Tout a commencé très simplement. Presque innocemment.
Je suis venue chez lui, comme cela était déjà arrivé quelque fois.
Je l’ai connu en post-cure. Lui était en séjour d’appui, en septième semaine quand je venais d’arriver.
Il était là pour l’alcool. J’étais là pour la
cocaine.
Nous avions assez peu parlé.
Mais assez pour qu’il m’apprenne qu’il allait venir dans ma ville, en appartement thérapeutique avec le
CSAPA du coin.
On avait échangé nos numéros, comme ca, très simplement.
Et puis, quelques mois plus tard, il s’est installé dans ma ville.
Et on a commencé à se voir.
Ce jour là ressemblait aux précédents.
Je suis arrivée chez lui.
Il m’a proposé une bière. Je l’ai ouverte, on a trinqué en se disant « N’as darovié » en se regardant dans les yeux, et puis j’ai commencé à boire.
On écoutait de la musique en papotant.
J’ai fumé une clope, et puis tu m’as proposé de fumer sur ton
joint.
J’ai tiré quelques lattes.
La tête m’a tourné.
Je ne me suis pas sentie très bien.
Quelques minutes ont passé, je ne sais plus trop de quoi nous parlions.
Et puis, je l’ai dit.
Ces quelques mots.
« J’ai envie de prendre de la
cocaine ».
Je pensais que tu allais me dire non, résiste.
Tu n’avais, toi, aucun problème avec cette drogue.
Tu m’avais expliqué que tu y avais déjà touché, mais seulement quelques fois, et dans un contexte bien particulier. Pour te battre. Pour des séances d’houliganismes.
Et seulement pour cela.
Tu savais que j’avais un problème d’addiction à la
cocaine.
Mais tu ne m’as pas résonné.
A ma grande surprrise, tu m’as demandé
« T’as un numéro ? «
En plein
craving, cette réponse m’a fait plaisir, m’a soulagé.
J’ai répondu que j’en avais un.
Je l’avais déjà utilisé deux ou trois fois. Encore assez peu.
J’ai envoyé un message, le mec m’a répondu aussitôt. J’ai envoyé l’adresse.
« J’arrive dans 10min ».
Ca m’a fait pensé à la première fois.
La première fois que j’avais commandé de la
cocaine toute seule, chez moi, en pleine journée.
Si simple. Si rapide.
Voilà, le mec arrive.
On a convenu que c’est toi qui payait, tu as du liquide chez toi, ça ne te pose pas de problème. Tu ne roules pas sous l’or, mais tu bosses et tu n’as pas de soucis d’argent.
On descend tous les deux.
Je vous présente rapidement.
« Histoire de », si jamais un jour tu veux le rappeler. Qu’il sache qui tu es.
Voilà, on remonte, le gramme en poche.
On l’ouvre et je commence à travailler le
caillou, à le réduire en poudre fine avec une carte sortie de mon portefeuille.
Je t’avoue que ce geste me plait, me détend.
Et puis voilà, je prend la première trace.
Aussitôt, je me sens mieux.
La tête qui me tournait avec l’alcool et le
joint revient dans son état normal.
Je me sens vraiment bien.
L’après midi passe.
On parle, on tape, on écoute de la musique.
On finit par faire l’amour.
Je ne me souviens plus de tout , mais cela reste un bon souvenir d’après midi sous les effets de cette magique poudre.
Les heures ont passé, il est l’heure de rentrer chez moi.
La nuit tombe. Tu me raccompagnes. On habite pas loin.
On a gardé chacun de quoi se faire une trace ou deux.
Je rentre chez moi.
Pendant la soirée, tu me demandes le numéro du gars.
Je te le donne. Je préviens le gars que je t’ai donné son numéro.
Tu me dis que tu vas le rappeler, car tu as jeté par inadvertance le petit sachet avec les deux dernières traces.
Je ne fais pas de leçon de morale.
Je suis très mal placée pour en faire.
Je réponds surement quelque chose de banal, quelque chose comme « ok », ou « bah mince alors ».
Je ne réalise alors pas que pour la première fois de ma vie, je viens de faire sombrer quelqu’un dans la
cocaine.
Tout a commencé très simplement. Presque innocemment.
