Nuit ardente. 

«The pre-Socratic Greek philosopher Parmenides taught that the only things that are real are things which never change... and the pre-Socratic Greek philosopher Heraclitus taught that everything changes. If you superimpose their two views, you get this result: Nothing is real.»
Philip K.Dick.

L'impression que le carton était resté coincé dans la gorge était la toute première sensation physique que je ressentais avec le LSD. Elle ne me quittait jamais du voyage. Du buvard, j'en ai avalé des kilomètres carrés et jamais je n'ai vécu de réel bad trip. Ça m'est bien arrivé de subir des moments moins agréables mais je me suis toujours laissée porter par le voyage sans me poser plus de question, sans tenter de maîtriser la chose et sans vouloir conduire le bus.

Le voyage le plus perché que j'ai pu faire m'avait emmené loin, jusque dans la fracture du temps où l'univers tournait autour de trois éléments: les cheveux d'une amie, la casserole de tchaï (Dieu que j'ai le tchaï en horreur) et un troisième élément que j'ai complètement oublié, un truc tout aussi métaphysique que des dreads et une casserole (je dirais une paire de de mouffles).
L'univers c'était donc ça !
Des dreads noires, roses et bleues fluorescent, une casserole sur le gaz et une paire de mouffles. Cet instant doit continuer d'exister, coincé entre 1 seconde et 13,8 milliards d'années.

Je passais une soirée particulièrement solitaire mais pourtant accompagnée. Les mots qui sortaient de la bouche des gens n'avaient plus aucun sens et j'avais conclu très vite qu'il valait mieux ne pas essayer de communiquer avec l'extérieur. J'étais dans un dessin animé, les visages grotesques, les proportions des bâtiments, les droites qui ne l'étaient plus... les règles de la physique avaient été totalement bannies.

En villégiature sur une planète étrangère, je m' octroyais une promenade nocturne. 

J'étais bien, comme assise sur un gros rocher, seule, à observer une nature nouvelle qui s'animait devant moi sans que je n'en fasse partie. C'était très instructif de voir ces formes de vie que je ne connaissais pas, s'agiter sous l'impulsion des basses. C'était amusant de les voir tenter de communiquer avec moi. Certains me semblaient familiers, ils ressemblaient à des gens que je connaissais mais en mal dessinés. Ils avaient l'air bienveillant et m'offraient des breuvages aux parfums inédits.

Je me suis assise longtemps près d'un feu à tenter de capter des bribes de conversation à travers les flammes. La chaleur m'atteignait à peine et le monde semblait heureux, content. Je me suis glissée dans la masse protéiforme qui se mouvait, comme un seul individu, exultant d'allégresse. A un moment j'ai fumé quelque chose, c'était étrange car j'avais l'impression que la fumée passait au travers de mon corps, sans jamais atteindre mes poumons mais quand je soufflais elle sortait pourtant de ma bouche.

Puis le jour à commencé à venir, le décor à se dessiner en petits cristaux qui formaient des sortes de fractales bien agencées représentant un décors cohérent, qui ressemblait, à s'y méprendre, à un paysage familier. Les gens étaient redevenus humains mais leurs têtes étaient sales. Leurs phrases avaient du sens mais il me fallait réfléchir pour les comprendre.

Une fois le soleil bien installé dans le ciel, je me suis allongée sur un petit îlot d'herbe, avec un camarade et on a regardé les nuages. C'était chouette et silencieux, les basses résonnait au loin, on était bien.

Je n'avais jamais, jusqu'à ce soir là, connu une montée si rapide et si puissante. Je n'ai sans doute pas suffisamment remercier l'ami qui, pour fêter son anniversaire avait agrémenté le coca d'une page de trip: Alors merci mon pote pour la ballade, c'était un sacré voyage. De cette nuit ardente je ne garde que des bons souvenirs.