La table d'opération c'était comme ça que je la nommais dans ma tête à cause du sérieux avec lequel il l'installait.
C'était généralement quand j'avais fait quelque chose de répréhensible. Des fois je faisais du bruit et des voisins lui posaient des questions.
Une fois c'est quand la sangle s'est emmêlée et que je ne pouvais pas atteindre le sanibroyeur. Une fois c'est quand, par réflexe, j'avais planté mes ongles dans sa peau. Il me les a tous enlevé. Des fois c'était juste parce qu'il avait passé une mauvaise journée je pense.
Il entrait silencieusement. Pas de repas, pas de culottes propres, pas de repas chauds...
Il dépliait la table de camping. Pus il plaçait dessus une corbeille à pain avec dedans une piqure. Je crois qu'il aimait bien l'effet dramatique du son de la piqure sur la corbeille en métal.
Puis il retirait sa cravate et la posait sans la corbeille.
Il disait que c'était LE jour! Le jour où j'allais y passer. Chaque fois j'étais terrifiée, je pleurais ( silencieusement bien sûr ) je suppliais, je le suis pissé dessus plus d'une fois!
Il restait là à me regarder me décontenancer. J'aurais préféré tout le reste à ces moments de silence et de torture.
Puis est venu le temps ou sa table d'opération ne me faisait plus peur.
Et enfin le moment où j'espérais la table, j'espérais que ce serait enfin LE jour.
Tout bien considéré, il ne devait y avoir que de l'eau dans sa piqûre.
La table d'opération à disparue avec ma peur, elle ne servait plus à rien.
La table d'opération elle est en moi maintenant. Chaque fois que je me déçoit, chaque fois que je me plante, chaque fois que je me trouve moche. Je deploit moi même la table d'opération dans ma tête.
C'est vital que je continue a avoir peur de la table d'opération. Quand on a plus peur de la table d'opération, c'est qu'on a plus peur de la mort.
Aujourd'hui et sans
codéine, je recommence à avoir peur de la table d'opération. Je recommence à me préoccuper de ma santé, de mon avenir, de la santé mentale.
La
codéine c'était une maniere de remettre ça a plus tard.
Aujourd'hui j'ai de nouveau peur de la table d'opération. C'est désagréable ce sentiment de panique, de nervosité, sentiment d'echec aussi... mais ne pas avoir ces sentiments, c'est être un fantôme, une morte- vivante qui regarde la table d'opération avec envie.
Je ne veux pas de cette piqure finalement Ludovic, tu peux ranger ta table.