Je suis venue chez lui; comme cela était déjà arrivé quelque fois.
On a passé un après midi à prendre de la
cocaine.
Quelques semaines ont passé. Et puis, nous avons décidé de nous revoir.
Par message, tu me demandes « J’appelle le gars ? »
Je consomme rarement, cette perspective m’enchante.
Je réponds « Oui, si tu veux. »
Je te dis que je participerai cette fois à la moitié du gramme.
Quand j’arrive, tu as déjà été livré.
Je te rembourse.
Je comprends alors que tu l’as déjà contacté plusieurs fois depuis que nous nous sommes vus.
Tu travailles beaucoup, avec des horaires compliquées. Tu te lèves à 4h le matin. Tu m’expliques que tu as pris l’habitude de prendre une trace le matin avant de partir au travail.
Nous passons un après midi semblable au précédent.
Sauf que cette fois, nous ne faisons pas l’amour. J’ai un copain maintenant.
Nous nous revoyons plusieurs fois.
A présent, on tape à chaque fois qu’on se voit.
Nos après midi à papoter autour d’une bière se sont transformés en après midi blanchis.
Et ils en sont devenus féeriques, hors du commun. Ils ont un
gout d’extraordinaires.
Pourtant, qu’y a t il de si extraordinaire ?
On sniffe de la poudre, on écoute de la musique, on parle, on fume des clopes, on boit de la bière ou du whisky.
On s’est rencontré dans un centre de désintox.
Ouais.
Rien de très extraordinaire là dedans, finalement.
Quand on regarde les choses de façon objective, c’est pas du tout extraordinaire, c’est juste un peu triste.
Les semaines passent.
Les mois passent.
Hier, il faisait beau.
Nous avions prévu d’aller sur les quais pour profiter du soleil .
Et puis tu m’as dit non « désolé mais je suis trop dans le mal ».
Tu n’avais pas le courage de sortir.
Je suis passée chez toi te voir.
Tu avais tapé un gramme pendant la nuit.
Assez ordinaire pour moi, qui n’ai connu que ca.
Mais pas pour toi, qui avait l’habitude de faire durer ton gramme sur plusieurs jours.
Tu m’avoues que tu as pratiquement consommé tous les jours depuis 4 mois.
Depuis, en fait, la première fois que nous avons consommé ensemble.
Tu as perdu ton travail depuis.
Tu cherches à bosser, mais tu n’y arrives pas.
Tu es inscris dans des boites d’intérim mais tu n’as pas le courage d’y aller.
Tu es endetté avec le dealer.
LE dealer avec lequel je t’ai mis en contact.
Il accepte de t’avancer , beaucoup.
Tu me dis que l’autre jour, il t’a même passé 50 euros pour manger.
Drole de dealer, quand même.
Je me demande si c’est un dealer foncièrement bon et rare, ou bien si ça fait partie de sa stratégie commerciale.
Il m’intrigue, ce dealer.
J’ai aussi des rapports particuliers avec lui.
Tu es devenu accro à la
cocaïne.
C’est clair.
Tout a commencé très simplement. Presque innocemment.
Je suis venue chez lui; comme cela était déjà arrivé quelque fois.
J’ai dit que j’avais envie de prendre de la
cocaine.
Et voilà.
Il n’avait pas de problème avec ca.
Aujourd’hui il en a un.
MERDE.
C’est dur de se rendre compte que cette fois, c’est moi la mauvaise personne.
La mauvaise fréquentation.
On raconte souvent « un jour, un ami m’a fait testé cette drogue … »
« A cause de telle personne, je suis tombée la dedans … »
Mais parfois, il arrive que ce soit nous la cause d’une dépendance.
Putain. .
Qu’est ce que je m’en veux d’avoir ce jour là dit « J’ai envie de prendre de la
cocaine ». Qu’est ce que je m’en veux de lui avoir donné le numéro de ce gars.
Il est en pleine déchéance.
C’est triste. C’est dur à voir.
Et d’autant plus quand on a participé à tout ca. Désolée si ce post fait un peu parole au confessionale pour soulager sa mauvaise conscience mais j avais besoin d en parler.
Tout a commencé très simplement. Presque innocemment.
Comme toujours.