Bonjour, je me permets de poster, en espérant quelques retours, le début de ma tentative de manuscrit la plus longue. Je n'ai pas écrit depuis longtemps, j'ai perdu de la fluidité, et au vu du sujet traité (la
came forcément), je ne peux pas le faire lire à des proches. Si certains ont le courage de me lire (et je vous ai épargnés, j'ai encore plen de pages en stock) votre avis m'intéresserait...
Un regard à la fenêtre.
Elle l'attend.
Impatiemment, c'est le moins qu'elle puisse en dire.
Encore, même s'ils s'étaient promis encore avant-hier qu'ils étaient trop vieux pour ces conneries.
Elle ne peut pas parler pour lui, mais elle croit dur comme fer qu'elle n'a pas d'autre raison de continuer à respirer que celle de l'assouvissement immédiat de son ultime désir. Le seul qu'il lui reste après avoir tout démoli de ses mains.
Cette précieuse vie dans laquelle ses parents avaient réuni les espoirs qu'is ne nourrissaient plus pour eux-même. Caviar arrosé de Champagne, légumes en conserve importés en enclave maghrébine, Oursins et langoustes, Marrons glacés Le Nôtre et macarons Ladurée, les mets les plus délicats ont rempli ce corps, sa chair s'est formée à partir du plus élitiste des régimes alimentaires… Tout ça, pour ça… Pour laisser pourrir un abcès ou deux sur ses bras. Ne plus prier que pour espérer que là haut il n'y a rien… Que la souffrance s'arrête ici-bas.. Que ceux qu'elle aimait ne la voient pas, pas comme ça… Mamie, Papy, Nana et Baba Azizi, écartez-vous de mon spectacle, ce n'en est pas un.
Nana la comprendrait peut-être. Le spectre de l'ivresse alcoolique a poursuivi sa grand-mère paternelle jusqu'à sa dernière nuit parmi nous. Peut-être Nana comprendrait. Nana était la fille d'un ministre désigné à vie à ce poste. Elle n'a connu que les voitures en livrée, les ambassades, les précepteurs... les fastes de l'Orient étaient son Univers, le whisky son essence.
Sa vie était derrière elle, ses amis, chas et autres tyrans destitués depuis longtemps, en ce jour funeste où son fils nous a tous perdus. Notre honneur et notre fortune nous ont quittés. Depuis nous sommes une famille de fantômes zombifiés. Nous nous nourrissons parfois du corps de nos semblables. Comme des vautours on attend la chute de nos anciens alliés, avant de fondre sur eux avec tout le fiel délié des convenances sociales dont nous puissions faire montre. Que ferez vous quand vous n'aurez plus rien d'autre que le souvenir des vôtres et de votre nom? Quand l'infâmie vous touchera de si près que vous deviendrez intouchable? Ce jour-là vous écouterez notre histoire. Vous ne comprendrez peut-être pas comment j'en suis arrivée là , mais vous aurez sûrement une meilleure idée de la vacuité qui m'entoure, de ce vide que je me dois de combler au prix de mon âme.
Et donc je l'attends, lui, je suis « elle », évidemment, même si je ne suis plus.
Je me rappelle encore avoir rêvé.
Je ne me souviens plus de la succession de plans qu'ils soient éthérés, psychédéliques, pigmentés, pastels, volupteux, secs et froids ou en noirs et blanc.
Il subsiste juste une sensation, évaporée, mais de la symphonie ou du silence?
Quel son fait-il quand on rêve?
Ca, je ne m'en rappelle pas.
Des fantômes hurlent autour de moi et aucun son ne sort de ma voix .
Je cours, je coule, je divague et me noie, ce soir je meurs encore sous votre regard amusé. Ce n'est pas qu'une métaphore. Je ne rêve plus depuis longtemps, je somnole, je cauchemarde et je m'éveille, souvent ressuscitée. Un trou suinte littéralement de mon bras. Il me rappelle à ma condition d'aliénée. Pendant qu'une larme coule laborieusement depuis le canal lacrymal jusqu'au coin de mes lèvres, vient le goût du sel et il me souvient…
Toute parcelle de joie, et chaque étincelle de bonheur que j'eûs connu avant m'ont quitté ce matin.
