'infortune.

Je comprends tout, je ne comprends rien. Pour la moitié, c'est moi que tu décris, cette citation, j'aurais pu la faire mienne. Et quand je te lis, je vois que tu maîtrise le verbe à merveille. Je n'arrive pas à comprendre comment cette relation a pu se tarir. Je suis impressionné par la liste des produits que tu as consommé. Je ne savais pas. Ton blog m'entraîne dans un univers parallèle au mien et je te remercie parce que tu as les mots pour me faire passer de l'autre côté du mur.

J'ai déjà eu l'occasion de ressentir la puissance de tes mots. Et là j'ai presque peur, à te sentir si différent e et si proche.

J'ai peur, je n'ai pas peur d'avoir peur, j'aime cette sensation qui te prends lorsque tu fais une découverte. Cette sensation qui me prend lorsque je fais une découverte.


 
#3 Posté par : Wonderland 05 juin 2019 à  03:22
Merci Boots pour tes mots touchants. Je t'avoue que je me sens moins seule de trouver un compagnon qui se retrouve, même un peu, dans mon texte.

Aujourd'hui encore je n'arrive pas à comprendre ce qu'il s'est passé. Je ne sais pas si ce sont les médicaments qui m'ont fait perdre une partie de ce que j'étais. Peut-être que ce sont simplement mes mots qui m'ont quittée parce que je n'avais plus rien à dire. Je ne tente que très rarement aujourd'hui d'écrire ce que je ressens, et quand je le fais, je finis très souvent par me sentir plus mal qu'au départ. Contempler mes maux invisibles sans leur trouver de mots pour les matérialiser m'envoyait dans des voyages introspectifs que je n'ai plus la force aujourd'hui d'affronter.

L'époque où j'écrivais encore était pourtant une époque "sombre" de ma vie. Morbide même. Pourtant, à chaque fois que j'y repense, je me sens nostalgique. Nostalgique de ce que j'étais, de ce que j'avais et de ce que je ressentais. Aujourd'hui, comme toi, j'ai peur de ce que je peux découvrir au delà du mur, et cette peur me prend toute mon énergie. Mais je rebâtis brique par brique les ruines du passé, ça prend du temps, je ne sais pas si je serais téméraire mais en tous cas j'essaye.

Ton message m'a donné envie de réécrire, mais je vais attendre un peu, le temps de faire le tri dans le brouillon que sont mes pensées actuellement. Merci en tous cas pour ton passage ici, cela me touche...

 
#4 Posté par : Bootspoppers 05 juin 2019 à  07:18
Ton texte appelle t il un commentaire?
Non.
Ton texte se vit.
***
Rarement en effet ai je lu une situation si différente de la mienne . Et pourtant qui m'enveloppe mystérieusement.
Tu connais "le Vol du Vampire" de Tournier? Il y explique que le grand écrivain est celui dont les textes sont appropriés par le lecteur au point qu'il les lui vole.
Je pressens .... que tu es un e grand e écrivain e.
***

Wonderland a écrit

Je ne sais pas si ce sont les médicaments qui m'ont fait perdre une partie de ce que j'étais.

Moi, les prods m aideraient à écrire. Mais ça pourrait changer.
***
***
Lectrice lecteur du blog de Wonder!
Je commence à ressentir l'étrangeté de sa personnalité. Sa grandeur ses faiblesses.
Son mystère.
Nous sommes nombreus es ici à être mystérieuxses.
J'aime voir nos failles. J'aime y promener mon regard, en ressentir le vertige, en subir la fraîcheur. Je sens que dans ces failles, il y a une Vie. Un Avenir.
Toustes mes amies en ce moment ont des failles. J'essaie maladoitement de les aider... de leur montrer les différentes dimensions de l Univers  .... qui suis-je pour ça?
***
Les prods nous aident souvent.
Parfois ils nous abîment.
***
Lectrice lecteur...
J'ai dévoré les textes de Wonder et j ai fait rentrer sa vie dans mon intelligence et ma sensibilité.
Quand je reverrai Wonder aux réunions Psychoheads ou autres, ça me fera tout drôle.
Parce qu'elle ne sera plus la camarade étrangère et aseptisée socialement qu'elle était avant. Parce que elle et moi nous serons différent e s à mes yeux. Elle n' aura pas changé sans doute.
MAIS ELLE M'AURA FAIT CHANGER.
Et si son mystère me dérange, je sais au fond de moi que c'est mon mystère aussi. Un mystère personnel que je rejette.
***
Ton texte, Wonder, rentre dans ma vie. Comme une douce menace qui est terrible. J ai peur te lisant.
Si tu écris encore, pourtant, je me jetterai sur tes maux dès le réveil.
Avec impudeur, ça c'est moi. Tu n'aimeras peut être pas? Peut être aussi  tu comprendras que l'univers de nos mots est un monde supplémentaire. Comme celui des prods ... aussi fort... comme d'autres mondes encore...

Peut être le sais tu au fond de toi?

In principio erat Verbum.
Et Verbum.erat apud ***.
Et Verbum erat ***.
(Jean 1.1)


 
#5 Posté par : janis 05 juin 2019 à  07:52

Bootspoppers a écrit

Peut être aussi  tu comprendras que l'univers de nos mots est un monde supplémentaire. Comme celui des prods ... aussi fort... comme d'autres mondes encore...

Une phrase clé boots…

Wonder, tu écris vraiment d'une façon percutante et profonde, je t'entends parler quand je te lis.

Tu évolues, sans doute tes conso ont-elles modifié ta façon de concevoir le monde et donc aussi d'écrire, il te faut le temps de t'y faire et de retrouver un nouveau souffle.

Amicalement
Janis


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