Catégorie : Témoignages - 07 septembre 2015 à 12:36
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Dernière modification par Jean Croisier (08 septembre 2015 à 16:53)
Jean C a écrit
Il y a quand même une ou deux questions que j'aimerais te poser: Actuellement, ce genre d'étiquetage ne te touche plus, mais cela a-t-il toujours été comme ça? Penses-tu que, par le passé, cela a eu un impact sur la manière dont tu te percevais ou/et sur tes opportunités de participer à la société (emploi, logement, etc.)? As-tu acquis cette étiquette avant ou après avoir été réellement dépendant physiquement au produit (symptômes de manque)?
Il y a quelques situations merdiques liées à mon statut de tox, notamment pour trouver un appart quand je suis sorti de cure. C'est par l'intermédiare du service de probation que j'ai signé un bail à loyer. Toxicomanie et délinquance sont indissociables dans mon parcours, je ne savais pas ce qui était le plus stigmatisant entre les deux étiquettes, ou si ça formait un tout.
J'ai commencé à travailler dès ma sortie. La phase préalable de postulation, puis d'entretien d'embauche, a été angoissante et stimulante à la fois. J'exerce un métier dans un domaine particulier, présentation du casier judiciaire à tout nouvel employeur, ce qui m'impose d'aborder honnêtement ma situation. Contre toute attente, ça s'est bien passé et m'a permis de relativiser le truc.
J'ai obtenu mon brevet fédéral quelques années plus tard et ai bien réussi professionnellement, présenter mon casier me permet d'évaluer mon interlocuteur, je n'entre pas en matière si ça le dérange. Idem dans les autres domaines de ma vie.
Si j'ai acquis cette identité avant/après ?
C'est complexe et ambigü, je vois deux questions bien distinctes. L'identité et le cheminement pour l'obtenir.
Il faut être tox pour qu'on être identifié en tant que tel (sans m'attarder sur les nuances et les interprètations innappropriées). Je ne vois pas comment j'aurais pû m'identifer de la sorte avant d'avoir atteint un seuil minimum de conso, d'usage de matériel de conso, de fréquentation du milieu. Et comme je l'ai déjà dit, c'est avant tout par les autres que j'en suis venir à m'identifier ainsi. Avant d'être Jedi, un padawan être il faut.
Le cheminement, ou la causalité...Je ne suis pas devenu tox pour fuir l'horreur de ma vie ou pour supporter de la continuer. C'est une suite d'opportunités qui m'a mis en présence de drogues, les essayer c'est les adopter.
J'ai grandi dans des conditions assez trash, le résultat n'est pas un modèle d'épanouissement et d'équilibre. Mais à l'époque ça n'était que ma normalité, la maltraitance ne fait souffrir qu'à partir du moment qu'on en a conscience. A quinze ans j'ai eu la chance de commencer un apprentissage dans un domaine qui m'a passionné et motivé à obtenir un CFC. Au même moment, j'ai commencé à cotoyer des milieux que les braves gens s'appliquent à éviter. De petits délits à de gros traffics, d'actes plus graves à des traffics organisés, j'en suis arrivé à faire ce pour quoi j'étais doué.
En jugement, à la question suis-je un délinquant qui s'est drogué, ou un drogué qui a commis des délits pour ses doses, mon avocat a fait du bon boulot et m'a obtenu l'article 44. Moi je sais que c'était l'inverse, mais la résultante reste la toxicomanie.
Mais ça implique d'être considéré et traité parfois comme de la merde, et ça ça fout la haine durablement.
J'ignore qui je serais aujourd'hui si j'étais venu au monde dans une famille bienveillante, je ne me pose pas la question car je ne le saurai jamais, et aussi parce que je m'en fous. J'ai aimé vivre comme j'ai vécu, je ne referais pas certains trucs avec le recul, mais il est clair que mes jeunes années m'ont données l'impression que même le pire pour d'autres, ça sera déjà le meilleur pour moi.
Depuis j'ai appris qu'il existe d'autres choses encore meilleures et n'ai plus cessé d'aspirer à mieux sans risquer le pire. Ce que pensent les autres, je m'en tape le cul parterre depuis belle lurette, tout en tenant compte des avis de ceux qui me sont chers.
C'est un peu brouillon, ça condense plus de 25 ans de ma vie. Je pense que l'enfance conditionne notre façon d'apréhender le monde, mais qu'on peut changer ça tout au long de notre vie. Et la toxicomanie n'est pas la pire des conséquences puisque les drogues génèrent des formes de bonheurs, peu importe qu'ils soient artficiels, ils sont vécu comme réels. Moi je plains ceux qui sont malheureux, ou qui ont une vie merdique, sans possibilité de s'oublier pour un jour ou pour toujours.
Ah oué, cool tes photos du Letten et
d'autres endroits que j'ai fréquenté à l'époque. Le monde est petit, le monde est stone!