La joie ne reviendra pas.
La vie m'a quittée en même temps que la
sérotonine naturelle.
Un abus de substance, une soirée au
MDMA, et le stock d'une vie de
sérotonine s'écoulera d'un coup… en une vague irrépressible de bonheur qui réchauffe les entrailles et vous fait vous rapprocher de celles de votre voisin en un besoin irrépressible de socialisation, également la conviction de l'aboutissement de la quête d'un nouveau meilleur ami. Et ce en un plaisir auquel aucun orgasme ne ressemble, malgré ce qu'en disent les néophytes, cela n'a rien à voir. Ce bonheur là ne se retrouve pas, même avec la plus experte des call-girls. Les junkies sont des gens tristes, et c'est bien pour ça : leurs récepteurs de
dopamine se sont habitués à une surexcitation chronique et ne réagissent plus aux stimuli du quotidien, aux plaisirs d'une vie de chair et de sang.
En ce sens nous sommes foutus, nous ne reviendrons jamais à l'état d'avant, la normale n'existe plus. Plus un jour ne se passe sans que j'y pense, et je crois bien que la
coke pense à moi tous les jours, elle aussi, en amante attentionnée.
Que Mr Lee ne s'en offusque, j'en demeure une vraie camée avec un gorille sur le dos. Ma dépendance aux opiacées est bien présente depuis une décade. Je n'expérimente plus rien depuis longtemps, je suis piégée à mon propre jeu depuis aussi loin qu'il me souvienne avoir commencé la partie. Elle ne sera finie que le jour où l'on refermera le couvercle de mon cercueil. J'y penserais jusqu'à ma mort. C'est bien pour cela que j'espère qu'il n'y a rien de l'autre côté. TraÎner cette masse de mauvais souvenirs l'espace d'une vie, cela me semble bien assez. Je n'ai aucune inclination pour l'éternité. Je reviens de chez les morts tous les matins, et ce n'est pas un endroit où j'ai envie de traÎner plus que de nécessaire.
Dernière
cigarette, je descends la fumer en bas de l'immeuble, j'attends toujours.
Je n'appelle pas, ça ne servirait à rien, il rentrera aussi vite l'affaire réglée, l'argent retiré contre un gramme de
coke pas trop coupée, bien planqué dans son casque de motard. C'est une bonne planque, dans la mousse de rembourrage. Un jour les flics l'ont même emmené au poste en le laissant ranger son casque dans le top-case. Les cons. Moi, pas une seule fois ils n'ont pensé à me fouiller. Je planque ma toxicomanie dans les tréfonds de mon âme.
J'ai encore l'air d'une vraie bourgeoise. C'est ma seule concession à la société. Je ne sors pas de chez moi sans une couche convenable de maquillage, un coup de fer dans les cheveux, vêtements de marque, perfecto et accessoires ainsi que quelques bijoux hérités, accrochés à ma carcasse. Ca divertit le commun des mortels de la véritable destination de mon être tout entier, l'idée de mon prochain fix sans laquelle je n'aurais même plus la force de me déguiser. Je sais bien que c'est le modeste prix de ma tranquillité. Encore deux pigeons, juste en face. Des gamins de même pas 20ans qui se sont apparemment résolu à attirer mon attention. C'est de ma faute. Mon sac est en haut, les monogrammes avec, ils n'ont aucun moyen de savoir que nous ne sommes pas du même monde. Ils pourraient y regarder de plus près, même s'il parait que la
came conserve, je n'ai vraiment plus l'âge de distraire des bacs à sable.
Ils viennent me demander du feu. Je n'en ai pas, je n'ai que la clope avec laquelle je suis descendue, allumée. Je n'ai vraiment pas envie de jouer, encore moins de discuter. Je remonte les manches de mon blouson blanc aux fermetures rose-gold. Je présente sous le nez du plus grand mon mégot, pour allumer le sien, au bout d'un avant-bras plus vérolé que la surface de la Lune. Non, nous ne sommes pas du même monde. Le grand entraÎne le petit à l'angle de la rue, ils disparaissent enfin. J'espère qu'ils retrouveront le chemin du prochain bac à sable en se souvenant du spectacle de mon bras. La drogue ça peut faire ça.
