Ce soir, je vais craquer.
Je n'en suis pas très fière, mais j'en ai honteusement hâte. Je m'en suis empêchée tout cet été afin de pouvoir en profiter à nouveau ; ce qui s'est avéré ne pas être si difficile. Je suis pourtant beaucoup sortie tout ce mois d'août, dans des endroits propices à nombre de consommations. Mais ma jeunesse est un atout que j'ai tendance à négliger. Sans rien, je suis parvenue à rester éveillée jusqu'au petit matin, comme hypnotisée par la musique, des nuits entières.
Revenue à Paris, pourtant, le ticket pris pour une soirée historique, organisée sur les quais de la gare que j'emprunte tous les matins, j'ai tenu à lier mon union avec Apollonia comme allaient le faire tous les autres.
Après quelques verres et retrouvailles avec mon groupe, nous nous sommes dirigés vers la grandiose location du soir.
Tout s'articule parfaitement, et nous sommes heureux d'être ensemble. Nous nous émerveillons du décor alentours et nous répétons qu' "avec un
taz ça va être magistral". Mes amis gobent, et j'amène mon
para aux toilettes, tenant cette fois à bien gérer ma conso. Il est pris par paliers en quelques dizaines de minutes.
Les pupilles de la foule autour commencent doucement à s'assombrir. Je crois que les miennes également, et j'enchausse mes lunettes. Mes jambes sont plus légères.
20 minutes plus tard. Les jambes ne sont plus aussi légères. J'ai enlevé mes lunettes depuis quelques minutes. Mes compagnons sont montés, et les caresses entre nous deviennent plus fortes.
1h passe. Catastrophe. Rien ne vient. Depuis que je l'ai pris, je ne fais qu'y penser. Je demande à mes perchés comparses quoi faire ; l'on me dit d'attendre. Je le fais. Nous nous aimons, nous dansons en nous tenant dans nos bras.
Des heures plus tard et je ne suis plus aussi bien. J'ai chaud, je commence à fatiguer, les gens se bousculent, j'attends toujours. Je suis frustrée. Mon pied qui guérit d'une récente entorse me lance. La musique n'a plus la même saveur, car je ne fais qu'attendre. J'essaie de me détendre ; mais c'est difficile.
Rien ne viendra, je m'y résous finalement, non sans amertume.
Ils ne vendent pas d'
alcool fort, j'engloutis donc une pinte en derniers recours, avec une rapidité qui m'est tout sauf coutumière. Sans surprise, elle n'aide pas à grand chose.
Ils sont beaux. Nous nous étreignons.
On me propose des amphét. Je refuse. Mais, putain, j'ai presque hésité. Je pense toujours à la montée, et je n'aime pas ça.
Je profite au mieux de cette soirée, malgré le goût amer que le
para inutilisé m'a laissé.
Il ne sert à rien que je reste très longtemps encore. A chaque mouvement de tête, chaque nouveau coin découvert, je me dis la sempiternelle phrase qui a rythmé ma nuit entière : "Ce serait tellement bien avec un
para". Je suis lasse, je déteste cette situation et je n'aime pas être presque incapable de penser à autre chose.
Quelques heures, un lever de soleil et un taxi plus tard, je suis blottie dans une couche de couvertures.
Lors du réveil le lendemain, je repense à cette soirée en souriant. Elle n'était pas si terrible, au contraire. Tout aurait pu être mieux encore avec une montée. Mais en fait, peut être même sans rien du tout. Je me rends doucement compte que si je n'ai pas pleinement vécu cette nuit, c'était à cause de l'attente. Car il m'est possible de le faire si je ne prends rien. Le fait que rien ne monte a simplement annihilé abruptement toute une dimension que j'avais prévue et croyais pouvoir atteindre, et c'est cette frustration, cette attente déshonorée de quelque chose, ce constant "pourquoi ça ne monte pas" qui tourne dans le cerveau comme une litanie, qui a provoqué le blocage ; pas la non-consommation.
C'est une semi-révélation, qui me paraÎt bien plus amère que la non-action des cristaux.
Les signaux de ces derniers mois sont équivoques. Cela ne vaut peut être pas tant la peine, si ma jolie D me gâche la soirée car elle ne veut pas s'exprimer.