Jean C a écrit
Quand tu dis "il faut être tox pour être identifié en tant que tel", qu'entends tu par "être tox", consommer de l'héro ou être dépendant à un produit?
Le produit importe peu, j'emploie le terme héroïnomane dans certains contextes, pour définiri ma drogue de choix. On vit dans un monde qu'on cause n'imprte nawak, la faute à une kyrielle d'abus de language siècles après siècles.
La définition toxicomane, étylogiquement parlant, ne signifie pas consommateur de drogues. Qu'est-ce qui différencie un pharmacodépendant d'un UD friand de RC ? Une ordonnance médicale ?
Tox pour être identifié/cataloguée en tant que tel, je dirais qu'à l'époque il y avait quelques critères, dans mon cas, tels que ; avant bras marqués, matériel d'injection en poche, teint pâle, cernes, présence fréquente des lieux de zones, etc.. Comme je l'ai dis, lorsque les stups connaissent ton nom, quand tu te réveilles aux urgences because le narcan, et surtout(je sais pas dans quel ordre), quand tu te sens à l'aise en pleine zone, parce eux c'est toi.
Je ne suis pas motard, je ne me suis jamais identifié ainsi et n'ai jamais été pris pour un motard. Pas l'équipement, pas le vocabulaire, rien qui m'y faisait ressembler.
J'ai été parachutiste, je le suis devenu au moment où j'ai sauté de l'avion, mais peut-être qu'aux yeux des badauds qui étaient dans le périmètre de la DZ j'étais le gars qui faisait ça depuis des années. J'utilise cet exemple pour la raison particulière que les gens te voient para quand tu es équipé, mais l'ignorent s'ils te voient dans un autre contexte. Mon identité n'est pas ceci ou celà , une identité est un tout composé d'éléments qui ont beaucoup, ou aucun rapports les uns aux autres. Une mozaïque ne ressemble à rien vue de près... Quand j'étais jumper, je travaillais en semaine, je sortais, je voyagais, je faisais la noce, etc, etc, mais la première chose que je faisais quand je sortais de chez moi était de regarder l'état du ciel,
Tox c'est moins diiscret, t'as ton matos sur toi 24h/24h. Aujourd'hui je suis UD, je ne m'identifie plus tox, mais le serais sûrement à la lecture de mes consos. J'aime le mot toxicophile, que j'ai lu sur ce forum. Toxicoraste est plus adéquat, mais par étylogie psychoraste se rapproche du correct.
Sachant que peu de PSYCHO te donneront la même définition, et que pour les néophytes j'étais peut-être un gros tox dès mon premier joint, le sujet est vaste. Rajoutes-y un élément capital, l'évolution personnelle de l'image de moi et du crédit donné au regard des autres.
J'ai pas de photos de l'époque, juste un portait face/profil que j'ai gardé. 1994 case prison. Du Letten on a dit tout et n'importe quoi, il n'y avait pas de rats pendant la journée. Les habitués préparaient les shoots à qui tremblait trop, un caddie et une planche serant comme bureau/gichet. Ils gardaient les filtres en échange. Leur slogan était : Wer wot coki für es cocktail ? Avec l'accent. C'était un endroit tranquille quand la Langstrasse était pleine de flics. Comme Berne ou Soleure en plus trash, parce la loi et les gens n'y entraient pas. L'anonymat de la foule et la défonce, je sais pas si j'aimerais ça aujourd'hui.
Il me semble déceler une pointe de nostalgie quand tu parles de tes trips d'antan, plus softs avec le temps. Je sais pas si notre seuil de tolérance augmente. Ma solution a été d'innover, d'alterner et de mélanger. Je ne peux pas te suggérer ceci, parce que tu as une famille au contraire de moi. Je sais que le mélange LSD/MDMA
fait des merveilles, et te laisse intact au réveil. Intéressant ton histoire. Et sujet à réponses multiples!
Jean C a écrit
Tu as raison, l'identité d'une personne peut varier souvent, même dans une journée, car suivant dans quel contexte on se trouvera, les gens ne nous percevront pas de la même manière et nous ne nous présenterons pas non plus de la même manière lorsque nous nous retrouvons avec des types de personnes différentes. Néanmoins, quand on est porteur d'un stigmate (des marques visibles qui feront que les autres personnes nous assimilerons immédiatement à tel ou tel groupe de personnes, c'est beaucoup plus compliqué. En outre, quand on a une étiquette de drogué, dans sa communauté, (son village, son quartier, sa famille...), c'est très compliqué d'avoir une autre identité: l'étiquette de drogué ou de toxicomane devient un statut et aux yeux de la plupart des personnes de la communauté, son identité se résume à cela...
Un Valaisan adulte est soit alcolo, soit alcolo et toxico. Pour nous, tu nr vaux pas moins que tes voisins. Merci de te montrer plus mature que moi et ne pas me renvoyer les stéréotypes des bernois en pleine gueule hein!