J'espere que quand ils commenceront à revendre des képas de poudre au coin de la cité avec les barrettes de
shit qu'ils doivent déjà planquer pas loin de leur caleçon ou de leurs chaussettes, ils comprendront qu'il y'a des gens qui n'aiment pas gâcher, qu'ils se l'envoient directement dans la veine, la coco… Et qu'ils comprendront que c'est la merde avec laquelle notre dealer de secours
coupe sa
came qui m'a fait ça… Je parle de mon abcès, pas de ma dépendance, je me la suis faite toute seule.
Je n'échapperais pas longtemps à un séjour à l'hôpital et à une chirurgie orthopédique, ça vaut quand même mieux que perdre un membre. Je le sais bien mais je préfère encore me voiler la face un jour ou deux. Vraiment pas envie de subir leurs conneries à eux non plus. Je suis toxicomane, ce putain de trou douloureux est là pour l'attester à la terre entière, en conséquence on ne me donnera rien d'autre qu'un gramme de
paracétamol contre la douleur. Je suis déjà dépendante à une ordo bi-mensuelle d'une demi page, ils croient vraiment me protéger de moi-même…
Le paradoxe du serment d'hypocrate. Soigner, guérir, oui, mais dans la douleur. Pas comme ça. Pas dans la peine. Je la rejette, la douleur. Je la vomis. Ma vie entière est une tentative d'anesthésie sédative, plus ou moins contrôlée. Ma vie est une fuite en avant, loin de la douleur de l'instant. Même si je sais très bien que demain je me réveillerais dans la même merde. Que la
came n'atténuera plus rien, demain…
Ca implique aussi de devoir revoir la psychiatre qui fait partie d'une équipe d'addictologues sensés vérifier qu'on ne vous laisse pas crever sur place sans votre traitement de
substitution.
En bon drogué entretenu, on vous donnera votre dose de
méthadone ou de
subutex, histoire que vous soyez gérable, par contre un somnifère, un Imovane, un
xanax ou un
valium… Autant demander un shoot de
morphine, vous ne l'aurez pas plus qu'un
tramadol. On assurera juste votre « normale ».
Saleté d'hypocrisie, c'est justement devant le trottoir des urgences de CET hôpital que l'on vient racheter de la
morphine prescrite à des crackers. C'est le même
skenan, qu'en haut sauf qu'eux ont trouvé un médecin complaisant ou ont jugé être tellement irrécupérable par un hypocrateux qu'il a accepté ou décidé de le passer au
skenan. Alors qu'il n'en a pas besoin, vu qu'il vous le revend pour 5Euros la gélule. Vous par contre à qui on aura cureté le bras à la petite cuiller et à qui on reviendra y frotter un coton imbibè d'
alcool, puis du tulle gras TOUS LES JOURS, vous, vous pouvez souffrir.
Je suis ironiquement le rejeton d'une famille de médecins, une clinique porte même le nom de mon cher et défunt grand père, mais jamais je ne mêlerais ma famille à mes problèmes de santé, maintenant tous liés à la défonce.
Quitte à être traitée comme une junkie de caniveau et à souffrir un martyre, à être prise pour une lépreuse vaut mieux que ce soit par des étrangers que par les miens. Ils ne me réserveraient pas d'autre traitement que celui du commun des patients de toutes façons.Il n'y a pas pas de place pour l'empathie chez les professionnels de la santé.
Pourtant, avec le temps, j'ai sorti quelques cadavres des placards, j'ai appris que la dépendance et la maladie mentale hantent d'autres que moi parmi ces illustres miens, mais cela restera le plus grand de nos secrets d'hypocrites en dignes descendants d'hypocrateux. Si j'avais eu mon arbre généalogique entre les mains depuis le début, si j'avais su quel genre de démons combattre parce que j'y étais génétiquement prédisposée, est-ce que cela aurait changé quelque chose. Sûrement pas, ou quand bien même quelle importance puisqu'au final et au fil du mal je suis devenue mon destin. Nous sommes indissociables et j'ai déjà écrit la fin. Mais ce n'est pas pour ce soir.