J'ai eu passé du temps en VS et sais qu'on ne s'y fond pas dans la masse si on est natif, mais j'en déduis que dans l'ensemble tu y vis bien. J'ai ne suis pas retourné vivre à Bienne après ma cure, ça aurait emmerdé la famille, puis moi par extension.
Je conclus en me répétant : je m'en tape le cul par terre de comment ou quoi je suis dans la tête des gens. Parce que comme tu le soulignes fort à propos, une parole, un acte ou un objet ou habit sert de top départ à la distribution d'avis. Difficile à garder pour soi, exprimé inutilement. Etre perméable c'est de l'énergie qui s'évapore.
En janvier, à l'essai, j'ai opté pour une source alternative de revenus, J'en parle très peu, quand je me sens d'humeur taquine. Mon travail, c'est un vice, une dépendance qui confirme le reste. Les 52 cartes du hold'em. Les thunes on ne me demande pas souvent, mais jusqu'à combien d'heures par jours, quelle fréquence et si j'ai encore le contrôle de moi, à savoir m'arrêter quand je veux. La vérité, c'est que non, et sans avoir le temps de dévelloper je capte certains regards dépités. Comment faire autrement que s'en taper (j'évite le cul par terre avec ces gens :-) , le mode tournoi s'arrête quand il ne reste qu'un joueur. Une identité de quoi dans le fond, si tu sais que la carte se joue ou se jette.
Et je confesse qu'en plus, on m'a pris pour un con, paraiît qu'on l'est toujours un peu selon la rumeur. Ta quête d'identité sera le profil d'un schizo dont chaque personnalizé est schizo. Légion est leurs noms. Faut que je retrouve un texte, "Nous les quelques-uns qui"
Atchô
Dernière modification par Jean Croisier (22 septembre 2015 à 09:27)
Jean C a écrit
Similana,
Je ne suis pas en quête d'identité: j'ai fait le choix de m'afficher tel que je suis parce que ça ne m'allait pas de jouer constamment un rôle, surtout quand j'entends des personnes qui ont des propos irrespectueux envers les usagers de drogues.
Et actuellement, ce que les gens pensent de moi, je m'en tape le cul par terre
Loin de moi cette idée, ça ne m'a pas effleuré l'esprit une seule seconde. Une quête d'opinions ou d'avis d'autres personnes sur le sujet, ton blog questionne à ce sujet. Je ne suis pas toujours clean & sober quand j'écris sur ce forum, si je t'ai donné cette impression dans mes écrits, c'était pas pas mon intention.
Pour revenir à ce que tu dis au sujet de l'enfance, j'ai devellopé le même ressenti que le tien. Plus précisément, c'est ce qu'on s'est acharné à m'enfoncer dans le crâne de diverses manières. Je n'aime pas aborder mon contexte familial par écrit, mais dans les grandes lignes il y a eu les années où mes parents étaient dans une secte, il y a eu les politiciens qui font que porter mon nom a été plus un handicap qu'un avantage, il y a eu le reste qui te fait te sentir en marge et pas normal. Pas normal comme pas dans les normes, je ne me suis jamais senti anormal. A décharge de mes géniteurs, ils n'ont fait que reproduire ce qu'ils ont vécu, ils sont plus à plaindre qu'à blâmer.
J'ai appris à correspondre à l'image qu'on attendait de moi quelque soit la situation, pas dans le but de plaire, mais dans le but de ne pas prendre de coups et d'éviter divers tracas. Je n'ai pas dévellopé des personnalités multiples genre schizo, c'est pas moi qui ai eu ça, mais la finalité reste mal équilibrée.
Par contre je refuse d'en conclure que c'est parce que j'ai été abîmé trop tôt que je suis tombé dans la drogue. J'y suis venu par hasard, et y suis resté parce que j'aimais ça.
Dans ma vie d'adulte, je faisais attention à mon image dans certaines situations professionnelles. Dans les salons horlogers je m'adapte aux codes vestimentaires, le reste de l'année j'impose le mien. Mais là aussi je suis hors norme, parce que j'exerce un métier rare et recherché.
Je ne me cache pas d'être un drogué, mais n'en fait pas étalage non plus. Et pour citer un de mes auteurs préféré, je suis un vieux foeutus usé, la vie m'aura servi de leçon ; je ne recommencerai plus.
Jean C a écrit
Ou peut-être que, comme le dit si bien Gilles Deleuze, nous sommes tous un peu déments et que c'est le petit grain de démence que tout le monde a qui fait notre charme. Mais si être humain, c'est être dément, alors pourquoi nous sentons-nous obligés d'appeler ça de la démence?
Je remarque que Gilles Deleuze a souvent été cité en exemple sur psychoactif sur des sujets plus ou moins récents. Je vais surement m'intéresser un peu + à cet attachant personnage
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